Aïklando
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"Homme libre, toujours tu chériras la mer !"
"La mer enseigne aux marins des rêves que les ports assassinent."
"La sagesse, c'est d'avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu'on les poursuit."
"Il est des moments où les rêves les plus fous semblent réalisables à condition d'oser les tenter."
"Le voyage est une suite de disparitions irréparables."
"Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil."
"Dieu nous rêve. S'il s'éveille, nous disparaissons à jamais."
"Nous trouverons un chemin... ou nous en créerons un."
"Le rêve de l'homme est semblable aux illusions de la mer."
"Il n’est pas de vent favorable, pour celui qui ne sait pas où il va…"
"Il y a trois sortes d'hommes : les Vivants, les Morts, et ceux qui vont sur la Mer."

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 Aelix Sith

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Aelix Sith
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Aelix Sith

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MessageSujet: Aelix Sith   Aelix Sith EmptyMar 02 Aoû 2011, 18:23

Brillante.
Comme une étoile arrachée à sa course, un rêve vole vers moi.
Echo.
Non, pas un rêve. Je ne dors pas.
Quoi, alors ?
Un souvenir, peut être.
Je lève une main pour l'attraper. En vain. La nuit est si intense que je ne peux même plus deviner l'éclat pâle de ma peau. Et pourtant, cette lueur est bien là, visible, tentatrice.
Brillante. Et à portée de main. Mon être entier se tend pour l'atteindre. Elle me nargue, virevoltant au gré des ondes invisibles. Je n'aime pas ça. Je ne le tolère pas.
Je sens, comme détachée de moi-même, mes lèvres se retrousser sur mes dents. Etonnée, je me fige. alertée par un curieux frémissement, au delà de mon regard.
Ah oui, c'est vrai. Ouvrir les paupières.
Je ne m'y habituerais jamais.
Immédiatement, l'étincelle disparaît. Partie, évadée, enfuie, dans cet horizon qui s'offre à moi désormais.
Rouge.
L'obscurité tamisée rependue dans la pièce où je me trouve, de façon assez inexplicable d'ailleurs, est incontestablement rouge.
Mais cela ne se limite pas à la lumière. Les murs eux mêmes sont ensanglantés, ainsi que les images accrochées, de sang et de cendre, qui s'activent et s'immobilisent, pour l'instant hors de portée. L'odeur même qui flotte dans l'air résonne de notes carmins et amarantes, florale, argentine. Magnifiques.
Seul le son est vide. Pas un frôlement, pas un souffle, pas une musique. Il n'y a rien de vivant ici. Et rien pour me permettre de deviner si ce monde respire en dehors de ces murs.
Juste le silence, tendre chanson du néant.
Ah, comme la musique que manque...
à cet instant, mon regard accroche un miroir.
De mon propre reflet, nulle trace, un homme occupe déjà la place. Je m'approche, défiante, dénigrant les photos, images et autres dessins plaqués aux murs. Il n'y a rien à moi ici, ça ne me regarde pas.
Mais ce reflet m'intrigue.
Il me rend mon regard, aussi intrigué et tendu que moi. Je le devine à la rigidité toute relative de ses épaules peu musclées, à ses poings légèrement repliés, à la façon dont il se déplace, avec souplesse et précision, les yeux fixés sur sa cible. C'est à dire moi.
Je sais pourtant qu'il ne me fera aucun mal.
Il se détend, lui aussi. C'est vrai, au fond, je ne suis pour lui que ce qu'il est pour moi : un reflet égaré, ayant ouvert la mauvaise porte.
J'en profite pour le détailler.
Il est plutôt bien bâti, pour un mortel s'entend. assez grand, à ce que je peux en juger, pas spécialement musclé, juste ce qu'il faut de délié, souple. Avec des mains fines, cependant, parfaites pour le piano, avec leurs longs doigts. De ce que je peux en juger à cette lumière, sa peau est assez halée, ce qui lui donne présentement un teint remarquable, s'approchant du sang à demi coagulé. Joli. Impossible cependant de déterminer sa couleur de cheveux. D'instinct, je dirais blond, mais aucun moyen d'en être sure.
Son visage, enfin. Un visage d'ange, allié à un regard cynique, traitre, amusé, calculateur et intimidant. Un regard d'outre-monde d'un gris orageux, changeant, accrochant la lumière rougeoyante. Incandescent. Un regard qui pourtant aurait facilement pu sembler amical et chaleureux à n'importe qui n'étant pas expert en démon.
Démon ?
Ah oui. C'est vrai. Fermer les yeux...
La pièce a disparu. Ne reste que l'homme et moi. Face à face, moins confrontation que retrouvaille. Mes mains se tendent vers le reflet. Se fondent en lui.
E oui, c'est ça. Tu es à moi.
Le miroir se souvient enfin de moi. L'erreur est réparée, et mon image se superpose aux traits de l'homme. Un corps élancé, doté de tout ce qui se fait de mieux en griffes et piques osseuses, surmonté d'un visage blafard, pourvu de cornes, juste au dessus des oreilles pointues. Ni homme ni femme, différent, aux longs cheveux multicolores retombant sur les yeux, ces yeux de souffre et d'ombre fendus d'un horizon iridescent. Eclairé d'un sourire carnassier laissant apparaitre les dents, petites et pointues, parfaites pour déchirer les chairs.
Ah, que c'est bon de se retrouver. Satisfaite, je laisse mon image se dissiper, ne laissant plus que celle de l'homme. Je rouvre les yeux, puis, tel un marionnettiste expert, je lui fait prendre la pose devant la glace.
ça ira. Pour le moment, je serais toi,
Aelix Sith.


Dernière édition par Aelix Sith le Ven 02 Sep 2011, 22:19, édité 7 fois
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MessageSujet: Re: Aelix Sith   Aelix Sith EmptyMar 02 Aoû 2011, 18:38

Aelix Sith Eyesyr
Paisible reflet, j'observais ce démon, au centre de mon royaume. Impassible et caché, je le regardais découvrir mon empire qui, pour un temps, lui était consacré. Il ne semblait pas dérangé par ce qu'on lui avait volé: son apparence. Il tournait dans la pièce, fauve en cage. Et puis enfin, il me dévisagea, longuement, moi qui l'attendait froidement dans le miroir. Je gardais un temps son visage, ses mimiques, ses expressions, puis, avec un petit sourire qui ne pouvait exister sur son visage, le reflet que j'étais se fit rebelle. Les yeux que je lui avais empruntés commencèrent à fondre, devenant mes prunelles rougeoyantes, sauvages et brûlés, celles d'un félin affamé. Sans attendre de savoir s'il me regarde, je plaquais mes mains contre la surface insensible de la glace. Aussitôt, mon côté du miroir commença à être envahi par l'eau. La montée était régulière: les chevilles, les genoux puis bientôt les hanches. Sur le liquide, une clé d'un rouge blasphématoire flottait bien qu'elle sembla taillée dans un métal pesant. Mon torse fut noyé, puis mon menton. Je fermais les yeux avant de les rouvrir sous l'eau. Je prenais plaisir à imaginer la torture que ça devait être, de se voir noyer ainsi. Puis enfin, le miroir entier fut saturé d'eau. La clé se mit à couler, et plus elle s'enfonçait plus elle semblait se désagréger. Quand il ne resta rien de l'objet rouge, le miroir éclata, dispersant seulement quelques gouttes d'eau. Là où je me tenais l'instant d'avant, le passage noire attendait la venue de mon jumeau, le cadre du miroir devenant le seuil du passage.

Aelix Sith Clrouge2ch7

[Bonjour à toi et sois le bienvenue sur l'Archipel!

Alors alors, tout est bon pour cette salle, par contre il faudrait que tu remplisses la partie "Esquisse" de ton profil, et également que tu te trouves un avatar, illustration ou célébrité comme tu prefères, mais il faudra que ça soit fait avant la fin des Trois Salles.

Voilà, n'hésite pas si tu as besoin d'aide, ou si tu as des questions à poser, je suis à ta disposition Smile ]




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MessageSujet: Re: Aelix Sith   Aelix Sith EmptySam 06 Aoû 2011, 20:36

"Oui, ce corps sera parfait."

A peine ai je pensé cette phrase stupide que j'éclate de rire. C'est ridicule. Rien n'est jamais parfait, rien ne suffit jamais, et il ne faut jamais s'estimer satisfaite. Ce sont les trois seuls 'jamais' que j'autorise à orner mon vocabulaire.
Ne pas non plus crier victoire, car c'est souvent l'instant que choisit le destin, cette entité sadique et impersonnelle à la fois, pour nous arracher nos certitudes.
J'en ai encore une fois la preuve, devant mes yeux. Ce reflet, mon reflet, est encore passé aux mains d'un autre.
Faudrait voir à ce que ça ne devienne pas une habitude.
Mais je n'ai pas le temps de m'interroger sur les raisons et les implications de sa présence, car celui qui a ravi mon autre moi a bougé. En souriant, en me fixant de on regard brûlant qui résonne d'une faim innommable. Je me force à ne pas réagir. Mes yeux scintillent juste un peu plus, sous le mélange de surprise, de confusion et de rage qui m'habite.
Je n'aime pas voir mon reflet bouger tout seul. Ca me rappelle trop douloureusement quand Il était vraiment en vie.
C'est alors que j'aperçois quelque chose en bas du miroir. Quelque chose qui étincelle, vibre, et monte. Quelque chose qui me semble bien trop liquide.


"Oh pitié non.."

De l'eau. Je suis sure que c'est de l'eau. Je déteste l'eau.
Je m'oblige toujours à l'immobilité, mais je sens des cafards me ramper le long de la colonne vertébrale. à quand remonte cette haine? Je ne sais plus. Toujours est il que c'est une véritable torture, de voir ce beau reflet arraché recouvert peu à peu d'un liquide rougeâtre. Cela m'évoque des souvenirs bien trop douloureux. J'ai déjà vu cette scène, ou bien une qui lui ressemblait, et je ne suis pas prête à revivre ça. Et, en plus, je trouve assez impoli de maltraiter ainsi mon beau portrait animé.
Celui ci me dévisage toujours, et je distingue un objet qui coule devant son visage. Un genre de clé, rouge, comme tout ce qui est dans cette pièce. Je sens l'intérêt se réveiller en moi. S'il y a une clé, c'est qu'il y a une porte. Et donc un moyen de sortir d'ici. Sauf que la clé se désagrège, s'éclipse là, juste devant moi, sans quand je puisse l'attraper. Disparait. Totalement, jusqu'à ce que même la plus petite poussière qui la composait se soit enfuie.
Et alors que je m'apprête à maudire l'esprit qui habite ce lieu étrange, le miroir explose. Des fragments me touchent sans me couper, irréels. Seules quelques goutes, aussi légères que des papillons, atterrissent sur le bout de mes pieds. Je réprime un sursaut mais ne peut retenir un long frisson de dégout.
Qu'il n'y ait pas de mal entendu : je bois, et je me lave, comme tout le monde. Tant que l'eau est maitrisée, je la supporte.
Mais celle ci me donne la nausée. Je l'oubli bien vite, cependant. Car en lieu et place du miroir se trouve maintenant un gouffre à la noirceur peu engageante, même pour une démone comme moi. Il ne m'inspire pas confiance, pourtant je m'y engage sans hésitation, car je sais que je n'ai pas vraiment le choix.
Avec prudence, j'enjambe le cadre, et pose un pied dans l'inconnu. Le deuxième suit, et j'avance de quelques pas, cherchant à percer les ténèbres. Mais la chiche lumière ne suffit pas à discerner quoi que ce soit. Ni meuble, ni murs, ni fenêtre, ni porte, rien. Peut être parce que rien de tout ça n'existe ici. Le vide environnant me frappe, et dans mon esprit tourne une appréhension horrible : et si la scène du miroir représentait ce qui m'attend ici ?
Mais dans quoi ai-je encore mis les pieds?
Puis le noir me recouvre, et je ne peux même plus distinguer mon propre corps. Je me retourne, sans vraiment en avoir besoin, pour constater, comme je m'y attendais, que le passage a disparu.
Bien, maintenant qu'il m'est devenu impossible de reculer, autant avancer. Il doit bien y avoir quelque chose dans cette salle, une sortie, une énigme, n'importe quoi, sans quoi l'esprit ne m'y aurait pas conduit. Je commence donc à marcher, et, pour ne pas perdre toute notion du temps et de l'espace, je compte mes pas à voix haute. Ils résonnent dans l'immensité vide. J'ai l'impression de déambuler dans un trou noir, un univers en formation.


