Un vampire, un nain et deux elfes, quoi de plus normal ? [ÂMES SENSIBLES S'ABSTENIRENT !!!!!]

Ce qui se passa ensuite fut aussi étonnant qu'inattendue. Zevi partit se cacher et Ran ramassa son épée en pestant contre le monde entier. Un simple regard vers le soleil haut dans le ciel me suffit à déterminer qu'il ne reste qu'une heure ou deux avant le zénith. Il a eut chaud. Je ne sais pas combien de temps il aurait pu tenir, mais son comportement indique qu'il est visiblement à bout. Je savais que cela allait finir par arriver, mais je ne pensais pas que cela arrivait aussi vite. Même si je ne le vois pas, j'entends Zevi quitter son abrit de pierres et se diriger vers le nord-est, sans doute en direction d'une grotte.

Près de moi, Ran a enfin finit de ranger son épée et il marmonne toujours dans sa barbe, mais ses protestations sont de plus en plus fortes, à moins que ce ne soit mon ouïe qui est trop sensible. C'est sûr que par rapport à mon congénère, j'ai bien plus utilisé mes sens que lui durant ma vie. Je me rends compte alors qu'il me parle depuis tout à l'heure et que je n'ai pas écouté un mot de ce qu'il dit.

- Pour qui il se prend ce suceur de sang, se jeter sur nous comme ça comme s'il voulait nous bouffer ! Dès que je le croise, je l'éventre sur le coup !

- Tu ne feras rien de la sorte, et si Zevi aurait vraiment voulut s'abreuver sur nous, il aurait demandé. De plus, je suis sûre qu'il préfèrerait mourir que de boire ton sang, vu la gentillesse dont tu as fait preuve à son égard !

- Comment peux-tu être sûre qu'il demanderait ? C'est un vampire, Luni ! Pas un elfe et encore moins un humain ! On ne peut pas lui faire confiance et d'ailleurs il serait temps d'éradiquer toute son espèce, c'est une véritable plaie ! Tu me connais bien mieux que ce meurtirer de moutons qui...

La gifle part d'elle-même et le claquement de ma paume sur la joue de Ran résonne dans l'air. Nous sommes tous les deux figés, étonnés de ce qui vient de se passer. Ran ne bouge pas, trop choqué pour réagir et je suis sûre que son cerveau doit encore être en train d'assimiler ce qui vient de se passer. Quant à moi, je ne suis pas étonnée de l'avoir frappé, mais de l'avoir fait avec la paume de ma main ouverte au lieu du poing fermé de d'habitude. Il faut vraiment que j'arrête de baisser ma garde et d'agir aussi faiblement...

- J'ai combattu aux côtés de toutes les races, j'ai bu avec un centaure, j'ai parié avec un nain, j'ai ri avec un ange, j'ai aidé un humain, j'ai mangé avec démon, j'ai combattu une chimère, j'ai coopéré avec un anubite, j'ai suivi une neko, j'ai été fiancée à un lycan et je pense qu'on peut aisément dire que je suis l'elfe la plus sociale et ouverte de toute notre race arrogante et exilée ! Et pour ton information, j'ai déjà couché avec lui, tout comme je l'ai fais à de nombreuses reprises avec toi !

Je le plante là après ce magnifique monologue, le laissant réfléchir à mes paroles. J'espère que ce que je viens de lui dire lui fera ravaler sa fierté et sauvagerie et qu'il arrêtera de s'en prendre à Zevi alors qu'il l'a attaqué sans raison et en premier. Il va vraiment falloir que ces deux apprennent à se supporter s'ils veulent faire partie de ma vie.

Silgrum a disparut depuis bien longtemps de mon champ de vision et je me hâte de rejoindre la grotte. Mais il ne se trouve pas près de Zevi qui est adossé au mur. Tant pis, un de moins dans les pattes. Reste encore deux. Zevi est vraiment pâle, encore plus pâle que d'habitude et je peux apercevoir ses veines à travers sa peau presque transparente. Ran arrive très vite après, comme s'il refusait tout simplement de nous laisser seuls. Je ne peux m'empêcher d'être fière de moi lorsque je remarque que la marque rouge sur sa joue est toujours présente.

- Peux-tu aller chercher de quoi préparer un repas ? Je lui demande le plus gentimment possible. Il devrait y avoir quelques buissons de baies non loin et des plantes et fleurs comestibles sur la colline que nous venons de franchir. Je te rejoindrais après pour chasser. Le nain doit être dans les parages, sans doute en train de s'énerver quelque part et de lancer sa hache partout...

Il acquiesce en silence et quitte la grotte sans un mot. Son regard blessé est comme un coup de poignard dans mon coeur. Heureusement que ces trente ans de séparation ont recouverts mon coeur d'une couche anti-pitié-sentiments-lamentation-pour-Ran. Il ne reste plus qu'un. Je regarde Mr Grifou droit dans les yeux et ses pupilles fendues rencontrent les miennes qui sont pleines. La dernière fois que j'ai voulu avoir un moment intime avec Zevi, son chat ne nous a pas dérangé et j'ai l'impression qu'il comprend de nouveau le message, car il part à la suite de Ran en miaulant joyeusement comme s'il voulait qu'il l'attende.

Je me tourne vers Zevi et l'aide à s'assoir. Ma main droite, toujours brûlant de la gifle, se pose sur son épaule, tandis que l'autre caresse tendrement sa joue. Nos regards se croisent.

- Prends mon sang. Ne protestes pas, tu en as vraiment besoin et t'as pas intérêt de me crever sur les bras ! Vas-y et n'hésite pas à en prendre autant qu'il faudra pour te sentir mieux. Je ne suis pas donneuse de sang, donc je ne t'approvisionnerais pas toutes les heures, alors fait le bien !

Je lui tends mon poignet en sachant très bien qu'il ne pourra pas résister. C'est un jeune vampire et, malgré sa détermination, il boira s'il veut survivre. Mais je lui fais confiance : même s'il me blesse, je sais qu'il ne me tuera pas.

Il les avait distancé, il les avait laissé à l'arrière. Il les avait sans doute choqué par cette action soudaine. Peut-être que les elfes sont en train d'en parler, mais au fond Zeviehl s'en fichait.
Il était en train de se diriger vers la faim. Pas n'importe laquelle, La faim. Une agonie qui le rongeait au plus profond de son être, qui réclamait le sang. A ce stade, aucun animal aussi gros soit-il ne pouvait abreuver la créature. Il lui fallait du sang humanoïde, ce fluide si puissant. A ses lèvres, il sentait qu'il était l'Unique, celui qui le maintenait en vie. Le vampire ferma les yeux, accablé par cette évidence.
Cela lui plaisait, cette pensée de boire le sang d'un humain.
C'était ignoble, il avait l'impression de devenir un monstre sanguinaire. Il savait qu'un jour, il serait obligé d'y penser, d'y réfléchir, à cette évidence... Il était un vampire, il ne pouvait pas le changer.
Il n'avait pas d'autres choix, pas d'autres moyens de se nourrir.
Le sang l'appelait...

Il ouvrit les yeux en entendant des pas dans la grotte. Lunielle le regardait avec inquiétude et semblait même l'analyser pour voir s'il allait bien. Il devait être dans un état pitoyable... Très rapidement, Ranarel se retrouva à ses côtés, le regard d'acier vers le vampire. Oui... Il devait vouloir le trancher pendant qu'il était faible. C'était évident... Il avait peut-être raison, car à ce stade, le nouveau-né pouvait être dangereux.
Mais Lunielle ne laissa le temps à rien. Elle demanda avec sincérité à son compagnon d'aller chercher de la nourriture. Ranarel les regarda un moment avant d'obéir et sortit de la grotte.

Les yeux du vampire croisèrent les prunelles de Lunielle.
Ils sont à nouveau seuls...
Et cette situation angoissa le faiblard alors que l'elfe s'approchait... Bien trop prêt pour être hors de danger.
Elle lui ordonna de prendre son sang, de ne pas protester. Elle savait ce dont il avait besoin, elle connaissait bien cette demande qui se tapissait au fond de son être de non-vie. Mais cette fois était particulière car elle lui indiqua qu'il devait le faire "bien". Dans le sens une bonne fois pour toute...
Les yeux de Zeviehl s'agrandirent. Elle ne pensait pas sérieusement à ce qu'elle venait de dire, si ?
Mais c'était trop tard, car elle avait déjà présenté son poignet, comme si on offrait un sacrifice. Zeviehl passa son regard sur lui, puis sur les yeux de l'elfe.
- Je... Non Lunielle...

Il ne pouvait pas. Il ne devait pas en arriver là... S'il obéissait à ses pulsions et répondrait honorablement à la demande, il allait... Il risquait de la tuer. Il ne voulait pas perdre une des seules personnes en ce monde qui l'accepte comme il était !
- Lunielle... Je ... Je t'en pris...

Ses yeux, qui eurent une légère lueur presque surnaturelle, ne lâchèrent plus les yeux de la belle. Comme hypnotisé, Zeviehl embrassa longuement Lunielle et commença à se redresser passant une main derrière sa tête. Il n'en avait pas conscience, son esprit n'était plus vraiment dans cette grotte. Il était comme braqué sur l'être devant lui, sentant son coeur battre, ses veines gonflées par le sang, qui affluait dans le corps... Les dents pointues se plantèrent dans le cou de Lunielle. Les secondes devaient être des minutes pour la pauvre alors que le vampire se nourrissait langoureusement de son sang. Il n'avait pas voulu, il n'aurait jamais mordu son cou en temps normal... Mais Zeviehl n'était plus dans son état habituel. Plus ses airs sympathiques, joyeux, ou respectueux. A la place, il se trouvait un être de Faim qui ne semblait pas s'arrêter de s'abreuver.

Mais quelque part, alors que cet être de Faim faisait la loi, l'esprit redevenait intacte. Il revenait à lui comme s'il avait toujours eu son mot à dire, en fin de compte. Evidemment, puisque c'était lui, qu'il avait juste aucun moyen de contrôler la Faim... Il était encore trop faible pour ça.
Zeviehl ouvrit les yeux, passant de la surprise à la panique. Il se rendit enfin compte de ce qu'il était en train de faire.
Il arrêta, retenant Lunielle.
- Luni ?! Lunielle !

Elle ne répondait pas et s'effondrait un peu plus. Elle serait tombée à la renverse si Zeviehl ne l'avait pas retenu. Il la déposa doucement sur le sol froid de la pierre, essayant de la faire réagir. Elle semblait encore consciente mais ne répondait toujours pas.
- Je te demande pardon, Lunielle ! Je ne sais pas ce qui c'est passé...

Il était sincère. Il n'avait pas eu conscience. Tout ce qu'il savait, c'est que l'apport en sang fut considérable. Il se hâta de fouiller dans la sacoche de son amie pour trouver ses bandages et tenta maladroitement de couvrir les deux petites plaies...
- Lunielle, dis moi quelque chose..., supplia à nouveau le vampire.
- Enflure ! , insulta spontanément une voix dans la grotte.

Zeviehl se retourna. Merde.
C'était Ranarel, épée déjà sortie du fourreau, en position de combat. Son visage reflétait la haine.
- Tu l'as tué !, accusait-il alors que le vampire s'approcha, les mains levées à la défensive.
- Ranarel, calmes-toi !

L'elfe l'insulta de tous les noms et voulut l'attaquer. Mais Zeviehl prit la parole avant.
- Ecoute ! Je t'assure que je ne voulais pas en arriver là... Elle me la proposait, j'ai refusé, elle a insisté, je n'ai pas pu me retenir ! Tu peux comprendre combien c'est difficile de se retenir de manger lorsque tu es affamé, assaillis par une faim atroce. J'étais dans cet état là, et nous n'avons aucune différence avec vous autres en ce qui concerne la famine... Sauf que nous nous nourrissons du sang des vivants, oui c'est un faite, oui c'est moche, mais je n'y peux absolument rien. Je veux continuer à exister, et si tu veux arrêter cela par le fil de ton épée alors vas-y ! Fais le... Je ne t'en empêcherais pas, toi qui as autant soif de sang qu'un vampire.

Zeviehl ferma les yeux, bras tendus tel un homme sur une croix. Drôle d'image pour un vampire. Il espérait juste que cela se fasse vite, nettement, sans bavure. Que la mort soit rapide.

Spoiler:

- Je... Non Lunielle... Lunielle... Je ... Je t'en pris...

Je ne diminue en rien l'intense détermination dans mon regard. Je veux l'aider, je ne supporte pas de le voir dans cet état de faiblesse. C'est l'une des pires souffrances des hommes : voir les êtres aimés souffrir sous leurs yeux. Visiblement, je possède cette capacité humaine. J'ai toujours su que j'étais différente de la plupart de mes congénères elfiques et c'est cette certitude qui m'a poussé à m'éloigner d'eux. Les diverses expériences que j'ai vécu dans ma vie ont sans doute forgé une ouverture d'esprit qui me permet de coopérer sans problème avec les autres races, mais Ran ne comprendra jamais ce point de vue. Nos chemins, bien qu'ils étaient emmêlés il y a longtemps, sont rompus aujourd'hui et je ne pense pas que la connexion qui nous unissait puisse à nouveau exister. Pas avec tout ce qui m'est arrivé en trente ans.

Zevi ne mérite pas de mourir de soif. Je dois l'aider. Tant pis Ran, tant pis mon instinct de survie qui me hurle de m'éloigner de ce jeune vampire presque incontrôlable. Je lui fais confiance, je sais qu'il ne me tuera pas, même si je n'en ai aucune preuve. Je crois en lui, sinon je ne me serais jamais ouverte autant.

Il commence par m'embrasser et je ne peux m'empêcher de savourer ce baiser. Mon corps agit naturellement et mes lèvres pressées contre les siennes se délèctent de la moindre parcelle de peau. Le goût est nettement plus sec que la dernière fois que nous nous sommes embrassés, mais qu'importe, un baiser est un baiser. C'est peut-être puéril, mais je pourrais toujours me vanter d'avoir embrassé et d'avoir couché avec un vampire. À plusieurs reprises.

