Lilith nageait là où bon lui semblait. Depuis trente ans qu’elle était en cavale et parcourait les océans du monde là où ses mains palmées la guidaient, elle avait déjà atterrit plusieurs fois sur les mêmes côtes, et les mêmes ports.
Dans certaines bourgades de pécheurs, elle était connue comme « l’étrange poisson d’or ».
Bien que les marins d’Aikilando connaissent l’existence des sirènes, celle-ci préférai rester dans l’anonymat. Tout simplement parce que les sirènes n’étaient pas toujours les bienvenues dans les petites bourgades recluses, et aussi par peur que son passé meurtrier ne soit mit à jour. Quelqu’un connaissant les faits aurait facilement put l’identifier en sachant qu’elle était sirène.
C'est pour ses raisons qu'elle évitait que les marins n'apperçoivent plus que ça grande queue orangée.
Tous l’avaient déjà vu flâner dans les bars, droite sur ses deux jambes humaines, sans même imaginer qu’elle était le cœur de ce mystère. Il était bien sûr arrivé que quelques hommes de la mer plus intelligent que d’autre fassent le rapprochement entre elle et le poisson, trouvant étrange que la créature n’apparaisse que lorsque la mystérieuse jeune fille dont personne ne savait rien était dans le coin. Mais jamais elle ne s’était faite découverte.
Généralement, elle s'enfuyait lorsque quelqu'un approchait trop près de la vérité, mais par prudence elle ne restait de toute façon que quelques jours dans chaque village.


En trente ans, elle pensait avoir fait le tour des mers du monde, connaître chaque algues et chaque poissons. Mais voilà que bientôt, elle se rendit compte, alors qu’elle nageait au gré du courant, qu’elle venait d’entrée dans une zone qui lui était jusque là inconnue.
Au fond des abysses, elle pouvait discerner une épave qu’elle n’avait jusque là jamais croisée. Intriguée, elle descendit en piquée jusqu'à celle-ci.
Cette dernière semblait être plus vieille qu’elle, ce qui était plutôt rare. La carapace du navire était rongée par la rouille qui avait creusé de nombreux trous. Si l’on n’était pas connaisseur, on aurait pu croire que l’épave n’était en réalité qu’une dune d’océan tellement la végétation s’y était installée.
La sirène joua avec quelques poissons qui y avaient établi leur domicile avant de se faufiler par une petite ouverture.
A l’intérieur, quasiment tout avait été transformé en poussière. Elle trouva un livre à l’aspect intacte, dont la couverture était encore écrite dans la langue ancienne des humains, mais lorsqu’elle posa sa main dessus, celui-ci se désintégra littéralement.
Elle devina qu’elle se trouvait dans une chambre à la vue d’un reste de lit et d’une commode à moitié brisée sur laquelle trônait un miroir encore intacte lui.
Elle resta un petit temps à se contempler dedans. Depuis qu’elle n’avait plus de chez elle, rare étaient pour elle les occasions de se voir sous l’eau car les glaces ne courent pas les océans.
Après cette petite contemplation, elle explora le reste de l’ancien navire. Elle ne trouva d’intéressant qu’un petit médaillon en or qui semblait avoir de la valeur et qu’elle prit dans l’idée de le revendre sur la terre ferme afin de pouvoir payer ses verres au bar.
Après cette unique découverte, elle ressorti de l’épave et dit au revoir aux poissons avec lesquelles elle avait précédemment joué avant de remonter à la surface.
Elle fit un tour sur elle-même afin d’analyser les alentours qu’effectivement elle ne connaissait pas.
Au loin, elle distinguait une terre, ou plutôt des falaises. Sûrement une crique.
Lilith replongea sous l’eau et s’y dirigea à toute vitesse. Une fois à proximité elle ressorti prudemment de l’eau, et effectivement, il ‘agissait bien d’une crique. Pour son plus grand bonheur, celle-ci était déserte. Pas très loin de la côte, elle aperçu un large rocher sur lequel elle alla s’échouer.
Dos contre la pierre, poitrine vers le soleil et les yeux clos, elle chantonnait, sa queue battant la mesure de sa chanson.

C’était une chaude journée, et la sirène sentait déjà sa peau sécher. Il ne lui faudrait pas longtemps avant qu’elle récupère ses jambes.

La chanson que fredonnait Lilith parlait des marins perdus en mer. C’était une berceuse que lui chantait sa mère, Ambre, lorsque, dans les premières années de sa vie, le sommeil se faisait difficile. La comptine avait été écrite par Ambre elle-même, et cette dernière c’était basée sur un souvenir de sa longue vie.
Elle parlait d’un navire qu’une tempête avait fait chavirer et dont l’équipage se trouvait alors sans point de repère, dans un océan dont ils ne savaient rien, à une position inconnue. C’est là que la mère de Lilith entrait dans l’histoire, apparaissant dans la brume pour les guider vers une terre.
Lilith avait toujours admiré l’altruisme de sa mère. C’était une femme d’une extrême douceur qui pensait toujours au bien des autres avant de penser au sien.
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il était bien difficile de faire le deuil d’une pareille sirène…
Chanter cette chanson rendait la blonde nostalgique car elle était liée à son souvenir le plus précieux.

