Le vieil homme était arrivé par l'ouest. Il avait tenu à arriver au port durant la nuit, et avait fait attendre le bateau et son maigre équipage peu habile. Il se tenait sur la proue, sa longue robe noire flottant au vent froid. Les vagues qui parfois venaient l'asperger ne semblaient pas le déranger. L'équipage murmurait en le regardant, se racontant des histoires à son sujet. Certains disaient que c'était juste un fou qui voyageait, d'autre disaient que c'était un roi en fuite, et d'autre encore racontaient que c'était un sorcier, adepte de la magie noire…ceux-là étaient les plus proches de la vérité. Le capitaine alla voir le vieil homme, et s'adressa à lui.

"Monseigneur, nous devrions attendre le jour, au moins l'aube ! On voir foutre rien cette nuit, j'ai pas envie de mourir !"

Le vieux répondit avec hargne.

"Vous arriverez au port cette nuit, dussiez-vous faire échouer cette épave ! Pressez vous ! Je n'ai pas tout mon temps…"

Le capitaine grogna. Il l'aurait bien jeté par-dessus bord avec tout ses bagages –qui ne comprenait qu'un sac qu'il avait laissé dans la cale- mais il n'avait pas encore payé la traversée…Le capitaine se demanda d'ailleurs comment il avait pu accepter de voyager sans se faire payer d'avance. Il maugréa quelque chose à propos des magiciens, puis dit à son équipage de s'activer…Aucun d'entre eux n'avaient envie de passer plus de temps avec ce passager à bord.

Sur la proue, le Seigneur Nazj était plongé dans ses pensées…il n'avait que faire des inquiétudes de l'équipage, il n'avait en vue que son objectif…il devait bien sur arriver à bon port avant ça, mais il ne s'inquiétait pas, si le navire s'échouait, s'il coulait, si quelque chose d'autre lui arrivait, lui pourrait s'en sortir…la terre ferme n'était pas loin. En revanche il serait regrettable que son bagage soit perdu…Envisageant tout à coup cette possibilité, il appela un membre d'équipage, et lui demanda de lui apporter son sac.

Il contenait un outil indispensable pour sa quête, quelque chose qu'il ne devait pas perdre. Une fois le jeune matelot revenu, le vieil homme lui arracha le sac des mains, et le serra contre lui…Il sourit lorsqu'il entendit les ronronnements que lui seul pouvait percevoir, et lorsqu'il sentit les pulsations du pouvoir…Il se fit bercer par cette douce musique, et oublia bien vite ses soucis. Plusieurs grandes gerbes d'eau l'aspergèrent, mais il n'en tint pas compte. Il ne sut jamais combien de temps il resta entre deux mondes, mais finalement, le capitaine, tout en sueur, vint le secouer pour lui annoncer qu'ils étaient arrivés à bon port. Ils descendirent tout les deux sur la terre ferme.

"Eh ben, dit le capitaine, pas fâché d'être arrivé ! C'était pas sans problème, mais nous voila, et nous pouvons enfin parler des choses importantes : le paiement ! Vous me devez quelques vingt pièces d'or avec les conneries qui se sont passées en mer !"

Le vieil homme, sans rien dire, jeta une belle bourse au capitaine. Celui-ci fit mine de l'ouvrir, mais au dernier moment, quelque chose l'en dissuada…Il afficha une expression interrogative, puis haussa les épaules, et la rangea dans la tunique. Nazj sourit, car la bourse ne contenait que des ronds de fer. Le capitaine salua le vieil homme, et retourna sur son navire. Le vieux attendit quelques instants, en remuant les mains d'une façon assez compliquée, et tout à coup, il entendit des cris de panique venir du navire, et bien vite, il vit des flammes s'élever dans le ciel, et commencer à dévorer le navire. Nazj eut un grand sourire, et se détourna de ce beau spectacle. Il était content que le sortilège qu'il avait placé au début du voyage ai marché, il aurait été bien en peine de tuer chaque membre de cet équipage à la main…Personne ne devait savoir qu'il était là.

Il s'enfonça dans le labyrinthe de cabanes de pêcheurs, à la recherche d'une maison vide, où il pourrait s'installer pour commencer sa quete.

Le sourire extatique qu'affichait Nazj après le déclenchement de l'incendie s'effaça bien vite. En effet, il n'avait pas vu l'homme sur la plage un peu plus loin…Il jura à voix basse, et se prépara…cette homme –ou cette femme, il ne voyait pas très bien- devait mourir, car il avait été témoin de son arrivée…et personne ne devait avoir vent de sa présence. Mais les projets d'une mort rapide s'en eurent bien vite lorsque l'homme, qu'il voyait à présent, commença à se téléporter.

