Aïklando
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"Homme libre, toujours tu chériras la mer !"
"La mer enseigne aux marins des rêves que les ports assassinent."
"La sagesse, c'est d'avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu'on les poursuit."
"Il est des moments où les rêves les plus fous semblent réalisables à condition d'oser les tenter."
"Le voyage est une suite de disparitions irréparables."
"Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil."
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"Nous trouverons un chemin... ou nous en créerons un."
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 Merci le vin

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Balsa
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MessageSujet: Re: Merci le vin   Merci le vin - Page 2 EmptyDim 20 Nov 2011, 20:02

Un criminel en fuite, vraiment ? Voila qui laissait largement de quoi étonner la chimère. Parce que Shiya avait l’air tout à fait inoffensif d’abord. Et surtout parce que, pour une personne recherchée, il n’avait prit aucune des précautions qui s’imposaient. Il aurait du donner un faux nom pour commencer – à moins que Shiya soit un pseudo… non, je n’arrive pas à le croire. Puis il aurait du se cacher, pas trainer dans les tavernes en se rendant plus vulnérable par le liquide alcoolisé qu’il ingurgitait. Enfin, il semblait bien trop gentil et innocent. La question de savoir quel genre de crime il avait bien pu commettre commença à trotter dans la tête de Balsa. Elle l’aurait posée s’il n’avait pas été plus amusant de voir l’elfe se triturer l’esprit à la recherche d’une fin de phrase à son « Et… » resté en suspend.

Le silence s’installait entre eux, ou du moins plus aucun mot n’était prononcé. Car il restait toujours le bouillonnement de l’océan, murmure des vagues qui déchiraient la surface de leur écume blanche et venaient s’écraser l’une après l’autre sur le sable. La chimère commençait à croire que l’elfe n’ajouterait plus rien. Pourtant ses lèvres finirent par s’ouvrirent et les mots se former dans sa bouche. Il ne trouva pas mieux qu’un changement se sujet à proposer. La curiosité dont il faisait preuve était plus que compréhensible. Balsa aurait même commencé par là si elle s’était trouvée à sa place. Et elle aurait exigé des réponses, aurait été prête à les obtenir coute que coute. Car ne pas savoir était un supplice, surtout pour quelque chose d’aussi important qu’une race. Ou d’aussi démangeant que la question du crime de Shiya.

Mais l’elfe manquait indéniablement de tact. Comme s’il n’avait pas eut le temps de mâcher ses paroles il laissa s’échapper non pas une, mais toute une flopée de questions. Il sembla à la fin réaliser son incorrection et se tut après un énième « pourquoi ». Enfin, il le laissa en suspend, ce qui fit croire à Balsa qu’il allait se reprendre, reformuler ses interrogations agressives et peut-être même ajouter un « sil vous plait ». Car la situation de dialogue était quelque peu étrange, et en tout cas nouvelle pour la chimère. Elle le tutoyait, lui la vouvoyait. Une situation qui rappelait le rapport enfant/adulte, élève/maître, chef/subordonné… mais rien qui ne collait avec leurs propres rôles. Puisque le silence pesait à nouveau, se faisant même plus lourd et plus long que le précédent, Balsa prit la parole :

- T’as pas comprit… Je te l’ai dit pourtant, je vais te mentir, alors à quoi bon ces questions ?

Non, elle ne lâcherait rien. Déjà parce, même si c’était dur à admettre, elle n’en savait guère plus que lui. Les chimères étaient au moins deux à sa connaissance, elle et Iburo – et Mataro… alors trois ? – et leurs pouvoirs différents. Mais rien ne disait que d’autres chimère, combien qu’elles puissent être, n’aient pas des pouvoirs identiques aux siens, ou à ceux de ses compagnons ailés. Pourquoi elle se cachait ne regardait qu’elle jusqu’à preuve du contraire et même c’était logique qu’elle n’en donne pas la raison, sans quoi ce qui devait être dissimulé ne le resterait pas longtemps. Et la raison de sa présence ici était tout aussi personnelle.

Restait dans son esprit la curiosité de savoir ce qu’avait bien pu faire Shiya. Elle tentait tour à tour de se l’imaginer voleur, meurtrier, violeur… Ou alors il n’avait pas respecté une loi stupide de son peuple. Ou encore il avait commis plusieurs de ces crimes. Ou aucun, mais il culpabilisait pour telle ou telle connerie qu’il appelait crime tant son cœur était rongé de remords. Tout était possible et les options bien trop nombreuses. La chimère tentait de se convaincre qu’elle n’en avait strictement rien à faire, mais la curiosité grandissait à chaque instant et bientôt elle triompha :

- Bon. Maintenant dis-moi, pourquoi es-tu poursuivit ?

Son sourire s’était effacé, ne restait que ses yeux scrutant avec minutie l’expression de Shiya. Elle y chercherait lorsqu’il répondrait les indices de la véracité de ses propos. Enfin, s’il acceptait de répondre. Car là se trouvait une partie du jeu de la chimère : voir jusqu’où iraient les confessions de l’elfe alors qu’elle-même taisait chaque réponse qu’il avait espérée.

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Shiya
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MessageSujet: Re: Merci le vin   Merci le vin - Page 2 EmptyMar 06 Déc 2011, 22:08

Contrairement à ce qu’il s’attendait, la chimère resta calme suite à sa liste de questions indiscrètes. Elle attendait peut être la fin de sa dernière question pour lui dévoiler sa colère, mais l’elfe n’allait plus parler, de peur plus qu’autre chose. Par conséquent, un silence pesant tomba entre les deux. D’un ton agacé, la chimère prit enfin la parole :

- T’as pas comprit… Je te l’ai dit pourtant, je vais te mentir, alors à quoi bon ces questions ?

Naturellement…

Shiya était terriblement curieux envers cette Balsa. C’était bien connu chez les elfes, ils possédaient une soif de connaissance qui ne s’apaisait jamais. Ne pas connaître une race, c’était le comble du manque de connaissance, et il voulut à tout prix -bon, peut être pas à tout prix- connaître la réponse à ses questions, même s’il aurait préféré les poser avec plus de tact pour pas l’énerver et avoir plus de chance d’avoir des réponses.

L’elfe tira tout de même quelque chose de sa façon d’agir. Il était intrigué, comme l’étaient tous les elfes de l’archipel.

Les elfes posent bien des questions quand ils veulent savoir quelque chose non ? Je fais pareil. Ça veut dire que je suis bel et bien un elfe alors !

Son raisonnement était certes incohérent et illogique, mais Shiya avait besoin de se convaincre qu’il était encore elfe. Il s’agrippait à ce qu’il pouvait, aussi bête que ça en avait l’air.

Balsa s’attendait surement à une réponse. Chacune de leurs répliques se terminaient par un silence considérablement long. Cette situation devenait embarrassante pour l’elfe qui savait d’habitude gérer une conversation et manier les mots pour entendre ce qu’il voulait de la part de l’autre, et bien évidemment éviter ce silence gênant. À présent, à chaque fois qu’il ouvrait la bouche il vexait la chimère, ou disait des choses sans intérêt ou tout simplement stupides. Shiya, un elfe ? Dur à croire…

Il essaya tout de même de se rattraper par la suite. Il prit quelques secondes pour formuler sa prochaine phrase dans sa tête, chose qu’il aurait faite en un clin d’œil normalement, et se lança.

« Je m’excuse. Je suis juste très intrigué, et je me suis emballé et voulais trop de réponses. Je comprends que vous ne voulez rien me dire sur vous-même, mais si vous savez quelque chose sur votre race qui ne dévoilera rien sur vous, Balsa, peut être que vous pouvez partager vos connaissances avec moi non ? Je n’y vois aucun problème… »

Il attendit avec impatience sa réponse, voulant obtenir le plus de faits possible sur cette mystérieuse chimère.

Elle aussi semblait curieuse, car par la suite elle lui demanda pourquoi il était poursuivit, et c’était une question auquel il n’avait jamais réellement réfléchit auparavant.

Il se mit alors à faire ressurgir son passé, encore une fois au long de cette soirée étrange. Plus il y pensait, et plus les faits lui étaient flous. Beaucoup trop flous. Il savait qu’avec l’alcool il ne se souvenait plus de rien, mais à présent il pouvait se considérer sobre, et en se remémorant son passé, c’était comme s’il ne faisait plus la différence entre rêve et réalité. Son crime il se souvint, était de meurtre et de viol. Il avait tué le chef de son village et violé sa fille selon les autres habitants, mais ce n’était pas vrai ! Ils étaient bien les seules personnes de son entourage à apprécier l’elfe. Le chef ne lui voulait que du bien, et elle… Elle l’aimait et il l’aimait. Comme toujours il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Enfin… c'était ce qu'il pensait. Était-ce vraiment la réalité ? Était-il vraiment innocent ? Ou est ce que les autres avaient raison ? Les choses lui semblèrent si lointaines, si flous, peut être que pour se cacher de son crime il avait inventé un passé où il était innocent, et sa subconscience voulait s’accrocher à cette réalité là… Une fausse réalité. Mais non ! Ils s’aimaient ! Il en était sûr ! Plus ou moins sûr… Sûr et certain même ! Ou presque… Un air alarmé prit forme sur le visage de l’elfe. Soudainement il avait peur. Depuis le début il essayait d’oublier son passé, et maintenant qu’il ne pouvait plus se souvenir de la réalité, qu’il avait enfin oublié son passé réel, il ne voulait qu’une chose... De la retrouver.