Tandis que mon poignet est toujours tendu devant moi, je sens les deux canines se planter dans mon cou. Ce n'est qu'à ce moment-là que je réalise que j'ai fais une erreur. Je n'aurais jamais du le laisser me mordre au cou, le flot de sang est certes plus puissant, mais s'épuise aussi très vite et c'est trop proche du coeur. Mais il a été plus rapide. Comme un rapace fondant sur sa proie, il se délecte de mon fluide vital sans que je ne puisse faire quoi que ce soit. Je l'ai voulu, mais je ne pensais pas qu'il serait aussi vorace et qu'il me morderait au cou. J'ai été prise de court de nouveau. Au moins, Zevi a le mérite de me surprendre à chaque fois...

J'essaie de penser à autre chose tandis que mon hémoglobine quitte petit à petit mon corps. Je n'ai pas spécialement mal, c'est comme deux piqûres d'un insecte particulièrement acharné, mais le sentiment de faiblesse qui me gagne de plus en plus s'applique à la fois à mon esprit, mais aussi à mon corps. Je sens ma tête qui commence à dodeliner, j'ai les oreilles qui bourdonnent (et croyez-moi, pour un elfe c'est horrible comme sensation) et ma vue commence à se troubler. Un brouillard épais envahit doucement mon esprit comme sur le coup d'une grosse cuite. Ma tête se met à tourner, je ne contrôle plus mon corps. Mes muscles sont rigides, mes doigts solidement refermés sur l'arrière de sa chemise, comme s'ils luttaient contre l'ennemi qui est en train de me tuer. Rigide comme une statue de pierre, j'essaie de ne pas sombrer dans les méandres de l'inconscience, car je ne sais pas si je serais assez forte pour en sortir. Et l'idée de passer le reste de mes jours en vampire ne me plait pas du tout.

Vraiment si je devenais une vampire, je serais malheureuse. Plus d'océan, plus de soleil, incapable d'être en communion avec la nature. Non, vraiment, je ne survivrai pas cette expérience.

De la rigidité, je passe à la souplesse la plus totale. Comme si un verrou venait d'être débloqué, les dernières barrières de ma conscience se brisent en mille morceaux et je tombe dans ses bras telle une poupée de chiffon. Je ne contrôle plus rien, il pourrait me tuer là s'il le voulait que je ne pourrais rien faire. D'ailleurs s'il continue il finira par le faire. Je me suis souvent demandé comment j'allais mourir, mais vidé de mon sang dans les bras d'un vampire n'a jamais fait partie de ces possibilités.

Il semble se rendre compte qu'il a été trop loin, car il s'arrête soudain et le retirement de ses crocs est comme une libération. Il reste suffisamment de sang dans mon organisme pour me maintenir en vie, mais il faut très vite que j'en fabrique naturellement de nouveau, hors la plaie sur mon cou est une porte ouverte à la mort. Comme des chevaux lors d'une course, mes globules rouges s'échappent par les deux petites blessures, traçant un trait de feu qui glisse le long de ma poitrine.

- Luni ?! Lunielle !

Je l'entends, mais comme s'il se trouvait à un kilomètre et non à côté de moi. Heureusement qu'il me retient, sinon je ne serais écrasée sur le sol comme un vulgaire sac à patates. Bizarrement, je suis encore consciente, je m'accroche désespérémment aux derniers brins de conscience qui m'empêche de finir dans les bras de Morphée. Il me dépose doucement sur le sol comme un cadavre qu'on aurait peur de réveiller et je peux lire la panique dans ses yeux jusqu'à ce que mes yeux eux aussi décident de m'abandonner. Ils ont beau être ouvert, pourtant ils se contentent de fixer le vide. Seules mes oreilles semblent encore fonctionner correctement malgré le bourdonnement désagréable.

- Je te demande pardon, Lunielle ! Je ne sais pas ce qui c'est passé...

Zevi s'éloigne ensuite et se met à fouiller dans mes affaires, cherchant sans doute les bandages. Bonne initiative. Mais il me faudra plus que ça. J'ai une lotion cicatrisante dans mon sac, c'est une fiole contenant un liquide relativement épais et orange. Mais comment lui faire comprendre alors que la seule chose que je peux faire c'est écouter ? Si seulement je réussissais à parler... rien qu'un mot...

- Lunielle, dis moi quelque chose...

- Enflure ! Tu l'as tué !

Et voilà, il fallait que Ran revienne à ce moment-là et s'en mêle ! Comme si la situation dans laquelle je suis n'étais pas suffisamment dangereuse.

- Ranarel, calmes-toi !

C'est pas ça qui va le calmer... J'ai besoin de leur faire comprendre que je suis encore en vie, surtout à Ran, car je sais qu'il m'aidera s'il sait qu'il peut encore faire quelque chose. Ouvrir la bouche, forcer ma langue à fonctionner, articuler un mot. J'ai beau essayer de toutes mes forces, mon corps refuse tout simplement de m'obéir. Allez Luni ! Tu es bien plus forte que ça et tu as survécu à bien pire !

- ... i ...

Ce n'est qu'un murmure et malgré son ouïe surhumaine, Ran ne m'entend pas avec tout le boucan qu'il fait en insultant le vampire.

- Ecoute ! Je t'assure que je ne voulais pas en arriver là... Elle me la proposait, j'ai refusé, elle a insisté, je n'ai pas pu me retenir ! Tu peux comprendre combien c'est difficile de se retenir de manger lorsque tu es affamé, assaillis par une faim atroce. J'étais dans cet état là, et nous n'avons aucune différence avec vous autres en ce qui concerne la famine... Sauf que nous nous nourrissons du sang des vivants, oui c'est un faite, oui c'est moche, mais je n'y peux absolument rien. Je veux continuer à exister, et si tu veux arrêter cela par le fil de ton épée alors vas-y ! Fais le... Je ne t'en empêcherais pas, toi qui as autant soif de sang qu'un vampire.

Je savais qu'il allait faire quelque chose de stupide. Si j'aurais pu, j'aurai écrasé le plat de ma main sur mon front. Il faut que j'intervienne et vite, sinon Zevi risque d'y laisser sa peau et moi aussi par la même occasion. Un simple cri, il faut juste que je leur fasse comprendre qu'ils ne se débarrasseront pas de moi aussi facilement.

- I !

On aurait dit le couinement d'une petite souris et le rouge de la honte serait monté à mes joues en temps normal. Mais c'est suffisant pour les faire réagir et empêcher un bain de sang. Ils se tournent tous les deux dans ma direction tandis qu'un silence de mort s'abat dans la grotte.

- J'ai rêvé ou t'as aussi entendu un cri ?

Toute idée de vengeance semble s'être effacée du visage de Ran, remplacée par un soudain flot d'espoir. Il range son épée et s'pproche de moi. Il a beau observer mes pupilles, elles ne bougent pas. Il se penche alors vers mon oreille gauche et dit :

- Tu te rappelles des dortoirs Licorne et Pégase à l'Académie, Luni ? Ou bien la toute première fois où tu m'as mis une raclée et est devenu le 777ème leader ?

Même si je ne peux pas bouger, le mouvement instinctif de mes oreilles est naturel et celles-ci frémissent, secouant légèrement les anneaux d'argent. Ce signe de vie lui suffit puisqu'il se précipite dehors. Mais avant de partir, il crie à Zevi :

- Je vais aller chercher des baies pour la soigner. En attendant, fouille dans son sac, connaissant Luni, elle a toujours une lotion cicatrisante avec elle. C'est orange et normalement, ça devrait se trouver dans une fiole en cristal. Attends-moi pour appliquer les bandages !

Je n'ai jamais vu Ran prendre autant les devants et commander quelqu'un, surtout un vampire et surtout Zevi. Même du temps où il était encore leader de l'Académie avant que je ne lui vole la place, il n'était pas aussi autoritaire. Je sais qu'il avait dirigé une troupe de soldats durant les trente années de notre séparation, c'est sans doute à ce moment-là qu'il a acquit cette capacité.

Les évènements qui suivent restent relativement flous. Je sais que la lotion a été appliquée correctement puisqu'un immense soulagement m'a tout de suite parcouru lorsqu'ils m'ont mis les bandages, ensuite Ran a ramené des baies et a rapidement fabriqué un bol avec de l'écorce. Si je me rappelle bien, il a mélangé la bouillie de baies et d'herbes avec l'une des mes bouteilles de rhum. En temps normal, je lui en aurait voulu, mais là, danger de mort oblige. Je sais aussi qu'ils ont du attendre que je puisse parler pour me faire boire la mixture sinon je n'aurai jamais pu l'avaler.

- Ça va mieux.

Cela fait dix bonnes minutes qu'ils me font boire ce médicament improvisé. Je ne le dis pas, mais les baies n'arrivent pas entièrement à cacher le goût complètement dégeulasse des herbes que Ran a cueillies. Je ne peux m'empêcher de faire des grimaces à chaque gorgée.

- Arrête de te plaindre, cette mixture va te permettre de regénérer ton fluide vital plus vite et de manière plus efficace.

Les gars ont placé mon sac sous ma tête en guise d'oreiller et ma couverture recouvre mon corps tout entier. Une fois que le bol en écorce est vide, Ran se lève et prend mon arc.

- Je t'emprunte Bèll' Bètt.

Je ne peux pas encore bouger, mais au moins je peux parler et mes oreilles bougent comme d'habitude. Pourtant ma vue reste toujours aussi trouble et fixant le vide. Ça doit quand même faire bizarre de me regarder...

Je sens Zevi près de moi. Je ne sais pourquoi, mais j'ai l'impression qu'il veut me parler, qu'il n'attend que ça en fait. Pourtant la fatigue me gagner et cette fois-ci je suis rassurée, car si je m'endors, je sais que je me réveillerais de nouveau. S'il veut vraiment me parler, autant qu'il le fasse vite avant que je ne sombre.

Spoiler:

Spoiler:

Avait-il était sérieux ? Se serait-il laissé mourir au fil de cette épée ? ... Peut-être. Sa culpabilité était grande, et il ne se pardonnera pas d'avoir mis en péril la vie de Lunielle. Le silence avait pris une tournure commune pour un vampire mais glaçait le sang de Ranarel... Un drôle de cris avait été poussé, proche de Lunielle.
- J'ai rêvé ou t'as aussi entendu un cri ?
- Lunielle ?!

Le comportement de l'elfe changea au quart de tour, et il s'approcha de la belle. Il chuchota à son oreille et l'espoir battait son plein lorsque Lunielle réagit. Zeviehl afficha un sourire malgré la situation chaotique dans son esprit. Il avait à peine senti l'elfe se redresser et courir vers la sortie, lui criant avec détermination :
- Je vais aller chercher des baies pour la soigner. En attendant, fouille dans son sac, connaissant Luni, elle a toujours une lotion cicatrisante avec elle. C'est orange et normalement, ça devrait se trouver dans une fiole en cristal. Attends-moi pour appliquer les bandages !

Orange... Fiole de cristal. Pas très dur.
Il s'exécuta de ce pas et fouilla à nouveau dans les affaires de Lunielle. Il trouva cette fameuse fiole destiner à cicatriser les plaies... Se rendant compte qu'il n'avait aucune idée de la manière de comment l'appliquer ou l'administrer, ou s'il devait faire les deux en même temps. Les yeux miels se perdaient dans les océans, pour le moment très peu actifs... Il s'en voulait. Terriblement. Et dire qu'il aurait pu la tuer, s'il avait continué à se... Nourrir ? Oui. La triste vérité, aussi laide soit-elle, est qu'un vampire se nourrit de sang et finit toujours par toucher des personnes de sa connaissance. Il ne pensait pas que ça arriverait si vite. L'avoir fait lui permettra de se revigorer, et de tenir jusqu'au camp des nains. Et lorsqu'il retrouverait Mahel, en plus de rétablir l'honneur, d'accomplir sa vengeance, il étanchera à la fois sa soif, mais il fera également de sa Faim incontrôlable quelque chose qui sera sien. Quelque chose qu'il pourra enfin maîtriser.
Il espérait que ça se passe ainsi. Il espérait si fort...
Car il avait peur de perdre le peu d'humanité qui lui restait.
- Qu'est-ce que tu attends ?
- Pardon ? , fit Zeviehl sortant de ses pensées.
- ... Tu ne sais pas comment on l'applique, c'est ça ?
- Tu l'as dit toi-même, je ne suis qu'une enflure et sans doute un monstre à tes yeux...

Ranarel fixa un moment Zeviehl et soupira. Il déposa les baies et l'écorce qu'il avait ramener et s'agenouilla à la hauteur du vampire, face à Lunielle.
- Je te montre, dit-il calmement, prenant la fiole et appliquant la mixture sur les plaies de Lunielle.

Donc c'était bien à appliquer et non à boire... Zeviehl le laissa faire en observant la technique. Mais il fut particulièrement observateur sur le visage de Ranarel, calme et posé. Sa voix l'avait été tout pareille, ce qui étonna davantage le vampire. Plus une trace de haine, pour l'instant...
- Arrêtes de me regarder comme ça, souffla Ran agacé.
- Je savais que tu finirais par redevenir comme avant, sourit sincèrement Zeviehl.
- J'ai eu peur... Est-ce que tu me reproches d'avoir ce sentiment "d'être vivant" ?

La mine du blond aux yeux de miels s'assombrit.
- Non...
- Est-ce que un seul instant tu t'es rendu compte de ce que tu lui faisais ?!
- Bien sûr ! Sinon je ne me serais pas arrêté, imbécile.

L'insulte fit sursauter l'elfe, le regard braqué sur le vampire. Ce dernier n'avait plus aucune sympathie sur le visage et préféra s'éloigner un peu d'eux. Question de sécurité... Vue le regard de feu de Ranarel, il ne voulait pas lui donner envie de se rattraper et de le détruire finalement.
- Refuses le de tout ton être, mais je tiens à Lunielle au moins autant que toi... Si ce n'est plus.
- "Si ce n'est plus" ?
- Je me comprends...

