Le matin, Tibère aimait à s’éveiller lentement, s’étirer doucement, être au calme, tout ça. C’est donc tout naturellement qu’il s’apprêta à se retourner entre ses couvertures toutes chaudes et… non. En fait de couvertures, il était sur un sol dur et plutôt désagréable. Il ouvrit lentement les yeux. Rouge. Tellement de rouge qu’on aurait pu appeler ça une agression.
Un peu étonné, Tibère sauta sur ses pieds et se retrouva face à une armée de photos de lui-même, accrochées aux murs. La curiosité l’emporta sur l’inquiétude et il avança vers le mur d’une démarche chaloupée.
Lui, enfant. Seul, bien sûr, comme souvent. Il avait une épaisse chevelure brune, déjà bouclée et assez longue. Des yeux bleus et un étrange sourire. Tibère avait beaucoup de sourires à sa disposition, la plupart témoignant d’une santé mentale défaillante. Tiens, comme celui-là, sur une photo où il était adolescent. Qui avait pu prendre cette photo ? Il était dans la rue et souriait au photographe, d’un sourire sadique et proprement révoltant sur un garçon de son âge.
Se détournant de la photographie, Tibère éclata d’un rire hystérique. D’après les photos, c’était vers 12 ans qu’il avait commencé à avoir l’air vraiment louche. Avant, il pouvait encore passer pour le mignon petit garçon qu’il n’était que physiquement. Plus tard, quand la lueur folle de son regard avait pris de l’ampleur, ça avait été une autre affaire. Pourtant, il n’avait jamais eu de mal à se faire des amis : il y a toujours des gens fascinés par la folie. Surtout quand elle se couplait avec cette séduction inconsciente qu’il exerçait sur les gens. Tiens… Tibère toucha du doigt une des photos : elle le montrait avec une fille, il était en train de lui parler avec animation, les yeux brillants. Il ne se souvenait pas de cette fille, il ne se souvenait jamais de personne.
Beaucoup de photos le montraient en train de se battre. Tibère adorait se battre, il en gardait d’ailleurs des traces. Sur les images qui le montraient après 17 ans, quand il était torse nu, il arborait un torse sec, presque maigre et surtout marqué de traces de coups, d’anciens bleus et autres cicatrices. Ça ne guérissait pas. Peu importe.
Il y avait aussi un miroir. Tibère s’en approcha, observant dans son reflet sa démarche toute en hanches qui roulent, provocatrices. Se retrouva juste face à la glace et salua son image à voix haute, faisant entendre une voix bien modulée, presque raisonnable. Presque. Maintenant, ses boucles brunes lui arrivaient aux épaules. La folie était tout simplement indéniable dans son regard clair, limpide. Son sourire était cette fois insolent. Il portait des habits simples, pas besoin d’être extravagant quand on se faisait autant remarquer que Tibère.

Tibère écarquilla un peu les yeux en voyant son propre reflet se mettre à agir. Se frapper d’une clef devenue comme une arme. Il gloussa nerveusement, surpris. Le sang se mit à jaillir, hypnotisant un Tibère fasciné.
Quand enfin le spectacle se termina et que l’ouverture s’ouvrit, il hésita imperceptiblement devant la porte noire, incapable de discerner ce qui était devant lui. Mais il avança, bien sûr, il n’allait pas se dégonfler.
Au moment même où il entra dans la pièce, toute lumière disparut, le laissant dans le noir le plus complet. Tibère fit résonner l’obscurité d’un éclat de rire et c’est à ce moment que les voix s’élevèrent en une avalanche de reproches.
Tout y passa : sa manie de provoquer les gens, de les tester et de les pousser à bout. Son infidélité chronique. Son sadisme certain. Sa cruauté gratuite. Sa folie pyromane. Et cette certitude d’avoir tous les droits, y compris celui de donner des ordres à n’importe qui.
Tibère les écouta un peu, puis finit par lâcher un rire simplement monumental qui couvrit les mots. Peu importaient tous ces défauts. Peu lui importait, Tibère était sûr de lui et de ses actes, et tant pis si il n’avait rien de logique ou de sympathique. Les gens le détestaient, le craignaient, le critiquaient. Certains l’aimaient parce qu’il possédait tout de même un charisme certain et qu’il était, avouons-le, d’une intelligence brillante. Et aussi parce qu’avec lui, on ne s’ennuyait jamais.

Il avança en lâchant une série de ricanements dérangeants. Invisible dans l’obscurité, il agitait les mains et souriait gracieusement.
Les voix continuaient :

« Tu es fou à lier. Tu es violent et on devrait t’enfermer plutôt que te laisser sévir. Tu finiras par te faire tuer. Sadique ! Monstre ! La prison ne t’a pas suffi ? »

Tibère rit un peu, baissa la tête. Quand il la releva, il affichait son sourire des grands jours, celui qui faisait reculer à peu près tout le monde. Son regard flamboyait d’un amusement cruel et il montrait les dents.