Ne pas paniquer devant Balsa… Surtout pas.

Mais ça ne s’arrêtait pas la. Il n’avait toujours pas réfléchit à la question de la chimère. Pourquoi était il poursuivit ? Est-ce que c’était vrai ? Il n’avait aucune preuve que son peuple le pourchassait pour son crime, mais réel ou non, ils le prenaient pour le coupable. C’était donc logique qu’ils veuillent sa peau. Alors pourquoi n’avait-t-il vu personne jusqu’à présent ? Est-ce qu’ils ne savaient juste pas traquer quelqu’un, ou est ce que l’elfe avait le don de se cacher ? Se cacher, se cacher… Il ne se mêlait pas exactement aux ombres de la ville en créant des bagarres chaque soir dans les tavernes. C’était donc qu’ils ne savaient pas traquer. Ou est ce qu’ils n’essayaient même pas ?

Bref, en conclusion il n’en savait rien, et il dut quand même répondre à Balsa sans passer pour l’imbécile qu’il était. Inventer quelque chose ? Ça semblait être la seule solution, mais la chimère l’observait comme si elle s’attendait à un mensonge et voulait s’en apercevoir dans les traits de son visage. Situation délicate.

Il réfléchit, puis réfléchit encore un peu, et finalement il tenta sa chance, et essaya de dire quelque chose d’intelligent.

« Je pense être poursuivit… pour un crime où, selon mon peuple, je suis coupable, peu importe si je suis innocent ou pas. Ils me puniront. C’est un fait. »


Il ne voulait pas trop dire, de peur de révéler trop sur la réalité des faits.

Peut être qu’elle ne se doutera de rien…

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MessageSujet: Re: Merci le vin   Merci le vin - Page 2 EmptyJeu 08 Déc 2011, 23:51

Quand Balsa avait interrogé l’elfe sur les raisons de sa fuite, elle comptait bien ne pas avaler de mensonge. Elle était donc toutes oreilles et tous yeux, cherchant à lire sur la figure de son interlocuteur chaque changement d’expression et prête à analyser le moindre son qui sortirait de sa bouche. Il n’y avait que la lune et ses reflets sur l’océan pour éclairer la scène mais la vision de la chimère était assez bonne pour s’en contenter. Elle se satisfit moins en revanche de l’air perdu qui saisit Shiya.

Elle avait espéré une réponse rapide, du tac au tac. Même si celle-ci était un refus de répondre, au moins il serait emprunt de franchise et direct. A l’inverse, garder le silence laissait le temps à l’elfe de réfléchir sagement à sa réponse. Sans doute même de formuler un mensonge, ou de camoufler la vérité pour ne sortir qu’un jus de paroles insipides et sans intérêt. Ce temps lui permettait aussi de trouver le sang-froid nécessaire pour garder son calme. Ce n’était pas drôle. Le jeu n’avait plus de saveur et Balsa réalisait doucement que sa curiosité trouvait ses limites. Connaître les secrets criminels d’un elfe exilé dans le monde des hommes, dont le seul but semblait être de se saouler et de s’attirer des ennuis, ne servirait jamais à grand-chose.

Alors qu’il était toujours silencieux, flottant sur les méandres d’un flot de pensées qui échappait totalement à Balsa, celle-ci se trouva à divaguer à son tour. L’écho des mots d’excuses de l’elfe se faisait plus fort dans son esprit. Il s’était plutôt bien rattrapé, il fallait l’avouer. Et son indiscrétion impolie s’était finalement changée en soif de savoir, sentiment que la chimère comprenait parfaitement. Mais la compréhension ne faisait pas l’empathie et la chimère n’avait rien renseigné de plus, préférant tenir la discussion à sa propre curiosité, à savoir ce que pouvait bien avoir commit de crime que cet elfe alcoolique.

Elle le regardait toujours, et lui semblait ailleurs. Plutôt loin pour le coup, car la frayeur qui se devinait dans ses yeux, au frémissement de ses narines et à lèvres entrouvertes, ne pouvait avoir qu’une origine intrinsèque. Un coup d’œil alentours confirma ce sentiment : rien sur la plage ne pouvait avoir causé cette peur. Etaient-ce les relents d’alcool qui le faisaient se perdre en lui-même ? Cela n’avait plus trop d’importance. Avec le temps s’installait en Balsa le désintérêt. Et même, juste avant qu’il ne réponde, elle ressentit une pointe d’ennui.

- Je pense être poursuivit… pour un crime où, selon mon peuple, je suis coupable, peu importe si je suis innocent ou pas. Ils me puniront. C’est un fait.

Un sourcil de Balsa se releva sur son front. C’est tout ? Il l’avait fait poireauter tout ce temps pour au final… rien de nouveau. Qu’il veuille garder les détails pour lui n’était pas surprenant, mais il aurait pu se contenter d’un « c’est pas vos oignons ! » craché après la question posée. Au moins la situation ne serait pas restée en suspend si longtemps pour rien. Cela aurait surement fâché la chimère, oui. Mais une vague de colère provoquée était bien plus désirable qu’un ennui naissant. Le sourcil retomba, et avec lui tout l’enthousiasme soulevé par la rencontre. Balsa poussa un long soupir, tourna le dos à l’elfe et fit quelque pas en direction de l’océan.

- Si c’est pour éviter de me choquer que tu dis rien tu te trompes lourdement sur ma personne. Tu peux bien avoir tué toute ta famille, déshonoré ton clan ou vendu tes enfants je m’en moque. Oui… je m’en moque.

Se retournant vers lui, elle réalisa que ces mots étaient on ne peut plus vrai. Après tout, cet elfe n’était rien ni personne pour elle. Malgré cela, et à cet instant elle se demandait bien pourquoi, elle l’avait aidé à se débarrasser des lascars venus lui réclamer de l’argent. Elle en vint à regretter sa diplomatie, songeant à la lutte qui aurait pu se dérouler à la place. Le sang et la foudre semblaient à présent relever d’un meilleur choix que les mots et l’apaisement. Elle chassa ses regrets, qu’elle savait de toute façon bons à rien, et commença à se demander comment elle pourrait prolonger la distraction de cette rencontre. Elle se demanda ce qu’était devenu le trio de tout à l’heure et si elle n’aurait pas mieux fait de les suivre. Déjà parce qu’ils avaient l’air d’une nature belliqueuse prometteuse et aussi parce qu’elle aurait bien aimé savoir ce que sous-entendait la femme par « pas la seule à vivra au-dessus de l’humanité ». Mais se perdre en interrogations et en hypothèses ne faisait pas avancer la conversation. Ni la question de savoir comment elle pourrait s’amuser de ce moment.

Il y avait toujours la soif de connaissance de Shiya qu’elle pourrait épancher. Enfin, dans une bien piètre mesure. Car tout ce qu’elle savait des chimères se réduisait à ce qu’elle savait d’elle-même, ou croyait savoir, et ce qu’elle savait d’Iburo et Mataro, données encore plus maigres. Mais son ignorance, l’elfe n’en avait sans doute pas la mesure. Peut-être pensait-il, et le terme « race » qu’il avait employé pour les désigner le laissait accroire, que les chimères étaient nombreuses, formant un peuple à part entière, avec son lot de coutumes et ses territoires propres. Toutes choses qu’il souhaitait connaître. Savoir jusqu’à quel point pourrait être le jeu suivant.

- Concernant ma race, je veux bien t’en dire plus. Mais ces informations ont un prix tu t’en doutes. Un prix qui ne se paye pas en or… – un sourire s’étala sur son visage, reflet de l’illumination qui venait de la frapper – mais en sang. Celui que tu n’as pas versé grâce à moi.

Fière de cette idée, Balsa retrouvait tout l’intérêt de l’échange. Elle était persuadée qu’il refuserait de participer à son jeu sadique, cependant le simple spectacle de la réaction qu’il aurait serait sans doute distrayant. Et si ça réaction s’avérait trop faible, cela signifierait qu’il avait une nature mauvaise insoupçonnée à laquelle la chimère accorderait tout son intérêt. Le rictus qu’elle affichait ne la lâchait pas :

- Je te dirais tout ce que je sais, sur moi et sur les chimères, si tu prends une vie cette nuit. Celle que tu veux, du moment qu’elle est humaine.