Le silence revint alors que Ran finissait d'appliquer la mixture orange et commença à mettre en bouillie un mélange d'herbes, de baies, en y ajoutant un peu de rhume.
- Tu essayes de me faire comprendre que si tu n'avais aucune conscience, elle serait morte ?
- Tu es persuadé dans ton idéale sur les vampires, que je n'ai ni sentiment, ni libre pensée... Hors, j'ai eu peur, et j'ai paniqué quand j'ai saisi ce que je lui faisais. Et...

... Et il culpabilisait d'être aller aussi loin.
- Et ? , insista Ranarel.
- Finis ce que tu as à faire, elle en a besoin.
- ... Soit.

Il donna le soin improvisé à boire à Lunielle. Après plusieurs minutes, la belle commençait à réagir et pouvait même parler, leur assurant qu'elle se sentait mieux. Zeviehl sourit, soulagé. Ranarel semblait dans le même état, cela dit il ne s'empêcha pas de lui reprocher ses plaintes continuant à lui donner "cette soupe qui n'a pas l'aire bonne".
Quant il eut fini, il emprunta l'arc de Lunielle et s'éloigna. Le vampire ne put s'empêcher de le suivre des yeux pour savoir ce qu'il allait faire avec cette arme. Ranarel lui lança un regard en réponse et sortit de la grotte.
Zeviehl soupira de soulagement.
- Je ne suis pas loin, vampire. Fais gaffe à ce que tu fais.

Zeviehl soupira, irrité. Punaise...
Il pourrait presque bouder toute la journée s'il n'avait pas ses pensées braquées sur Lunielle. En l'observant, elle pouvait parler, réagir, mais on sentait qu'elle devait se reposer... Zeviehl hésita longuement, réfléchissant sur ses mots. Le remord le rongeait et s'il avait pu revenir en arrière, il l'aurait fait. Car il n'avait aucun moyen de savoir si elle lui pardonnerait un jour...
Il s'approcha tout d'abord du front de la belle pour y déposer un baisé, et alla chuchoter à son oreille... Mais...
- ... Luni...

La suite ne vint jamais. Un manque de courage ou peut-être avait-il peur de la troubler et l'empêcher d'avoir un sommeil réparateur... Peu importe. Rien de vint. Le vampire se pinça les lèvres. Lui qui avait l'habitude d'être loquace, le voilà troublé au point de ne même plus pouvoir dire une phrase en entière.
Il s'éloigna doucement d'elle, pour la laisser dormir. Il passa devant l'entrée de la grotte et aperçut les rayons du soleil. Cela le brûla légèrement rien qu'à regarder, ce qui le fit reculer de quelques pas. Il faisait beau aujourd'hui... Il sentait la chaleur d'ici, et pouvait deviner le crie des grands oiseaux qui vivaient par ici.
Ce soleil... Il était si fort, qu'il était quasiment sûr de mourir s'il s’aventurait dehors. Il détourna les yeux et s'enfonça vers le cul de sac, à l'intérieur. Se cachant dans un coin rempli de ténèbres, le seul endroit où il pouvait se sentir en sécurité. Mais pas se sentir à l'aise, car même de loin il pouvait voir Lunielle dormir, et s'en vouloir de lui avoir infligé ces supplices...

Assis sur une roche, le menton posé sur sa main qui tenait un genou, il veilla sur elle, pendant une bonne partie de la journée. Ranarel revint au bout d'un moment, ayant rapporter de la nourriture pour ce soir. Il avait cherché Zeviehl des yeux, et dû faire un effort avec ses sens pour voir dans la pénombre et percevoir les yeux du vampire. Cette teinte miel qui pouvait se voir légèrement même dans cette pénombre, car un vampire voyait dans le noir aussi bien qu'un elfe. Comme s'ils avaient des yeux de chats, en fin de compte. En parlant de chat, Mr Grifou revint de sa propre chasse, un rat dans la gueule. Il s'arrêta et entreprit de chercher à son tour son maître. C'est en se servant plus du sens de l'odorat qu'il trouva Zeviehl et trottina vers lui, la queue droite, fier de sa prise. Zeviehl lui sourit légèrement et le caressa lorsque la boule de poile trouva une place pour pouvoir déguster son plat.
Ranarel voulait peut-être lui dire quelque chose, car son regard était fixe, presque insistant. Le vampire l'observa, pris d'un doute soudain... L'arc était toujours dans les mains de l'elfe. Avait-il changé d'avis ? En tout cas, le vampire ne bougea pas d'un pouce, lui laissant l'occasion de le faire le plus aisément possible. Faire quoi ? Le tué, plutôt le détruire dans ce cas.
Puis Zeviehl se mit, d'un coup, à rire, au désespoir. Ce qui fit sursauter l'elfe et serra l'arc.
- Pourquoi tu rigoles comme ça ?! , lui reprocha-t-il.
- Parce que je sens d'ici que tu en meurs d'envie, pardonne-moi de cette expression dans un cas pareille...
- De te tué ? Oui, tu as tout compris.
- Qu'attends-tu ...
- J'aimerais pouvoir le faire. Je t'assure que si tu m'en donnes l'occasion avec une telle force, je te tire dessus...

Zeviehl sentit l'agacement plus que de la réelle menace dans cette voix. Le vampire se leva... Enfin se lever... Il avait comme glissé dans les ombres, ce qui le troubla vraiment. Ranarel avait dû percevoir ça également et avait bandé son arc, armé d'une flèche.
- C'était quoi ça ?!, dit-il, stressé. Qu'as-tu essayé de faire, vampire ?! Réponds !
- Rien !
- C'était quoi alors ?
- Je n'en sais rien, bordel. Crois-tu vraiment que j'ai l'encyclopédie des suceurs de sang dans ma tête ?!

Le bruit d'un animal s'entendit. Ils leur avaient semblé éloigné, mais le son avait amplifié, cause à effet des échos lorsqu'on se trouvait dans une grotte. Sous le stresse, la tension et l'énervement, la main de l'elfe trembla et un doigt ou deux avaient lâché prise. La flèche partit...
- Merde, eut-il le temps de souffler.

Ranarel entendit qu'elle se ficha inévitablement dans un corps. Faisant un nouvelle effort pour voir dans la pénombre, il put voir sa flèche planté dans le ventre du vampire. Mais se dernier avança, normalement, comme si rien ne l'avait touché. Arrivant à sa hauteur, il afficha un air navré très sincère.
- Voilà pourquoi je riais..., répondit enfin Zeviehl. Tu es la deuxième personne qui a tenté de me tué en oubliant un détail...

Il sortit la flèche et observa la régénération qui se fit quasi-instantanément. Grâce à Lunielle, ceci, grâce à son sacrifice...
- ... Je suis déjà mort.

Son air navré se transforma en sourire amical. Les vampires se nourrissaient du sang des vivants pour continuer à vivre comme s'ils était eux-même encore vie. Façade... Zeviehl soupira en réalisant qu'il avait à nouveau besoin de changer de chemise.

Je me trouve dans une forêt. Je le sais avant même que j'ouvre les yeux. Mes oreilles qui frémissent et font trembler mes sept anneaux d'argent captent tous les bruits de la source de la vie : le chant des oiseaux colorés qui se trémoussent sur les branches des arbres les plus hauts, le sautillement d'un écureuil, le bruissement des fourrés lorsqu'un couple de chevreuils en sort, la course effrénée d'un lièvre s'enfuyant devant les menaces d'un loup affamé, le glougloutement d'une rivière proche.

Mais mon ouïe surhumaine me permet de capter des sons bien plus subtiles et que la plupart du monde ignore tous les jours : le sons cristallin d'une goutte de rosée qui se brise sur le sol lors du passage d'une abeille près d'une fleur, la chute d'une feuille de platane qui atterrit sur l'humus humide du déluge de la veille, le froissement du battement des ailes d'un papillon, la respiration précipitée du lièvre qui fuit, le grognement qui monte petit à petit dans la gorge du loup le poursuivant, le souffle du Vent dans les hautes frondaisons qui masquent le soleil matinal.

Après l'ouïe, c'est mon odorat qui prend le dessus tandis que ma vue se repose encore. La pluie de la veille est tellement emprunte dans l'air que je m'attends presque à ce que des gouttes minuscules se posent sur ma peau. Les champignons au pied d'une souche non loin dégagent une senteur tout à fait particulière qui indique la saison. Le pollen déversé par le Vent septentrional s'éloigne rapidement et très vite je ne le sens plus. Les fleurs poussant dans l'humus ne parviennent pas à cacher la senteur musquée de certains autres endroits de la forêt.

Puis, vient le toucher. Je sens la chaleur agréable des rayons du soleil sur ma peau malgré l'humidité ambiante, l'envol d'un papillon me frôle ce qui provoque un frisson léger de tout mon être, j'ai l'impression que ses ailes de cristal vont se briser au moindre courant d'air. Le contact de la semelle souple de mes bottes brunes sur les feuilles mortes et mouillées produit une drôle de sensation.

Enfin, j'ouvre les yeux. Ce n'est pas sombre, la lumière qui s'infiltre à travers l'épaisse frondaison de la forêt transforme le sol des sous-bois en véritable damier sur lequel jouent des petits animaux. Je ne reconnais pas cet endroit et lorsqu'un papillon doré passe devant mes yeux, je me rends compte que je rêve. Je n'ai croisé ce genre de papillons que lorsque j'étais profondément assoupie dans les bras de Morphée. C'est un lieu agréable, je m'y sens immédiatement à l'aise comme si j'y habitais depuis toujours.

C'est alors que tout disparait brutalement comme l'eau d'un barrage s'écoule lorsqu'on y perce un trou. Je ne vois plus rien, je n'entends plus rien, je ne sens plus rien, je suis incapable de parler et l'unique sentiment qui m'habite est la peur. Mais ce n'est pas le genre de peur qui s'empare de nous lorsqu'on voit un cafard. Non, c'est le genre de peur qui te paralyse, qui t'empêche de raisonner et la seule chose qui tourne en boucle dans ta tête est cette peur, cela dure ainsi jusqu'à ce que la folie commence à gagner l'esprit et à leurrer le cerveau, s'infiltrant comme un poison jusqu'à la moindre parcelle de rêve, de conscience, d'être.

Je me réveille brutalement, redressée, mes mains aggripant maladivement ma couverture, de grosses gouttes de sueur glissant sur mon front dégagé. Suivant les traits de mon visage fin, elles descendent les lignes de mon cou, suivent les courbes de mes épaules, s'éloignent dans mon dos en humidifiant certaines de mes mèches blondes au passage. La peur et surprise n'est pas encore entièrement passée que je vérifie déjà mes sens. Les oreilles semblent fonctionner, les mouvements aussi, ma langue n'est plus pâteuse dans ma bouche engourdie, mes narines perçoivent les odeurs alentours. Mes pupilles se mettent alors à travailler afin de m'offrir un visuel, mais ne parviennent pas à s'adapter à l'obscurité de la caverne.

Je me lève précipitamment et cours presque vers la sortie de la grotte en manquant de tomber à de nombreuses reprises. Je m'arrête à l'entrée de la grotte et m'appuie contre sa paroi, fixant de mes yeux fraichement retrouvés le magnifique paysage qui se présente à moi. C'était comme si le monde fêtait mon retour en m'offrant ses plus belles peintures. Un sourire longtemps cherché et oublié apparait sur mon visage tandis qu'un Vent soudain, mais ami balaie les cheveux de mon visage.

- Je suis de retour.

Mon murmure se perd dans le Vent tout comme l'unique larme perlant le coin de mon oeil droit.

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- Je suis de retour.
- Tu m'en vois ravis, lança une voix dans le dos de la belle.

Zeviehl l'avait attendu, caché dans l'ombre de la grotte. Il lui sourit sincèrement, heureux de la voir enfin rétablis.

Précédemment, alors que Ranarel s'était faussement excusé pour la flèche tirée sur le vampire, il partit chasser, pendant que l'autre ne pouvait que regarder tristement les rayons du soleil percer les ténèbres des lieux. La solitude. La terrible, la seule et unique chose qui tolérait la présence constante d'une créature telle que lui... Mais il n'était pas tout à fait seul, puisque Mr Griffou dormait en roronnant près de lui, et Lunielle, également endormie, se rétablissait, couché non loin.
Après lui avoir pris du sang, les forces du vampire étaient revenus, et il s'en est même sentis renforcé. Revigoré, tel un réceptacle que l'on remplit. Comme si tout ce que Lunielle lui avait offert de plein gré fut l'unique chose qui pouvait cette instinct. Ce côté très animal, maintenant calmé.
Zeviehl avait pleinement toutes ses capacités de contrôle et il se sentait capable de dévaler les montagnes en une nuit.

Il veilla sur Lunielle pendant que le nain faisait ce qu'il voulait, et l'elfe également avec sa chasse qui s'éternisa pendant un bon moment... Tant mieux ? Non qu'il ne l'aimait pas, mais le vampire préférait avoir ce danger ambulant loin de lui avant qu'il n'abime autre chose que sa pauvre chemise.
Il soupira. Si ça continuait, il ne pourra bien plus prétendre être "correct" que tout le monde aura envie de le découper en rondelle sous prétexte qu'il était un de ces buveurs de sang.

Et Lunielle se réveilla enfin. Tout d'abord un sursaut, qui fit lever les yeux du vampire vers elle... Inquiet, il observa sans bouger. Il comprit tout son désarroi, et tout d'un coup, l'elfe se leva et courut vers la sortie de la grotte. Dehors, il faisait encore jour mais le soleil semblait moins ardent. Zeviehl se leva et marcha doucement vers elle. Il sentit le vent mais n'en frissonna pas. Il ne s'approcha pas trop, les rayons le menaçaient déjà de bouillir son être.
Et il souriait, à ce retour, qui le rassurait... Mais ...
En croisant son regard, il ne put s'empêcher, à nouveau, de culpabiliser.
- Lunielle... , commença-t-il. Je suis désolé de ce qui s'est produit. Je t'ai mis en danger, sans le vouloir peut-être, mais je n'aurais pas dû...

