Aïklando
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"Homme libre, toujours tu chériras la mer !"
"La mer enseigne aux marins des rêves que les ports assassinent."
"La sagesse, c'est d'avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu'on les poursuit."
"Il est des moments où les rêves les plus fous semblent réalisables à condition d'oser les tenter."
"Le voyage est une suite de disparitions irréparables."
"Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil."
"Dieu nous rêve. S'il s'éveille, nous disparaissons à jamais."
"Nous trouverons un chemin... ou nous en créerons un."
"Le rêve de l'homme est semblable aux illusions de la mer."
"Il n’est pas de vent favorable, pour celui qui ne sait pas où il va…"
"Il y a trois sortes d'hommes : les Vivants, les Morts, et ceux qui vont sur la Mer."
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 Élément déclencheur

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Balsa
=Aïkologue=

Balsa


Nombre de messages : 3675
Métier/Fonction : Conteuse

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MessageSujet: Élément déclencheur   Élément déclencheur EmptySam 09 Oct 2010, 01:03

Spoiler:


La jungle après un orage était comme une éponge : gorgée d’eau. La pluie s’infiltrait partout et gonflait le bois, détrempait le sol, luisait sur chaque rocher. La forêt avait revêtu un manteau de brume qui la rendait froide et humide. Les odeurs animales et végétales étaient couvertes par celles de l’humus et de la boue. Au-dessus de ce monde, de lourds nuages noirs étouffaient la lumière du soleil qui, indifférent, descendait derrière les montagnes sans avoir chatouillé de ses rayons la moindre parcelle de ces terres depuis qu’il s’était levé.

Il va faire froid cette nuit, il fait déjà froid… allumer un feu…

Recroquevillée dans une cabane de fortune, dont le toit bombé était la coque renversée d’une barque, une créature étrange grelottait. Ses cheveux emmêlés et ruisselant couvrait un visage aux traits humains - si on exceptait les rayures sur ses joues - les sourcils froncés par l’inquiétude. Inquiétude quant à comment embraser des branches détrempées et produire une lueur à la fois chaleureuse et rassurante. Du vêtement beige en lin qu’elle portait dépassait une longue queue qui imprimait un mouvement de balancier alors qu’elle réfléchissait.

J’aurais du mettre du bois à l’abri… encore que… avec le vent de tout à l’heure, je pense pas qu’il reste un seul endroit sec dans cette fichue forêt… faudra que je fasse un abri… plus tard… demain… si tout va bien…

La créature, qui se nommait elle-même chimère, regarda ses mains tremblantes. Elle mordit sa lèvre inférieure et contracta les muscles de ses bras. Mais rien n’y fit. Et ce n’était pas seulement ses mains, mais tout son corps qui était prit de soubresauts incontrôlables. Elle grogna et s’essuya les yeux. Elle resta un moment immobile, les paupières closes.

Bon sang, je vais pas rester là et crever !... faut que je bouge… bouge !... Si seulement j’avais moins mal…

Avec une grimace de douleur, elle se redressa et se mit tant bien que mal sur ses longues jambes frêles. Elle était d’une maigreur affligeante. Ses muscles tressaillant portaient un corps grand et squelettique, dont l’équilibre semblait tenir du miracle. Elle avança jusqu’au bord du plancher – son refuge n’avait pas de murs – et se laissa tomber au sol, deux mètres plus bas. Ses pieds trouvèrent un sol mou dans lequel elle s’enfonça un peu avant que ses mains ne viennent se poser à terre à leur tour. Il s’en fallut de peu qu’elle ne s’effondre complètement.

Chier !... pas besoin de me rattraper d’habitude… c’est cet éclair… comme s’il ne voulait pas partir…

Elle eut un peu de mal à se mettre debout et une fois cela fait, elle massa longuement ses genoux, ses coudes et ses poignets. Quand ses doigts passaient en certains points, elle stoppait sa respiration et serrait les dents. Son souffle était rapide et irrégulier. Elle attendit que son cœur batte moins vite pour faire le premier pas. Puis, machinalement, elle fit le second, puis le troisième…

Si je peux pas me chauffer, au moins manger… pas la force de chasser… plus de réserves… le sort s’acharne ou quoi ?... m’en serais sortis si… pourquoi ça doit arriver maintenant ?... manger des fruits ne va pas me rendre mes forces… enfin encore faut-il que j’en trouve… pour m’en sortir… c’est normal de pas mourir après ça ?...