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MessageSujet: Re: Merci le vin   Merci le vin - Page 2 EmptyDim 18 Déc 2011, 19:18

Peut être qu’il l’avait fait trop attendre, ou peut être qu’elle espérait beaucoup plus, mais peu importe la raison, la chimère avait mal réagit à ses paroles. Elle semblait frustrée par le manque d’informations au départ, ce qui était compréhensible et même très logique, mais par la suite elle soupira et lui tourna le dos pour avancer vers la mer. L’elfe ne pouvait s’empêcher de ressentir une pointe de colère envers Balsa. Shiya ne pouvait peut être plus se considérer comme étant elfe, mais il savait toujours ce qu’était la politesse. La chimère lui avait posé une question, il fallait tout de même écouter la réponse et faire semblant de s’intéresser à l’autre, alors soupirer et lui tourner le dos n’était pas l’attitude correcte à avoir. Mais il savait que Balsa se moquait de vexer les autres.

- Si c’est pour éviter de me choquer que tu dis rien tu te trompes lourdement sur ma personne. Tu peux bien avoir tué toute ta famille, déshonoré ton clan ou vendu tes enfants je m’en moque. Oui… je m’en moque.

Ah, elle s’est même énervée !

Il commençait à avoir plus de mal à comprendre ce personnage. Il lui avait tout de même répondu quelque chose pour ne pas la vexer, mais elle se désintéressa complètement de lui et finit par s’énerver au final. Émotionnellement instable peut être ?

- Je crois que tu as trop l’habitude d’avoir ce que tu veux Balsa. Il faut peut être que tu apprennes à te contrôler et à te restreindre non ? Je sais que tu t’en fiche d’avoir des ennuis, surtout si'l n’y a que moi devant toi, mais cette attitude est blessante, et quelqu’un qui sait se battre peut s’énerver et t’en vouloir. Quand tu poses une question, essaye de t’intéresser à la réponse, sauf si tu veux finir seule. Et vu ce monde, je n’aimerai pas être seul. Je le suis, et je suis misérable. Crois moi, tu veux pas ça.

Comme toujours il s’était un peu emporté. Il ne voulait surtout pas faire d’elle une ennemie, mais il s’était énervé. Elle était surement du genre à attaquer si quelqu'un lui vexait, et l'elfe serait coupé en rondelles si elle s'en prenait à lui. Il se demandait ce qui aurait bien pu lui arriver dans son passé pour qu’elle devienne qui elle était à présent...

- Concernant ma race, je veux bien t’en dire plus. Mais ces informations ont un prix tu t’en doutes. Un prix qui ne se paye pas en or… Mais en sang.

Mais… Elle a complètement pêté son câble !

- Je te dirais tout ce que je sais, sur moi et sur les chimères, si tu prends une vie cette nuit. Celle que tu veux, du moment qu’elle est humaine.

Il aurait presque pu en rire. Était-elle folle ? Pensait-elle vraiment que quelqu’un pouvait être assez curieux pour tuer afin d’avoir des réponses ? Quoique, il n’avait même pas à se poser la question. Il se doutait bien qu’elle en était capable maintenant. Mais même… Lui demander ça. Elle le connaissait un minimum non ? L’elfe était presque entièrement pacifiste, il se sentait incapable de tuer rien qu’un pigeon, alors un humain n’était même pas imaginable. Ça ne pouvait être qu’un piège. Elle savait qu’il ne le ferait pas. C’était sûr. Mais que gagnerait-elle une fois qu’il refuse ? Ou était-elle vraiment folle ? Elle souriait depuis ses dernières paroles, et l’étincelle dans ses yeux lui faisait presque peur. Non, il avait vraiment peur. À tout moment elle pouvait lui sauter à la gorge !

Il décida de ne rien dire, ou presque. Il se mit à marcher en direction de la ville pour essayer de lui faire comprendre qu’il était d’accord, même s’il ne tuerait jamais. Vu sa curiosité, elle le suivra surement au cœur de la ville et c’était là qu’il devrait trouver une solution.

Elle souriait toujours.

- Et toi Balsa, t’en est capable ? Tu peux tuer quelqu’un juste pour assouvir ta soif de connaissance ?

La plage se trouvait à présent derrière eux. Ils étaient encore dans une partie de la ville que l’elfe ne reconnaissait pas. Il prit une ruelle au hasard, et s’avança dans les boyaux de cette ville crade et misérable, priant pour trouver une idée bientôt.

Elle souriait toujours.

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MessageSujet: Re: Merci le vin   Merci le vin - Page 2 EmptyMar 27 Déc 2011, 23:01

« Ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal »

Le sable s’était fait pavés, le déferlement des vagues devenait chuchotement et l’horizon s’encrassait de constructions humaines alors qu’ils pénétraient à nouveau dans la ville. Sans hésiter Balsa avait emboité le pas de l’elfe. Après tout, elle avait volontairement provoqué ce qui allait se passer. Même si elle n’avait pour l’instant aucune idée de ce dont il s’agissait. En effet, Shiya n’avait pas prononcé un mot depuis la proposition de la chimère. Son visage avait parlé pour lui, d’abord devenu blême au mot « sang » il s’était par la suite liquéfié, ne cachant pas une seule seconde le malaise ressentit. On pouvait lire aussi, sur ses traits déconfits, une peur, naissant probablement du doute sur la santé mentale de son interlocutrice. Un vrai régal pour les pupilles. L’objectif était atteint : Balsa ne s’ennuyait plus.

Il avait été dur de se retenir d’exploser quand l’elfe s’était mis à la tutoyer. Et encore ce n’était rien et ne pouvait pas vraiment lui être reproché – il était sans doute l’aîné de Balsa de plusieurs décennies – comparé à la leçon de morale qui suivait… Entre lui ouvrir le ventre de l’aine à la gorge et éclater d’un rire gigantesque, il y avait de quoi hésiter. Finalement Balsa n’avait rien fait. Elle n’vait pas répliqué pas qu’elle se foutait royalement de blesser un autre dans ses sentiments. Elle n’avait pas fait remarquer non plus que la réponse qu’elle était censée écouter n’était jamais venue de toute façon. Ce qu’elle avait préparé, sa proposition que plus d’un pensait absurde, balaierait le sujet désagréable pour en revenir au divertissement.

- Et toi Balsa, t’en est capable ? Tu peux tuer quelqu’un juste pour assouvir ta soif de connaissance ?

Enfin sa langue se déliait. Le sourire toujours aux lèvres, la chimère réalisa qu’il n’avait toujours pas dit s’il comptait accepter ou non. Elle était persuadée qu’il refuserait et pourtant il l’entraînait au cœur de Reilor, là où il pourrait se trouver une proie et répandre le rouge et la mort. Peut-être simplement qu’il ne s’était pas encore décidé. Et qu’il comptait sur l’avis de Balsa pour affiner son choix. Celle-ci se répéta la question entendue en son fort intérieur. Elle laissa glisser un petit rire.

- Avoue que c’est pas une situation qui se présente bien souvent. Normalement, on menace de tuer pour avoir des informations.

Elle n’avait pas répondu, une fois encore. Derrière la peur qui s’était insinuée en Shiya se lut une pointe de reproche, sourcils froncés dans sa direction, et de déception. Elle leva une main, lui signifiant d'un geste que si, elle allait poursuivre. Elle cherchait seulement ses mots. La réponse elle la connaissait. Elle était capable de tuer pour bien moins que ça. Un souvenir lui revint d’une nuit sanglante, débutée par une rencontre dans un bar. Elle avait entendu l’homme se vanter de connaître le docteur Hanssel. Elle l’avait suivit dehors, frappé jusqu’à ce lui donne l’adresse du scientiste, et tué. Cette nuit-là son chemin s’était ensuite écrit dans le sang et la vengeance. Elle y avait rencontré et combattu aux côtés de Kaleya… Mais trêve de digression.

- Bien sur que j’en suis capable. Je sais ce que je veux moi. La question maintenant, c’est de savoir si toi, tu le sais.

La question était surtout de savoir qui il était. Pour autant qu’il se dise innocent des crimes dont son peuple l’accusait, il pouvait très bien avoir la détermination d’assouvir sa soif de connaissance. Enfin, il a surtout l’air de pas vouloir être coupable… c’est mal parti ! Balsa pouvait toujours se tromper. En fait, quelque part, elle souhaitait le voir commettre un meurtre de sang-froid. Sans qu’elle ne se le formule vraiment, elle sentait que de cette manière, lui et elle pourraient se rapprocher. Qu’ils partageraient plus qu’un souvenir d’une rencontre hasardeuse, qu’il deviendrait plus que l’objet de son divertissement de la nuit. Et ça serait alors de bon cœur qu’elle partagerait ses connaissances avec lui, sur les chimères et bien d’autres choses encore s’il demandait.