Il jeta un regard au dehors, comme s'il ne voulait pas qu'on le coupe en plein aveu :
- ... J'aurais pu te tuer. Si je ne m'étais pas arrêter, tu n'aurais pas survécu...

Il détourna le regard, un peu ébloui, et voulait aussi éviter ces yeux bleus si beaux. Il aurait pu ajouter que s'il s'était arrêté, c'est qu'il avait pris conscience au bon moment qu'il allait lui faire trop de mal. Car le mal, en fin de compte, était fait... Mais le pire n'est pas arrivé. Heureusement.
Cependant, les mots ne vinrent pas, laissant sous-entendre qu'il se pensait totalement coupable de ses actes. Difficile de croire qu'un jeune vampire, à l'instinct encore animal qui apprenait à maîtriser ses dons, pouvait être réellement coupable. Mais les êtres pensants font des choix, et décident, donc sont responsables de ces choix qu'ils font.
Zeviehl se pensait toujours de ces êtres-là, mais cachant au fond de lui "cette chose". Lui-même, ce qu'il était devenu, un désireux de la chasse et du sang.

Il avait tourné la tête, bras croisés. Son regard revint timidement sur Lunielle, attiré par une quelconque réaction ou réponse de sa part, ou même par une violente altercation. Après tout il méritait autant les insultes les plus infâmes que les coups les plus durs. Du moins, c'était ses pensées actuelles.

Le soleil brillait encore, les environs étaient calmes, on entendait même des oiseaux... Autour de ces deux êtres, la vie semblait se déroulait tout à fait naturellement. Rien n'arrête le temps, même pas la maladresse d'un vampire jeunot dans ce domaine. Alors que pour ce dernier, le temps était devenu une éternité...
Il eut une interrogation fugace sur le sort de Lunielle. S'il ne s'était pas arrêté, serait-elle morte, ou aurait-elle sombrer dans le même monde que lui ?
Il chassa la question rapidement de son esprit.

J'attends qu'il finisse de parler pour prendre à mon tour la parole. Il pue la culpatibilité à plein nez et je manque de grimacer. Je ne peux m'empêcher de sourire lorsqu'il évite mon regard. C'est l'une des choses que j'aime chez Zevi, cette façon de s'adapter à sa nouvelle vie tout en essayant au maximum de rester qui il était avant, même si je ne le connaissais pas avant sa transformation, je sens qu'il ne veut pas devenir un monstre.

- Je savais ce que je faisais. Je t'ai fais confiance. Jusqu'ici, je n'ai encore jamais questionné mon instinct.

Je m'approche de lui, le repousse dans l'ombre jusqu'à ce que les rayons du soleil disparaisse de son visage et me colle près de son corps suave. Mes mains de nouveau fortes agrippent le col de sa chemise et je le tire vers moi. Mes hanches rencontrent son ventre, mon rythme cardiaque accélère et mes lèvres se pressent sur les siennes. Froides, glaciales, le contraire exact du feu qui brûle en moi. Notre baiser ne dure pas assez longtemps pour lui laisser le temps de passer à l'étape suivante, mais suffisament pour l'apprécier. Puis je recule, la malice de nouveau présente sur mon visage.

- Et puis si tu m'aurai tuée, je t'aurai hanter pour le reste de tes jours. Quant à la deuxième option... disons qu'il y a toujours moyen de retuer un vampire... ou alors on aurait pu avoir une éternité de sexe vampirique...

Je me retourne avant que le rouge ne me monte aux joues.

- Ran traine et j'ai vraiment faim maintenant. Je vais voir ce qu'il fait.

Sans un mot de plus, je m'empare de ma bouteille de rhum vide et disparait dans la forêt proche. Je grimpe sur le premier arbre qui passe à portée de mes mains, m'élevant toujours plus haut, cherchant à atteindre le ciel à la manière d'un oiseau tout en gardant un point de contact qui m'empêche de m'envoler. Je ne mets pas longtemps à entendre Ran. Il a tué trois lapins qu'il a bientôt fini de dépecer, il a aussi cueillit de nombreuses baies ce qui va nous permettre de faire un bon repas avant de partir pour les montagnes dès le coucher de soleil.

Ran ne m'a pas vue, ni entendue, ni sentie. Perchée dans les hautes frondaisons d'un arbre, je le domine et l'observe en silence. Je ne me lasserai décidément jamais de ce sentiment jubilatoire de puissance et de supériorité. D'un mouvement fluide je me laisse tomber sur l'elfe et atterrit directement sur ses épaules, le faisant chuter sous le poids.

- Mais qu'est-ce que tu fais Luni ?!

- Tu traines avec le diner alors je suis venue te botter les fesses !

- C'est pas le moment de rigoler !

- C'est vrai, tu devrais te reposer, tu n'as pas dormi de la journée et on va passer la nuit à traverser les montagnes donc tu ferais mieux de prendre un peu de sommeil sinon tu seras le pire des boulets !

- J'ai déjà dormi un peu pendant que tu étais dans les vappes.

Mon poing part tout seul et s'écrase dans son visage.

- C'est pour ça que tu es en retard avec le diner ?! Déguerpis ! Je vais chercher quelque chose et quand je suis de retour, je veux te voir en train de ronfler dans la grotte !

Sans lui laisser le temps de répliquer, je me dirige vers la rivière qui coule non loin. Je remplis la bouteille d'eau cristalline et fraiche après avoir étanché ma propre soif. Puis j'arrache quelques morceaux d'écorce. Sur le chemin du retour, mon odorat capte une fragrance sucrée et je sais ce que sais avant même de le voir. Au creux d'une souche, je repère les restes d'une ruche. D'après les traces d'intrusion, un ours est passé par là il y a quelques heures. Qui dit ruche, dit abeilles, mais qui dit ruche, dit aussi miel. C'est donc avec grand plaisir que je récupère les quelques plaquettes dorées qui étaient hors de portée de notre ami l'ours.

Lorsque je reviens, Ran se trouve dans la grotte et s'active à faire un petit feu afin de cuire la viande de lapin. Zevi est non loin avec Mr Grifou. Aucune trace du nain.

- Je t'avais dis de dormir.

- Pas fatigué. Et je ne te laisserai pas seule avec cette sangsue...

Il ne me regarde pas, mais lance un regard noir au vampire. Je soupire. Il ne me reste plus qu'une seule chose à faire... Je me place derrière Ran et l'assomme d'un coup de poing précis. Il tombre comme une mouche et je l'adosse contre un mur. Je capte ensuite le regarde de Zevi.

- Quoi ? Il n'allait pas m'écouter de toute manière et je ne veut pas qu'il soit un boulet cette nuit.

Je fais ensuite cuire la viande, prépare une salade de baies en gardant le miel pour le dessert. Je mange et laisse une part pour Ran sur l'écorce quand il se réveillera. Puis je m'assoie à côté du vampire, caressant doucement Mr Grifou.

- On a environ une tuer avant que Ran ne se réveille. D'ici là le soleil sera probablement couché. Alors, de quoi veux-tu qu'on parle ? Ou bien que veux-tu qu'on fasse ?

Bavardage ou bien reprise de là où nous nous sommes arrêtés avant le repas ? Je me demande bien ce qu'il va choisir...

Spoiler:

Elle grimaçait lorsqu'il s'exprimait, elle souriait lorsqu'il se dérobait. Ce visage si expressif était adoré de notre vampire, car il appréciait les sentiments sincères dépeints sur les traits des personnes avec qui il discutait. Cela prouvait leurs noblesses, leurs âmes droites et justes. Et Lunielle était de cela, en plus d'être une personne libre comme l'air, soumis à aucune loi. Zeviehl était de ces gens là aussi, sauf que sa nouvelle condition le priva de cette jouissance de liberté... Il devait s'adapter à des lois dû à cette malédiction, et elle était bien longue cette adaptation. Trop à son goût.
Lunielle le rassura en s'expliquant qu'elle lui avait fait confiance, qu'elle savait ce qu'elle faisait. Il ne remettait pas en doute son instinct, mais il se permettait de penser que parfois elle devrait peut-être faire plus attention avec lui... Peut-être, peut-être pas, car il devait se l'avouer à lui-même que les prises de risque qu'elle prenait sont admirables, et que cela l'envoûter d'un plaisir qu'il ne saurait décrire. Reconnait-il en elle lui-même avant qu'il ne devienne un vampire ?
Lorsqu'il était vivant. Un vampire prenait un peu moins de risque, car il ne pouvait ni mourir d'une chute, ni d'une maladie, et sa force était triplé voir plus.
Se sentir frêle au quart de tour, comme n'importe quel être vivant... Il avait fini par oublié comment l'on se sentait sous cet état. Avec le temps, il n'y pensera même plus.

Lunielle prenait les devant, les cachant plus dans les ombres de la grotte. Sans qu'il puisse dire ou faire quoi que se soit, l'elfe déposa un long baisé sur ses lèvres. Il perçut la chaleur, assez lointaine, mais un peu tout de même. La malice dans le regard de Lunielle éveilla la sienne, répondant d'un sourire charmeur.
- Me hanter pour l'éternité ? C'aurait été bien long.

Une éternité de sexe vampirique ?! Quelle audace. Fougueuse et provocatrice, une femme forte et belle, un regard d'un bleu azur sans pareille et la sensation que rien ni personne ne pouvait atteindre Lunielle rendait Zeviehl plein d'admiration et l'envie de la reprendre dans ses bras l'épris, soudain.
Mais l'inquiétude pour son futur repas arrêta le vampire, qui souffla d'un air déçu.
Très bien, il attendrait ici, puisqu'il n'avait pas le choix.

Il ne se passa que quelques temps avant que Ranarel ne revint avec le dînée. Le vampire resta loin de lui, plus pour sa propre sécurité et également pour celle de l'elfe. Car s'il retentait quoi que se soit, le vampire se donnerait à coeur joie de l'envoyer valser hors de cette grotte. Agacé par les regards en coin de Ranarel, Zeviehl posa ses yeux ailleurs, l'air de l'ignorer totalement. Lunielle finit par revenir à son tour.
- Je t'avais dis de dormir.
- Pas fatigué. Et je ne te laisserai pas seule avec cette sangsue...
- On va faire comme si je n'avais rien entendu..., soupira le concerné.

L'ouïe des vampires devaient être aussi bien développé que celle des elfes. Donc parler à voix haute, en plus dans une grotte, n'était pas l'endroit pour faire comme si la conversation était privée. Zeviehl ne manqua pas de lancer à son tour des regards énervés à son "adversaire d'âme". Quelle plaie...
Mais très vite, l'expression sur le visage du jeune vampire passa de l'agacement à l'étonnement devant l'acte de Lunielle, qui avait assommé son congénère.
- Quoi ? Il n'allait pas m'écouter de toute manière et je ne veux pas qu'il soit un boulet cette nuit.

Zeviehl éclata de rire, et observa sagement Lunielle en train de manger. Elle le rejoignit bien vite, se plaçant à côté, très proche, caressant d'abord Grifou, puis se tournant vers lui.
Un heure à tuer ? Tient donc, mais c'est que la jeune Lunielle semblait s'ennuyer autant que lui ? Le vampire resta un léger instant dans ses songes. Avant de se lever et de lui faire face, approchant son visage à quelques centimètres du siens :
- Pour en revenir à notre conversation, saches que jamais je ne te ferais de mal. Tu n'auras jamais à me hanter, ni à devenir une vampire, car je ne veux pas te faire subir de force cette vie. Je te sais libre, je te sais heureuse ainsi...

Il leva les yeux vers le corps endormis de Ran avant de revenir à cette mer bleue saisissante :
- ... Et je respecte cela. Je le vénère même ! Et c'est presque si je ne te jalouse pas... Car ma vie d'avant, lorsque j'y repense, me manque. Mais j'ai la chance, dans cette vie-ci, d'avoir rencontré une personne aussi formidable que toi.

Il baissa les yeux pour réfléchir à sa question, un peu délicate, qu'il allait lui poser :
- Dis moi, Lunielle, aimes-tu vraiment le danger que je représente, ou apprécies-tu ma simple compagnie ? Ma personne, ce que je suis, ce que je pense et ce que tu aimes, finalement ?

Zeviehl avait toujours eu une relation privilégier avec les femmes. Mais toutes, sans execption, et ne s'était jamais demandé s'il pouvait avoir des sentiments pour l'une d'entre elle. Encore une fois, cette optique là lui semblait inconnue, mais il voyait en Lunielle, en plus d'une amie fidèle, une compagne pleine de hardiesse. Une représentation douce et merveilleuse de la liberté, la meilleur, ce qu'il vénérait pas dessus tout. Ce qu'il avait perdu à jamais dans les ténèbres de la mort.
Il s'approcha de l'oreille de l'elfe et baissa doucement l'extrémité avant de chuchoter :
- Une heure, dis-tu...

Il sourit, avec son naturel charmeur qu'il n'avait pas perdu avec le temps et le passage dans le trépas.

Spoiler:

- Dis moi, Lunielle, aimes-tu vraiment le danger que je représente, ou apprécies-tu ma simple compagnie ? Ma personne, ce que je suis, ce que je pense et ce que tu aimes, finalement ?

Aïe, question piège...

- C'est vrai que j'aime le danger, j'aime cette sensation d'adrénaline qui coule dans mes veines, mon coeur qui bat à cent à l'heure, l'excitation me gagner, mais je ne te considèrerais jamais comme un danger. Pour moi tu es Zevi, peu importe que tu sois un humain, un démon ou un nain ! Quoique... un nain, peut-être pas. Je t'aime pour qui tu es, charmeur, doux, attentionné, drôle... le fait que tu sois un vampire ne fait que rendre les choses un peu plus intéressantes. De plus, si j'avais un faible pour les vampires, tu ne serais pas mon premier !