1, 2, 3..

Ce rythme simple, primaire, me soulage. Cet univers est comme le précédent, désespérément silencieux. Comme si le son y était une dimension inconnue. Comme si j'étais la seule chose vivante à y avoir pénétré. .

"Do."

Un frisson dans le noir. Je m'arrête, aux aguets. Ai-je rêvé, portée par mon désir de musique? Combien de pas ai je fait depuis la porte? J'ai perdu le compte. Un soupire frôle mon oreille. Je fais un bond en arrière, surprise. J'entend sans entendre, sans qu'il n'y ait de son. C'est une sensation très étrange, hors normes. Non, je n'ai pas rêvé. Quelque chose est là avec moi, dans le noir. Une voix, indéterminée, juste un souffle, une pensée. Un son qui s'abdique en lui même, sans briser le silence. 
Oh, ce silence.. il me donne la nausée. J'ai besoin de son, pour vivre. 
Des Voix, désincarnées, sifflantes, s'approchent de mon oreille. Je les devine sans vraiment les percevoir, et je sens mon dos se hérisser.


"Fa mi do.
Aelix... ou Sith. Qui es tu ? Ne répond pas, ça ne nous intéresse pas. Nous savons.
Oui.. après tout, c'est à cause de toi que nous sommes là. Uniquement par ta faute."

"Si vous savez déjà qui je suis, puis je moi vous demandez qui.. ou plutôt ce que vous êtes? "

Un rire fuse, se superposant au silence sans parvenir à l'entamer.

"Fa mi sol,
Do fa ré,
Liée et déliées, c'est ainsi qui tu nous as crées.
Nous étions si bien avant d'exister, nous étions si bien avant ton arrivée.

Nous sommes sans être par ta faute, Aelix, car c'est toi qui nous a invoquées.
Ecoute notre voix, entend notre silence ! nous savons à quel point il te brise, comme il te broie les tympans. Et cela nous amuse, Sith, cela nous amuse et nous indiffère à la fois.

Tu devrais savoir. C'est pour ça que tu nous aimes, et que tu nous hais, car nous sommes, contrairement à toi."

Elles ne semblent qu'à peine humaine. Comme des notes, de belles notes corrompues qui chantent leur haine à la face du monde. Ou à la mienne, en l'occurrence.
Après les miroirs et les images dérangeantes, voilà qu'on m'agresse à coups de notes vivantes qui parlent.
Certes. Pourquoi pas.
Je soupire, tente de rassembler mes esprits. Soudain, leur dernière phrase me heurte. Être sans être ? Ce n'est pas la première fois que j'entend ça. Mais là, cela me semble encore plus désagréable, inquiétant, comme une peur mise à nue.


"Qu'entendez vous par là ? "

Ma voix s'enfonce dans le noir, comme dans une mousse isolante et un brin étouffante. Elle ne parvient même pas à mes oreilles.

"Nous sommes là où tu ne peux nous entendre, toi qui te délectais des sons que tu forçais. Des notes. Des notes, fa mi do, nous sommes.
Mais toi, qui prétends tu être, Aelix? Ou bien Sith .. Sais tu toi même ce que tu es ? "

Je ne peux réprimer un nouveau frisson. Ces voix ont l'inhabituelle, étrange et malsaine capacité de me mettre les nerfs en pelote.

"Eh bien, je suppose que répondre par 'Aelix Sith' ne vous satisferait pas. D'un côté, cela ne satisferait que les imbéciles ou les clair voyants, qui, le plus souvent, n'auraient même pas besoin de poser la question. Or je sens que vous n'êtes malheureusement pas des imbéciles.
Pourtant c'est ce que je suis. Aelix Sith. Démone, actuellement en possession du corps du charmant jeune homme que vous avez devant vous. "


"Démone, vraiment? Y crois tu toi même lorsque tu le dit ? Non.
Tu n'es plus démone, tu n'es plus humaine. Tu n'es qu'un être contre nature, le résultat d'une erreur qui elle même était fille d'erreur. "


"Des erreurs, tout le monde en fait."

Je répond machinalement, passant éhontément sur le fait que je me targue de ne pas en faire. Mais je réalise que j'ai eu tort à l'instant même ou un nouveau rire froisse sans le déchirer le voile du silence. Ces voix ne semblent pas faciles à tromper, et l'idée qu'elles me connaissent vraiment je retourne l'estomac.

"Ahh... Hypocrite Sith ... Tu n'est plus aussi démoniaque qu'avant, mais tu as conservé ta contradiction légendaire.
Narcissique, maniaque, fière et traitre Sith ... Tu est devenue inefficace, où est passé ce sentiment de vengeance, de haine, qui t'habitait ? Tu souviens tu au moins d'où il venait, ou l'as tu aussi oublié ? Dis nous, Sith, que reste t il en toi de la perte de ta sœur ? "

Brisure.
Les voix viennent de mettre à jour l'un de mes deux seuls points faibles, et j'enrage à la pensée qu'elles l'aient fait en toute connaissance de cause.
Tout ce qu'il reste en moi de Cait, c'est cet horrible sentiment de brisure. D'absence. Mais aussi de joie. Je sais qu'elle ne me quittera jamais, car après tout, c'est pour ça que je l'ai tuée. Pour que nous soyons libres, chacune à sa manière. Et c'est en partie grâce à cela que j'ai pu rencontrer Aelix. En partie à cause de cela que lui aussi a disparu.
Témoins de ma douloureuse réflexion, les voix ronronnent.


"Ooh... Pathétique Sith ! Tu t'es aimée toi même, et maintenant tu te retrouve chaque jour face à ta douleur. C'est si risible ! Tu aurais du le laisser mourir. Il était humain, il l'est d'ailleurs toujours et il te mine avec ses sentiments et ses émotions impures. L'âme d'un homme, partageant le même corps que toi, n'est ce pas dégoutant ? Pauvre démone, il n'est qu'un humain, pourquoi l'avoir sauvé?"

"Parce que je le lui devait. "


"Mauvaise réponse, Sith. Est ce parce que tu as peur qu'il t'entende ? N'ai crainte, il le sait, cela fait trop longtemps que vous partagez le même corps. Vous vous êtes mêlés l'un à l'autre, bien plus que la nature ne l'autorise, et vous êtes devenus ce que vous n'étiez pas. Tu le sais, n'est ce pas? Ou alors, est ce parce que tu ne veux toujours pas te l'avouer ? Allez, dis nous, Aelix, dis nous que tu l'aimes..."

Deuxième point sensible. Je les hais. Définitivement.
Aelix.. Le nom résonne dans notre esprit partagé, teinté pour ma part d'affection et de regret, pour la sienne de dégout et de résolution. Je sais que l'amour que je lui porte depuis que je l'ai rencontré est parfaitement contre nature. Je le sais et pourtant, je ne peux pas m'empêcher de toujours le ressentir. Après tout, ne suis je pas moi même, par définition, un être contre nature? J'ai bien le droit de transcender les règles de l'existence et de la morale de temps en temps, sinon, pourrais-je vraiment prétendre être une démone?


J'avance toujours. J'ai arrêté de compter mes pas.
Les voix ne se manifestent plus pendant un moment, et j'en viens presque à penser qu'elles ont fini de me tourmenter.
Mais elles reviennent, bien sur, avec de nouveaux non-mots acides.


"Quel est ton rêve, Aelix ? "

La question me percute, et je m'arrête.
Mon rêve?


"Je ne rêve pas, je suis une démone. "

Les voix sifflent.

"Nous ne voulons pas ta réponse, Sith, mais celle de celui qui partage ton âme, ton corps. Il est humain, il sait rêver. N'est ce pas pour ça que tu voulais le faire tien ?"

Je me raidi, encore une fois.

"Aelix... nous ne pouvons plus rêver. Les morts ne rêvent pas, et Il est mort pour moi. Il s'est brisé pour pouvoir m'accueillir, il voyait comme j'enviais les humains, et Il s'est sacrifié. Notre corps est formé pour recevoir deux âmes, mais la sienne s'est effacée et peine encore à se remettre, bien que nous y travaillons. Bientôt, nous serons de nouveau nous, unis et différents. Mais nous ne pourrons plus jamais rêver.
Nous n'avons plus de rêve, nous n'en avons plus besoin. "


"Ohh, la Brisante, vous l'avez vu, vous l'avez eu. Elle fait mal, n'est ce pas? Elle brule, elle détruit, elle est comme toi, Sith. Et maintenant, tu vas faire comme elle, bruler, détruire les rêves. C'est charmant, amusant. "

"Non."

"Non ? "

"Non."

"Oh."

Les voix savaient déjà, mais elles semblent déçues. Peut être imaginaient elles que j'allais avouer m'être soumise à un but autre que la vengeance. Mais au contraire, je pense que les rêves sont un excellent moyen de pression sur mes ennemis, chercher à les éliminer serait contre productif.
Et puis, c'est Aelix qui a décidé de subir la Brisante.
Moi, je ne dois rien à la Guilde.


Nouveau silence. Nouveau faux espoir.

"Que désires tu le plus, Aelix Sith ?"

"Là maintenant ? Un piano. "

Je sais que c'est idiot, car même si je peux jouer dans le noir le plus total, je sais bien que les notes refuseraient de sonner juste dans cet univers. Pourtant, rien que le fait d'effleurer les touches d'ivoire me satisferait. Je pourrais appeler les notes, les sons, les accords, les entremêler et les faire vivre, les rendre libres. Je pourrais jouer, de cette musique qui m'est si précieuse, si chère, et surtout, si utile.

