« Où suis-je… »

Ces mots n’étaient pas sortis de la bouche de Caleb mais ceux çi s’étaient inscrits sur sa main, qu’il fixait du coin de l’œil, puis son regard se recentra sur tout ce qui l’entourait, ce lieu inconnu, entouré de miroir et de photos où il pouvait voir son visage se contorsionner de différentes façons. Tout un pan de sa vie regroupé dans une même pièce, éclairé par une lumière rouge. Mais un pan de la vie d’un démon, c’est très long… Encore plus lorsque celui çi avait été un ancien elfe. Ayant vécu aussi, de nombreuses vies.

De l’elfe, il ne lui restait plus grand-chose. Pas après toutes les tortures qu’il avait subi, à cause des démons, ogres et autres créatures détestables de la forêt. Il en était allé de même pour les elfes qui l’avaient retrouvé par la suite. Une deuxième forme de douleur.

Il voit sa naissance, son corps tout frêle, et ses cheveux blonds déjà bien brillants, il voit son lit porté par les elfes, puis il se voit bénir par toute sa famille, suivant la tradition de la nature, et les anciens sorts ancestraux.

Il voit son enfance marquée par les jeux et les rires. Il voit son adolescence, et les photos de ses multiples conquêtes et alors il se voit lui. Jeune, une large tunique bleu foncé sur ses épaules, ne lâchant presque jamais son arc. Ses cheveux blonds descendant largement en dessous de ses épaules et son teint pale. Ses yeux bleus, lui assurant une vue parfaite la nuit. Son corps fin, en attente avec les êtres de sa race.

Et puis il voit la jalousie. Le piège qu’on lui tend, mais qu’importe, il n’en sortira que plus puissant. Il voit les tortures, et il sent sa colère. Sa colère contre le passé. Mais aucun sentiment de vengeance car il l’a déjà eu. Ses profondes cicatrices sur son visage, qui se sont refermés ou ont disparu pour certaines. Son regard se détourne des photos sur le mur pour voir qu’il est en tenue d’apparat. Son armure d’acier brille, ses couches d’or sur le métal scintillent… Il enlève son masque et se regarde dans le miroir. Trop de traces visibles encore. Il cache très souvent son visage sous un masque pour cacher sa nature elfique. Sa taille est à peu prés égale à celle du miroir devant lui, 1mêtre 80 environ… Mais de ses cheveux blonds, il ne reste maintenant même plus la couleur, car avec le temps ils sont devenus noirs. Couleur du charbon qui brule. Couleur de la tristesse.
Il regarde son masque posé dans sa main. Un masque blanc qui porte des traces de cicatrice dessus, mais qui semble conserver toute sa pureté malgré tout... Quand il le porte, on se rend compte tout de suite qu'il a un masque, mais pour autant personne ne lui a jamais demandé de l'enlever.

Il attrape une photo d’une de ses compagnes et la déchire en plusieurs morceaux, puis la jette au sol.

Une porte s’ouvre dans la salle rouge. Il y pénètre, et après un léger couloir, entre dans une autre pièce, qui ne s’éclaire pas. Derrière lui, la seule source de lumière cesse d’exister lorsque la porte se referme, et il plonge maintenant dans le noir. Le noir le plus complet. Un noir que même ses yeux d’elfes, pourtant habitué à voir parfaitement la nuit, ne peuvent traverser. C’est une curieuse sensation, une sorte d’impression où l’on pense que tout s’effondre devant nous. Pas d’oiseaux, pas un seul bruit, pas un seul animal. Juste…

Ses voix.

« Bienvenue, Caleb. Démon. »

Il reste dans le silence, ne daignant même pas répondre à des voix qui ne veulent pas se faire voir. Pas de visages, pas de réponses.

« Pourquoi agis-tu de façon aussi mauvaise dans les longues années, de ce qu’on peut appeler ta vie ? »

« Montre toi ! Voix sans visage ! Lâche parmi les lâches, si tu désires une réponse de ma part, viens m’affronter, et je pourrais peut-être parler. Mais à quelqu’un qui ne montre pas son visage, je ne dirais rien. »

« Il n’y aura pas de visage, que ce soit pour toi, démon, ou pour le plus pur des anges, je suis immatériel. Et tu devras faire avec, sous peine de rester ici tout le long de ta misérable existence. »

Caleb garde le silence. Mais dans sa tête, il sent son esprit qui se remplit de pensées amères. Il n’a jamais aimé la perspective qu’une entité soit au dessus de lui, et lui soit supérieur. Et un être immatériel, ne peux pas être tué facilement… Voire pas du tout.

"Soit ! Je vais donc y répondre. J’ai mené une vie de sang, une vie de magie, une vie à semer la terreur et j’ai adoré ça. Ce qui pour vous est le summum de la cruauté, pour moi, ce n’est rien de plus que tout ce qui me semble le plus vivant sur cette terre. Faire couler le sang. Faire pleurer. Et essayer de se hisser à la hauteur des plus grands."

« Pourquoi suis-tu toujours Norui, à distance, loin des mers ? »

« Norui… Disons qu’elle est un trophée de choix. Et j’aime bien m’attirer la colère du seigneur des mers, pour… avoir un ennemi valable de temps en temps. »

« Pourquoi as-tu trahi ta race ? »

« Ma race ! Ma race ! Je n’ai plus de races. Ce sont eux qui m’ont trahis. »

Caleb bouillonnait de colère, comme cela lui arrivait souvent. Les sourcils plissés sous son masque qu’il avait revêtu, depuis son entrée dans la pièce, comme une protection.