« Allons… Au moins, je mets de l’animation, hein ? Est-ce que c’est de ma faute si on a pas le même humour ? »
« Personne n’a le même humour que toi ! Tu fais peur aux gens. »
« Il y en a qui m’aiment. Moi je m’en fous. »

Il s’agita soudain, crispa les muscles de son dos et serra les dents. Parfois, Tibère avait des accès de rage inexplicables. Des sursauts d’énergie, des besoins de se dépenser. Dans ces moments-là, il se battait. Ou il faisait l’amour, disons que ça dépendait du partenaire disponible (bien que le sexe du partenaire en question ne soit pas vraiment le critère déterminant pour faire le choix entre les deux solutions).
Cette fois, il poussa un véritable hurlement. Finit en gloussements hystériques et lança, moqueur :

« Si je suis si dangereux, arrêtez-moi ! »

Au moins, Tibère avait le sens du défi. Qu’ils viennent ! Et là il pourrait jouer. Parce que pour lui, les relations avec les autres, c’était comme un jeu. Tester les réactions, provoquer, jouer avec leurs nerfs et leur frayeur. Le meilleur moyen de l’intéresser, c’était de lui faire des reproches ou de le menacer. Là, il pouvait faire n’importe quoi pour le simple plaisir de mettre l’autre en rage et de pouvoir lui en coller une.

Cette fois Tibère n’hésita pas une seconde. Il s’engouffra dans l’ouverture et repéra immédiatement l’eau sur le sol. Ça clapotait doucement, ça avait un petit air d’inexplicable, il appréciait. Il apprécia d’ailleurs encore plus en voyant la surface de l’eau se mettre à miroiter. Se transformer et se changer en une image mouvante.

Lui, tout gosse dans la rue de ses parents. Enfin, de sa mère et de sa grand-mère. Son père était parti vite. Le mot qui venait à l’esprit de Tibère pour qualifier sa mère, c’était « épuisée ». Fatiguée de tout, de la vie, de la galère, de son fils incontrôlable. Il devait avoir 10 ans, là. Il courait en rigolant et vu la vitesse à laquelle il allait, il avait dû faire encore une belle connerie.

L’image évolua et devint vite autre chose. Il avait 18 ans, à vue de nez. L’époque à laquelle il avait quitté sa mère et s’était installé chez des amis. A ce moment-là, il se sentait le roi du monde. Il faisait pas mal de bêtises, se dispersait et faisait la fête. Il découvrait tout. Il avait besoin d’argent, aussi, alors avec deux mecs il avait monté un trafic d’œuvres d’art. Il faut dire que la ville où il vivait à cette période était plutôt réputée pour ses artistes et ses œuvres se vendaient à prix d’or. C’était tellement simple… Il suffisait de s’introduire la nuit dans les locaux, de ne pas avoir peur, de prendre ce qu’il fallait et de tout revendre discrètement. Les contacts ne manquaient pas.

L’image changea encore, le dévoilant avec les deux types qui étaient avec lui dans le trafic. L’un des deux, David, était très agité. Tibère comprit que c’était le jour où tout s’était écroulé. Ils avaient été repérés par un mec qui menaçait de les dénoncer à la police. David avait paniqué, étrange quand on pensait qu’il était plutôt le cerveau du groupe. Bref, il avait tué le type, et à partir de là ils savaient tous les trois qu’ils allaient se faire arrêter. David avait fui. Claude, l’autre compagnon de Tibère, un junkie un peu paumé, avait voulu se faire un petit fix pour oublier tout ça et avait un peu trop chargé la dose. Pour finir, il n’était plus resté que Tibère comme proie pour la police.
Il avait un alibi en béton pour le meurtre, mais bien sûr il avait participé au trafic. Verdict : 14 mois de prison ferme. Ce n’était pas tant que ça, dans l’absolu, mais suffisamment pour faire vaciller encore plus sa raison. Et les 14 mois s’étaient transformés en 18, puis 22, face à sa mauvaise conduite et sa violence incontrôlable.

La dernière image qu’il vit fut celle du jour de sa sortie de prison. Il y avait passé un peu moins de deux ans. Il avait atrocement maigri, se traînait avec ses affaires et son dos raide. Mais ses yeux brillaient, ses yeux brillaient toujours.
Il était retourné en ville, s’était installé sur l’île de Lan Rei et avait essayé de reprendre une vie normale. Enfin, aussi normale que possible pour un gars comme lui. Maintenant, il avait 21 ans, un cerveau dérangé et la vie devant lui.

ha bah ça oui, j'me suis motivée aujourd'hui ^^
(et puis bon, je le connais bien mon Tibère, alors je réponds toujours très vite)
en tout cas, le forum me plaît déjà !

Bienvenue! Les fous sont toujours bienvenue!

Bienvenue a toi jeune homme =D