"Tu utilises la beauté de ta musique pour manipuler, les sons doux pour modeler les envies, les désirs, et les rêves.. Comment peux tu jouer la pureté tout en l'utilisant à des fins aussi basses? "

"Je suis une démone. J'ai bien le droit de réaliser quelques miracles, non ? "

"C'est faux, et c'est vrai, et ce n'est aucun des deux. Tu n'es complète nulle part, Aelix, tu es comme un fruit pourri, un fruit qui refuse de tomber et qui cherche à gangrener tout l'arbre. Mais réalises tu vraiment, Sith que lorsqu'il cassera, tu tombera avec lui ? "

"J'ai tout mon temps. Pour le moment, je veux juste jouer un peu. Et puis un jour, quand j'en aurais assez, je me vengerais enfin. Ces humains, ces êtres qui m'ont tant fait souffrir, même s'ils l'ont probablement oublié, le regretteront jusqu'aux tréfonds de leurs âmes maudites. Pour le moment, Aelix m'en empêche, mais il ne tardera pas à se ranger à mon avis. Et alors, nous pourrons nous amuser. Danser sur les cadavres, marteler les corps encore chauds, trancher les chairs et broyer les os. Oui, ce sera bien amusant. Mais pour l'instant, je préfère observer, manipuler un peu, voir jusqu'à où je pourrais aller ainsi. Je n'ai pas de rêves, je n'ai pas de but.
J'ai juste fait une promesse.
Une promesse en deux actes, qui régira toute ma vie."


Les voix semblent soudain étonnées, comme si elles ne s'attendaient pas à cette réponse.
Puis elles continuent, curieuses, insidieuses.


"Promesse? à qui, pourquoi as tu fait ça ?
Toi qui aime tant la liberté, pourquoi t'es tu entravée?"

Un instant, la réponse flotte sur mes lèvres, côtoyant mon sourire.
Puis elle s'efface, avant d'être née.


"ça, c'est mon petit secret. "

Je laisse planer la phrase, fermant les yeux et mon esprit. J'en ai assez de ces voix, elles ne m'amusent plus, et je me lasse de cette obscurité. Je laisse dériver mon imagination, songeant au doux bruissement du vent dans les feuilles, à l'automne, quand tout se prépare à disparaitre, quand la beauté du monde me semble enfin parfaite. Et je laisse les voix parler, s'égosiller, quémander, ordonner.
En silence.



Dernière édition par Aelix Sith le Mer 05 Oct 2011, 01:08, édité 5 fois
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MessageSujet: Re: Aelix Sith   Aelix Sith EmptySam 06 Aoû 2011, 22:04

[Alors alors tout ça me semble bien, mais cependant, je pense qu'il manque des choses. A ce que j'ai compris, ton perso c'est une démone qui aurait possedé et plus ou moins fusionné avec... un homme?
Quoi qu'il en soit, dans cette salle, tu as parlé des objectifs de cette demone, mais pas forcement de ses traits de caractère. Est-elle froide, colérique, hautaine, séductrice, impatiente, joviale ou renfrognée, extraverti, mélancolique, bavarde...?
De plus, je voulais savoir, la personnalité de l'homme a totalement disparu? C'est l'esprit de la demone seul dans le corps de l'homme, ou est-ce que les deux esprits cohabitent? Si oui, il faudrait aussi nous parler de son caractère à lui Wink ]
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MessageSujet: Re: Aelix Sith   Aelix Sith EmptyDim 07 Aoû 2011, 14:09

Aelix Sith Bouched

Placenta Bambin Vieillard Cendre Terre Pousse Bourgeon Fleur Fruit Poussière

Nous connaissons ce cheminement.

Car Nous l'avons créé.

Mais tout sentier est Libre. Sillonner ou s'arrêter, déborder, se retourner. Les voies se suivent et ne se ressemblent pas. Les graviers crissent et roulent sur le bas-côté. Les racines écorchent et plissent les rues de la destinée. Et, surtout, ce chemin que Vous suivez, ne se déroule jamais à l'infini dans le même paysage. Tantôt il traîne dans les jungles abondantes. Parfois il s'égare en souterrains. Y avancer est une épreuve.

Chaque pas, une évolution.

Car Nous Vous donnons une matière, et Vous la travaillez. La structure est malléable. L'empreinte de Nos mains se recouvre, disparaît sous les essais. Vous croyez pouvoir faire mieux? Tentez Votre chance! Toute création est unique. Toute oeuvre est instable. Mais toute expérience Nous fascine...

Et Vous êtes là pour ça, petits êtres d'argiles. Vous vivez pour Nous distraire...

Alors, ne Nous croyez pas dupes, Nous Vous avons à l'oeil!

NOUS SAVONS QUI VOUS ETES


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MessageSujet: Re: Aelix Sith   Aelix Sith EmptyDim 08 Jan 2012, 15:56

Vide.
L'univers entier est vide. Plus simplement noir ou silencieux, je sens que quelque chose a changé dans la trame du monde. Les voix aussi se sont éloignées, je ne perçois plus leur présence. Mais leur disparition ne me rassure pas autant que je ne l'aurais escompté, car je n'ai pas l'impression d'avoir réussi l'interrogatoire qu'elles m'ont fait passer. Parce que c'en était bien un, n'est-ce pas? Je n'en suis plus si sure... Toujours est-il que je me suis peut être me suis-je trop emportée. La cohabitation, non, plutôt la fusion, de mes deux âmes a tendance à rendre mes réactions plus ou moins aléatoires et, même si ça me coûte de l'avouer, parfois incontrôlables. Mais ce n'est pas de ma faute, le fait est que je ne supporte pas cet endroit.
Et peut-être que cette aversion est renforcée par l'affolante sensation que j'ai de tomber, encore et encore, sans doute dû au fait que le sol aussi à disparu. Je tombe, ou plutôt flotte, dans un espace qui semble à la fois se limiter à moi seule et englober tout le reste, un univers toujours plus aphone et silencieux.
Les voix ont elles décidé de me rendre folle?
Qu'elles essayent, je le suis déjà.
Je prends donc mon mal en patience, fermant les paupières. Il faut encore que je m'entraine, j'oublie souvent de le faire, et mes yeux me brûlent alors comme si de petites flammes mordantes s'y étaient incrustées. Encore un désavantage du corps humain : sous ma forme de démone, la douleur n'était pour moi qu'une unité abstraite limitée aux faibles, aux mortels. Maintenant que je peux la ressentir, je la trouve beaucoup moins risible. Bien sûr, ma tolérance est supérieur à celle d'un simple humain, mais...


Minute.
C'était quoi, ça ?


Quelque chose vient de m'effleurer la cheville. Doucement, presque tendrement, comme un courant d'air, mais en plus tangible. Du sang, peut-être? Non, réflexion faite, ça ne colle pas, je ne sens pas sa douce odeur me chatouiller les narines. Mais quoi, alors?
Ouvrant les yeux, je fixe mon pied. Et retiens un petit cri de douleur.
Bonne nouvelle, le monde est revenu.
Mais il est un peu trop blanc à mon goût. Et lumineux, aussi. Mais bon, je ferais avec.
Je prends quelques secondes pour habituer mes pupilles à l'intensité de la lumière immaculée qui fuse de partout sans que je ne puisse lui trouver aucune source. Ma vision, d'abord floue, s'aiguise, et je distingue enfin ce qui se trouve devant moi. Bien, on progresse.
De l'eau.
Tout bien réfléchit, j'aurais peut-être préféré ne pas savoir. J'ai une sainte horreur de l'eau.
Il est d'ailleurs étrange que je n'ai pas deviné sa présence plus tôt. Mais contrairement à d'habitude, je ne sens pas mes entrailles se nouer à son contact. Intéressant. Ces mondes ne finiront pas de me surprendre. Pourtant je me commence à me lasser de cette succession de salles silencieuses et je ressens chaque instant d'avantage la nécessité de partir. Si seulement je pouvais trouver une porte...

Soudain, l'onde s'agite, pas très loin de moi. Quelque chose semble s'y étaler, comme une tache de peinture trop liquide sur du papier buvard. Tout est flou, incertain, mais tend à se préciser, comme ma vision précédemment. Et le spectacle qui se déroule devant mes yeux est des plus déroutants.
Les contours restent vagues, mais je peux distinguer, au centre, des images se déplacer comme si elles étaient vivantes. Un plancher de bois sombre parsemé de livres et de jouets, et un enfant, allongé, âgé de six ou sept ans, apparaissent devant moi. Ses cheveux blonds, longs jusqu'à frôler ses épaules en une cascade d'épis désordonnés, reposent sur le sol, et la grande mèche qui lui masque le visage se soulève au rythme de sa respiration. Il dort. Je ne peux m'empêcher de m'attendrir, moi l'indifférente démone, devant son air paisible, angélique. Après tout, il fait partie de moi, maintenant, rejeter mon affection naturelle et quasi narcissique pour lui serait une perte de temps. Mais avant que je n’aie le temps de m'extasier d'avantage sur sa beauté, deux jambes, longues et fuselées, entrent dans mon champ de vision. L'enfant est emporté vers son lit, et sa mère dépose un tendre baiser sur son front, avant de quitter silencieusement la pièce.
L'enfant esquisse un petit sourire, yeux entrouverts, puis l'image se dilue, remplacée quelques mètres plus loin par une autre.

Celle-ci représente une colline escarpée, couronnée de rochers et de pins torturés. De nombreux nuages gris et noirs se croisent dans les cieux, promettant une pluie abondante et une tempête impitoyable. Ce temps est commun, en ces lieux, mais laisse souvent le spectateur étranger à la fois admiratif et terrifié. Je considère ce paysage familier avec nostalgie, de ma salle éloignée de tout. Comme j'aimerais sentir sur mon dos ce vent qui fait ployer l'herbe et danser les ifs et les chênes... Un mouvement étrange attire mon attention. Ce souvenir-ci m'appartient, sans doute possible. Cette forme noire, ramassée dans le creux d'un rocher, ne peut donc être que moi. Mais je comprends aussitôt que je ne suis pas seule. Elle est avec moi. L'une de nos dernières nuits certainement. Cait, ma sœur, ma douce jumelle. Combien de temps avons-nous erré, seules toutes les deux, dans le désert des landes ? Des décennies entières, je le crains. Nous avons tout partagé, joies comme peines, nous nous sommes protégées des caprices du temps et des hommes, nous avons survécu, et puis nous avons appris. Notre liberté n'était entravée que par nos propres chaines. Je suis désolée, ma fleur, ma rose, désolée d'avoir gagné, désolée d'être libre...
Désolée que tu n'aies plus aucune chance de l'être.
Alors que la peine assombrit mon esprit, la vue plonge, comme un oiseau se laissant tomber sur sa proie, se rapprochant des formes, qui apparaissent clairement devant moi. Deux chats, certes grands pour leur espèce, à la fourrure d'un noir parfait ornée d'une simple tache blanche sur la poitrine, de tailles égales, parfaitement semblables si ce n'est leurs yeux, chez l'un fendu verticalement, chez l'autre horizontalement.
Je sens une boule se former dans ma gorge.
Pourquoi suis-je si triste, alors que je suis celle qui l'a tuée ?
Nous sommes réunies, maintenant. Une seule âme née en deux corps ne retrouve sa véritable puissance que quand sa forme unique est retrouvée. Par ce sacrifice, j'ai assassiné une part de moi et volé sa puissance, sa connaissance, passant du rang de démon mineur à celui de démon humanoïde.
J'ai d'abord cru pouvoir me fondre sans problème dans la masse humaine qui s'étendait sur le monde, devenir une part de cette multitude, apprendre à la connaitre, et peut être, plus tard, la dominer. J'étais prête à attendre autant qu'il le faudrait pour être reconnue et respectée à ma juste valeur.