- Je me doute bien que c’est pas facile, surtout si c’est ta première fois mais… A ta place, j’accepterai.

La colère qu’elle avait ressentit lors du discours moralisateur de l’elfe et l’envie de faire taire le ton impétueux qu’il avait pris se dissipaient. L’écho de ses mots s’affaiblissait et venait prendre leur place l’espoir qu’une action changerait tout. Balsa se demanda si son compagnon de nuit se rendait compte de ce qu’il vivait. Son voyage avait été long, sa route sinueuse, sa vie plus riche d’hivers et d’étés que bien des hommes. Et aujourd’hui il se trouvait à un croisement. Le choix qu’il pouvait faire, dévier du bien commun ou se tenir à ses valeurs humaines, changerait sans doute son être à jamais. Ou il refusait d’ôter égoïstement une vie, son honorabilité grandissait, sa Morale devenait Loi. Ou il s’offrait à l’appel du sang, trouvait ce qu’il cherchait et, qui sait, gagnait une amie.

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Shiya
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MessageSujet: Re: Merci le vin   Merci le vin - Page 2 EmptyJeu 26 Jan 2012, 03:29

- Bien sur que j’en suis capable. Je sais ce que je veux moi. La question maintenant, c’est de savoir si toi, tu le sais.

L’elfe soupira. Oui, elle savait ce qu’elle voulait. Certes il n’était pas d’accord avec sa façon de vivre, mais au moins la chimère n’était pas perdue comme lui. Balsa n’hésiterait jamais sur un choix. Si elle pouvait en tirer quelque chose, elle ferait le nécessaire. Mais était-ce vraiment quelque chose de bien ? Elle pouvait obtenir tout ce qu’elle voulait, mais le prix à payer était son humanité. Hésiter à prendre une vie ou non définissait l’humanité. C’était une qualité propre aux espèces ayant une conscience, en tout cas selon lui. Ne devenait-elle pas animale en agissant comme cela ? Après tout, elle voulait voir quelqu’un de fondamentalement pacifiste tuer un autre humain. Il fallait être assez dérangé pour le vouloir, non ? Ou peut être cherchait-il seulement une réponse facile à ses problèmes ? Mettre la faute sur les autres était bien trop facile.

Il regarda ses pieds. Le pavé sous lui n’était pas régulier. Les différentes pierres se sculptaient selon des formes uniques, et entre ces carreaux noirs s’entassaient des saletés diverses. La boue était partout, apportée par des marchants en quête de richesse pendant la journée. Des tonneaux trainaient, des bouteilles cassées et des miettes de pain se dispersaient dans la rue. Cette ville était sale. Il regarda les bâtiments autour de lui et vit une certaine ressemblance avec le sol sous ses pieds. Tout était crade et misérable. Tout était unique mais en même temps identique. Les carreaux sous ses pieds étaient tous différents, mais ils étaient tous noirs et sales. Il comprit soudainement pourquoi certaines personnes se décidaient de mener une existence sans lois et sans barrières. À quoi servirait t-il d’avoir un bon moral dans un monde pareil ? Il n’y avait aucune place dans ce monde pour les gentils. Balsa l’avait compris, et elle a évolué afin de survivre. Shiya se noyait dans cette ville car il était fondamentalement bon. Pour survivre dans un territoire de pirate, il fallait en devenir un. C’était le seul et l’unique moyen. Devait-il donc tuer cette nuit ? Ce moment marquerait-il le basculement de sa vie ? Balsa n’était vivante que grâce à sa capacité de tuer sans hésiter. Il fallait donc suivre dans ses pas ? Mais comment ? Comment tuer quelqu’un de sang froid ? Ce n’était pas si facile…

Comme si Balsa lisait dans sa tête, elle prit alors la parole.

- Je me doute bien que c’est pas facile, surtout si c’est ta première fois mais… A ta place, j’accepterai.

Ah oui ? Et pourquoi donc ? Pourquoi devait-il accepter ? Que voulait-elle réellement ? S’assurer que l’elfe était un tueur puis lui raconter sa vie ? Non, il n’était que le simple objet de son divertissement. Une poupée vivante à manipuler pour faire passer le temps. Elle voulait le voir tuer quelqu’un pour s’amuser. Voilà tout. Et il aurait presque pu le faire. Heureusement que Balsa ne pouvait se retenir d’ajouter ces quelques mots pour le faire douter une nouvelle fois. Peut être qu’il venait d’apprendre quelque chose cette nuit. Le silence apporte la vérité de la part de ceux qui ne savent pas attendre.

Mais la question était toujours présente. Fallait-il devenir le reflet de Balsa pour survivre ? Ou est ce que l’elfe pacifiste pouvait encore durer dans un monde marqué par la violence ?
Il se décida d’abandonner sa réflexion sans fin et de se concentrer sur ce qui l’entourait. Il connaissait les murs et le pavé, mais que faisait Balsa ? Que faisait cette mystérieuse chimère qui était ou folle, ou seulement ennuyée ? Elle le regardait, son visage indéchiffrable.

Elle est tout de même belle cette Balsa… Il secoua la tête et regarda autre part. Pas le moment mon vieux !

Le bruit de leurs pas retentissait contre les murs. Ils étaient seuls. Et tant mieux. L’elfe prenait des rues au hasard et se perdait dans le labyrinthe que formaient les maisons. Il se doutait que la chimère savait où elle était, mais il espérait tout de même marcher en direction d’un endroit isolé, où rencontrer des gens se faisait rarement.

-Soollliiidddeeee !

Le son venait de loin, transporté par le léger vent en se glissant à travers les murs, ressemblant presque à un fantôme.

L’elfe grimaça. Il espérait n’entendre que le bruit de leurs souffles en divagant dans les ruelles, et il commençait presque à trouver de l’espoir, mais le moment inévitable était arrivé. Ils n’étaient plus seuls. À présent il n’avait aucun choix. S’il ne marchait pas dans le sens de la voix, Balsa en conclura qu’il ne pouvait pas tuer. À l’inverse, marcher en sa direction garderait le doute, et Balsa resterait calme, et il pouvait encore espérer connaitre quelques secrets sur les chimères.

-Eh ben voilà ! Dit-il simplement.

Il fit volte face et se dirigea vers la voix. C’est alors qu’il se demandait si elle l’avait entendue. L’elfe avait de nature une bonne ouïe. Il aurait pu faire semblant. Après tout, le bruit n’était que très faible, un murmure dans le vent. Mais c’était bien trop tard hélas. De plus Balsa n’était pas humaine, elle l’avait sûrement entendue. Il ne pouvait plus qu’espérer que cette personne inconnue était mobile. Reilor était grand, peut être que…

Il se remit à penser à Balsa, et au chemin qu’elle avait choisie.

-Dis moi Balsa, que s’est il passé ? Comment es-tu devenue la personne que tu es aujourd’hui ?


Peut être que sa réponse pouvait l’aider à choisir. Tuer ou ne pas tuer ? Tuer… ?

Spoiler:
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MessageSujet: Re: Merci le vin   Merci le vin - Page 2 EmptyJeu 26 Jan 2012, 22:23

Le silence que l’elfe gardait n’était pas de bon augure. Il n’avait pas réagit quand Balsa lui avait annoncé qu’elle était tout à fait capable de tuer, révélant par là l’indice d’un passé hautement criminel. Le côté positif était qu’il ne s’était en rien offusqué, du moins à voix haute, et ne cherchait pas maintenant à fuir la chimère. Mais il n’abondait pas dans son sens non plus et son visage ne trahissait encore aucune décision concernant la vie qu’elle lui demandait de prendre. Tout ce qu’il restait à Balsa pour se délecter du moment était d’imaginer la torture mentale à laquelle il devait être soumis. Elle se demanda ce qu’il pouvait bien penser d’elle, sans y attacher plus d’importance qu’une simple curiosité toutefois, les opinions des uns et des autres ne lui faisant plus ni chaud ni froid. La trouvait-il mauvaise ? Avait-il peur ? Sentait-il qu’elle le manipulait ? Et que tout cela n’était qu’un jeu pour elle ?

Quand il secoua la tête elle comprit qu’il tentait de chasser les reflets d’une idée déplaisante. Elle aurait donné cher pour connaître ce qui l’avait poussé à bout. Elle retint un sourire à la pensée qu’elle aurait presque pu tuer pour le savoir.

Les rues se succédaient dans le noir et le silence de la ville endormie. Sans trop savoir qui suivait l’autre, ils avançaient dans le dédale de Reilor. Comme l’elfe n’avait guère l’assurance de mener leurs pas, Balsa profitait de chaque occasion pour le pousser dans une ruelle plus sombre, plus étroite, plus oubliée de tous. Plus propice à un crime qui passerait inaperçu en soit. Ils furent rapidement rendus au cœur des quartiers résidentiels défavorisés. Là où le sang avait entaché les pavés plus de fois qu’ils ne pouvaient compter, là où la garde ne se donnait plus la peine de patrouiller et où les habitants apeurés n’oseraient au grand jamais se mêler d’une sale affaire qui se déroulerait sous leur fenêtre. Un endroit parfait donc. Et il ne restait plus qu’un détail à régler, trouver une victime malchanceuse. Enfin, si Shiya prenait enfin la décision de suivre les conseils de la chimère et de lier dans la mort un contrat égoïste.