Le silence de la crique était apaisant, et le bruit des vagues était doux, il n’y avait rien d’agité dans cette partie de l’océan.
Les yeux clos, Lilith ne vit pas l’autre sirène émerger de l’eau, mais elle put en percevoir le son. Cependant elle ne s’alerta pas, elle se dit qu’il s’agissait peut-être d’un poisson ayant fait une brève remontée à la surface.
Ce ne fut que lorsqu’elle entendit le « bonjour » qu’elle se rendit compte qu’il y’avait quelqu’un d’autre.
Par reflex, elle se jeta immédiatement dans l’eau, de peur qu’il s’agisse d’un humain.
Elle observa, sous l’eau, dans la direction d’où provenait la voix afin d’essayait de discerner ce dont il s’agissait.
A la vue de ce qui semblait être une large queue verdâtre, la sirène se rassura de reconnaître une consœur, bien qu’elle avait espérer pouvoir rester seule.
Elle remonta donc à la surface et remonta sur son rocher avant de dévisager la nouvelle venue.
Elle ressemblait bien plus à un poisson qu’elle, son corps étant recouvert d’écailles assorties à sa queue. Même son visage n’avait presque rien d’humain. On aurait pu croire en une sirène maléfique venue du fond des abysses. Elle était plus effrayante que séduisante.
Lilith elle faisait plus partie du second genre. Son épaisse queue orangée brillait comme un bijou, et le haut de son corps était complètement humain. Hormis bien sûr de discrètes petites écailles couleur chaire au niveau de ses épaules et de ses poignets, ainsi que ses branchies sous les oreilles et ses mains palmées.
Lilith était née pour séduire et tout dans son apparence le démontrait. Elle espérait que, contrairement à elle, l’apparence de l’autre sirène ne démontre pas ce qu’elle était car elle donnait des impressions de meurtrière.
Appartenant donc clairement à deux branches différentes, Lilith trouvait étrange que celle-ci lui adresse la parole.
Elle répondit néanmoins.

-Désolé d’avoir sauté dans l’eau j’ai eu peur que tu sois un humain.

Elle se tourna vers la crique couverte de navires échoués. Avec la nouvelle sirène dans le décor, cet endroit prenait soudain un aspect lugubre. Peut-être était-ce le genre de sirène qui habitait ses fonds marins… Et sans doute étaient-elles diabolique et poussaient les marins à s’échouer.
Lilith fronça les sourcils, trouvant ses propres pensées stupides. Elle avait toujours eu pour défaut de se faire trop de films.
Elle se tourna à nouveau vers sa consœur.

-Tu vis ici ?

L’étrange sirène brisa le scénario noir de Lilith en lui apprenant qu’elle aussi avait été portée ici par le courant.
Cette crique n’était donc pas le nid de ces sirènes abyssales… Mais d’où venait-elle dans ce cas ? Voilà une question qui allait l’empêcher de dormir. Car c’est vrai, elle aurait aimé savoir pour ne jamais s’y aventurer.
Sûrement que ces sirènes riaient bien des jolis minois comme celui de la blonde, voir pire que rire.

- D’où viens-tu dans ce cas ?

Elle lança à la mermaïde un regard méfiant, l’observant d’un œil perçant.
La créature ne répondit pas, et Lilith s’en sentit offusquer en premier lieu. Ce ne fut que lorsqu’elle vit que la sirène se transformait qu’elle comprit que sa tête était ailleurs.
Se détournant alors, elle se redressa afin de se retrouver assise, le bout de sa queue baignant dans l’eau sombre. Elle l’avait remise à l’eau pour éviter de se transformer car, elle, ne le souhaitait pas.
Elle s’amusait à créer de légères vagues avec celle-ci, tout en peignant sa longue chevelure avec la petite partie de ses doigts non-palmés. Pour ajouter au cliché de la sirène, elle avait à nouveau entamé un chant, moins mélancolique cette fois.
Cette chanson là parlait des dauphins embrassant leur liberté en dansant au gré des courants.
De temps à autre, elle se retournait par curiosité vers sa consœur pour voir où en était sa transformation. Elle trouvait celle-ci plutôt longue, comparé à elle qui se transformait en seulement quelques secondes.
En même temps… vu la différence de leur physique, cela ne l’étonnait pas… Lilith, elle, était déjà presque complètement humain.
Lorsque la jeune blonde eu finit sa chanson, elle recueillit de l’eau au creux de ses mains et la versa sur son corps avant de s’allonger à nouveau, dans un soupire de plaisir.
Elle aimait sentir le soleil sécher sa peau, sans pour autant le laisser gagner.
Les yeux fermés, elle attendit la fin de la transformation qui lui parut durer une éternité.
La voix de la sirène s’élevant dans l’air lui indiqua soudain la fin. Elle apprit que la créature se nommait Kyllian et venait d’un village que Lilith connaissait bien pour y avoir souvent bu quelque pinte en bonne compagnie masculine.
Elle s’étonnait de l’entendre issue d’un tel endroit car celui-ci n’avait rien d’anormale ou de sombre.