Mais la cruauté des humains égale presque celle que l'on attribue d'ordinaire aux démons.
Je ne sais pas ce qui m'a trahi en premier, mes quelques erreurs dues à mon incompréhension de leur système, ou mon atypique beauté. Peut-être que mes cornes y ont été pour quelque chose. Ou bien mes cheveux multicolores. Ils sont pourtant habitués à côtoyer d'autres races, une étrangeté de plus, qu'est-ce que ça aurait changé pour eux ? Ils auraient dû m'aduler pour mon courage, ma magnificence et mes dons multiples. Ils auraient dû m'aimer.
Mais ils m'ont rejeté. Je me souviens encore très bien du jour où c'est arrivé, le jour où ma haine s'est enracinée, cette haine pure teintée de dégout qui n'a cessé de croitre depuis, s'étendant aux autres races au fil de mes déceptions.
L'eau résonne en écho à mes pensées, ondoyant pour former de nouvelles images.
Je distingue d'abord des arbres. Bien plus hauts et plus verdoyants que ceux de ma lande natale. Il faut dire que j'avais beaucoup marché, l'âme en peine, sans savoir où mes pas me mèneraient. Puis au pied des saules et des platanes apparaissent des bâtiments, enracinés sur le versant de la colline, poussant de travers comme une brassée de mauvaises herbes. C'est une petite ville, un peu étrange, ni belle, ni vivante, juste un enchainement de ciment et de bois destiné à accueillir les travailleur du Lan Rei Est au moins pour la durée de la nuit. C'est un simple lieu de passage, un milieu rude ou chaque opportunité est source de conflits et où les règlements de compte se tiennent quotidiennement aux coins des rues.
Mais à cette époque c'était pour moi une ville comme les autres, un lieu où je pourrais inaugurer mon nouveau statut d'humaine.
J'en ai été chassée au bout de deux jours. Avec des pierres.
Deux jours d'humiliation au bout desquels le conseil m'a généreusement épargné le bûcher, préférant la lapidation. Quelque part, je le comprends, c'est plus amusant, la victime bouge plus longtemps. Mais c'est beaucoup moins divertissant quand on se trouve à la place du condamné.
Laissée pour morte, j'ai été abandonnée dans les marais où sont jetés les indésirables. Mais j'étais déjà puissante. Trop pour que de simples pierres puissent me faire autre chose que des lésions douloureuses, certes, mais futiles. Je me suis réveillée, et la rage s'est emparée de mon esprit. Je ne comprenais pas leurs raisons, j'ignore encore s'ils en avaient vraiment. Un homme en noir s'était approché de moi dès mon entrée en ville, avait observé mes cheveux, mes cornes, ma peau, s'était retourné vers ses congénères qui épiaient ses moindres réactions, et avait prononcé ce mot, simple mot qui suffit à faire de moi un mal à éradiquer : "démon».
Oh, comme je les avais détesté. J'aurais voulu les tuer, mais j'étais aussi terrifiée. J'ai fui, marchant sans compter les saisons, et j'ai appris à comprendre les actions de ces êtres qui m'avaient rejeté. Je me suis également rendue compte qu'ils étaient indispensables à ma survie. Ils étaient la source de ma nourriture, après tout. J'ai fini par arriver près de ce qui semblait être la ville la plus importante de la région. Je m'y suis installée, camouflant mon visage sous un masque et mes cornes sous une capuche. Là, installée dans une masure des quartiers les plus pauvres, où personne ne faisait attention à la créature étrange que j'étais, j'ai étudié leurs comportements, leurs actions. J'étais résolue à me cacher, à apprendre. C'était une ville portuaire, nommée Reilor, et les allées et venues étaient nombreuses et diversifiées. J'ai pu ainsi observer à mon aise les autres peuples de l'archipel, et j'ai aussi rapidement remarqué que les chats me suivaient et venaient naturellement vers moi, reconnaissant en ma personne une ancienne compagne.
Et derrière les chats courent parfois des enfants.

L'aube orangée s'étale au-dessus de la mer depuis quelques instants seulement, et des lambeaux d'ombres s'accrochent encore aux murs des demeures endormies quand l'enfant se glisse silencieusement par le portail. Le persan qui s'étirait sur le muret de briques bordant le jardin coloré et bien entretenu situé de l'autre côté de la rue s'arrête, étonné, pour le regarder passer. C'est un jeune humain, aux mèches blondes et aux yeux mordorés, qui ne semble pas avoir plus de treize ans. Il s'avance dans la rue déserte, se retourne une dernière fois vers sa maison, qu'il englobe d'un regard à la fois triste et dégouté, puis il part, d'un air résolu, descendant la longue avenue quittant le quartier riche. Le chat le connait bien, il le voyait souvent, avant, jouer dans son jardin avec ses amis. Mais il ne l'a plus aperçu depuis le début de la maladie de sa mère.
Le félin fait mine de se recoucher, puis se ravise, se laisse couler sur le sol, et part en trottinant sur les traces du garçon. Il l'aime bien : avant, il lui donnait toujours des morceaux de viande et des petites friandises. Peut-être qu'il en a encore sur lui. Il le piste donc au travers de la ville, traversant ce qui reste des quartiers bourgeois, jusqu'au port. Là, il manque de perdre la trace, enivré par les odeurs de poissons qui flottent dans l'air. il se désintéresse de l'humain et de ses hypothétiques friandises, fasciné par la profusion de nourriture qui semble s'offrir à lui. Passant comme un courant d'air devant un étalage, il chipe au nez du pêcheur un maquereau à peine plus petit que lui, et le traine vers une ruelle sombre et sale pour le déguster.
C'est là qu'il retrouve la trace du garçon. Je le sais, car à cet instant, j'étais aussi dans la ruelle, occupée à aider une chatte à mettre bas. La pauvre peinait depuis le matin, et sa souffrance me titillait l'esprit, m'empêchant de travailler tranquillement. Toute à mon œuvre, je n'avais pas fait attention à l'enfant qui était maintenant assis à regarder l'océan, sur une placette déserte ouvrant sur les flots, et où résonnait la plainte des vagues se fracassant sur les rochers, quelques mètres plus bas. J'aurais dû m'y intéresser plus tôt, car le petit être semblait prêt à les rejoindre. Et à se fracasser avec elles. Cela aurait pu être divertissant.
Aurait pu seulement.
L'image tourne, trouve un nouveau centre puis s'y fixe.
Derrière l'enfant, sortant de la venelle sombre, une ombre s'étend. Ce n'est que moi, mais je ne peux m'empêcher de frémir. J'étais inquiétante, à l'époque. Bien plus qu'aujourd'hui. Capuchon noir rabattu devant le visage, ne laissant filtrer qu'un regard fantomatique, fixe, inquiétant; longue cape informe passée sur des vêtements usés jusqu'à la trame, mais avec un quelque chose de distingué, maniéré, qu'on retrouve dans ma façon de bouger.
Je me rapproche de l'enfant. Doucement, sans faire de bruit, sans raison particulière. Juste curieuse de savoir ce que fait ici ce petit être, qui, bien qu'appartenant à un peuple que j'abhorre, me rappelle vaguement celle que j'étais en échouant dans la ville. Perdu, stressé, haineux, nageant en plein désespoir. Désespoir qui est, en passant, l'état que je préfère chez les humains, car il les rend malléables et influençable, et les transforme ainsi en ravissants petits jouets avec lesquels on prend plaisir à jouer.
L'enfant ne regarde pas l'ombre. Il sait pourtant qu'elle est là, mais il préfère s'intéresser au petit chat qui vient de s'assoir à ses côtés, quémandant une caresse, les babines encore humides. La silhouette inquiétante étend son ombre sur lui, jaillissant comme une immense créature aux ailes de tissus.
L'enfant se retourne, à peine surpris.


-Tu veux bien me pousser? Je n'ai pas le courage de sauter tout seul.

L'image s'étiole, à bout de souffle, me laissant seule, un petit sourire sur les lèvres.
C'était une belle rencontre.
Mais alors qu'elle s'apprêtait disparaitre il y a une poignée de secondes à peine, l'image réapparait devant moi, ses couleurs tournoyant avant de se stabiliser sur une nouvelle scène, qui, si mes souvenirs sont bons, s'est déroulée quelques heures à peine après la précédente.

