Eveille-toi...
Je m'agite. Je tremble. Je frissonne.
Eveille-toi...
Non. Je ne veux pas. Je refuse. De tout mon être, de toute mon âme, je refuse de m'éveiller.
Eveille-toi...
J'ouvris les yeux. Aussitôt, un arc-en-ciel envahit ma vision, s'y incrusta jusqu'à vriller mes prunelles.
Des couleurs, des tonnes fondues de couleurs miroitantes. Du simple rouge au bordeau majestueux, en passant par le pourpre religieux, l'ocre désertique et poussiéreux, le rubis étincelant et mouvant. Du sang, qui coule en torrents, ce fleuve en crue qui se déverse, se déverse. M'étouffe, me noie, envahit mon palais avec sa saveur âcre et métallique...
Eveille-toi !
J'ouvris les yeux. Le monde tanguait, les lignes étaient floues et confuses. Je sortis la tête de l'eau, avec une inspiration profonde et sincère. Je fermais les yeux, me passant les mains sur le visage, repoussant les perles fraîches qui faisaient miroiter ma peau pâle, presque translucide. Enfin, mes paupières se relevèrent.
Je me tenais allongée dans un bassin peu profond mais suffisament long pour accueillir sans problème ma personne. Planté au milieu d'une salle au coloris uniformément écarlate, il semblait rempli d'un sang clair et cristallin. Je déglutis.
Des feuilles étaient affichées aux murs. En fait, elles tapissaient toute surface libre... l'une d'entre elle se détacha et plana longuement, de manière immatérielle. Comme dans un rêve...
Elle vint glisser sur le sol, et s'arrêta juste au bord du bassin. Je découvris alors que la feuille était une photo. C'était moi dessus, dans cette vasque.
Partout... c'était moi.
Je sortis les bras de l'eau pour les poser sur la pierre froide. Prenant doucement appui, je me dégageai de ma gangue liquide, sortis entièrement. Dans cet éclairage subtil, on aurait dit que je découlais de filets vermeils.
Je fis un premier pas, celui d'une femme qui réapprenait à marcher. Hésitant, mais déterminé aussi. Je m'approchais d'un des murs, jusqu'à ce que mon nez vienne effleurer l'image.
Une enfant. Un bébé.
Une jeune fille.
Une adolescente.
Une adulte.
Une main sur la photo, une autre sur ma peau, je vérifiai en aveugle que j'étais bien cette personne figée pour l'éternité sur les murs de cette salle. Une femme à la physionomie anguleuse, ovale. Mes doigts se glissèrent dans ma chevelure d'un blond cendré, faisant s'enrouler des mèches humides. Je les pressais fortement, faisant couler l'eau.
J'avais l'intime certitude que ce lieu n'était qu'une antichambre. Je venais de m'éveiller de ce qui n'avait sans doute pas été un simple sommeil... je me détournais, pour apercevoir des vêtements posés sur le sol. Je me vêtis aussitôt, de bleu et de nuit.
Alors, je me laissais tomber sur les dalles froides, avant de fermer les yeux...