J'espère que cette réponse lui suffit, car je ne sais vraiment pas comment m'expliquer autrement. Décrire les impulsions du coeur n'a jamais été facile et parfois les mots ne suffisent pas. C'est dans cette impasse que je me trouve actuellement. Mais, comme d'habitude, je trouve le moyen de m'échapper en prenant mon envol et sortant de l'impasse. Ce n'est pas un changement de sujet, je considère simplement que celui-ci est clos.

Mais Zevi prend les devants et me baise l'extrémité de l'oreille droite ce qui me fais sursauter et rire à la fois. Sachant que mes oreilles font en moyenne une quinzaine de centimètres, ça ne doit pas être facile à faire...

- Une heure, dis-tu...

Son chuchotement est comme le murmure du vent dans les arbres à l'extérieur de la grotte. Mes sept anneaux d'argent frétillent et un son cristallin résonne dans la cavité montagneuse lorsqu'il se percutent doucement. Je m'assois sur son bassin, une jambe de chaque côté comme si je montais un cheval. Ses mains se posent automatiquement sur mes hanches et je l'embrasse passionnément, ignorant royalement le feu qui s'éteint progressivement, Ran assommé non loin et Mr Grifou roulé en boule. Mes longues boucles blondes caressent son visage d'alabâtre tandis que mes anneaux imitent le bruit si particulier de clochettes légères.

- Je ne t'ai jamais expliqué ce que signifient les inscriptions sur mes anneaux, n'est-ce pas ?

Je ne l'ai jamais dit à personne. Même pas à Draren avec qui j'allais me marier. Chaque inscription a une signification particulière et elle sont l'un des restes de mon entrainement qui a duré plusieurs dizaines d'années. C'est comme certaines cicatrices qui parcourent mon corps, chacune d'entre elles possèdent une histoire. Soudain tous les hommes avec qui j'ai été intime à ce point apparaissent dans mon esprit : Ranarel, Draren, Didou, Sytry... Mes conquêtes n'ont pas été nombreuses, mais elles valaient la peine.

Mais les visages longtemps oubliés s'effacent de nouveau, ne laissant place qu'à Zevi. Il est le summum d'entre eux tous, le meilleur et c'est entièrement sur lui que je me concentre. Mes mains se referment sur l'arrière de sa nuque, mes doigts fins parcourent ses cheveux tandis que le reste de mon corps réagit de manière naturelle. J'explore ensuite son dos, ses puissantes épaules et trouve mon chemin jusqu'à sa chemise que je parviens à défaire. De son côté, il devrait avoir moins de mal à défaire mon corset-chemise si particulier.

L'heure s'annonce plaisante...

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Tout n'était-il que piège, avec ces questions à aspiration d'avoir des réponses plus profondes que ce qu'elles demandaient ? En quelque sorte, Zeviehl cherchait-il à être rassurer ? Car des alliés, ça ne courait pas dans toutes les rues, encore moins aux côtés d'un vampire. Et qui sait, peut-être se cache-t-il qu'il apprécie plus qu'il ne le pensait notre chère Lunielle ? Est-ce possible...

Visiblement, aucune informations ne laissaient d'indices sur ce que pensait notre vampire. Ce dernier afficha un beau sourire, touché par ce que Lunielle lui avait répondu. Il comprit qu'elle regardait par delà les apparences, qu'elle voyait avant tout ce qu'il était et non ce qu'il laissait paraître au dehors : un vampire.
C'était ce qu'il est, il ne pourrait rien y changer, mais il regagnait un peu d'humanité à être aux côtés de personnes qui avaient foi en lui. Cela le touchait...
Et son sourire s'agrandit d'une manière plus taquine lorsqu'il comprit également qu'il était "le premier vampire" avec qui Lunielle avait une aventure. Et il comptait bien être le seul, car des Zeviehl coureur de jupons, il n'en existait qu'un seul !

Son murmure faisait réagir Lunielle. C'était voulu, il savait qu'elle n'y résisterait pas. Le corps avait ses propres réactions que l'esprit ne pouvait pas contrôler. Du moins, pas complètement, et ces petites techniques là il les connaissait sur le bout des doigts. Ces derniers passèrent dans le dos de l'elfe pour lui éviter une chute tandis que celle-ci l'embrassait longuement. Elle avait une manière de bouger ses oreilles, produisant ce son vénéré, et sa façon de l'embrasser lui fit se demander combien de filles dans sa vie l'avaient embrassé aussi bien ?
Qui l'égalait dans ces prouesses : courage, beauté, respect. Surtout du respect, un respect qu'elle lui dévoua à chaque instant qu'ils passaient ensemble à affronter les dangers.
C'était en se posant toutes ses questions, que Zeviehl commençait à se demander ce qu'il était en train de faire avec Lunielle. Que faisait-il avec ses pensées et... ? Et puis, que se passera-t-il ensuite ?

Etait-ce de la peur qu'il ressentait d'un seul coup ?

Il n'avait jamais aimé. Il ne savait pas vraiment ce que c'était. Et il se demandait si ça ne ressemblait pas à ça...
Mais il ne devait pas y penser. Pas pour l'instant... Il devait se concentrer. Sur elle.
- J'ai hâte de savoir le secret sur tes beaux anneaux, ma chère, murmura-t-il l'embrassant à son tour.

Que la soirée commence... Qu'elle chante et fasse danser le vent dans les feuillages. Et faite que Ranarel ne se réveille pas.

(Ceci est un passage Zeviehlesque, jeunes âmes pures et innocentes s'abstenir)

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ATTENTION !!! ÂMES SENSIBLES S'ABSTENIRENT !!!

- J'ai hâte de savoir le secret sur tes beaux anneaux, ma chère.

Je souris et prend l'anneau à l'extrémité de mon oreille droite.

- Les symboles que tu vois sont des lettres elfiques. Cela signifie "Habilité".

Je prends le deuxième anneau et ainsi de suite.

- Liberté, Espoir et Amour. De l'autre côté il y a Force, Chance et Honneur. Ce sont sept vertus très importantes et qui ont tenues une grande place lors de mon entrainement. Ils me représentent aussi bien que mes armes et mon comportement.

Puis c'est la fin des paroles et le début de l'action. Il enlève mon corset avec une certaine difficulté, certes, mais relativement vite quand même. Puis il me dépose sur son manteau et me caresse. Je sens son moindre toucher, mes poils se hérissent au contact de la froideur de son corps, mais cet apport de fraicheur ne parvient pas à éteindre le feu qui brûle en moi. C'est même rafraichissant d'une certaine manière, comme un morceau de glace qu'on place sur le front lors des journées d'été trop chaudes.

Mes oreilles frémissent sans cesse comme celles d'un animal. Je ne peux les tourner de 360 degrés comme certains d'entre eux, mais elles sont aussi sensibles et réagissent au moindre bruit, à la moindre sensation. Je ne sais pas comment je pourrais vivre s'il me manquait soudain l'un de mes sens ou bien s'ils étaient aussi peu développés que ceux des humains. J'ai toujours profité de cet avantage et bien que j'ai dû faire sans temporairement, j'ai toujours été plus qu'enchantée de les retrouver. Je ne peux m'imaginer le monde sans eux.

Zevi me demande si ça va. Je hoche rapidement la tête tandis qu'il continue le ballet de ses lèvres, me faisant tellement sourire que je m'en mords les lèvres de plaisir. Nous avons tous nos petits plaisirs secrets et perverts et oui, je peux le dire, je jubile. On dit toujours que les elfes sont sérieux, stoïques, blasés parfois, qu'ils ne laissent pas les émotions les guider et savent toujours rester en dehors, garder leur sang-froid. Pourtant, je me suis toujours sentie différente, par ma manière de pensée, de réagir, de vivre. Sans doute l'une des raisons pour lesquelles j'ai été bannie. Et même si maintenant j'ai le droit de revenir, cela ne veut pas dire que j'ai envie d'y retourner. Là maintenant, je suis très bien là où je suis.

Pourquoi les femmes doivent toujours être les premières à être toutes nues ?

- C'est pas juste !

J'arrache sa chemise, de toute façon elle est déjà déchirée... Mon souffle est rapide, mes joues rosées voir même rouges, mes yeux brillent d'excitation et le tintement de mes anneaux rejoint le bruit de nos respirations. Mon regard tombe sur son pantalon et je ne peux m'empêcher de sentir le frottement de ses jambes puissantes contre les miennes. Je vérifie rapidement du coin de l'oeil que mes armes et mon sac sont toujours là et que Ran ne s'est pas réveillé. N'empêche, j'aimerais quand même voir sa tête s'il nous surprend.

Le dernier obstacle tombe et Zevi apparait dans toute sa splendeur. Son ballet est fini, à moi de jouer avec mes lèvres maintenant. Je parcours son cou, son torse puissant, puis reviens de nouveau vers ses lèvres lorsque mes dernières barrières cèdent quand il me pénètre. Le balancement de nos membres, le rythme de nos corps, les pulsations du sang dans mes veines, le bruissement de nos cheveux, le tintement de mes anneaux... tout se mélange dans un ensemble parfait.

Communion de deux êtres, pincement effrenés, souffles perçants, gestes doux et rafinés. Pendant cet instant je me laisse dériver, je me sens vivante, cette perception qui résonne dans mes os et la même que j'ai ressenti à plusieurs reprises, notamment par exemple lorsque j'étais tellement blessée que je sentais la vie quitter mon corps. Je suis en vie. Cette pensée claire et pure est la seule qui se trouve actuellement dans mon esprit. Fermant les yeux, je me livre entièrement au vampire et profite au maximum de ce moment magique avant qu'il ne s'arrête.

Cela a beau être un plaisir et il arrive un moment où la fatigue prend le dessus et Zevi s'allonge à côté de moi. Je ne peux m'empêcher de sourire au plafond en essayant de reprendre mon souffle. Ma main se pose sur son épaule.

- Pas mal !

Je ne vais pas non plus lui dire que c'était parfait, lui donner la plus haute note ne serait pas drôle. Nous restons allonger pendant un certain temps et je le sens jouer avec mes cheveux et les pointes de mes oreilles.

- L'heure ne devrait pas tarder à être finie... alors avant que Ran ne se réveille, je vais en profiter pour me laver dans la rivière. Je ne serais pas longue.

Après un dernier baiser langoureux, je sors de la grotte tandis que les rayons du soleil couchant illuminent les courbes soyeuses de mon corps entièrement nu.

Spoiler:

Spoiler:

Habilité. Un sens, une façon d'agir, ou une façon de penser. Pour les innés, pour ceux qui savent s'en servir ou pour les meilleurs penseurs.
Les autres anneaux ont de plus fortes significations : la liberté, l'espoir et l'amour. Deux d'entres elles, Zeviehl les vénère de tout son être. La liberté étant sa vénérable, et l'amour son "métier", en quelque sorte. Force, Chance et Honneur... La chance surtout, notre vampire la connait bien. Vous allez me dire que vue ce qui lui était arrivé, c'est loin d'être le cas. Et pourtant, tout au long de sa vie et de son existence, il n'a cessé de la côtoyer.

C'était des préceptes où il fallait des heures de paroles pour en débattre sur chacune d'entres elles, avec plusieurs personnes. Car il fallait au moins cela, plusieurs têtes, pour parler, parler et encore parler... Pour au final se dire que ces préceptes auront toujours un impacte sur le monde et sur ceux qui y vivent.

Zeviehl ne prenait pas vraiment le temps, en cette soirée, de débattre, de parler de préceptes d'un monde qui ne voulait pas de lui. Toute son attention était reportée sur sa belle elfe. Elle réagissait à tout ce qu'il lui faisait : ses caresses, et ses jeux sur son corps nu. Au final, l'excitation des deux comparses finit par prendre le dessus, et Lunielle voulut rééquilibrer le jeu. Plus vite que la musique, les restes de la chemise finirent en lambeaux, le pantalon ne le couvrait plus et le vampire se retrouva à son tour nu, montrant un corps beaucoup plus pâle que celui de l'elfe. Ce n'était pas difficile puisqu'elle même avait les joues rosés, presque rouges par son excitation et ce sport qu'ils pratiquent comme des sauvages. Malgré la pénombre d'une future nuit qui approchait à grand pas, il ne pouvait cacher ce gros contraste. Mais avec Lunielle, il ne ressentait pas la gêne. Elle l'avait déjà connu, ce corps, et malgré la pâleur, il n'en restait pas moins fort séduisant. C'était peut-être une raison qui poussait Lunielle a recommencer avec lui.

Il laissa Lunielle faire son petit tour, jouant au même jeu que lui. C'est avec un sourire qu'il accueillit le regard égrillard de la belle. A l'approche d'un acte licencieux mais sublime, les deux corps se retrouvèrent, comme s'ils revenaient sur des bases. En avant pour un nouveau voyage, tiens moi la main, ne tombe pas surtout... Je t'emmène faire ce beau voyage, ma chère Lunielle.
Et ils finirent par s'unir. La sensation met plus de temps à venir qu'à l'époque, état de vampire oblige; mais elle finit toujours par arriver... Un peu penaud, maladroit, le vampire s'excusait, mais toutefois il assumait le rythme imposé. Il semblerait qu'à la chaleur et aux gémissements de l'elfe, cela prenait le temps mais cela était tout de même à son goût. Il était heureux de l'apprendre et finit à son tour par trouver du plaisir.

Il ne pensait pas qu'il trouverait ce genre de sensation un jour... Il l'avait pourtant fait avec plusieurs femmes, des dizaines et plus. Mais cette sensation là... Celle qui murmure d'un ton chaleureux que la vie était parmi eux. Ce qui était proprement faux, en se qui le concernait. Et pourtant... Il avait l'impression de revivre. Et l'idée, merveilleuse, utopique, le ferait presque pleurer de joie. Un vampire ne pleurait pas, à peine une fois tous les cents ans peut-être ?
Il ne pouvait mettre un nom sur ce qu'il ressentait, cela le rendrait presque fou... Tout ce qu'il pouvait comprendre, tout en s'unissant à elle, tout en la caressant et l'embrassant, c'est qu'elle est la personne qui lui redonne la vie. Là. Maintenant.
Et c'était merveilleux.