Le chat est parti. Le jour aussi.
Le temps s'est déroulé à une vitesse folle, sans que je ne m'en aperçoive.
L'enfant, lui, est toujours là.
Nous avions parlé toute la journée et à présent, il est allongé, sa tête blonde posée sur mes genoux, sa respiration heurtée berçant mon cœur démoniaque. J'aime son âme torturée, sa peine et surtout sa rage. Je sais tout de sa courte vie, l'amour que lui porte sa mère, puissant et réciproque, la distance que son père persiste à entretenir, la maladie, et l'arrivée de l'horrible sorcière que son père dit avoir embauchée pour ses talents de guérisseuse mais qui semble passer plus de temps dans sa chambre que dans celle de sa mère, dont l'état s'est même empiré. Je ne sais si je dois l'apprécier ou la détester. Elle fait le mal, comme j'aimerais le faire, mais elle le fait peut-être un peu trop, à l'instar de ceux qui m'ont rejeté. Et puis ce petit être me plait bien. Il ne ressemble pas à ces gamins faméliques qui tentaient, quand j'habitais encore dans ces quartiers, de me voler mes maigres provisions l'hiver venu, et qui détalent en hurlant de terreur dès qu'ils me voyaient. Lui, il n'a pas hurlé, quand il a vu mes yeux de brume fendus d'or, mes cornes et mes griffes, mon corps squelettique dont les os dépassent par endroits. Ses yeux se sont juste écarquillés, puis il m'a souri, et mon cœur a fondu. Je ne l'ai pas poussé.
L'enfant tourne la tête sur mes jambes, tourmenté par quelque cauchemar. Il commence à faire froid, nous ne pouvons rester ici. Doucement, je me redresse, le petit corps niché dans mes bras, et je me dirige vers ma demeure. A cette heure, la faune qui s'épanouit dans cette partie du port est tout sauf recommandable, mais tous restent éloignés de moi, comme mus par un étrange instinct de survie. Le chemin fut assez long, car je n'habite plus dans cette partie de la ville depuis un petit bout de temps déjà. Ma demeure se situe maintenant plus haut, tout près des quartiers riches, et avait ma foi encore assez d'allure, malgré, ou peut être en partie grâce, à son grand âge. Je pousse tant bien que mal le portal, puis le portillon menant à la cour fermée, puis enfin ma porte d'entrée, sans réveiller l'enfant. Je crois que je le considérais comme un chaton abandonné. J'avais juste envie de l'aider. De le garder.
Alors que je pénètre dans mon salon, dans le but de le déposer sur un de mes canapés, le souvenir se trouble à nouveau, se désagrège et, cette fois ci, ne se reforme pas.
Mais il continue dans mon esprit. En accéléré. Aelix a passé la nuit chez moi, puis, au matin, est repartit chez lui. Et puis m'a retrouvé, le lendemain, peu après l'aurore. Il est venu ainsi presque tous les jours pendant deux longues années. Nous avons appris à nous connaitre, nous avions notre routine. Nous nous retrouvions le matin, une ou deux heures, il me parlait tandis que je jouais sur mon beau piano.
C'était mon gagne-pain, dans tous les sens du terme : les gens qui m'écoutaient étaient littéralement ensorcelés, et si au début seuls quelques-uns se laissaient prendre au piège, ma toile s'était affinée avec le temps, et maintenant presque tous ceux qui m'entendaient tombaient sous le charme. Je travaillais le soir dans une sorte de bar, jouant derrière un rideau qui camouflait ma silhouette. L'entreprise marchait plutôt bien, assez pour que je puisse m'acheter ma maison et mon piano personnel. Et parfois, je me permettais de prendre un petit pourboire, à l'insu des clients, bien sûr. Pourboire particulier, cependant, puisqu'il ne s'agissait en rien d'argent, mais plutôt de force. Mon don inné, que je prenais pour une caractéristique purement démoniaque, me permettait (et me permet d'ailleurs toujours) de "dévorer", "intégrer", une part de la force vitale de mes auditeurs.
Cet art, qui était naturel chez moi, et attendait simplement que je me trouve devant un piano pour s'exprimer, n'était pourtant pas réservé aux démons seuls.
C'est ce que j'ai découvert en apprenant à Aelix à maîtriser les mélodies. Il n'égalait certes pas mon talent, mais il exerçait le même effet sur ses auditeurs. Il les fascinait, les ensorcelait, autant par sa musique que par sa beauté. Quand il eut seize printemps, il commença à venir travailler avec moi, à l'insu de sa famille, bien sûr. Il était doué, et très apprécié de la gente féminine. Il s'amusait, et moi je me nourrissais.
Nous étions plutôt heureux, à cette époque.
Mais ça n'a pas duré.

Cette fois, l'image se forme tout autour de moi.
Un visage. Immense, magnifique. Celui d'Aelix. Différent pourtant de celui que j'ai toujours connu. C'était la première fois que je le voyais pleurer. Ses larmes tracent des sillons sur ses joues rougies, et ses belles prunelles d'or n'expriment plus rien, perdues dans un vide si total que je sens ma gorge se serrer à nouveau, exactement de la même manière que lorsque je l'ai vu à cette époque. Il était si désespéré... et son désespoir était d'une telle perfection...Je sais que, pour lui plaire, je n'aurais jamais dû penser ainsi. Mais je n'avais pas cette ambition. De toute manière, il était certainement le seul humain qui ne critiquait jamais mon esprit démoniaque, et avec lui, j'avais le droit d'être moi-même. Pourtant, à ce moment, je n'ai pas ressenti cette flamme qui me réjouit tant d'ordinaire, devant leur douleur. Peut-être parce qu'il était le seul qui ne me haïssait pas. Pour la première fois, j'ai eu mal pour quelqu'un d'autre que moi-même, et cela a généré une si forte émotion en moi, que j'ai cru que j'allais en mourir.
Ce jour-là, il est venu me trouver bien après minuit. Je ne l'avais pas vu depuis au moins une semaine, et j'avais cru qu'il ne reviendrait pas. Il m'attendait dans cette ruelle sombre qui mène jusqu'à chez moi, silhouette obscure tapie dans l'obscurité. Lorsqu'il est sorti de l'ombre, j'ai manqué de sursauter. Il était beau. Ce fut une révélation, pour moi qui ne l'avait toujours considéré que comme l'enfant près à se jeter dans les vagues que j'avais trouvé quelques années plus tôt. Mais il avait grandi, il avait mûrit, et je ne m'en étais pas aperçue. Il était humain après tout. Et moi, j'étais une démone.
J'en étais là de mes réflexions lorsqu'il m'est tombé dessus. Littéralement. Il s'est effondré sur moi, trempant mes cheveux de larmes silencieuses. Je ne savais pas quoi faire, quoi dire, alors je suis restée plantée là, jusqu'à ce qu'entre deux sanglots, il réussisse à hoqueter une simple phrase :

"Ça y est... ils l'ont tuée... elle est morte, Sith, morte..."
Il n'eut pas besoin de préciser. Je su immédiatement de qui il parlait : sa mère.
Je ne la connaissais pas. Pire, je la détestais, elle qui avait une si grande place dans le cœur d'Aelix. Elle qui me paraissait si parfaite, si humaine, si gentille... Si répugnante.
Je n'ai aucune explication sur ce que j'ai fait ensuite.
En fait, je n'en ai même pas de souvenir précis.


C'est sans doute pour cette raison que, au moment où l'image se déplace et se modifie à nouveau, je sens mon intérêt s'agiter. Peu importe d'où sortent ces scènes, peu importe qui les a vu avant moi : je suis sur le point de retrouver ce que j'ai oublié, un souvenir égaré qui a pourtant été l'un des jalons les plus importants de mon passé. Je m'approche, captivée par les ombres mouvantes.
C'est rouge. Vraiment rouge. Rouge vivant, incandescent, rouge folie, rouge colère, rouge sang. Tant de rouges qui se battent et se mêlent, s'entrelacent dans ma vision, s'écoulent dans mon âme et brûlent mon esprit.
Un souffle de déception me traverse. Ces images sont à peine plus claires que celles qui me restent. Elles ne m'apporteront rien. Je me lève, énervée, fixant l'étendue d'eau colorée comme s'il s'agissait d'une marée de vermines. Se plaisant à rouvrir les plaies douloureuses, inaptes à les soigner. J'ai besoin de savoir.
C'est alors que le point de vue change. Je suis maintenant Aelix, le vrai, l'intègre. Et j'ai un couteau denté à la main. Rouge, déjà. Rouge comme la pièce qui m'entoure, comme les murs qui brillent d'une belle teinte rubis, comme mes yeux qui brulent de haine et de vengeance. En face de moi, une femme, blonde, ses courtes mèches collées sur ses tempes par la sueur, ses grands yeux d'un vert marécageux agrandis par la peur. C'est elle, la 'guérisseuse' qui devait s'occuper de ma mère. Un sourire fou passe sur mon visage : elle va le regretter.
Un cri déchirant fend le silence de la salle au sol d'eau. Un hurlement à vous donner des frissons, un hurlement d'agonie et de terreur, suintant de détresse, de désespoir, de ceux qui prennent à la gorge et et qui font suffoquer. Un de ceux que je préfère.
Je jubile. Le moment de la vengeance est enfin arrivé. Le couteau trace des sillons sanglants sur la peau de ma victime, et elle continue de hurler, à s'en décrocher la mâchoire, jusqu'à ce que ses cordes vocales lâchent et qu'elle n'émette plus qu'un gargouillement mouillé laissant des traces rougeâtres à la commissure de ses lèvres. Je tourne et retourne la lame dans ses chairs, savourant chaque son, chaque mouvement, attentif à ne pas laisser mon jouet se casser trop rapidement. Je prends un plaisir presque démoniaque (hahaha) à sentir sa vie s'échapper par chaque coupure, chaque morsure, chaque vide creusé dans sa chair impure. Puis, à l'instant où son cœur s'apprête à lâcher, je la laisse, préférant lui offrir la douleur de l'agonie que la libération de la mort.
Je me retourne. Mon père gît sur le plancher ciré sur lequel je m'endormais si souvent étant enfant. Son corps convulsé est criblé d'échardes, ses yeux déjà vides, cerclés de sang et de débris noirâtres de sa peau brûlée, sont fixé sur l'agonisante. Bien. Il a tout vu.
Satisfait, je m'approche de la porte, prêt à partir, ma vengeance accomplie.
Mais je ne suis plus seul, évidemment, les cris ne sont pas passés inaperçus. Les voisins se sont certainement rassemblés, ont surement appelé de l'aide. Je ne pourrais pas m'en sortir, je le savais avant même de venir. Ça n'a aucune importance, je n'ai plus rien à perdre. J'allais ouvrir la porte lorsqu'une silhouette couverte de sang me repousse. Je n'ai le temps que d'apercevoir de longs cheveux multicolores voler devant mes yeux. Les miens, sans aucun doute. Enfin, ceux de Sith. Ce qui revient au même. Je ne savais même pas qu'elle m'avait suivi jusqu'à chez moi. Elle avait dû observer toute la scène, sans y prendre part malgré l'envie qui, j'en suis sûr, la démangeait. Et elle avait compris que je voulais abandonner. Me rendre, mourir. La laisser, elle. Et elle ne le voulait pas. Elle allait se sacrifier pour moi, et je ne pourrais rien faire pour l'en empêcher. Avant qu'elle ne sorte, j'ai le temps de croiser son regard, gris comme la brume, ambré comme le miel, un crépuscule constant et mouvant dont la joie meurtrière est pour l'heure noyée par les larmes. Son sourire triste, poignant comme un adieu, me transperce le cœur et je recule sous le choc, avant de trébucher sur le corps sans vie de mon père, m'éclaboussant de son sang honni et m'entaillant la peau sur les échardes encore chaudes qui dépassent de sa chair. Puis ma tête heurte le sol, et je plonge dans le brouillard, ni conscient ni inconscient, juste étranger au monde qui m'entoure.
Sonné, je ne peux qu'entendre sans réagir les cris qui me parviennent du dehors, la porte qu'on enfonce, les murmures d'horreurs qui résonnent entre les murs. Quelqu'un me traine à l'extérieur. J'essaye de parler, d'avouer, pour que ça s'arrête, que la vérité soit rétablie et que je puisse enfin m'en aller. Je n'ai besoin ni d'amour ni de compassion. L'apaisement de la mort me suffirait. Mais aucun son ne sort de ma bouche.
Pire, j'aperçois la silhouette de Sith, un peu plus loin, entourée d'hommes et de femmes furieux et terrifiés à la fois. Quelqu'un hurle, une jeune adolescente s'évanouie. Une première pierre surgit de nulle part, vient frapper la tempe de ma démone, la faisant tituber un instant. Le coup n'a pas été fort, elle ne saigne même pas. Mais il sert de signal, et bientôt une dizaine d'autres roches viennent frapper Sith à leur tour, sans même qu'elle essaye de s'échapper ou de rétablir les faits. J'arrive, je ne sais trop comment, à tendre la main vers elle, la bouche ouverte sur un cri silencieux. "Pourquoi ? Arrêtez ! ce n'est pas elle, c'est moi le monstre !" ai-je envie de hurler. Mais une main apaisante se pose sur mon bras, et une voix dont le propriétaire me semble vaguement familier tente de me rassurer :


"Ne t'inquiète pas. Ta famille sera vengée. Nous n'allons pas la laisser s'en sortir. Bon sang ! j'en reviens pas. Cette engeance diabolique devrait disparaitre ! Une seule mort ne suffira jamais à expier tous les péchés que cette créature impure pu commettre. "

Choqué, j'essaye de tourner la tête vers l'inconscient, mais une douleur terrible me vrille les tympans, et je sens les ténèbres m'attirer à elles.