*Qu'est-ce que…?!"

Nazj regarda avec étonnement cet être se téléporter encore et encore. Et le vieux sorcier n'avait pas senti la moindre trace de magie dans l'air avant cette manifestation…l'homme devait pratiquer une sorte de magie qu'il ne connaissait pas…ou pas bien, et qu'il ne pouvait identifier. Lors de ses brèves apparitions entre deux téléportations, Nazj put voir que l'homme était en fait un elfe, reconnaissable à ses oreilles pointues, et il s'en doutait déjà, à cause de l'apparition de feuilles lors des téléportations. L'elfe avait les cheveux rouges, que Nazj trouvait particulièrement ridicule, tout comme ses dessins sur sous ses yeux, mais il ne les voyait pas bien.

Soudain, l'elfe apparut juste devant son visage, et Nazj eut un bref mouvement de recul. Le sourire béat de cet elfe l'énervait au plus haut point, presque autant que l'audace qu'avait cet être ridicule. D'un geste rapide, Nazj mit sa main sur le visage de l'elfe, et le repoussa violement. D'une de ses manches, il sortit un kriss, qu'il pointa vers l'elfe. Mais il n'incanta aucun sort…il était un sorcier, et il était très avide de connaissance…il était curieux de savoir qui était cet étrange bonhomme qui ne semblait pas avoir perçu la menace que représentait Nazj.

Le sorcier était tiraillé entre soif de connaissance et sureté pour sa quête, il restait immobile et muet, l'arme toujours pointé vers l'elfe. Puis il eut un hurlement rageur, et jeta son arme, dont la pointe se ficha dans le sable juste à côté du pied de l'elfe. Il se promit que c'était la dernière fois qu'il succombait à la tentation. D'une voix haineuse et pleine de rage envers lui-même, Nazj s'adressa à l'elfe.

"Qui es-tu ? Répond, vite !"

Il devait finir cet interrogatoire au plus vite, puis tuer cet elfe avant de partir…il n'avait pas de temps à perdre.

Le corps de Nazj était…crispé. Chacun de ses traits était déformé par la rage. Cet être si pathétique, si ridicule et apparemment stupide se permettait de se moquer de lui ! En temps normal, il lui aurait administré une correction dont il se souviendrait, même par-delà la mort, mais Nazj finit par se calmer, se disant qu'il était inutile de s'efforcer de tuer cet elfe. En effet, il aurait fallu quelques efforts pour se débarrasser de lui, car au vu de la facilité avec laquelle il se téléportait, c'aurait été difficile de l'atteindre. De plus, cet elfe semblait très simplet, personne n'aurait l'idée de lui demander quoi que ce soit, surtout au sujet de Nazj. Le vieux sorcier enrageait, mais le bon sens avait gagné…pour cette fois. Il ramassa son kriss, et le rangea dans sa manche…puis il parla avec un ton mielleux, courbant l'échine.

"Milles excuses, puissant magicien, je pensais que c'était encore un de ces brigands qui en voulait à ma vie…les hommes s'en prennent même à un vieux comme moi. Votre talent de divination vous honore, grand homme, mais je n'en ai nul besoin, car je sais que la seule chose qui m'attend dans l'avenir, c'est la mort…je vous dis donc adieu, et m'en vais continuer ma route !"

[i ]Il se détourna de l'elfe, et continua vers les habitations, d'un pas pressé. Il avait renoncé à en savoir plus sur ses talents de magicien, la divination ne l'intéressait nullement, c'était un art que l'on avait dés la naissance, à ce qu'il avait entendu dire…et qui était assez incertain. Cette étrange capacité de téléportation devait être un don issu de son héritage elfique, et Nazj ne pouvait donc rien en tirer. De plus, il doutait pouvoir arracher quoi que ce soit de la bouche de cet individu. Et il n'avait que faire de la raison de sa présence ici.

Il avait perdu trop de temps avec l'elfe, il devait vite trouver un endroit ou se cacher. Il s'enfonça dans les ruelles du labyrinthe des misérables taudis, tentant de trouver une cabane vide. Elles semblaient toute occupées, et il en sortait des ronflements, des cris, des rires tonitruants…il repéra un grand bâtiment qui devait servir de taverne, et à défaut d'autre chose il y entra. Des que la porte fut poussée, ses oreilles furent assourdies par le bruit désagréable des conversations presque hurlées des clients. Il se dit tout de suite qu'il n'allait pas y rester longtemps, il avait besoin d'un peu de calme. Il alla au comptoir.[/i]

"Une chambre…"

Le tavernier, considérant son maigre habit, dit

"T'as de quoi payer, l'mendiant ?"