L’onde porta à leurs oreilles l’écho d’un cri lointain. « Soollliiidddeeee ! ». Une grimace passa sur les traits de Balsa avec l’impression qu’elle pouvait sentir les relents d’alcool de là. Un ivrogne sans aucun doute, perdu dans les méandres de la ville et de son esprit, cuvant les derniers litres ingérés avant la fermeture d’un établissement qui l’avait probablement flanqué à la porte. Elle n’aurait pas prêté attention à cet écho plus avant si Shiya n’avait pas brusquement viré à gauche dans un « Eh ben voilà ! », se dirigeant vers l’origine de bruit. Un peu surprise elle marqua un arrêt presque imperceptible, juste assez long pour que l’elfe passe devant elle et guide enfin leur marche.

Un pas en arrière, elle se complut à examiner l’objet de son jeu avec un nouveau regard. Son allure négligée, cheveux longs, sales et désorganisés, couvert de terre et vêtu de frusques passablement usées, tout cela laissait bien peu de chance de l’identifier comme un elfe. Sans la pointe de ses oreilles se frayant un passage entre les mèches blondes, elle-même aurait eut du mal à le deviner. Elle remarqua qu’il semblait plus déterminé en cet instant. Avait-il vraiment décidé que le crieur serait sa victime ? Tout le laissait croire et pourtant Balsa doutait. Ce revirement était trop brusque peut-être. Mais puisque Shiya s’appliquait à réduire la distance entre eux et la voix, elle décida de ne surtout pas l’interrompre.

- Dis moi Balsa, que s’est il passé ? Comment es-tu devenue la personne que tu es aujourd’hui ?

Voila qui était totalement inattendu, si bien qu’elle s’arrêta tout net. Le « dis moi » familier aurait du la choquer, mais c’était autre chose qui venait de la frapper en plein visage. Une question qu’elle ne s’était jamais posée et dont elle n’avait aucun début d’idée sur la réponse. Alors, stupide, elle resta plantée là immobile et muette l’espace de quelques secondes qui lui parurent des heures. L’angoisse de ne pas savoir quoi répondre fut pourtant rapidement submergée par l’intention de ne pas faire durer le silence plus longtemps. Et puis, avait-il déjà oublié les termes de sa proposition ? Elle agita devant lui un index pointé vers le haut et reprit la marche :

- Non. Pas avant que tu aies pris cette vie.

Mais même si il la prenait, elle ne saurait toujours pas quoi raconter. Aussi ses pas furent accompagnés de souvenirs du passé, parmi lesquels elle chercha un semblant de réponse. Ce qu’elle était aujourd’hui était le fruit de toute son expérience et cela avait commencé le jour même de sa naissance. Cobaye chez les humains, elle avait comprit rapidement qu’elle était différente. Son physique ne laissait d’ailleurs pas de doute à ce sujet. Et elle était supérieure, ça elle le savait, d’autant plus depuis l’orage qui lui avait donné la foudre. C’était peut-être ça : l’orage. Et sa vie dans la jungle, recluse et sauvage, chasseuse de toutes proies ne vivant que pour elle. Pourtant elle avait tué avant, bien avant, à commencer par son ersatz de père alors qu’elle n’était qu’une gamine. Elle n’avait jamais eu aucun remord à prendre une vie, elle n’était pas devenue tueuse mais se sentait faite ainsi. Mais elle savait bien qu’elle avait changé. Entre sa vie avec Akin et celle de maintenant, un gouffre avait noyé avec le temps ses bonnes intentions, sa gentillesse, sa capacité à aimer… Tout cela s’était fait au fur et à mesure, naturellement, sans qu’elle n’en prenne conscience. Sauf ce soir peut-être. Elle détestait se l’admettre, mais cet elfe avait bousculé sa vision des choses.

- Jamais jamais jamais… jamais plus !

- Haha tu dis ça et demain t’en remet une couche, j’te connais !

- Non sérieux… jaaamais plus !

- Ouais… si tu le dis…

- La preuve… euj’finis ça et zou !... après j’arrête !

Avait-elle manqué le début de cette conversation, plongée dans sa mémoire ? Les voix étaient toujours assez lointaines, mais ce n’étaient plus des cris qu’ils entendaient. Ils approchaient et dorénavant c’est à voix basse qu’ils devraient s’exprimer s’ils ne voulaient pas être repérés à leur tour. Au moins deux hommes donc, tenant une conversation futile d’alcooliques. Donnant à ses pas plus de légèreté, Balsa tendit l’oreille.

- Voilà ! A pu bouteille !

Un bruit de verre cassé résonna contre les murs.

- Maint’nant… maint’nant… eul’dodo !

- T’arriveras à r’trouver ta piaule ?

- Beuheeeu ! Tu m’prends pour qui ? Sur que j’y arriverai !

- Ok ok. Ben on se voit demain à la scierie alors.

- M’attendez… pas trop tôt, hein ? J’crois qu’chuis fatigué. Ou malade… euch’sais plus…

- Garund va pas aimer ça…

- Dis-y que chuis malade.

- Ouais… bon aller, rentre bien !

- Ouais, toi aussi !

Un bruit de poubelle renversée et un dernier rire partagé plus tard, le silence se fit. Voila que l’opportunité se présentait. Une victime vaseuse d’alcool, seule, peinant vraisemblablement à marcher et ne s’attendant certainement pas à rencontrer la mort ce soir. Voila ta chance… Mais Shiya pourrait-il tuer de sang-froid cet homme qui n’avait rien demandé à personne ? Cet homme qui comme lui aimait la boisson et passer ses soirées en taverne ? Un innocent très certainement et qui serait regretté de son ami, de sa famille, de ses collègues… Les yeux rivés sur l’elfe, Balsa attendait impatiemment la suite.

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MessageSujet: Re: Merci le vin   Merci le vin - Page 2 EmptySam 04 Fév 2012, 01:44

- Non. Pas avant que tu aies pris cette vie.

L’elfe ne pensait pas obtenir une réponse à sa question, mais il voulait tout de même tenter sa chance, dans l’espoir que la chimère était distraite et répondrait sans réfléchir. Elle était bien trop maline pour cela bien sûr.

Il se concentra alors sur le chemin. Il se trouvait à présent dans des lieux qu’il reconnaissait, une zone de la ville où les tavernes se faisaient plus fréquentes et qu’il commençait donc à connaître. Le duo passa à côté de nombreuses tavernes, la plupart semblant vides. La ville était réellement déserte cette nuit. Ils se dirigeaient toujours vers la source du bruit, se rapprochant de plus en plus de sa source. L’elfe n’était pas plus avancé. Il ne savait toujours pas quoi faire, et il commençait à manquer sérieusement de temps. Il entendit à nouveau le son de la voix, mais il y en avait une autre avec elle. À entendre la conversation, ce n’était pas sorcier de deviner qu’ils étaient deux ivrognes titubant dans les ruelles de la ville. En s’approchant d’eux, la chimère ralentit le pas, et l’elfe avec. Il se mit à l’observer. Les humains pensaient souvent que les elfes étaient naturellement agiles et qu’ils pouvaient passer inaperçus en se mêlant aux ombres de la ville ou de la nature. Eh ben pas cet elfe là. Il devait être aussi discret qu’un troll à un repas de nains. Bref. Elle avançait jambes fléchies, ses pas faisant aucun bruit, ce qui fut très impressionnant pour un elfe avec une telle ouïe. Elle se penchait aussi légèrement en avant, et l’elfe se surprit à regarder ses formes, beaucoup plus prononcées dans une telle position. Ses fesses n’étaient pas désagréables à regarder, il en oubliait même les ivrognes pendant un court instant, mais ce n’était pas le moment pour cela, et si la chimère l’attrapait, il ne pouvait imaginer les conséquences. Il essaya tout de même de copier Balsa pour passer inaperçu, mais il se trouva vite ridicule en tentant de garder l’équilibre dans cette position. Il poursuivit en marchant, tout en faisant attention aux obstacles sur le sol. Il demanderait des cours à la chimère une autre fois.

Ils étaient arrivés. Un simple virage les séparait du duo ivre, et ils pouvaient à présent entendre toute la conversation, qui prenait fin en l’occurrence.

- Ouais… bon aller, rentre bien !

- Ouais, toi aussi !