L'onde est parfaitement claire devant moi. Je n'arrive pourtant pas à en détacher mon regard, pensive. C'est donc comme ça que ça s'est passé. Un "sacrifice", est des humains suffisamment incultes pour penser que quelques pierres pourraient venir à bout d'une démone. J'ai été bannie, abandonnée à moi-même, encore une fois. Sans savoir pourquoi, j'éclate de rire. Un rire fou, ponctué de soubresauts, légèrement hystérique, qui pourrait m'amener à me questionner sur ma santé mentale si je m'en souciais encore.
Mais à ce stade, je ne m'en soucie plus. Je ne sais comment décrire l'émotion qui m'étreint : est-ce de la joie de connaitre enfin le fin mot de l'histoire, de la désillusion renouvelée à propos des Hommes, ces êtres que j'avais voulu aimer et qui m'avaient trahi, ou encore de la déception, parce que dans mon fort intérieur j'avais toujours espéré ne pas être morte une seconde fois d'une façon si pitoyable ? Je ne sais pas. Peut-être un mélange de tout cela.
Mais cela m'explique pourquoi je me suis réveillée dans les marais ce matin-là, couverte de sang et de boue, mon corps humide et abîmé irradiant de douleur. Encore. Pour la deuxième fois de ma vie, j'ai été laissée pour morte dans un marécage sordide, entourée d'autres malheureux, victimes eux aussi de la colère du peuple, qu'ils avaient caché ici comme pour en débarrasser leurs consciences. La plupart étaient déjà au stade de squelettes, d'autres étaient encore en voie de décomposition. L'odeur était atroce. Je me suis relevée péniblement. Moi, je ne pourrirais pas. Pas ici, pas maintenant. Et je me vengerais.
Oh oui. J'allais me venger. La première fois, j'étais restée magnanime. Ils avaient eu peur, j'avais fini par comprendre. A l'époque, je ne les connaissais pas. Je ne les détestais pas, je leur avais même accordé une seconde chance.
Mais maintenant, ils allaient payer pour ce qu’ils m’avaient fait. J'entrais dans une rage folle, ne me souvenant plus que j'avais choisi cette fin. Et même à présent que je sais, je ne regrette pas le moins du monde ce que j'ai fait.
Après tout, c'était tellement amusant.

Mes souvenirs trouvent à nouveau écho sur la surface de l'eau. Une onde dans le reflet de l'onde. Puis la vue se relève, et un village se révèle, séparé de moi par un lac. Le bourg a l'air paisible, tranquille. Il ne va pas le demeurer longtemps.
Je ris de nouveau. Enfin un souvenir joyeux, un souvenir qui me décrit parfaitement. Enfin un souvenir sanglant.
Ruisselant du sang des autres, et non du mien.
Le crépuscule enflammait l'horizon quand j'entrais dans le village. Les habitants, occupés à exécuter leurs dernières taches de la journée, ne me regardèrent même pas. Je me déplaçais telle une ombre, cachée dans mon ample cape, et m'approchais du centre du village. Arrivée devant la fontaine, j'enlevais mon capuchon. Je jetais un regard à la ronde, m'assurant de l'acoustique du lieu. Puis, tranquillement, je pris dans mon sac une flûte de pan en bois sombre, décorée de veinures en argent. Je l'avais pris sur le cadavre d'un autre démon, trouvé dans une cabane pas très éloignée, égorgé pendant son sommeil, très certainement. Un autre opprimé à venger. Le sang des humains devait couler. Toujours était-il que cette flûte me plaisait. Alliée à mon pouvoir, elle pouvait faire des merveilles, j'en étais sure.
Je remarquais dans un coin une fillette vêtue d'une robe à frou-frou blanche et crème, certes usée mais indiquant que son origine était loin d'être miséreuse. La façon dont elle me regardait me fit penser qu'elle était sur le point de faire un infarctus. Ses yeux étaient ronds comme des soucoupes, sa bouche entrouverte laissait voir des dents un peu trop longues, et ses traits tirés exprimaient à la fois horreur et saisissement. Amusant. Sans la quitter des yeux, je portais la flûte à mes lèvres, et commençais à jouer. Un air léger, fluide, presque joyeux mais teinté de quelque chose de violent s'échappa de l'instrument. Je distinguais les notes s'échapper, s'entremêler dans les airs, s'approcher de mes auditeurs. Tout le village s'était arrêté de travailler, figé en plein mouvement, et me fixait, moi la démone joueuse aux cornes noires et aux cheveux d'aurore, me découpant sur le ciel embrasé. Je me sentais entière, puissante, gorgée de la féérie de la situation et du tableau. Ils étaient charmés. Un à un, ils sont tombés dans mon piège, hypnotisés par mes notes. Ils ne pouvaient plus rien faire, ils étaient vulnérables.
J'avais leurs vies au creux de mon souffle. Et j'adorais ça.
J'ai joué longtemps, avec ma flûte et leurs sentiments. J'ai aspiré leur vie, toute leur vie, allant plus loin que je n'avais jamais été, déchainant mon pouvoir sans craindre l'épuiser. Je ne voulais que ma vengeance. Je ne pourrais disparaitre avant de la réaliser. C'était impossible, de toute façon, car mon existence semblait avoir lié avec la vie des liens qui ne pouvaient être dépassés. J'étais immortelle. La preuve, ces créatures, ces vermines, avaient déjà tenté plusieurs fois de me tuer. Sans jamais réussir.
Cette pensée noya mon esprit dans la rage. Une pulsion sauvage monta de mes entrailles, et avant que j'ai pu la réprimer, se rependit dans mes veines, mon âme, mon esprit. Prit le contrôle, totalement.
La flûte tomba à terre.
Le silence était retombé sur le petit village au bord du lac.
Puis un hurlement a retentit. Strident. Un hurlement dans lequel pulsaient le désespoir et l'horreur. Un hurlement qui s'éteignit très vite.
Revoir ces images me plonge dans un étrange sentiment de malaise. De manque, aussi. Mais je sens que quelque part en moi, l'esprit d'Aelix se révolte, et m'empêchera à l'avenir de reproduire ce genre de scène. Dommage. Mais si c'est ce qu'il souhaite, je l'accepte volontiers.
Sur l'écran formé par l'eau, le rouge domine à nouveau. La lune déverse sur la place une étrange lumière, qui révèle dans un jeu d’ombres et d’éclats les corps déchiquetés, entassés, entremêlés, qui gisent sur la place pavée.
Une longue silhouette encapuchonnée est assise sur le rebord de la fontaine. Ses jambes battent le vide, et une douce chanson s’envole de sa gorge tandis que sa main caresse la tête de la petite fille qu’elle tient dans ses bras. Le corps désarticulé de l’enfant s’agite encore un peu, sa peau partiellement révélée par les déchirures de sa robe crème tachée frissonne sous la brise. J’aime le spectacle de ses yeux presque morts, l’impression que son esprit déraille, s’évade chaque instant un peu plus. Ses boucles blondes me rappellent quelqu’un. Ils m’évoquent douceur, amitié, des sentiments que je ne suis pas supposée pouvoir ressentir, mais qui pourtant me plaisent, me manquent, même. Dans ce visage que j’ai déjà commencé à briser, c’est Aelix l’enfant, le pur, Aelix le meurtrier, Aelix le sanglant que je retrouve. Son regard atteint un équilibre parfait entre douleur et folie. Je caresse doucement ses boucles, la douce courbe de sa joue. Mais l’enfant gémit à mon contact. Un gémissement si désespéré qu’il brise ma nostalgie. Loin de me contenter comme les précédents, il me met hors de moi. Je vois un rictus me tordre les lèvres, et mes doigts effleurer tendrement la nuque de la petite fille, avant de la briser d’une pression. Comme une poupée disloquée, elle glisse sur le sol, et n’en bouge plus, sa robe se gorgeant du sang qui ruisselle sur les pavés. Ce n’est qu’un faux. Un mirage. Comme tous ceux que j’ai croisés depuis que j’ai quitté la ville.
Je me relève, ramasse ma flûte et sors du village. J’ai gagné beaucoup de pouvoir, mais mon cœur, ou ce qui m’en tient lieu, n’est pas satisfait. Je me traîne dans la nuit noire, vacillante, à moitié ivre de tristesse et de pouvoir. Je finis par me laisser tomber au pied d’un arbre au bord d’un chemin. Mon esprit est étrangement vide, et c’est instinctivement que je porte l’instrument à mes lèvres.

L’image se dissipe, mais la musique demeure, un son qui résonne dans la salle blanche infinie, évoquant regret, folie et joie à la fois. J’étais libre.
Je sens quelque chose remuer au fond de mon esprit. Une voix faible résonne au fond de moi.

- Laisse-moi te montrer, c’est mon tour maintenant, Sith. Regarde comment ça s’est passé.
Ma main effleure l’eau, y déverse une nouvelle mémoire.

Une pièce noire. La nuit formait un rideau que mes yeux d’humain étaient incapables de percer. J’étais couché, couvert de couvertures chaudes mais rêches. J’ignorais où j’étais, et depuis combien de temps. Après m’être levé, je me suis avancé dans la chambre, tâtonnant les murs à la recherche d’une porte que mes mains n’ont pas tardé à trouver. Le battant ne résista pas à ma poussée légère : je n’étais donc pas prisonnier. La lumière m’aveugla, brûlant mes rétines, et ce fut d’une démarche incertaine que j’avançais dans un couloir qui me sembla tanguer légèrement. Une ouverture lumineuse se découpait dans la nuit. Une porte, ouvrant sur une pièce éclairée par un feu de bois. Devant celui-ci était assis un homme, et je cru reconnaitre celui qui m’avait secouru devant chez moi. Il se tourna vers moi, et son visage fatigué s’anima d’un sourire quand ses yeux se posèrent sur moi.