« Comptes tu continuer ainsi dans la voie du mal ? »

« Oui. A jamais. »

Puis les voix se turent. Caleb resta immobile, à tenter de guetter le moindre son qui pouvait provenir de nulle part. Peut-être même une porte qui s'ouvre, prête à l'ammener à la prochaine étape.

Les voix se taisent. Seul le noir reste, laissant Caleb dans l’incertitude. Presque dans une peur profonde, dû à l’inconnu. Soudain une lueur se dévoile juste en face de lui. Semblable à la lueur que voient les humains lorsque la mort les a frappé… Où la lueur qu’il espère voir avant que Caleb mette fin à leurs jours de manière plus que brutale. Ne voyant cette clarté que comme la fin de la pénombre, il s’y enfonce sans peine. Le temps passe. La salle noire est remplacée par une salle blanche, baigné de lumières. Son regard se baisse, car il sent quelque chose sur ses chevilles… De l’eau. Serait-ce le seigneur des mers qui lui joue une plaisanterie absurde ? Il aperçoit les galets au sol. Cette pièce respire le bien être, ce qui le met mal à l’aise. Sans être caricatural, disons qu’il aime les belles choses, mais pas ça… Du coin de l’œil, il aperçoit soudain un reflet dans l’eau, qui l’attire. Il marche lentement, prenant soin de surveiller tout ce qui l’entoure, afin d’être sur de ne pas tomber dans un piège.
Puis la lueur augmente, et des images apparaissent sur l’eau. Des souvenirs du passé… De sa naissance, à son présent, tout ce qui a été durant cette période, se reflète maintenant dans l’eau.

Un autre flash de lumière et tout semble prendre tout son sens. Tout suit maintenant une certaine chronologie. Sa naissance au début. Née Elfe, vivant démon. La recherche de l’amour de la nature n’était pas pour lui. Sa naissance dans la très vieille forêt où vivait sa race, était le seul moment ou il s’était senti elfe. Un moment de sa vie où il n’était pas encore apte à penser et où il n’avait pas encore la moindre idée de tout ce que pouvait apporter le coté de la magie sombre…

Sa jeunesse et son adolescence se passèrent le plus normalement possible… Pour un amateur des choses faciles, et dans une période, où les ennemis n’en étaient pas vraiment et ne constituaient pas une vraie menace. Ils étaient balayés à coup de flèches. On pensait pouvoir vivre en harmonie… Mais les apparences étaient souvent trompeuses.

Caleb, alors elfe à l’époque, chassait des animaux avec un autre jeune elfe, dont le nom est depuis longtemps disparu de sa mémoire. Tout était normal, lorsqu’une horde d’ogres leur est tombé dessus. Une attaque rapide, ils avaient peu de chances d’en sortir vivant… Ce fut le cas pour le deuxième elfe, en revanche Caleb n’avait été qu’assommé. Mais ils l’ont conduit dans leur repère, où… Ils l’ont torturé.

Caleb observe les images au sol et voit les longues heures de torture qu’il a subi. Le fait de se voir torturer, comme s’il n’était qu’en face, le met dans la position d’un spectateur invisible. Il n’applaudit pas, il ne hue pas. Il ne fait qu’observer sans jamais interférer. Et se voit souffrir…

Quelque chose le libère, ses yeux ont trop souffert pour qu’il puisse voir son libérateur. Mais qu’importe, il fuit la caverne et repars vers sa forêt, avertir les gens de sa race. Sur le chemin, il tombe au sol et voit son reflet dans une flaque d’eau. C’est alors qu’il découvre que son visage n’est plus vraiment le même. Torturé, il est couvert de cicatrices. Sa nature elfe finira par les guérir, mais au bout de combien d’années…

Arrivé vers son peuple, ceux çi ne l’ont plus reconnu et l’ont même pris pour un ennemi des elfes. Alors ils n’ont pas écouté ses avertissements concernant la horde ennemie, mais ils l’ont chassé à leur tour.

Il a fui pendant quelques temps.

Tout ce temps là, lui a permis de découvrir tout ce que les elfes ne désiraient pas que l’on sache. Tout ce que, sous couvert de leur immortalité, ils ne désiraient pas que leur race apprenne. Les grands pouvoirs obscurs… Il apprend la magie noire. Il apprend à faire souffrir. Son visage meurtri devient le reflet de ses actes. Et puis un jour, alors qu’il apprend la magie noire, il découvre une page caché dans un livre de sorcellerie. Il s’agissait d’une invocation d’un très vieux démon…

Chaos. L’invocation même d’un dieu…

Sans trop y réfléchir, il accomplit le rituel. Une longue discussion a lieu, durant laquelle Chaos finit par lui demander quelque chose en échange d’un pouvoir plus puissant encore, que celui du plus ancien des elfes. Il accepte, et signe ce pacte. Il ne se doutait pas qu'en fait, le rituel n'avait rien à voir avec l'apparition de ce dieu, car Chaos est venu de lui même, pour sans doute, ajouter Caleb à son échiquier...

Toujours est-il que Chaos lui a donné certains pouvoirs, et grâce à ces mêmes pouvoirs, et à son ambition sans faille, il a combattu l'ancien prince des demons, et une fois mort, il a pris sa place, obtenant ainsi tout les pouvoirs de son prédécesseur... Devenant ainsi le prince des démons, craint et respecté. Du moins par les démons terrestres sur lequel il gouverne.
Et depuis il parcourre le monde à la recherche de toujours plus de puissances, ses derniers pas l’ayant arrêté sur un chemin de terre, où il s'est endormi. Et maintenant, il se retrouve ici, dans ce lieu...

« Si c’est fini de me montrer mon passé, j’aimerais bien accéder à mon présent maintenant. Et que ce soit la fin de cette mascarade… »