Nazj jeta rageusement une pièce sur le comptoir, que le tavernier s'empressa d'attraper…il commanda un verre de vin, si cet établissement en avait, puis alla dans la chambre. Il choisit celle qui se trouvait au fond du couloir, le plus loin possible du bruit…il ne s'attarda pas sur l'état pitoyable de la pièce, et retourna dans la grande salle, boire un peu. Il s'installa seul sur une table au fond, dans l'ombre, et but lentement en pensant toujours à cet elfe…espérant qu'il ne se montrerait pas ici.

Yliel leva un sourcil et grimaça avec sa bouche d'un air surpris. Le sorcier avait tellement l'air de vouloir lui faire la peau il y avait deux secondes, mais à présent, il le flatait et s'en allait.
Mais le Devin s'en ficha éperdumment, mit tranquillement les mains dans son dos et marcha sur la plage.
En zigzagant légèrement, bien évidemment.
Son estomac gargouilla alors. Jusqu'ici, il avait réussi à se payer ses repas par des tours de magie parfois un tant soit peu douteux. Yliel commença alors à tirer la langue et à baver, tel un chien qui réclamait sa patée. Il aperçut alors une ville commençant par une auberge, et courut (en ligne droite cette fois) comme un barjo qui voyait un mirage. Après s'être ramassé le mur de l'auberge, l'Elfe Sylvain acquit dès lors la certitude que c'était bien réel.
Il se caressa le ventre d'un air malicieux, mit sa capuche pour recouvrir son visage et ses cheveux ébouriffés, puis entra dans l'auberge.
Une fois arrivé au comptoir, il s'appuya dessus presque en s'affalant.


LE TAVERNIER : Hm ? ...
YLIEL :
LE TAVERNIER : ...
YLIEL :
LE TAVERNIER : Ouais euh... bonsoir..
YLIEL : Bonsoir à toi mon grand !
Veux-tu nourrir un mécréant ?
LE TAVERNIER : ... Ben en même temps, c'est un peu mon métier.
YLIEL : Eh bien alors, à la bonne heure !
Tout ce chemin pour un repas de coeur !
Combien donc cela me coûtera-t-il,
Pour mon premier séjour sur cette île ?
LE TAVERNIER : Ecoute, j'te l'dirai si t'arrêtes de t'foutre d'ma gueule avec tes rimes à la con !
YLIEL : .... *Alors là non. Rien n'arrête le génie ! Je prends très mal ce qu'il a dit là. Très mal. Très très mal. Très très très mal. Très très très très mal.*
LE TAVERNIER : Ca ira avec une seule pièce... Allez aboule et prends la table la plus éloignée, que j'te voie plus.

Yliel garda son sourire niais et fouilla dans sa poche, resta silencieux pendant cinq seconde, puis refit face au tavernier.

YLIEL : A vrai dire, impécunieux je suis...
Veux-tu à la place un tour de magie ?
LE TAVERNIER : ... En temps normal j't'aurais collé une claque bien méritée, mais finalement, comme j'aime pas mal la magie, tu va me montrer et on verra après.


Le problème est qu'Yliel avait utilisé trop de magie à l'aide de l'une de ses 21 cartes de tarot pour effectuer un tour de magie convenable. Il pouvait encore faire de la divination, mais il ne pourrait plus user raisonnablement de ses cartes magiques avant quelques heures... Il devait donc faire sans... Il regarda autour de lui, et apperçut alors un petit bout de bois cassé sur le comptoir insalubre, et le saisit. Il fit mine de passer un fluide magique sur l'objet.

"Ô esprit méphistophélique,
Peux-tu entendre ma prière paraître ?
Fais-moi cadeau d'un sort magique,
Que ce bout de bois, je puisse faire disparaître !"

Puis il le rangea très rapidement dans sa manche.

*Tadaaaam ! Ca y est ! Disparu, le bout de bois !*

Le tavernier, évidemment, n'était pas dupe. Un silence malsain s'installa, tout aussi malsain que celui sur la plage. L'homme commença alors à craquer sa nuque, ce qui n'était FRANCHEMENT pas bon signe.

*Ben... ? Mon tour de magie était fabuleux... Il a disparu, le bout de bois...*

Tournant la tête d'un air déçu pour apercevoi des clients quelconques ayant observé son 'tour', il finit par apercevoir le vieillard encapuchonné de tout à l'heure. Il réitéra son sourire enfantin, et lui fit signe.

"Hey, coucou le..."

Il n'eut pas le temps de formuler le moindre vers, que le tavernier avait ramassé un tabouret cassé et lui abattit sur la tronche. L'Elfe tomba sur le dos, un peu assommé quand même.