« - Oh, tu es réveillé. C’est une bonne chose, je venais à croire que tu n’ouvrirais plus jamais les yeux. Comment te sens-tu ? »
« -Nauséeux. Mais vivant. Grace à vous, je suppose. »
Le visage de l’homme s’assombrit de nouveau. Il m’invita à m’assoir, puis me raconta les évènements qui l’avaient amené à m’accueillir. Sith avait été désignée coupable, et lapidée, sans qu’aucune question ne soit posée. Seule une démone aurait pu commettre de telles atrocités. Il ne remarqua pas ma grimace dégoutée. Les hommes étaient décidément aussi décevants que l’avait dit Sith. Mais je savais qu’elle s’en était sortie. Il est impossible de la tuer avec quelques coups de pierres, d’autres avant eux avaient déjà essayé. Mais je ne la reverrais certainement plus… Cette pensée m’emplit d’une étrange mélancolie. Elle était ma plus chère amie, celle qui m’avait protégé et qui m’avait tout apprit. Je me sentais même plus démon qu’humain depuis que je l’avais rencontrée. Et cela n’était pas pour me déplaire. L’homme, par contre, ne semblait pas de mon avis. Il était persuadé que Sith avait bel et bien été abattue. Et que c’était une bonne chose, très bonne chose. Il haïssait les démons, sans chercher à faire de distinction, à comprendre ce qu’ils désiraient, à voir leurs différences. Mais je ne pouvais pas lui exposer ma façon de voir les choses. Pas encore, du moins. J’avais encore besoin de lui, maintenant que Sith n’était plus là.
Après la démone eut été abandonné dans les marais, les corps de mes parents avaient été incinérés. L’homme, qui avait quelques connaissances en médecine et en magie démoniaque, m’avait recueilli, au grand soulagement du voisinage, j’imagine. Pour eux, j’aurais tout aussi bien pu être mort.
L’homme me proposa de rester quelques jours chez lui, le temps de récupérer et de trouver un nouveau foyer. Et, malgré le mépris que j’éprouvais pour lui, je me pris à accepter.
Mais chaque jour qui passait me confortait dans mon idée que je ne pouvais vivre loin de Sith. A sa manière, elle avait un esprit bien plus ouvert que ceux des hommes que je côtoyais. Et je passais plus de temps à réfléchir à comment la retrouver qu’à chercher réellement à reconstruire ma vie, ce qui n’échappa pas à mon hôte.
Un soir, nous nous sommes retrouvés dans le salon. Il était rare qu’il rentre aussi tôt, et ce fut en quelque sorte notre première discussion depuis mon réveil.

« Je sais que tu cherches à retrouver ta démone. Il me parait évident que tu ne trouveras pas la paix avant de t’être vengé, et d’avoir vengé ta famille. Et il se trouve que je m’y connais un peu en matière de démons : après tout, ils font partie de mon travail. Tu vois, Aelix, certaines personnes semblent croire que l’énergie vitale et les rêves sont deux choses bien différentes. Ce n’est pas mon cas. Bien sûr, certaines créatures peuvent vivre sans rêve. Ces créatures, tu les connais : vampires, succubes, démons… des plaies et des prédateurs. On pourrait donc penser que les rêves sont ce qui nous rend meilleurs, notre force, en quelque sorte. Mais ils sont notre faiblesse, notre plus grande faiblesse. Ils permettent à ces créatures infernales d’aspirer notre force, notre vie. Nous pouvons nous défendre dans la réalité, mais comment faire lorsqu’ils viennent réveiller ce qui dort au plus profond de notre âme ? »
Je restais silencieux, médusé. Cet homme était bien différent de ceux que j’avais rencontré, au final. Un brin plus fou, fanatique, certes, mais ouvert d’esprit. Et je commençais à voir où il voulait en venir.
« C’est pourquoi, selon moi, les rêves devraient être bannis de nos existences, du moins jusqu’à ce que tous ces êtres aient été éradiqués. Surtout LE rêve, car il est une porte grande ouverte sur ton esprit. En vérité, je me suis même souvent demandé s’il n’était pas l’œuvre d’un démon supérieur, qui se nourrirait de nos esprits comme d’une offrande, chaque année. »
Ça se confirmait. Il était complétement secoué.
« Tu dois me prendre pour un fou. Mais je sais que si tu regardes en toi, tu verras que j’ai raison. Tu vois, je suis convaincu que ce ne sont pas les démons, nos pires ennemis. Ce sont nos rêves. Car nous ne pouvons nous empêcher de les aimer. Si je te dis tout ça, Aelix, c’est que je pense qu’avant de te lancer dans ta quête de vengeance, tu devrais réduire les risques. Tu ne seras pas invincible, loin de là, mais ce sera une sécurité. Et cela t’épargnerait les cauchemars qui hantent certainement tes nuits depuis la mort de tes parents. »
Je pris sur moi et réussi à ne pas le traiter de fou immédiatement. Ces paroles sonnaient juste, elles n’étaient pas si aberrantes que ça, à bien y réfléchir. C’était certainement de cette manière que Sith tirait son énergie : elle puisait dans la force endormie de ceux qui l’écoutaient, vidaient l’essence de leurs rêves. Mais l’homme se trompait sur ma motivation. Je ne craignais pas Sith, bien au contraire, et je n’avais pas besoin de me protéger d’elle. Cependant, certaines choses m’étonnaient dans son discours.
« Il est donc possible d’arrêter de rêver ? Je croyais que le rêve faisait partie de notre essence et qu’il était lié à notre âme ? »
« C’est le cas. Mais il existe un moyen, utilisé par les miens depuis fort longtemps, pour ne garder que la partie forte de notre esprit. C’est une opération douloureuse, mais on en tire quelques petites contres-parties. Nos esprits sont plus forts, nos corps plus résistants, et nous pouvons demande quelque chose en plus pour nous aider dans notre lutte. »
« Qui sont les vôtres ? »
Un sourire passa sur le visage de l’homme. Il pensait avoir gagné, et il n’avait peut-être pas tort.
« On nous appelle les Brise-rêves. »
Plus tard ce soir-là, alors que j’étais allongé sur ma couche, je pris ma décision. Un esprit plus fort... un corps plus résistant... Ces paroles résonnaient dans ma tête, s’agençant en un nouveau plan. Il me fallait acquérir cette force. Car alors je serais capable de rendre à Sith ce qu’elle m’avait offert : un asile, un refuge. Capable de lui offrir ce qu’elle avait toujours tenté d’avoir : l’amour et la confiance, un respect à la mesure de son pouvoir. Et si pour cela il me fallait subir cette brisante et accorder ma vie aux Brises-rêves, alors je le ferais. De toute manière, ma vie et mon âme ne m’appartenaient déjà plus.
Le lendemain, j’exposais ma décision à mon hôte. Il hocha simplement la tête, et me demanda d’attendre. Quelques jours plus tard, il me demanda de le suivre, jusqu’à un grand bâtiment de pierres grises entouré de jardins. Là, il me passa un bandeau sur les yeux, et me conduisit au travers d’un dédale d’escaliers et de couloirs, un labyrinthe dans lequel je perdis toute notion de temps et d’espace. Enfin, je senti la présence d’une troisième personne, à laquelle mon ami me confia. Le bandeau me fut retiré.
Nous étions dans une salle quelconque, seulement meublée d’un canapé et d’une table basse. Le visage de l’homme était masqué d’ombre, pas vraiment comme un masque, juste un voile d’incertitude qui empêchait de fixer ses traits dans mon esprits. Impossible, même en le scrutant, de savoir s’il était grand ou petit, ou même de deviner la forme de son visage. Il se pencha vers moi, jusqu’à ce que ses yeux semblables à des miroirs soient fixés dans les miens.

- Est-il prêt ?
- Oui.
- Es-tu prêt ?
- Oui.
- Confies-tu ta vie aux Brises rêves ? Promets tu de servir notre cause et de ne jamais chercher à en savoir plus que tu ne le dois ?
- Oui.
- Très bien, alors laisse-moi plonger en toi, laisse-moi voir de quel genre sera ton cadeau.

Je me redresse brusquement. Sans que je sache pourquoi, la vision de ces yeux me révulse. Ils sont immenses, emplissent toute la surface du souvenir. Et soudain, tout explose. L’eau calme s’agite comme sous un vent de tempête, et les images se brouillent, s’étirent à l’infini jusqu’à devenir indéchiffrables. Je devine que ce souvenir a dû être effacé. Peut-être est-ce le pouvoir de cet homme étrange : masquer les souvenirs jusqu’à les rendre illisible même par la puissance qui imprègne ces lieux.
L’eau se clame enfin. Reste uniquement une sensation diffuse de douleur, qui emplit l’air comme un mauvais sort. Et le souvenir reprend.

Ça faisait mal. Ça brûlait, quelque part dans mon esprit, et je savais qu’on m’a retiré une partie de moi-même. Pourtant, je trouvais la force de sourire. J’avais enfin ce que je voulais.
Je me redressais. J’étais de nouveau chez mon hôte. Mais il était temps de le quitter, sous couvert d’une vengeance qui n’avait pas lieu d’être. Mon existence était officiellement liée à la guilde, désormais. Mais je n’avais pas l’intention de la faire durer plus longtemps.
La porte s’ouvrit à la volée. Mon ami entra en trombe, le visage déformé par la colère, et je cru un instant qu’il allait m’étrangler de ses propres mains. Il réussit pourtant à se contenir. Mais ses mots me frappèrent avec la violence d’un coup de poing, ce qui m’amena à me demander la nature de son don.

« Bon sang, Aelix, que signifie cette demande ? Pourquoi as-tu demandé cette greffe ?
Je le devais, mon ami. C’est aussi simple que ça.
Est-ce que tu réalises au moins les risques que tu prends ?
Je les connais. Mais maintenant c’est trop tard, n’est-ce pas ?
J’ai peur de comprendre.
Savoir n’est pas toujours une bonne chose. Mais maintenant mon ami, le temps m’est compté, il me faut me mettre en route. »
Sa colère était passé bien plus rapidement que je ne m’y attendais. Il me donna des affaires pour mon voyage, et je me mis, comme promis, en route sans attendre, non sans lui avoir une nouvelle fois juré de ne jamais mettre l’existence de la guilde en danger.


L’eau se trouble, et l’image se troue comme un tissu rongé par la vermine. Puis se reforme à nouveau, mais s’ouvrant sur une autre scène.
Le soleil se couche, et l’horizon s’orne lentement de rouge. La campagne environnante s’orne de milles éclats, et j’ai presque l’impression que les oiseaux ne chantent plus dans mes souvenirs, mais bien dans cette salle aux murs immaculés.
Sur le bord d’un chemin bordé d’un ruisseau, sous un arbre aux feuilles jaunies par l’automne, un mendiant se repose. Son visage et sa silhouette sont masqué par sa longue cape brune, et il reste immobile, sans réaction. Sa vue éveille ma méfiance, mais je ne peux me permettre de faire demi-tour ici. C’est le chemin le plus rapide, et je dois être au village avant la nuit. Une rumeur dit que tous ses habitants se sont fait tuer, quelques semaines plus tôt, et cela a tout de suite éveillé mon attention. Et s’ils sont réellement tous morts, alors peut être pourrais-je rester y dormir un jour ou deux. La proximité des morts ne me fait plus peur depuis longtemps : les voyageurs doivent vite apprendre à s’endurcir, dans ces contrées.
Je continue donc d’avancer, prenant mon temps pour observer le suspect. Un coup sourd sur mon épaule m’envoie soudain valser sur le bord de la sente. Sans que j’ai pu voir d’où il provient, un second achève de m’étourdir, et je m’effondre, tête la première dans le ruisseau.