Toujours allongée les yeux clos, elle étendit ses lèvres dans un sourire avant de se tourner, appuyée sur son coude, vers Kyllian.

-Lilith. Je viens de… partout.

Elle n’aimait pas parler de son village natal, à cause de ce qu’il s’y était passé trente ans avant. Depuis toutes ces années, elle avait toujours été un mystère pour tout le monde, et jamais personne n’avait su d’où elle venait, pourquoi elle était là, ce qu’elle cherchait. Qui elle était.
Lilith observa la nouvelle apparence de sa consoeur, moins repoussante, mais toujours pas celle d’une humaine normale.
Ses cheveux argentés mettaient facilement sur la voie de sa nature marine…
Elle n’était pas repoussante, juste étrange. Elle avait quelque chose de fascinant en réalité. Sûrement le côté envoutant si particulier aux sirènes.

-Charsin hein… ajouta-t-elle en souriant face aux souvenirs vicieux que lui rappelait ce village. Et puis-je te demander comment tu en es arrivé à voyager jusqu’ici ?

Le regard persistant de Kyllian commençait à déranger Lilith qui se sentait de la part de l’autre sirène une tentative de la percer à jour.
Néanmoins, elle tenta de ne pas se montrer déstabilisée et soutint son regard fier tout en caressant sa propre chevelure, faisant tomber les gouttes d’eau qui stagnaient aux pointes des plus longues mèches.
Elle se montrait plus infranchissable qu’un mur. Les longues années de fuite l’avait rodée face aux gens qui tentait de la cernée, et elle savait comment cacher ses secrets de leurs regards indiscret. Pour les hommes, un joli sourire et un contact physique même mince suffisait. Quant aux femmes, il fallait être plus fines avec elle du fait qu’elles sont plus sournoise et beaucoup moins intéressées par la poitrine que Lilith avait à présenter… Souvent, un sourire sûre et un regard dur qui déconseillait de chercher plus loin suffisait. Mais certaines savaient parfois se montrer insistantes. Dans ces cas là, la jeune sirène choisissait simplement de se retourner et de partir.
N’étant pas encore à ce stade, la blonde se contenta du sourire et du regard ferme.

L’aventure… Lilith élargit sont sourire face à cette vague réponse. La sombre sirène semblait avoir comprit qu’elle ne se révélerait pas et avait apparemment décidé d’adopter le même jeu qu’elle en jouant le mystère.
Une guerre au secret était-elle en train de s’instaurer entre les deux consœurs ? Une sorte de test à celle qui le garderait le mieux où craquerait le plus vite…
Sur ce deuxième point, Lilith était sûre de gagner, jamais elle ne craquerait. Elle avait bien trop à perdre.

-L’aventure hein…

Répéta-elle plus pour elle-même, sur un ton mi-amuser mi-suspicieux.
La mermaide semblait elle aussi avoir quelque chose à cacher…
Il vint alors l’idée saugrenue à Lilith que son apparence était peut-être d à l’enfouissement d’un lourd secret qui avait fini par la faire pourrir de l’intérieur et lui donner cet aspect des abimes.
Cela semblait irréaliste, mais si c’était le cas, la blonde avait bien du souci à se faire, elle qui aimait tant son apparence idyllique.
Se reprenant, elle ricana en secouant la tête fasse à sa propre bêtise. Elle devait absolument arrêter de se faire de pareilles idées.
Se retournant sur le ventre, queue arc boutée au dessus de son dos, appuyée sur son coude, elle faisait face à Kyllian.

-Si tu viens de partout, peut-être connais-tu mon village.

Le regard de sa consœur se faisait de plus en plus insistant, et fatiguée de s’en retrouvé mal à l’aise, Lilith décida de l’interpréter d’une toute autre façon.
Fière de son image, elle choisit de changer ce regard qui tentait de la percer à jour en un regard fasciné par elle. Quelque chose de plus flatteur qui la mettait plus à l’aise car c’est ainsi qu’elle aimait être regardé.
Même si elle se doutait que ce n’était pas l’admiration pour son physique qui poussait la sombre sirène à la regarder ainsi, elle avait une imagination assez développée que pour se pousser à le penser.
Sourire joueur sur les lèvres, elle roula sur le dos, laissant sa longue chevelure dorée tomber contre la surface de l’eau, regardant sa consœur à l’envers.

-Oui j’y suis allée quelques fois. On peut dire que les hommes de ton village sont accueillants.

Ricanant, elle se remit à l’endroit.

-Dis moi…Kyllian, as-tu trouvé l’aventure que tu étais partie chercher ?