L’elfe jeta un regard derrière le mur pour observer le duo. Les deux individus partaient en direction opposé, renversant des poubelles et s’accrochant aux poignées de portes pour ne pas tomber au sol. Le rythme cardiaque de l’elfe s’accéléra. Les choses devenaient réelles à présent. Que faire ? Il voulait se retourner et dire la vérité à Balsa, qu’elle avait raison et qu’il ne pouvait pas tuer. Mais il avait peur d’elle. Peur de ce qu’elle lui ferait si elle apprenait que toute cette aventure était futile. Mais une part de lui le narguait aussi, lui disait qu’il voulait savoir, et qu’une petite vie humaine valait bien la peine pour connaître un peu plus sur ce monde. Shiya avait aussi peur de ce part en lui. Était-ce vraiment lui qui pensait ça ? Pouvait-il vraiment commettre ce meurtre ? Il bloqua ces pensées et réfléchit à une autre issue. Il pouvait toujours faire beaucoup de bruit en s’approchant de lui, il prendrait sûrement peur et partirait en courant. Mais peut être que Balsa n’attendait que ça, la chance d’avoir une proie tentant de s’échapper. Une petite partie du chat et de la souris… Effrayant. Autrement il pouvait le suivre sans intervenir. Une fois l’homme tranquillement rentré chez lui, il serait inaccessible. Mais Balsa n’aurait pas la patiente pour attendre autant. Pour autant qu’il le sache, l’ivrogne habitait à l’autre bout de la ville. Il regarda une autre fois. Il était seul à présent, son ami déjà loin. Il commençait à partir, et l’elfe ne savait toujours pas quoi faire. Machinalement il s’avança en sa direction, restant assez loin pour ne pas être vu, mais assez près pour ne pas le perdre.

Il prit la peine de regarder Balsa, mais il le regretta aussitôt. Elle le fixait du regard, intriguée par ce qui se passait, imaginant surement comment la suite allait se dérouler. Si seulement il le savait. Elle adorait ça, c’était injuste. Il ne voulait pas lui donner ce qu’elle cherchait. Elle ne le méritait pas. Il fallait trouver une solution !

Il reprit sa traque, suivant l’ivrogne qui marchait doucement en s’aidant des murs ou des portes pour rester debout. L’elfe passa devant une caisse qui lui attira l’œil. Il vit des bouteilles vides empilées dedans, du vin selon l’odeur. Il restait un fond dans certaines bouteilles. Du rouge. Ah le vin rouge. Magique. Il regarda ses pieds. Ils n’avançaient plus. Il s’était arrêté débilement et regardait une caisse de bouteilles de vins presque vides, pendant qu’il devait être en train de tuer quelqu’un.

Bordel Shiya, reprends-toi !

Il s’approcha de l’homme. Coiffé de cheveux courts et bruns, de taille moyenne et de largeur moyenne, il portait une simple tunique bleutée et il puait l’alcool de loin. Entre autre, quelqu’un de complètement banal et en aucun cas unique. Il existait des gens comme lui à chaque coin de rue. Mais était-ce une excuse pour le tuer ? Ce serait pourtant si facile de prendre sa vie. Automatiquement l’elfe se rapprochait encore de lui. Il pouvait voir certains détails à présent. Il avait une cicatrice au long du bras gauche. Peut être qu’il se battait aussi, voir même qu’il était criminel. Un de moins à Reilor ne pouvait pas faire de mal… Il se rapprocha encore plus près de lui.

L’homme tourna à gauche, dans une ruelle plus petite et encore plus sombre, et l’elfe n’était pas loin derrière. Cependant, avant de tourner dans la ruelle il entendit le bruit de poubelles retournées, de verre brisé, et finalement, d’un grand cri. Puis vint le silence…
L’elfe se mit à courir. Il tourna dans la ruelle et vit l’ivrogne étalé à plat ventre au sol. Le cœur battant plus vite que jamais, l’adrénaline coulant à flot dans ses veines, il ordonna à Balsa : « Reste là ! », puis il reprit sa course et s’agenouilla à côté de l’homme, immobile. Une flaque de sang tachait le sol et l’elfe vit du verre brisé autour de lui. Il retourna l’homme, puis vit une chose qui le graverait à vie.

Un morceau de verre s’était planté dans sa gorge. Le sang coulait à flot et l’homme cherchait de l’air désespérément, la panique gravée dans ses yeux. Ses bras bougeaient frénétiquement vers son cou et son corps était secoué par des spasmes. Il coassait en inspirant le peu d’air qu’il pouvait. Il lui restait quelques minutes… Quelques secondes. Le sang était partout. Les mains de l’elfe étaient rouges de son sang, et il savait ce qu’il devait faire. Il était fichu, et il souffrait. Il fallait en finir. C’était un cadeau qu’il pouvait lui offrir. Le plus il attendait, le plus il subissait. Shiya ramassa un bout de verre pointu et l’approcha de lui. Et maintenant ? L’elfe ne savait pas comment tuer, et surtout pas comment tuer rapidement. Il se dit que le cœur devait être l’endroit idéal, et il approcha le bout de verre de son buste d’une main tremblante. Il regarda une dernière fois dans ses yeux. Il ne pouvait qu’y voir de la panique pendant qu’il crachait du sang.

C’est un cadeau.

Il ferma les yeux et serra son corps contre le siens, plongeant la lame improvisée dans son cœur brusquement. À sa grande surprise, ce fut très facile. Le corps humain était vraiment très fragile. L’homme bougea encore quelques instants, puis son corps se figea sous un dernier souffle, et l’elfe sentit la vie s’envoler de lui. Il le serrait toujours dans ses bras, il ne pouvait pas lâcher cette coquille sans vie. Il ne pouvait pas ouvrir les yeux et voir ce qu’il venait de faire.

C’était un cadeau.

Il l’avait vraiment tué. C’était fait. Ce n’était pas ce que Balsa voulait, tant mieux, mais il avait prit une vie humaine, et c’était uniquement pour le sauver. Il commença une prière silencieuse pour guider son esprit à son dieu, mais avant de pouvoir finir…

-Eh ! Qu’est ce que vous foutez ?
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MessageSujet: Re: Merci le vin   Merci le vin - Page 2 EmptyVen 10 Fév 2012, 01:35

Le cœur battant Balsa réalisa qu’elle et l’elfe n’étaient qu’à un angle de rue de leur cible. Les hommes venaient de se séparer et tandis que le premier rentrait d’un bon pas le second prit le temps de trouver l’équilibre et le courage de reprendre sa marche. Shiya avait considéré la scène d’un bref coup d’œil et il devait maintenant prendre une décision. Une grande décision, de celles qui changent une vie. Dire que Balsa l’étudiait attentivement aurait été un euphémisme. Les prunelles de la chimère scrutaient l’objet de son jeu. Elle lisait l’hésitation et la peur. Mauvais mélange, elles risquaient de décourager l’elfe. Celui-ci se tourna vers Balsa. Il trouva un regard dur et vide de toute empathie, réponse à cet appel de détresse silencieux qu’elle lisait dans ses yeux. Non, elle ne dirait rien. Ne ferait rien même. Elle agissait en simple observatrice, ne voulant pas influencer les décisions de Shiya maintenant.

L’elfe finit par réagir de lui-même, se lançant à la poursuite du plus ivre des deux hommes. Il avait choisit la proie la plus facile. C’était prudent et garantissait qu’il ne pourrait pas échouer. Balsa commença à croire qu’il s’était totalement décidé. L’assurance manquait à l’allure de l’elfe mais il avançait toujours et se rapprochait peu à peu de l’inexorable fin.

Celle-ci arriva plus tôt que prévu. Alors que leur cible venait de tourner à l’angle d’une rue, Shiya et Balsa entendirent de l’agitation. Choc et brisements, puis cri d’agonie. Balsa s’était figée, mordant sa lèvre inférieur en priant pour que…. « Reste là ! ». Non ! Il n’avait pas pu tenir en place. Cette précipitation maladroite aurait pu agacer Balsa si « Reste là ! » n’était pas venu couper court à sa déception. Elle croyait rêver : il lui ordonnait de rester en arrière ? Elle aurait éclaté d’un grand rire si cela n’avait pas été la pire chose à faire. Elle pensa de toutes ses forces « va te faire voir ! » et fit demi-tour. Trottant le plus légèrement possible, elle revint sur leurs pas, prit la première à droite et encore à droite, contournant la gueule du loup dans laquelle Shiya s’était jeté.

Elle approchait donc de la scène par l’autre bout de la rue, il lui suffisait de tourner ce dernier angle et elle verrait. Elle s’arrêta et tendit l’oreille. Rien, pas un bruit. Le pauvre homme en avait finit d’agoniser et Shiya ne l’avait ni sauvé ni tué. Que faisait-il alors, cet elfe ? La chimère leva un pied et le posa en direction de la rue quand une voix résonna :

- Eh ! Qu’est ce que vous foutez ?