Les yeux levés vers la cime des arbres, scrutant l’extrémité de leurs branches, la chimère avançait dans la forêt. De temps à autre, son visage se déformait, ses muscles se contractaient et elle agrippait sa chair en divers endroits. Son corps semblait n’être que souffrance. Pourtant elle luttait, encore et toujours, pour sa survie. Elle trouva enfin ce qu’elle cherchait, un arbre blond – comme elle l’appelait - qui portait des fruits recouverts de filaments jaunâtres de plusieurs dizaines de centimètres. Les fruits, semblables à de petites aubergines rouges, se cachaient sous la chevelure dorée.

Plus qu’à monter… tiens bon Blasa…

Balsa, donc, agrippa l’écorce sur le tronc et se hissa lentement vers les hauteurs. Elle avait effectué les mêmes gestes un peu plus tôt dans la journée, quand l’accident s’était produit. L’orage battait alors son plein, la pluie tombait à grosses gouttes et des éclairs zébraient le ciel sombre. On lui avait appris à ne pas sortir par un tel temps, mais comme elle vivait dehors elle ne pouvait pas appliquer cette leçon. Ensuite, la malchance s’était faite foudre, décharge électrique mortelle, et s’était abattue sur elle dans toute sa violence. Choquée, elle s’était écroulée dans un cri terrible.

Mais j’aurais dû mourir… ou au moins être brulée… et je n’ai rien… enfin… rien d’autre que ces douleurs à la con !... faut que ça s’arrête, merde !...

Se concentrant à nouveau sur l’escalade, elle parvint à faire quelques mètres de plus vers le sommet. Elle n’avait pas remarqué la famille de capucins qui avait investi les lieux et comptait bien défendre la nourriture douce et sucrée qui s’y trouvait. Ils étaient fourbes et silencieux, si bien qu’elle ne vit pas le jeune mâle qui s’approchait d’elle babines retroussées. La chimère était arrivée à bonne hauteur et tendit sa main droite vers le fruit le plus proche.

- Ouaïe !...

Tout s’était passé très vite. Le petit singe avait planté ses dents dans le mollet de la chimère, lui arrachant un cri aigu. Surprise, elle avait retirée sa jambe. Mais le mouvement lui fit perdre l’équilibre et son autre pied glissa sur l’écorce humide. Son bras gauche, seul à la retenir face au vide, n’avait pas la force de la soutenir et elle lâcha prise. Au passage une branche cassée, dont il ne restait qu’une pointe tranchante, arracha un lambeau de peau tout le long de son avant bras. Elle tomba et atterri dans une flaque ou se mêlaient boue et feuilles en décomposition.

Pourquoi ?... j’avais pas besoin de ça… chier !... j’en peux plus…

Sa gorge se noua, ses lèvres tremblaient. Elle se traina contre l’arbre et y appuya son dos. Ses yeux s’embuèrent. Elle tenta d’examiner sa blessure mais les larmes naissantes floutaient sa vision. Elle ne distinguait que le rouge du sang qui s’écoulait lentement. Elle bascula sa tête en arrière de désespoir, frappant le tronc qui ne bougea pas d’un centimètre. Alors elle fit ce qu’elle n’avait pas fait depuis des années. Elle pleura.

Il y a deux choses qu’elle ne vit pas à ce moment-là. La première était le fruit qu’elle avait tenté de saisir, entrainé par sa chute, tout à côté d’elle. Il allait très bientôt lui permettre de se sustenter et serait essentiel à sa survie. La seconde était le corps du petit singe qui l’avait mordu, étendu au sol, foudroyé. C’était à son contact qu’il avait reçu une décharge et avait perdu la vie, mais ça, la chimère ne le réaliserait que bien des jours après.
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