Il en lâcha des larmes. Les prochaines seront pour dans cent ans, donc ?

J'espère seulement qu'elle ne les aura pas remarqué...
Mais alors qu'il passa son bras sur son visage, faisant mine de s'étirer, son autre bras tenait Lunielle par les épaules. "Pas mal" ? Elle se voilait la vérité ?
- "Pas mal", dis-tu ? Tu manques de mots, car je suis sûr que c'était un peu plus que ça, hmm ?, sourit Zeviehl.

Il l'embêtait, un jeu supplémentaire lors d'un voyage comme celui-ci. Légères provocations après avoir gravis ces montages et atteint un lieu si proche des plus hauts monts de la terre. Le vampire lui fit encore quelques baisés sur sa tête et jouait avec ses oreilles qui scintillaient si bien, avant qu'elle ne se lève. Elle voulut partir se laver un peu, ce qui n'était pas une si mauvaise idée. Car, effectivement, si Ranarel -que Zeviehl avait complètement zappé- se réveillait et voyait les deux là disons... Nu et ensemble. Le vampire risquait fortement de perdre quelque chose en route...
- Je t'en pris, fit-il, savourant le baisé et la regardant s'éloigner.

En se qui le concernait, il n'avait pas trop ce problème. Pas de chaleur, pas de fraicheur, rien qui pouvait lui donner ni transpiration, ni maladie, ni quoi que se soit qui appartenaient aux vivants. C'était fascinant tout de même de se rendre compte qu'il n'était pas tout à fait vivant mais qu'il était encore capable de faire ce qu'il venait de faire avec autant de vigueur. Hmmm...

Il regarda le plafond de la grotte pendant tout le temps que son absence. Dans ses pensées, il se remémora cette sensation, dont il ne pouvait mettre de nom. Était-ce un doux rêve ? Si c'était vraiment la réalité, qu'elle était son apparence, sa qualité, et bon sang comment pouvait-elle se nommer ?
Zeviehl ne comprenait pas. Il soupira avant de se redresser et de se rhabiller... Avec ce qui lui restait du coup. Enfilant son bas, il jeta sa chemise -ou ce qui en restait- sur Mr Grifou. Le chat sursauta et l'ultime réflexe qu'il eut fut d'attaquer son nouvel ennemi le torchon qui avait osé le réveiller.
Le vampire éclata de rire et s'arrêta net lorsqu'il entendit un gémissement.
- Hmmmm... Qu'est-ce que...

Aïe.
- Mais ?! ... Où est Lunielle et... Que fais-tu torse nu ?

Aïe... Faut-il bouger ou non ?
- Réponds moi, vampire, et... reprends ta "respiration".
- Eh bien..., fit Zeviehl. Je... Ma chemise a rendu l'âme. Je ne t'explique pas pourquoi, vue que tu y avais contribué alors je... Je reste comme ça. Voilà. Un problème ?
- Non... Enfin si tu pouvais juste éviter de te montrer comme ça devant Lunielle, hein...
- Oh oui oui oui, évidemment, bien sûr, pas de souci.

Zeviehl se retourna pour s'empêcher de rire devant cette remarque et enfila son grand manteau.
- Mieux, messire ?, lâcha-t-il moqueur.
- Ouais...

Ranarel lui lança des regards noirs qui aurait pu tuer n'importe qui... Sauf qu'étant vampire, rien ne pouvait le tuer à part des techniques ancestrales. Heureusement pour Zeviehl, Ran ne semblait pas connaître ces techniques.

Spoiler:

Heureusement que j'ai pris mes vêtements avec moi au cas où Ran se réveille avant mon retour, car sinon il aurait été encore plus excécrabe que d'habitude et je m'en serais voulu de devoir le frapper de nouveau juste parce qu'il aurait mal réagi. Trouver la rivière ne me prend que quelques minutes, car cela fait des heures que je l'entends glouglouter non loin. L'eau est si claire et pure que je m'arrête sur le bord afin de la contempler. J'hésite à troubler sa surface limpide avec mon impureté, mais je n'ai pas de temps à perdre et se baigner dans une rivière n'a jamais tué personne.

L'eau est froide au début, mais je me fais rapidement à la température et plonge toute entière dans le courant. Les petites mains invisibles de la force aquatique me nettoient sans que j'ai besoin de faire quoi que ce soit et toute trace de transpiration et de la poussière du voyage disparait de ma peau.

Je perce de nouveau la surface et profite du calme et de la sérennité des lieux pour fermer les yeux pendant quelques secondes sans rien faire d'autre. Juste se concentrer sur les bruits alentours, laisser la vie reprendre ses droits autour de moi, me fondre dans la masse des êtres vivants, me perdre dans les méandres de la rivière... Le courant me porte tout doucement dans ses bras, je profite au maximum de ce instant de plénitude tant que je le peux, car dès ce soir, nous allons nous engager dans les montagnes et je ne sais quand est-ce que je reverrais la lumière du jour.

Mais assez de trempette pour aujourd'hui. Je me relève et monte sur le bord, quittant définitivement la rivière. Le courant m'a emporté relativement loin et marcher jusqu'à mes vêtements me permet de sécher. Je retrouve mes cuirs et lames. Je ne suis pas pudique aussi me promener nue dans une forêt ne me pose aucun problème, mais j'aime mes armes un peu trop. Après m'être habillée, je jette une dernière caresse à la rivière avant de me diriger de nouveau vers la grotte.

Une chose me percute avant que je n'arrive : je n'ai absolument aucune idée combien de temps s'est écoulé depuis que je suis sortie.

Spoiler:

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... Le temps. Pour des êtres mortels, le temps était une chose tabou. Il les touche, il les vieillit. D'un côté, il peut être un ennemi dans des moments difficiles qu'on souhaite qu'ils passent vites, d'un autre il est tout inverse... Mais cela reste rare. Les mortels sont compliqués de toute façon avec cette histoire...
Du peu qu'il s'en souvenait, de cette vie là -car elle commençait à s'évanouir au loin- Zeviehl ne prenait pas autant d'importance au "temps" en général. Il était si heureux de vivre chaque parcelles de sa liberté que tout passait souvent bien trop vite. Savourer ces moments n'étaient pas de tout repos, mais finalement, il aura tout de même vécu trente années avant de...

Mourir... Autre point tabou chez les mortels.

Mais passons. A force, il allait finir par devenir un vieux vampire des contes et légendes qui voit le temps passer sans jamais mourir et en ne subissant les effets. Ni vieillesse, ni épuisement, pas même une ride sur le visage. Il gardera à jamais l'âge de trente années qu'il aura vécu libre, bien vivant, pas forcément honnête mais toujours correcte.

Zeviehl soupira longuement lorsque Ranarel lui cracha une question qu'il avait déjà oublié.
- Hé ! ...

... Après quelques secondes, le vampire daigna se retourner avec un léger "hmmmm ?"
- Depuis combien de temps est partie Lunielle ?

Pour une fois que Ranarel posait une question intelligente, Zeviehl n'avait pas été préparé pour y répondre. Car il n'avait pas calculé réellement le temps d'absence de leur chère et merveilleuse Lunielle. Et lorsqu'il y pensait... Elle était partie depuis un moment.
- Je ne sais pas, répondit finalement Zeviehl en haussant les épaule. Elle va finir par revenir...

Il n'était lui-même pas convaincu. Et il l'avait sans doute fait sentir à son interlocuteur qui s'était levé, rapprocher, poing sur le pommeau de son arme, avec l'air suspicieux sur le visage. Zeviehl leva un sourcil. L'elfe ne bougeait plus. Le vampire attendit. Ranarel insista en durcissant le regard. L'ex humain avait envie de l'envoyer chier... Mais il devait se l'avouer qu'il s'inquiétait beaucoup, peut-être davantage que Ranarel aimerait le faire croire. Car ce dernier n'attendait qu'une chose : un prétexte pour le détruire.
- Je dois avouer... , continua-t-il, qu'elle est partie depuis un bon moment... C'est inquiétant, car elle disait juste aller se-
- Tais toi ! Que faisais-tu avec elle hein ?

Pardon ? ...
- Je n'aime pas du tout que tu restes proche d'elle. Espèce de monstre ! J'ai l'impression que tu es prêt à la dévorer n'importe quand. ça m'enrage, et ça me donne envie de t'annihiler !

Zeviehl pencha la tête devant ce champ lexical bien fourni... Sentez l'ironie. Monstre, ça il pouvait encore le digérer, car il n'y a pas si longtemps encore, Zeviehl pensait également qu'il en était un. Un monstre sans état d'âme prêt à tuer n'importe qui/quoi. Mais aujourd'hui, ce n'était plus le cas... Mais allez savoir si ce crétin le comprendrait un jour, et le vampire n'était pas ici pour l'éduquer sur ces points. Par contre la rage, l’annihilation, ces mots prononçaient de sa bouche pourraient faire croire qu'ils sortaient tout droit d'un poème au champ lexical violent. Cela en devenait presque harmonieux et rendait Ran plus intéressant.
Encore une fois, Zeviehl devait rêvasser.
- Tu ne répliques pas ? Tu attends et tu es prêt à recevoir mon épée dans tes tripes sans rien dire, sans rien faire ?!
- Vises mieux cette fois, sourit Zeviehl.
- Ne te moque pas de moi, s'emporta Ranarel qui avait presque sortit son arme mais continuait à se retenir -de force (C'était d'ailleurs herculien de sa part de se retenir autant)- Qu'elle est le lien que tu entretiens avec elle pour avoir autant de confiance et rester passif !
- Parce que j'ai confiance, justement, en elle. Que je sais très bien qu'elle reviendra.
- Et puis quoi encore, tu l'as connais si bien ?! Tu ne vas pas me dire que tu l'aimes aussi ?! ça serait une blague !

La première réaction du vampire fut de lever des yeux étonnés vers l'elfe. Surpris oui, car ce revirement de situation, même lui, il n'aurait pas prévu. Mais Zeviehl hésita longuement, sur ces questions, sur cette remarque... Ce qui laissa Ranarel bouche bée. Zeviehl, par moment lorsqu'il était en maison close avec les filles, se demandait ce que signifiait l'amour, et à quoi cela ressemblait. Est-ce qu'une personne comme lui pouvait aimer quelqu'un ? Et même si c'était possible, comment être sûr que ça soit vrai ? Lorsqu'il s'était uni avec elle, ce soir, une chose avait été différente. Mais il n'avait toujours pas mis un nom ou une signification là-dessus, car il ne savait pas ce qui c'était produit... Il ne comprenait pas ce qui a bien pu se passer à ce moment là, alors que pour la deuxième fois, il avait donner du plaisir à cette ravissante elfe.

Un éclat de rire à gorge déployé sortit Zeviehl de ses pensées. Le timbre du rire était moqueur...
- Tu l'aimes ?! , Demanda l'elfe hilare.
- Je n'ai rien dit, ni sous entendu cela... , souffla Zeviehl.
- Et donc ?!
- Et donc je... Je ne te répondrais pas.

Ranarel poussa un sifflement d'agacement. Il allait surenchérir, avec l'air très énervé, l'épée à moitié sortie du fourreau, quand soudain, des échos de pas se firent entendre vers l'entrée de la grotte.

Spoiler:

Spoiler:

Un pas. Deux pas. Trois pas.

C'est comme une danse, le jeu des ombres et de la lumière, une légéreté surprenante ce qui fait que le bruit de mes pas n'est pas aussi bruyant que celui d'un troupeau de chevaux lancés au galop. Et l'ombre de ma silhouette est la deuxième chose qui trahit ma présence. Pourtant, je suis loin de me douter de l'accueil qui m'attend.

J'arrive, fraiche comme une rose, les pointes de mes cheveux encore légèrement humides, mes yeux brillants et un sourire satisfait sur le visage. J'ai l'impression d'être entrée dans une cage de lions sur le point de se réduire en charpie et l'envie de faire demi-tour en disant "Désolée, je me suis trompée de porte !" me tente horriblement.

Mais voyons, je ne peux pas leur faire ça à mes hommes. Cela me fait bizarre de penser ça, puisqu'aucun des deux n'est humain. Dès que mon regard tombe sur l'épée à moitié dégainée de Ran, celui-ci la range immédiatement en rougissant comme s'il avait peur que Maman Luni le réprimande et lui donne la fessée. Mais au lieu de baisser les yeux, il se jette sur moi et me fait l'un des câlins les plus surprenants que je n'ai jamais reçu.

- Heureusement tu es de retour ! J'ai bien cru que cette sangsue t'avais enterré quelque part après t'avoir vidée de ton sang !

Zevi nous regarde et je vois bien qu'il est sur le point de pouffer de rire.

- Qu'est-ce que tu as fait à Ran ?

À mon avis, il a du le frapper un très grand nombre de fois sur la tête pour le faire agir ainsi. Mais je dois avouer que cette soudaine effusion de tendresse me fait plaisir. Après que j'ai réussi à détacher Ran, je lui sers le repas que j'avais laissé pour lui et nous discutons rapidement de la suite de notre aventure, du moins jusqu'à ce que le soleil se couche entièrement.

- Rappelle-moi pourquoi tu veux aller dans les montagnes des nains ? Moi, c'est pour voir un ancien ami et lui rappeler qu'il me doit encore un banquet de trois jours, comme promis, ainsi qu'un concours de boisson et un duel, mais c'est une autre histoire. Quant à Ran, on s'est croisé sur le chemin et il a décidé de m'accompagner.

Je n'ajoute pas "pour se faire pardonner et reconquérir mon coeur", mais je le pense tellement fort, que lorsque je regarde l'elfe, j'ai l'impression qu'il l'a vu dans mon regard. Nous nous sommes croisés sur la route menant à la montagne et partant de Reilor. Il allait en direction de la capitale sans doute pour me trouver, mais je ne sais s'il est au courant pour mon surnom de Démolisseuse de Bars et toutes les choses pour lesquelles je suis connue dans ce petit bas-monde de pirates, buveurs et brigands. Je ne lui ai toujours pas pardonné ces trente années durant lesquelles il n'a pas cherché une seule fois à me contacter, malgré la promesse qu'on s'était faite.