Trop tard le pied était lancé. Aussi Balsa apparut et ils ne purent pas la manquer. Elle vit d’abord Shiya, à genoux, enserrant un cadavre encore chaud. Et couvert de sang, comme l’étaient les pavés alentours. Vision familière du drame dans toute sa splendeur tragique. L’elfe avait souhaité sauver cet homme, c’était presque certain. Mais la chimère ne s’attarda pas sur ce tableau. Ses pupilles assaillirent l’inconnu, arrivé de dernière minute dans cette soirée déjà riche en évènements. Il portait des habits sombres qui le mêlaient aux ombres de la nuit, une capuche qui jetait le noir sur ses yeux et une écharpe recouvrant jusqu’à son nez. Le métal d’une lame étincelait entre les plis de sa veste. En voila un qui avait l’air encore plus suspect que Balsa. Elle prit une voix appeurée et lui répondit, imaginant bien que Shiya choqué ne lâcherait pas un mot.

- Cet homme vient d’être tué…

L’inconnu glissa sa main sur le pommeau de l’épée qu’il portait à la ceinture et le visage de l’elfe pâlit.

- Bien ce que je pensais !

Il dégaina et pointa le bout de sa lame en direction de l’elfe.

- Attendez ! Ce n’est pas lui le coupable !

Balsa approcha, main tendue vers l’avant pour tenter d’apaiser l’autre. Qui était-il au juste ? Un justicier de l’ombre de Reilor, un garde d’une unité spéciale ? Qu’importait, il fallait juste qu’il reste tranquille un instant. Il garda son arme sortie mais ne la pointa plus que vers le sol. La chimère arriva à sa hauteur, les yeux faussement humides d’une demoiselle effarouchée. La main tremblante qu’elle tendait fut interprétée comme une détresse et il demanda « Qu’avez-vous vu ? » juste avant que le contact entre les deux peaux se fasse. Alors le corps de l’homme fut secoué de tremblements, il lâcha son arme et s’effondra au sol. Balsa ramassa l’épée et vint se placer au dessus du corps inconscient. Elle posa la pointe de la lame sur la jugulaire de l’homme. Mais l’enleva et se tourna vers Shiya.

- Je devrais peut-être te laisser te rattraper.

Elle fit pivoter la lame et tendit la poignée vers l’elfe. Quelques secondes flottèrent dans le regard échangé.

- Mais tu n’en es pas capable.

Elle haussa les épaules et reprit l’arme en main. Le froid de l’acier caressa la gorge et le métal glissa dans la chaire. Elle tuait. Un filet de sang gicla sur plusieurs pieds et Balsa manqua de peu d’en être couverte. Elle savait les réactions des corps quand on les transperçait et elle ne s’était pas placée sur la route du rouge. Pas qu’elle en craigne la vue, l’odeur ou le gout, mais c’était là des marques bien tenaces. Se promener les vêtements plein de sang n’était jamais une bonne idée. Alors que les soubresauts du cœur vidaient le sang de mort par sa gorge ouverte, Balsa posa son regard assassin sur l’elfe. Lui était couvert de taches rougeâtres et sentait le sang à pleines narines. Qu’allait-il devenir maintenant ? Le plus simple était peut-être de l’éliminer lui aussi. Après tout, il venait de devenir témoin d’un meurtre et pourrait accuser Balsa s’il était assez fou. Calmant son cœur emballé, elle jeta l’épée en direction de Shiya.

- Si tu veux faire quelque chose contre moi, c’est maintenant.

Elle laissa le temps à ses paroles de faire écho et poursuivit, convaincue qu’il n’allait de toute façon pas attaquer.

- Il t’aurait cru coupable si tu avais été seul. On peut dire que je t’ai sauvé la vie. En échange, tu vas oublier cette nuit. Ce n’est pas un ordre, juste un conseil, tu comprends ?

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MessageSujet: Re: Merci le vin   Merci le vin - Page 2 EmptyJeu 23 Fév 2012, 00:30

« …foutez ? » Une voix lointaine… Un murmure dans un rêve. Était-il vraiment éveillé ? Les couleurs n’étaient plus. Le rouge du sang couvrant sa tunique déchirée n’était qu’une illusion. Du gris, rien. La matière n’était plus. Le corps inerte entre ses bras n’avait aucun poids. Une marionnette sans matière. « Homme… Tué… » Lui marmonna les murs tourbillonnants autour de lui. Il essaya de regarder un des murs. Un bruit de métal allant au plus profond de son âme, criant en lui comme un démon sortant des enfers. Le monde n’était plus. « Attendez… Pas… Coupable » Lui chuchota le sol. Une main posée sur le sol. Solide. Réel. Mais était-ce quand même la réalité ? Quelqu’un avait volé les couleurs du monde, les sons de tout l’archipel. Le gris n’avait pas de bruit. Le rouge portait le son de la passion, le bleu celui de la liberté, mais ces légendes n’existèrent jamais. Tout était gris, tout était rien.

Éclat de blanc, son lointain de souffrance. Bruit de pas. Vision d’un souvenir. Il serra la chose entre ses mains. Il ne le sentit pas. Ca n’existait pas. « Peut être… Rattraper » lui murmura le vent. Quelque chose de nouveau. Lame… Épée… Personne. Une rose. Un bouquet de rouge, une fontaine de rouge… Un regard, un mort.

Le rouge de la mort prit la place du gris sans histoire. Une épée à ses pieds, rouge elle aussi. Un son revint. D’abord le vent, puis une voix.

- Si tu veux faire quelque chose contre moi, c’est maintenant.

Il connaissait cette voix.

- Il t’aurait cru coupable si tu avais été seul. On peut dire que je t’ai sauvé la vie. En échange, tu vas oublier cette nuit. Ce n’est pas un ordre, juste un conseil, tu comprends ?