Je suis restée sous mon arbre. Il est bien, joli, confortable, pas trop envahissant, et me protège de la pluie : c’est l’abri idéal pour cuver mon trop plein de puissance. Je ne suis pas conçue pour en emmagasiner autant d’un coup : je me sens malade, nauséeuse. Je passe mon temps à jouer, et à regarder les rares voyageurs défiler. La nouvelle du génocide n’a pas tardé à se propager, mais personne ne songerait à interroger un simple mendiant. Quelques-uns m’ont même lancé une pièce au passage. Depuis deux jours pourtant, les voyageurs se font plus rares. Je n’ai pas tardé à en découvrir la cause : un petit groupe de brigands de grands chemins s’est installé et détrousse la moitié des passants. C’est assez divertissant à regarder, je me suis même prise au jeu. Ils sont focalisés sur ma propre silhouette, sans prêter attention à ce qui les entoure. Pas très malin.
Mais celui qui vient de se faire assommer me rappelle quelqu’un. Curieuse, je m’avance : si les brigands tentent quoi que ce soit, il me restera ma flûte. Et un arbre pour cuver.
Arrivée à mi-chemin, je reconnais enfin la silhouette : Aelix. Sans me demander la raison de sa présence, je me précipite. Je connais la façon dont les brigands se débarrassent de leurs victimes, et Aelix semble déjà bien mal en point, à moitié plongé dans le ruisseau. Sans laisser le temps aux voleurs de réagir ni même de se retourner, je porte la flûte à mes lèvres.

Tout est flou autours de moi. Est-ce déjà la fin ? Non, ça ne peut pas l’être. Je n’ai pas encore terminé ma quête. Mais mes forces s’affaiblissent. Le choc a dû précipiter la décomposition de mon être : le Briseur m’avait prévenu.
Peut-être que c’est bien la fin, en réalité.
Un visage s’impose à moi, et je crois d’abord à un souvenir.

Sith… J’avais un beau cadeau pour toi.
Ah oui ? Et quel était ce cadeau ?
Tu es un bien curieux souvenir. Mais qu’à cela ne tienne, je ne vivrais certainement plus assez pour te le dire en vrai. Je voulais t’offrir mon corps en refuge, mon âme en présent, ma vie toute entière. Te rendre tout ce que tu m’as offert. Mais mon esprit a déjà commencé à mourir, et je n’ai plus le temps, maintenant.

Le souffle me manque. La parole aussi. Mes pensées tourbillonnent et m’échappent, comme des papillons en furie. Déjà, le regard de celui que j’avais aimé sans le pouvoir se voile, les mots meurent sur ses lèvres sans avoir été prononcés, et je sens son esprit sombrer dans la folie. Quoi qu’il ait pu subir, ça l’avait tué.
A moins que…

Soudain, la solution s’impose à moi. Sa proposition incomplète m’apparait en son ensemble, ainsi que l’étendu du don qu’il me fait. Je ne suis pas un génie, capable de prendre le contrôle d’autres êtres, mais grâce à son sacrifice et à mon surplus de pouvoir, je peux le sauver. Tout en me sauvant. L’opération, je le sais pourtant, est délicate, et j’aurais eu besoin de plus de temps pour me préparer. Mais du temps, je n’en ai plus.


Tourbillons.
Des souvenirs qui se croisent et se mêlent.
Déchirement de personnalités qui se chevauchent et se complètent.
Deux âmes entières se refaçonnent, s’entrecoupent, se mélangent, pour en former une nouvelle.
Ni humaine, ni démone. Ni femme, ni homme. Faite d’amour et baignée dans la haine.
J’ouvre les yeux. Ils sont gris, maintenant. Gris imprécis, gris inconnu.
Je suis moi, et je suis moi. Nous sommes autre.
Nous sommes Aelix Sith.

La suite est un peu confuse. Les images se sont tues, mais je me souviens vaguement. Nous sommes retournés à Reilor, n’ayant nulle autre part où aller. Nous avons vendu nos maisons, et investit dans la rénovation d’un bar miteux situé dans le cartier du port, là où erre la pire engeance qui écume les mers, et où nous travaillons essentiellement en tant que musiciens. Les histoires de l’océan et des voyages nous entouraient, nous baignaient de merveilles, et nous leur composions de courtes hymnes au piano entre deux chansons triviales.
Et nous étions ensemble. Enfin. Plus complètement que personne ne pourrait jamais l’espérer.
Mon seul regret était de ne pas pouvoir rêver.

Je m’allonge, laissant l’eau-qui-ne-fait-pas-peur entourer mon corps transit. Mon histoire a été dévoilée, et je me sens atteinte d’une étrange nostalgie. Une caresse mentale effleure ma conscience, et une voix murmure par ma voix :

« Chut, ne pleure pas, Sith, et dors. Ne crains rien, je veille pour toi. »
Mes paupières lourdes se ferment, et l’obscurité retombe sur la salle blanche.


Dernière édition par Aelix Sith le Jeu 26 Jan 2012, 22:06, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Aelix Sith   Aelix Sith EmptyDim 08 Jan 2012, 17:37

[Salut Aelix, juste un mot pour te prevenir:
Je suis en plein dans mes partiels, du coup j'ai pas beaucoup de temps, et vu la longueur de ta salle blanche, je ne sais pas quand est-ce que jvais pouvoir caser sa lecture x)
Donc voila je voulais juste te prevenir et m'excuser par avance du temps que ça va sans doute prendre]
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MessageSujet: Re: Aelix Sith   Aelix Sith EmptyJeu 26 Jan 2012, 13:29

[Bon sang, je t'avais totalement oublié! Faut pas hésiter à me relancer hein quand on voit que ça traine trop ><

Jsuis vraiment désolée de l'attente.
Je lis ça ce soir, ou demain (ou vraiment au pire ce week-end)!]
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MessageSujet: Re: Aelix Sith   Aelix Sith EmptyMer 01 Fév 2012, 18:46

Aelix Sith Coeur2lu8

Rude est la tâche de la rétrospection. Douloureuses ont été les premières étapes. Dans Notre infini, Nous concédons un bref instant de repos. Dans la clarté du firmament, dans la quiétude des eaux tièdes, tel un foetus à l'abri du ventre protecteur de sa mère. Nous sommes une femme enceinte, Nous sommes le cordon, Nous sommes le placenta. Nous le nourrissons, Nous le protégeons et le faisons grandir.

Nous le berçons en Notre sein.

Mais alors les souvenirs se peignent, des aquarelles s'étirent sur l'onde et dansent. Les images pénètrent un coeur encore aveugle. En Notre ventre il bouge, se débat encore. Ce sont des scènes violentes, c'est un passé difficile. Il se tortille et Nous pare de coups, Nous adorons ça. Il a mal, il s'extirpe puis s'emmêle à son cordon. Mais Nos mains l'empêchent à ce geste désemparé. Nous le retenons face à face avec lui-même. Il faut qu'il se regarde, il faut qu'il s'accepte à présent, avant de renaître en Nous.

Nous le tenons en Notre main.

Il voit. Il sent. Il ne pleure plus, notre enfant...
Balayés les tableaux sanglants, ne reste que lui maintenant. Son coeur, sa vie peut lui être rendue. Il est prêt. Dans Notre soupir naît la clef, immaculée, ouvrant la porte à sa nouvelle existence. Nous n'aurons plus besoin de lui tenir la main, il marchera fier. Mais Nous pourrons veiller sur lui, toujours. Car Nous adorons ça....


Aelix Sith Clblancheyq8


[Et voila! Enfin! Officiellement, bienvenue parmi nous!
Tout était impeccable, et ce fut vraiment un plaisir de te lire Wink Je vais juste t'envoyer un MP pour deux trois précisions (sur la nature de la greffe, tout ça, les capacités actuelles de ton personnage...).

Mais alors par contre du coup, je sais pas exactement dans quel groupe de race je te mets. Démon je pense, non?


Pour le petit guide du parfait nouveau:

Pour trouver tes premiers partenaires de RP, tu peux évidemment faire tes demandes par Message Privé, en discutant dans le flood ou sur la boîte à Miaou, mais tu peux aussi passer par le sujet dédié, ICI

Après, il faudra aussi que tu ailles dans la catégorie des Miroirs, toute récente. Pour l'instant, tu n'as pas encore de sujets ni rien, donc tu n'en verras peut-etre pas encore l'utilité, et tu n'es pas obligé de remplir tout, tout de suite, mais il faudra le faire dès que tu commenceras vraiment à jouer. Les Explications et le Topic de Demande.

Il y a aussi le Flood où tu es évidemment la bienvenue.

Tu peux également participer aux jeux d'écriture que l'on propose =)

Ah oui, et tu peux télécharger la police d'écriture que l'on utilise sur le forum (pour les pseudos), tu verras, ça rend tout de suite bien mieux:ici Pour l'installer il suffit d'ouvrir dans ton ordinateur la partie Windows, puis Fonts, et de l'y coller ^^
Ce n'est évidemment pas obligatoire, c'est simplement plus esthétique.

Pour toutes questions, je suis à ta disposition!

Bon jeu parmi nous!]
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MessageSujet: Re: Aelix Sith   Aelix Sith EmptyMer 01 Fév 2012, 21:05

Merci merci merci merciiiiii *danse de joie* tu as illuminé ma soirée XD
oui, démon, vu que c'est ce qui domine et que ça sera presque toujours "elle" qui parlera ^_^

Effectivement, c'plus joli avec la police XD
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Unded
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MessageSujet: Re: Aelix Sith   Aelix Sith EmptyMer 01 Fév 2012, 21:14

Enfin la larve a évolué o/
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MessageSujet: Re: Aelix Sith   Aelix Sith EmptyMer 01 Fév 2012, 22:56

Bienvenue!!! cheers
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MessageSujet: Re: Aelix Sith   Aelix Sith EmptyMer 01 Fév 2012, 23:37

Bienvenue rejeton des dieux, puisse-tu rendre cet antre encore plus psycopathe et folle
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MessageSujet: Re: Aelix Sith   Aelix Sith EmptyJeu 02 Fév 2012, 00:29

Eeeeh bienvenue officiellement à toi ! cheers Me réjouis de pouvoir lire tes rp ! ^^
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MessageSujet: Re: Aelix Sith   Aelix Sith EmptyJeu 02 Fév 2012, 01:01

Soit la bienvenue, contente de voir que tu vas pouvoir jouer. Je te souhaite de bien t'amuser ici, avec les mots et avec les gens.
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Rána
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MessageSujet: Re: Aelix Sith   Aelix Sith EmptyJeu 02 Fév 2012, 01:08

Je ne sais pas si la bienvenue est encore de circonstance, mais en tout cas amuse-toi bien !
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