Mais malgré tout, je ne peux m'empêcher de l'aimer encore. Il reste un véritable abruti, voir parfois un salopard, mais c'est mon Ran. Je ne peux effacer d'un seul claquement de doigts les quatre années que nous avons vécu ensemble et tout le temps que j'ai passé à le chercher. Et même si je suis reconnaissante envers Zevi et que je l'apprécie beaucoup (il est d'une de ces concurrences pour Ran !), ce n'est pas le même genre de sentiments qui me lie à lui. Bon sang, pourquoi faut-il toujours que les histoires de coeur soient compliquées ? Car maintenant que je suis confuse, je ne sais qui choisir et je ne compte pas le faire maintenant.

- Alors ? Qu'est-ce que nous faisons ? Quel chemin voulez-vous empruntez ?

Je me dois de laisser une chance égale à chacun. À partir de maintenant, essayons donc d'être aimable avec tout le monde et de vivre cette aventure à fond !

Il était particulièrement comique cet elfe. La peur que Zeviehl lui enlève à jamais sa Lunielle lui faisait avoir des réactions d'amants apeurés, prêt à tout pour la protéger. Il semblait enfin se souvenir qu'il était un homme, c'était plutôt rassurant. Lorsque Lunielle revint et que son compagnon l'enlaça de plus belle, le vampire se retint fortement de rire aux éclats, levant les yeux au ciel. Il n'avait rien fait de mal, enfin pas trop. Rien qui ne valait ce moment proche de l'hystérie de la part du mâle alpha... Comparaison un peu faussé, mais il fallait le dire : On pourrait croire désormais que les deux hommes allaient se livrer une bataille sanglante entre "mâle" pour avoir la femelle. Mais Zeviehl n'avait jamais eu réellement besoin de se battre pour une femme. Elles venaient généralement d'elle-même, libre de ses choix, et même si Lunielle décidait de rester avec Ran et de ne plus fréquenter le vampire, il n'irait jamais à son encontre.

Quoi que...
Avec cette question laissait en suspend...
Est-ce que cette question ne méritait pas une réponse claire ? Zeviehl pouvait-il vraiment être amoureux ? En cela, on pouvait émettre d'énormes doutes, car le personnage est et restera sans doute un coureur invétéré, un parfait gentleman pour les dames. Mais c'était Lunielle. Elle représentait tout ce qu'il adorait : la liberté, la force, les taquineries... De plus elle était très belle, et elle avait ce caractère vif d'une personne qui ne se laissait pas attraper... Le vampire vénérait ces gens libres comme l'air. Chose qu'il a été, chose qu'il n'est plus qu'à moitié. Malédiction quand tu nous tiens...

Mais pour le moment, Zeviehl ne pouvait prendre le temps d'y réfléchir. C'est surtout qu'il ne devait pas vraiment se faire d'illusions. Car si jamais ses sentiments n'avaient été qu'une erreur de sa part, qu'il s'était fait des idées ou qu'il avait tout simplement ressenti une espèce de souche lointaine qui lui avait appartenu au temps de son vivant il ne se le pardonnerait jamais d'avoir brisé le coeur de l'elfe s'il venait à lui avouer...

La question resta donc en suspend, pendant qu'une autre le frappa de plein fouet, le refroidissant considérablement. Il leva les yeux vers eux, ayant perdu tout sourire et toute joie sur le visage. Il devait paraître presque effrayant avec ses yeux de miel qui se reflétaient avec le feu, et sa droiture naturelle et froide -dû à son côté mort-vivant.
Il n'avait pas révélé ses raisons depuis le début de l'aventure, et il était temps de leur dire. Car de toute manière, tôt ou tard, elle ou lui seraient mis au courant. Cela passera mieux si l'explication venait de sa part.
- Je me rends au campement des nains pour y retrouver des humains... Des connaissances. J'ai un compte à régler avec l'un d'entre eux, finit-il par répondre avec une voix froide qu'il n'avait pas pu contrôler.

Zeviehl laissait à penser que ce sujet était particulièrement sensible. Après tout ce temps passé à tenter de s'y faire à cette nouvelle "vie", malgré le fait qu'il y arrive de mieux en mieux, il avait toujours la sensation de haine au fond de lui. La sensation que s'il ne retrouvait pas la personne qui avait causé sa chute dans ces ténèbres, il ne pourrait jamais avancer. Accepter mieux son existence...

Le regard du vampire s'adoucit un peu lorsqu'il croisa celui de Lunielle... Elle devait comprendre que c'était une affaire de meurtre. Il en était sûr, car elle avait l'esprit vif mais également une bonne expérience de ces choses là. Il le sentait. L'ancien coéquipier de Zeviehl avait entraîné sa perte, et même si sa vampirisation était de sa propre faute, il ne serait jamais ainsi s'il n'avait pas été chassé de sa ville natale.
Il devait mourir. Pour payer. Pour assouvir une espèce de Justice jeté au feu...
- Excusez-moi, s'inclina Zeviehl, se levant et sortant de la grotte.

Il avait besoin de respirer un bon coup. Il ne voulait surtout pas les mettre mal à l'aise, alors il s'avança, restant dans l'ombre des rochers, alors que le soleil commençait doucement à se coucher. Il serait bientôt l'heure de partir.
Ils auront rejoins le campement des nains au petit matin. Zeviehl espérait pouvoir s'entretenir avec le nain qui gère les mines, pour lui permettre d'abattre sa cible. Il sera discret, il pourra même promettre une contrepartie pour dédommager. Tout ce qu'il souhaitait, c'était retrouver enfin la sérénité et mettre un point final sur son passé. Zeviehl s'adossa contre la roche, les bras croisés, regardant au loin des lieux qu'il n'atteindrait pas sous cette lueur encore trop lumineuse pour lui... Mr Grifou, à peine réveillé, marcha un peu mollement vers son maître pour se coucher sur son pied. Le vampire lâcha un léger sourire. Il devait prendre son mal en patience. Pour l'heure...

Spoiler:

Les histoires de meurtre, bien sûr que je connais. Je peux comprendre les motifs de Zevi. Mais Ran ne semble pas comprendre. Il renie cette idée même de vengeance, son sang elfique resurgissant à la vitesse de l'éclair. J'ai toujours été différente de mes pairs par nos façons de penser qui déffèrent. J'ai pourtant été élevée plus ou moins comme les autres, j'ai vécu à Rosyel, j'ai été à l'Académie comme la plupart des congénères de mon âge, je les ai cotoyé durant des heures et des heures, étudié les mêmes choses, me suis battue de la même manière, mais toujours il y avait cette chose en moi qui me poussait hors du rang, m'isolant des autres.

Ils m'ont toujours dit que j'étais trop "humaine". Que je pensais trop comme eux et c'est une grande insulte pour un elfe (mais pas aussi grande que de perdre face à un nain). J'étais trop joyeuse, trop combattante, trop sensible. Pas assez hautaine. Pourtant leur fierté légendaire est aussi vraie que le souffle du Vent sur mon visage. J'étais peut-être même trop libre pour eux. Je n'ai jamais réussi à m'adapter entièrement et la seule fois que j'étais vraiment unie aux autres membres d'un groupe, c'était lors de l'existence, certes brève, mais existence tout de même de la guilde de Lodola.

Ran n'est pas le pire elfe qui soit pourtant. Il sait faire des efforts et il essaie d'accepter les autres races, surtout les humains, pas rien que pour moi. Mais il reste Ranarel Legendor et, même si je crois que n'importe qui est capable de changer, c'est très difficile pour un être âgé de plus d'un siècle.

Je sais à quel point la vengeance peut être tentante. J'ai quand même passé douze années entières à traquer une vampire pour la mort de mon fiancé (de laquelle j'étais partiellement responsable). Et lorsque nous nous sommes finalement affrontées de nouveau, c'était un match nul. Nous avons décidées de ne plus chercher à se venger et chacune est repartie de son côté. La peine et la haine resteront toujours là, mais elles ne sont plus aussi brûlantes qu'autrefois, marquées au fer rouge sur la peau tendre mise à nue.

Pourtant je sais que chacun doit se débrouiller avec ses problèmes, surtout avec ceux qui mentionne une vengeance sanglante. Certaines personnes se disent que cela ne vaut pas la peine, d'autres feront tout pour retirer une vie pour en venger une autre, d'autres encore arrêterons en plein milieu de leur quête comme moi-même je l'ai fais. Nous avons tous une manière différente de voir les choses et d'y réagir et aucune façon n'est bonne ni mauvaise. Il n'y a que les conséquences qui varient.

C'est donc un regard remplit de compréhension que je lève vers Zeviehl au moment où celui-ci décide de sortir de la grotte, comme pour prendre l'air. Je comprends ce qu'il ressent, même si je n'ai pas toutes les cartes en main pour connaitre exactement ce qui lui est arrivé, et je sais que je ne dois pas intervenir dans les décisions qu'il prendra durant les prochains jours. C'est son affaire, pas la mienne, peu importe la relation qui nous lie.

Je regarde Ran et il ouvre la bouche pour balancer un commentaire désobligeant, mais je coupe court à sa tentative :

- Tu te rappelles d'Alita ?

Cette simple question le paralyse totalement et le fait ressembler à un poisson rouge qui essaie de respirer à l'air libre. Ouverte. Fermée. Ouverte. Fermée. Sa bouche ne fait que ça, comme si son cerveau était en train de court-circuiter ou bien qu'il hésitait sérieusement sur une réponse.

- Elle aurait eut 145 ans cette année.

Je sais très bien qu'avec Ran, le sujet d'Alita est extrêmement sensible, même s'il n'est pas aussi sensible qu'avec Sédriel qui ne m'a plus jamais adressé la parole après l'incident. Ou plutôt le meurtre, devrais-je dire.

Mon meurtre. Mon premier.

J'entends Zevi qui revient tandis que les rayons du soleil maintenant extrêmement faibles à l'horizon, finissent leur course dans la frotte, inondant celle-ci d'obscurité tandis que nos visions nocturnes font effet naturellement sans même que nous nous en rendions compte.

- Ce n'était pas ta faute, Luni...

- Elle est morte de ma main, Ran ! C'est MOI qui l'a tuée !

Je n'aurais pas du élever la voix. Je pensais qu'après toutes ces années, j'aurais accepté ce fardeau et qu'il ne me hanterait plus. Je croyais que j'avais fait la paix avec moi-même. Mais visiblement les fantômes de notre passé nous rattrapent toujours.

Il y a trois catégories de personnes : ceux qui se vengeront jusqu'à bout, comme ce que Zevi s'apprête sans doute à faire, ceux qui réalise en plein milieu de leur affaire que cela ne sert à rien et que ça ne vaut pas la peine après tout ce temps, comme moi et enfin ceux qui n'ont jamais cherché à se venger.

Comme Sédriel.

Spoiler:

- Elle est morte de ma main, Ran ! C'est MOI qui l'a tuée !

Zeviehl s'arrêta net, sur place, observant les deux elfes, immobiles. L'une un peu choqué d'avoir crié, sans doute sans l'avoir voulu. L'autre statique d'une personne qui ne savait plus quoi dire.
Il était bien évident que Lunielle avait déjà tué, mais "elle" devait être la plus symbolique.
Le vampire se mit à regarder Lunielle, et malgré la pénombre nouvelle qui s'installa, sa vision nocturne ne manqua aucun détail : l'impression qu'elle se crispait sous un poids aussi lourd que l'acier. La culpabilité ? La haine ? Peu importait, au fond, il s'était passé quelque chose de grave et Lunielle avait commis un meurtre. "Elle". "Elle" était décédée, sous sa main.
En regardant les traits de Ranarel, il éprouvait comme une compassion, de l'inquiétude envers son amie. Et même si Zeviehl ne connaissait pas tous les éléments, il savait qu'il était l'auteur de ce déclenchement hostile venu de Lunielle. Une hostilité que seuls peuvent connaître ceux qui la connaisse : la vengeance. Cette dernière pouvait être légitime ou non, tout cela dépend du mode de pensée à chacun. Mais elle engendrait le meurtre, et ceci était à punir. Encore faut-il que la Justice sache reconnaître le légitime, le vrai du faux... Qui oserait punir sans savoir et donc se faire passer pour un montre à son tour ? Personnes n'étaient bien placé pour se mettre au niveau du meilleur juge, et un homme peut-il juger un homme ? Est-ce possible ...
Il faudrait sans doute être à l'état d'immortel omniscient pour être un véritable juge sans faille au jugement prompt sans fautes aucune.

Alors que la scène s'était figé dans le mutisme, Zeviehl s'approcha d'eux, lançant un coup d'oeil à Ran. Il pencha la tête vers Lunielle.
- Qu'est-ce que ça fait ? , demanda-t-il doucement.

Ses yeux de miel transperçait le bleu ciel de l'elfe, comme s'il cherchait à avoir une réponse qui dépassait l'entendement. Est-ce que le juge était présent quelque part dans cette grotte ? Car il fallait un témoin à ce qui allait se dire ici...
Zeviehl avait toujours laisser pensée être le plus trouillard et le plus fourbe des voleurs et petit assassin de sa ville natale. Travaillant dans une maison close, faire de l'esprit n'était pas forcément le fort des clients sur place... Alors Zeviehl avait appris par lui-même à se battre, à fuir surtout, mais également à penser par lui-même. A émettre des hypothèses et à construire son jugement. Il n'était pas le meilleur juge et de loin le pire qui soit, car il avait son propre mode de penser.
Mais il était lucide. Alors avec lucidité, il allait tenter de comprendre, et peut-être d'éclaircir des choses. L'information mérite une information, un échange de bon procédé. Entre amis cela se fait.
- Qu'est-ce que ça fait de tuer une personne qu'on a connu ? , répéta le vampire, s'asseyant en face de Lunielle.