"T'appelles ça un tour de magie, troufion ?! Allez casse-toi ! Si t'as pas d'argent, t'es pas un client !!"


Le tavernier le releva de force, et le fit sortir en lui bottant le derrière.
Se remettant de ses dégâts physiques, Yliel tira une tronche totalement différente d'avant. Il faisait la grimace d'un petit garçon furieux de ne pas recevoir de bonbons.
Mais il se calma, et aperçut la fenêtre de l'auberge. Par chance, elle s'ouvrait de l'extérieur. Retrouvant un sourire plus mesquin que stupide, il se dirigea vers cette même fenêtre (et j'ai pas dit 'marcha', j'ai bien dit 'se dirigea'... Bref je me comprends).
Yliel ouvrit la fenête, qui par chance, se trouvait près du vieillard de la plage. Yliel s'appuya discrètement sur le rebord de la fenêtre, puis dit au vieil homme :

"Alors comme ça on se retrouve, resalutations !
Alors, à mon offre as-tu prêté réflexion ?
Veux-tu me questionner sur l'avenir, oui ou non ?"

Au fond de la taverne, Nazj buvait sans trop y faire attention. Il était totalement perdu dans ses pensées, songeant à ce qui l'attendait…Mais quelque chose réussit à le faire sortir de sa torpeur…et il fronça les sourcils.

*Que Diable…?? LUI ? Comment ? Malédiction ! Je vais donc vraiment devoir le tuer ! Que sa chair se putréfie jusque dans la mort, pour me faire encourir de tels risques…*

Mais le vieux sorcier n'esquissa pas un seul geste…il observa la scène qui se déroula sous ses yeux avec patience. Il eut un rictus moqueur lorsque l'elfe commença à parler en rimes…il comprenait la colère du tavernier, lui-même avait trouvé cette façon de s'exprimer assez exaspérante. Il haussa un sourcil intrigué lorsque cet énergumène commença son "tour de magie"…Nazj ne sentit aucune magie vibrer dans l'air, rien qui ne puisse trahir une puissance magique. Il pensa d'abord, avec rage, que cet elfe stupide était un mage hors du commun et sans aucun doute très puissant pour cacher cette signature…mais Nazj resta bouche bée lorsque l'elfe fit son tour de passe passe…muet par la stupeur, subjugué par la débilité incommensurable du prétendu magicien.

Le vieux sorcier partit dans un fou rire moqueur tandis que le tavernier faisait bien comprendre à l'elfe que personne n'avait été dupe, et qu'il était aussi mauvais charlatan qu'il était elfe. Lorsque l'idiot aux cheveux rouges fut jeté dehors, Nazj savoura avec délice une gorgée de vin, bien qu'on ne lui ait servi guère mieux qu'une vulgaire piquette…il se sentait étrangement victorieux. Il s'apprêtait à plonger, le sourire aux lèvres, dans la douceur de ses songes les plus sombres lorsqu'il entendit une voix derrière lui.

Son sourire extatique se mua lentement en une grimace haineuse alors qu'il déglutissait avec difficulté une gorgée plus amère que les autres…Cet hurluberlu l'avait don reconnu ! Il fit volte-face et dévisagea l'elfe qui le regardait, un sourire que Nazj identifia comme étant des plus stupides accroché aux lèvres. Le sorcier aurait voulu détruire cet être par la simple force de son regard gris, froid, et rageur. Il se leva, et fit signe au tavernier qu'il allait revenir, tout en laissant une menue piécette sur la table, en guise de garantie, puisque ses hommes étaient tout sauf confiants.

Il ouvrit violemment la porte, laissant les vents de la nuit s'empêtrer dans sa robe, lui donnant un air très théâtral. Il Ne fut pas long à trouver l'elfe, toujours à côté de la fenêtre…

*Étrange que personne ne l'ai vu, avec des cheveux et un visage aussi ridicule, il est difficile de passer inaperçu…*

Il se dirigea vers le prétendu magicien, et s'arrêta à quelques mètres de lui. Il fourra ses mains dans ses manches, et l'une d'elles agrippa la poignée de son arme. Il dévisagea longuement l'elfe avant de prendre la parole.

"Je vois que votre folie vous a à nouveau conduit jusqu'à moi. La mort doit avoir une étrange attirance pour vous, si elle s'est arrangée pour vous trouver par deux fois. Mais je n'ai pas l'habitude de parler avant de tuer…je poserais toutes mes questions à votre cadavre…"

Il dégaina son kriss, qui luisait d'une étrange lueur mauve, et se jeta sur l'elfe aux cheveux de sang.