Il pencha à nouveau la tête sur le côté tandis que son regard ne la lâchait plus.
- La mort... C'est une chose troublante, non ?, plaisante-t-il. Le meurtre est une façon comme une autre de la donner... Je ne connais pas son nom, je ne sais pas qui elle était pour toi, je ne connais même pas les raisons qui t'ont poussé à faire cela. Accident ou non ? Meurtre ou mort précipitée ? Nous sommes tous des mortels, voués à mourir un jour ou l'autre, dans le même but ultime de finir sa vie sur cette île ou sur une autre.

Il se rapprocha un peu, prêt à reculer au moindre mouvement brusque de Ranarel.
- J'ai cru entendre de la culpabilité ? De la haine ? Cela ne te ressemble pas, dis moi. Ne me dis pas que tu peux tuer n'importe qui et ne pas ressentir un peu de culpabilité à arrêter des vies au fil de ton épée ou à la pointe de ta flèche... J'ai déjà tué, j'ai toujours regretté... Mais on vit, et on passe à autre chose, en pensant que nous avons la chance d'être en vie et que nous allons vivre pour eux, nous qui avons été leurs bourreaux pendant un court instant. Souvent on ne m'a pas laissé le choix, mais... Cette fois-ci...

Il s'arrêta, serra ses poings, et avait l'impression qu'il aurait pu démolir un mur de la grotte. Il se retenait juste parce qu'il était plus respectueux qu'un sauvage.
- Mahel, voilà son nom. Je vais le crever. Pas par simple vengeance, mais pour vivre. Car je veux vivre à nouveau... Oh, non pas comme vous le pensez... Car c'est évident que je suis foutu depuis longtemps. Mais si je suis dans cette état actuel, c'est parce qu'il m'a trahi, qu'il m'a discrédité. Je veux lui rendre ce qu'il m'a donné...

Il sourit en voyant les yeux ronds de Ran.
- Non je ne vais pas le transformer. Je vais le tuer, oui... C'est finalement un cadeau, quand on pense qu'on peut vivre, et mourir pour connaître la paix. Sauf que...

Il se retint, car il ne voulait pas paraître monstrueux. Ce qui allait se passer avec Mahel devait rester entre eux... Mais il ne pouvait pas cacher sur le point que la situation risquait d'être terrible.
- Lunielle, murmura-t-il enfin. Je ne sais pas ce que tu as fait, mais tu l'as fait. La culpabilité ne rattrapera rien, se laisser rongé par le passer ne t'aidera jamais... Tu peux faire ça ou alors tu peux sortir de cette grotte, respirer à plein poumon cet air et avancer avec la force et la conviction que tu vivras en étant juste, et en ne commettant plus les même erreurs.

Mr Grifou grogna et mordilla la main de son maître. "Manger" traduirons nous... Le vampire soupira et sourit, se disant qu'il avait pour compagnon le pire ventre à pattes qui soit. Il s'assoit un peu plus loin, et sortit de la viande séché qu'il tendit à son chat.
- Sur ce, mes chers elfes de la forêt, sourit-il de toutes ses dents (même celles qui piquent). Et si nous parlions de quelque chose de plus joyeux avant de reprendre la route ?

Il lança un regard coquin à Lunielle, puis passa ses yeux miels complices vers Ranarel. Il allait faire une zévhiellerie qu'il n'allait pas oublier de si tôt cet être hautain et coincé :
- De sexe, tiens ! ça c'est un super sujet de conversation !

Et voilà... Tout craché.

Spoiler:

Spoiler:

J'attends que Zevi ai fini son monologue sur la vengeance, la mort et la vie. Il est devenue philosophe en regardant le soleil ou quoi ?

- Elle s'appelait Alita Ally Amy Sollenwel.

- Alias Triple A.

Ran sourit en se souvenant sans doute de la manière dont j'avais trouvé ce surnom.

- Elle travaillait en tant que serveuse dans l'auberge de ses parents "La Fée Rigolote". Ils étaient tellement passionnés par les humains qu'ils ont nommé leur fille unique par trois prénoms féminins. Alita était la plus gentille elfe que je connaissais. Je l'ai rencontré lorsque Sédriel m'a emmenée en rencard, qui a très mal tourné d'ailleurs. Nous sommes tout de suite devenus les trois amis inséparables et nous avions tous cours ensemble à l'Académie.

Je jette un regard en coin à Ran comme pour le remettre à sa place.

- Avant que Ran ne s'en mêle et élargisse notre groupe. Mais comme il avait un an d'avance, il ne me collait pas tout le temps.

Luni 1 / Ran 0

- Nous avions 6 cours au choix et nous devions en choisir 3, car c'est inpossible de se spécialiser dans toutes les catégories de magie. Moi, j'avais droit à 4, puisque j'étais l'une des 10 meilleurs élèves lors du test d'inscription. L'un de ces cours entre autre était "Défense contre les Forces Obscures", notamment contre la magie noire. Nous devions étudier les contre-sorts contre la possession notamment, mais seulement en 2ème année.

Je reprends mon souffle et fais un peu de rangement dans ma tête, car des centaines de souvenirs viennent de m'asseillir lorsque j'ai ouvert le tiroir "Première année à l'Académie de Magie".

- Puis un jour, des monstres ont attaqués. Des démons comme je n'en avais encore jamais vu avant. Ils ont attaqués tous les villages, mais la magie provenant de notre Académie les a le plus attiré. Sédirel, Alita et moi défendions l'aile est. L'un d'eux a réussi à posséder Alita, la retournant contre nous.

Si seulement j'avais étudié plus en avance le livre de cours, si jamais j'avais été meilleure !

- Nous ne pouvions pas attendre les professeurs, nous ne savions même pas où ils étaient et s'ils allaient pouvoir nous aider et les démons gagnaient déjà du terrain sur nous. Alita a réussi à briser le sort pendant quelques secondes, le temps de me supplier de l'achever, car elle ne voulait pas blesser ses amis. J'ai fait ce qu'elle m'a dit. La seconde d'après, notre professeur de Défense est arrivée, mais Alita était déjà morte.

Je n'ai pas envie d'entendre un mot de plus de la moral de Zevi.

- Je sais qu'il faut vivre avec son passé, l'accepter et tout ! Ne me dis pas quelque chose que je sais depuis un siècle. J'ai réussi à accepter mon passé, ou du moins certaines parties, il y a longtemps, je vais de l'avant sans que tu doives me remettre à ma place. J'ai tué, oui, pas seulement Alita. Draren, Mylonna, tous les membres de la guilde qui n'ont pas survécus après sa destruction, toutes les personnes qui ont eu le malheur de se mettre vraiment en travers de ma route, ma fille même !

Ran leva la tête comme pour intervenir et me contredire sans doute à propos de ma fille, mais je l'arrête d'une main.

- Lucy' Lana est morte, car je n'étais pas assez forte pour la mettre au monde, Ran. Mais je vis. Je suis capable d'apprécier la vie, tu le sais Zevi, mais il m'arrive parfois de pêter un plomb et d'avoir des remords ! Alors foutez-moi la paix !

Je sors en trombe de la grotte, laissant les deux mâles à leur concours de regards scrutateurs et étonnés. Après m'être calmée, je reviens et m'assois à côté d'eux.

- Ce que tu comptes faire Zevi ne regarde que toi.

- Sur ce, mes chers elfes de la forêt, sourit-il de toutes ses dents. Et si nous parlions de quelque chose de plus joyeux avant de reprendre la route ? De sexe, tiens ! ça c'est un super sujet de conversation !

Zevi, tu ne sais pas dans quel merdier tu viens de te fourrer...

- Si tu veux. Zevi, j'ai couché avec Ran 1265 fois durant quatre ans.

Je vois l'elfe gonfler sa poitrine à la manière d'un gorille.

- Ran, j'ai couché avec Zevi deux fois cette année.

Luni 2 / Ran 0 / Zevi 0

Voyons voir lequel des deux se jettera sur l'autre en premier...

Spoiler:

La vie avait parfois ses lois, qu'il faut prendre conscience au fur et à mesure. Mais elle avait aussi ses règles de jeu cachées, celles qui se révèlent être les petites bêtes qui gênent l'ordre des belles lois érigées depuis des siècles ; en faite depuis que le monde existe.
Un vampire qui se met à faire de la philosophie, plutôt rare mais pas étonnant. Zeviehl n'en était pas à sa première intervention de ce type. Trente années passé dans son vivant, et il avait déjà acquit des connaissances, des savoirs, et il avait suffisamment de mémoire pour s'en souvenir. Les murs ont des yeux et des oreilles dans les maisons closes, et dans sa jeunesse, il savait marchander les informations. Se faire une place dans un monde fut une chose, mais s'en faire dans tous les autres s'avèrent plus ou moins aisé.

Lunielle avait ses convictions. Bien encrées. Et comment un vampire, nouveau-né de quelques mois, osait lui donner des conseils ? En écoutant le récit sur la mort d'Alita, Zeviehl ne put s'empêcher de se souvenir d'une femme, qui avait une histoire un peu similaire. Ayant vue sa famille massacrée par des sortes de démons, elle avait été la seule survivante et la seule chose qui a pu la réconforté fut la présence d'un homme dans un lit. En l’occurrence, ce fut lui. Il lui avait dit à peu près la même chose, quoi que en bien différent : Qu'il ne fallait pas désespérer, qu'il ne fallait pas rester dans le passé et accepter d'avancer sans l'oublier... La femme partit le lendemain, laissant un pourboire et un mot sur la table de chevet : Merci.

"Merci"
Zeviehl souriait désormais, fixant ce feu luisant dans la grotte. Il souriait au merci du passé.

Puis, son attention se reporta à nouveau sur une Lunielle plutôt énervée. Un peu surpris mais guère étonné, le vampire ne bougea pas d'un cil lorsque l'elfe sortit prendre l'air. Elle revint avec une phrase qui le fit acquiescer. Ce qu'il fera ne regarde que lui, et c'était tant mieux, vue l'horreur de la chose.
Puis, sans crier gare, Lunielle joua à son jeu. Ce qui fit éclater de rire le blond aux yeux de miel. Il ne s'arrêta que pour répliquer en regardant à la fois Ran et Lunielle :
- 1265 fois, hein ? Humhum... C'est bien trop rond comme chiffre, trop "mathématique". Alors que deux fois, deux belles et ravissantes fois, ça laisse le temps de rêver, de s'en souvenir, et d'en avoir envie. Je pense que deux fois valent mieux que 1265 fois... Insatisfaisantes.

Il n'avait pas été particulièrement méchant dans sa manière de dire cela. Bien au contraire, il souriait, chaleureusement, avec en son sens la phrase marquante d'un très bon point. Luni 2 / Ran 0 / Zevi 1
Et un point face à un zéro, c'était toujours plus classieux qu'on y pensait. Zeviehl gloussa encore devant l'air déconfit du pauvre Ranarel.
- Sans rancune, l'ami, finit-il par dire dans un clin d'oeil.

Il se leva et jeta un regard vers l'extérieur. Le crépuscule s'était enfin installé dans le ciel. Le visage de Zeviehl redevint plus sombre alors qu'il remit son manteau sur les épaules.
- La chasse est proche...

Un murmure. Juste un murmure... Alors qu'en réalité, ceci cachait une profonde haine qui voulait s'exprimer par un crie, un terrible crie qui serait entendu de bout à l'autre de l'île. Un appel au sang.
Zeviehl leva un sourcil vers les elfes. Faisait-il peur ? Oh et puis, merde, on s'en fiche... Sans rire. Depuis combien de temps attendait-il enfin de pouvoir se venger ? Depuis combien de mois, qui lui avaient parus des siècles, attendait-il de devenir entier ?
Il devait le faire. Même si c'était juste pour calmer ses instincts.

Ran beugue sur le mot "insatisfaisantes" et je sens immédiatement qu'il va répliquer quelque chose. Je n'ai pas spécialement envie de les voir se battre, mais les regarder se chamailler est toujours aussi drôle.

Luni 2 / Ran 0 / Zevi 1

- Je ne doute pas que les deux seules fois où vous l'avez fait aient été inoubliables, mais dis-moi une chose avant qu'on ne poursuive ce petit concours fort amusant : est-ce que tu as déjà réussi à faire rugir Luni comme une panthère ?

Je peux presque lire l'écriture "Mais qu'est-ce que tu racontes ?" sur le visage de Zevi. Ran continue, sans se démonter.

- Si tu parviens à lui faire le maximum de plaisir, la meilleure jouisance, c'est à ce moment là qu'elle rugit. Pas comme un véritable félin, non, mais ce bruit en est tellement proche que c'est comme ça que nous l'avons baptisé. Et tout ça, grâce aux slip léopard !

Luni 2 / Ran 1 / Zevi 1

Il va vraiment falloir faire mieux que ça les gars. Mais visiblement le jeu est terminé, car le vampire sort de la caverne et nous nous mettons en route. Nous ne sommes plus très loin de la montagne maintenant, de l'entrée de la mine la plus proche. Instinctivement, je prends le devant.

- Je connais le chemin, je l'ai déjà emprunté trois fois. La mine qui appartient au cousin de Fibur, et bien disons que l'une de ses entrées n'est pas très loin. Je peux nous y emmener. Le cousin de Fibur connait tous les nains, il pourra donc te renseigner sur ta cible. L'entrée se trouve à environ une heure de marche d'ici alors ne perdons pas de temps. Une fois dans la montagne, nous pourrons y passer autant de temps que nous voudrons.

Cela ne semble pas enchanter Ran qui maugré quelque chose dans sa barbe avant de nous suivre dans la nuit noire.

Spoiler:

EDIT : Suite du rp : http://aiklando.heavenforum.org/t1310-scarlett-grand-bonheur-pv-zeviehl#51164

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Un vampire, un nain et deux elfes, quoi de plus normal ? [ÂMES SENSIBLES S'ABSTENIRENT !!!!!]

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