Une odeur à présent. Il n’aimait pas cette odeur. La tête lui tournait, une sensation dans son estomac, vomissements.


~~~~~~~~~~~~~

L’elfe releva la tête, se sentant frêle, vidé de toute énergie. Balsa se tenait debout, juste au dessus de Shiya. Il pouvait très bien imaginer ce qu’elle pensait de lui, et il ne tenait pas à l’entendre. Il se releva en tremblant, s’aidant du mur pour se hisser debout, laissant le cadavre derrière lui. L’odeur lui redonna envie de vomir. En se retenant il regarda ses habits, et au vu du sang quelque chose s’éveilla en lui. Une sorte de peur et de dégout prit le contrôle de son corps. Le sang était partout. Il voulait enlever tout ce sang. Il devait enlever tout ce sang! Il trouva à nouveau une source d’énergie et se mit à frotter sauvagement sa tunique mais rien ne voulait partir, il gratta les tâches mais il ne se passait rien, puis finalement il se mit à arracher sa tunique déjà ruinée, et prit dans cette vague de folie, il ne s’arrêta pas jusqu’à avoir arraché la totalité de ses habits. Il regarda la chimère avec des yeux presque fous.

-Oublier cette nuit ? Bonne idée.

Ses mains étaient encore pleines de sang, et son corps ne valait pas mieux. Il lui fallait de l’eau.

-Il faut que je me lave… L’odeur… Après on parle. Quittons cet endroit. J’en peux plus.

Il partit de bon pas, l’adrénaline assurant sa marche, ne semblant pas remarquer sa nudité.

Il connaissait cette zone de la ville. Peu de gens la fréquentait et un puits se trouvait non loin. Il prit tout de même les petites ruelles sombres pour s’assurer de ne croiser personne, et le duo arriva rapidement à destination. Un sceau était déjà au fond, il suffisait de la remonter et il pouvait se laver. Après s’être entièrement lavé il pouvait enfin respirer. L’odeur ne partait toujours pas mais elle était à présent beaucoup plus atténuée. Balsa attendait. Il inspira une grande fois puis lui fit face.

-Je suppose que c’est plus facile la deuxième fois c’est ça ? Tu ne sais pas où je pourrais trouver des habits par hasard ? J’ai un peu froid. Et tu me dois une histoire Balsa la chimère.
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MessageSujet: Re: Merci le vin   Merci le vin - Page 2 EmptySam 25 Fév 2012, 03:20

- Oublier cette nuit ? Bonne idée.

Pourtant tu l’oublieras pas…

L’elfe se tenait nu devant elle, plongeant ses yeux déments dans les siens. Ses vêtements, rougit du sang du premier homme à mourir, il l’est avait arrachés, emporté dans la fièvre de son meurtre. Balsa retint un sourire qui aurait grimpé jusqu’à ses oreilles. Elle savait maintenant : son premier meurtre. Elle le considéra là, encore sous le choc, comme émergeant d’une autre réalité. Il était ruisselant de sang et de dégout, transpirant d’une force qui l’habitait pour la première fois. L’empathie avait saisit la chimère et elle partageait ce moment avec lui. Les mots vinrent à nouveau à Shiya. Désordonnés, phrases courtes, allant à l’essentiel. Mais ils formèrent une cohésion dont la force de persuasion était bien supérieure au « reste là » de l’instant d’avant…

Au terme de son propos l’elfe n’attendit pas un instant pour se mettre en marche. Apparemment il savait où il allait, tant mieux, il n’était pas de ceux que la mort désorientaient totalement. Balsa fouilla les vêtements déchirés et y trouva une poignée de pièces qu’elle glissa dans sa poche. Elle le suivit ensuite à quelques pas de distance, laissant de l’espace à cet être que le crime et la nuit enveloppaient. Le pas ferme il avala la distance et la chimère admira son sang-froid. Il était encore sous le choc mais se maîtrisait bien. Arracher de soi la vue du premier sang versé était bien peu au final. Peut-être avait-il le cran qu’elle espérait finalement. Oui, il l’avait. Enfin, il a un problème avec l’odeur… Certes les cadavres chauds ne sentaient pas bien bon, mais l’odeur était bien plus agréable que la puanteur d’une taverne ou d’un marché du port. Et les senteurs de sang frais ne se mêlaient-elles pas à l’ivresse de la victoire ? Mais peut-être l’odorat des elfes était-il si fin que sensible à ces parfums pourtant primaires.

Ils arrivèrent devant un puits et Shiya remonta le sceau qui pendait au bout d’une corde. Balsa fit un tour sur elle-même, balayant du regard la petite place. Elle observa chaque maison, contente de ne voir que volets et fenêtres fermés, sans nulle part trait de lumière révélateur de vie. Ils devraient être tranquilles ici… Elle aurait tout de même passé sa capuche par précaution. Seulement elle ne le fit pas, car elle retira la cape qui la recouvrait et le voile qui aurait pu cacher son visage avec. Sa queue féline libre se déroula naturellement, formant un léger arc à quelques centimètres du sol. Elle plia le vêtement en faisant attention à ce que la ferraille qu’elle y avait glissé ne tombe pas. Puis elle alla s’asseoir sur l’un des bancs qui couronnaient la place, posant son paquet sur ses genoux. Alors elle poussa un profond soupir et se mit à observer l’elfe qui se lavait. Sans aucune pudeur elle examina les formes, les muscles et le visage. L’eau courait sur sa peau nue que seule la lune éclairait et les cheveux blonds lui cascadaient sur la nuque.

Quand il eut terminé il se tourna vers elle et elle se leva pour le rejoindre. Elle put bientôt lire son regard aussi clairement que l’encre sur le papier. Ce n’était plus le regard d’un innocent, voilà qui était certain. Le crime qu’il aurait commit dans son passé n’était plus crédible aux yeux de Balsa. Car c’était cette nuit qu’il s’était fait criminel. Il avait peut-être tué un homme à l’agonie mais il avait vécu le meurtre. Sentir la vie couler entre ses doigts, quitter un corps pour laisser un cadavre, la première fois était toujours bouleversante. Le regard de Tuker juste avant sa mort s’imprima sur la rétine de la chimère mais elle ferma cette porte de son esprit pour écouter Shiya. D’entrée de jeu il se montra sarcastique et cela plut à la chimère dont les yeux pétillèrent. Elle lui mit sa cape dans les mains, prenant bien garde de ne pas effleurer sa peau humide et lui répondit de but en blanc :

- Tu l’auras ton histoire. Après tout… je crois que tu l’as mérité.

Elle s’écarta et le laissa s’habiller.

- C’est juste le temps qu’on te trouve autre chose, hein... Histoire de pas attirer l’attention.

Bien sur, elle avait toujours derrière elle la queue féline qui se balançait doucement. Il fallait espérer qu’à la faveur de la nuit ce détail n’intriguerait aucun curieux. Il y avait aussi deux corps abandonnés à quelques rues de là. Mais les morts sont silencieux et on ne les découvrirait pas avant l’aube. Si tout se passait bien… Au cas où ils croiseraient du monde, il leur faudrait avoir une allure parfaitement innocente. C’est en marchant donc qu’ils fuiraient les lieux. Balsa fit signe à Shiya de la suivre et se faufila dans une ruelle.

- C’était un peu lâche de choisir un condamné. Et ça rend l’acte presque charitable. Mais tu l’as fait, comme je te l’ai demandé… J’espère que tu l’as fait parce que tu le voulais…

L’avantage de parler en marchant, c’était qu’une oreille indiscrète à l’écoute dans une maison ne pourrait entendre qu’un fragment infime de leur discussion.

- Quelque chose a changé en toi, non ? Mais passons, ça me regarde pas après tout… Alors, que veux-tu savoir, petit elfe ?

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Shiya
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MessageSujet: Re: Merci le vin   Merci le vin - Page 2 EmptyMer 07 Mar 2012, 01:00

Balsa avait enlevé sa cape pendant qu’il se lavait. Sans cet écran elle semblait moins mystérieuse et cachée. Sa queue se déroula jusqu’à effleurer le sol. Il la fixa un instant. Il n’était pas habitué à voir ce spectacle, il ne connaissait personne ayant une queue après tout. Il détacha son regard par politesse pour regarder ce qu’elle portait sous sa cape, c'est-à-dire une tunique très simple avec une robe classique. Un ensemble porté par une fille qui voulait être agile et dangereuse plutôt que belle et charmante. Elle cachait aussi une petite dague sous sa cape ce qui ne l’étonna pas du tout, même s’il était sûr qu’elle n’en avait pas besoin… si elle voulait jouer avec sa proie.

Un frisson le parcourra en imaginant la chimère torturant ses victimes, puis elle lui mit sa cape dans ses mains, toute pliée et bien arrangée. C’était… gentil. Il n’imaginait pas une seconde que Balsa lui proposerait sa cape. Voilà qui changeait ses idées.

- Tu l’auras ton histoire. Après tout… je crois que tu l’as mérité.

Aucune protestation non plus ! Je pensais que ce serait plus dur. Elle me laisse porter sa cape, puis elle me promet l’histoire de sa vie. Est-ce qu’elle veut faire semblant d’être gentille avant de me tuer, est ce qu’elle veut quelque chose de moi, ou est ce qu’elle est tout simplement gentille avec tous les tueurs qu’elle croise ?

Malgré ces pensées il enfila la cape. Elle était légère et très confortable, mais surtout assez longue pour cacher des parties qui valaient mieux être cachées. De loin il avait l’air tout à fait normal. De près par contre…

- C’est juste le temps qu’on te trouve autre chose, hein... Histoire de pas attirer l’attention.

Et elle se justifie, même si c’est évident que c’est seulement à court terme. Est-ce qu’elle cherche une excuse pour être gentille avec moi ?

-C’est très gentil Balsa. Merci.

Son esprit se remit à penser aux cadavres encore frais dans une ruelle non loin d’eux. Il ne voulait pas sembler faible devant la chimère, il voulait lui montrer qu’il pouvait être fort. Il fit alors la première chose qui lui passa par la tête. Il enfila la capuche, dissimilant son visage dans les ombres, puis il s’accroupit, jambes fléchies, et fit des mouvements avec ses bras comme s’ils étaient des sabres en ajoutant le bruit du vent avec sa propre voix.

-Je suis Balsa, Chimère ! Woouusshhh woousshhh.

Il tourna en rond plusieurs fois, tranchant l’air avec ses mains en espérant faire rire la chimère pour cacher ses vraies émotions.

Ne pas y penser…

Il retira la capuche quand Balsa l’emmena dans une autre ruelle. Ils marchèrent tranquillement, comme si rien n’allait de travers. Cette ville lui semblait beaucoup plus glauque à présent. Les murs étaient plus noirs, plus crades. L’odeur de la ville était de pire en pire. Le pavé sous ses pieds était troué et disproportionnel. Même le bruit du vent semblait différent.

- C’était un peu lâche de choisir un condamné. Et ça rend l’acte presque charitable. Mais tu l’as fait, comme je te l’ai demandé…

L’elfe s’attendait à qu’elle lui reproche au moins cela, mais elle semblait l’accepter tout de même et garda son côté de l’arrangement, et c’était bien ça que l’elfe ne comprenait pas. Pourquoi accepter ? Elle avait raison. Il n’aurait jamais tué de sang froid. Il n’en était pas capable. Il a eu de la chance, voilà les faits. Mais Balsa avait eu ce qu’elle voulait après tout. Un meurtre qui changea la vie de l’elfe à jamais, même s’il pouvait justifier son acte par de la charité. Il allait mourir… C’était un cadeau.

Ne pas y penser…

- Quelque chose a changé en toi, non ? Mais passons, ça me regarde pas après tout… Alors, que veux-tu savoir, petit elfe ?

Quelque chose avait changé oui… Mais il ne pouvait pas en parler au risque de se montrer faible à nouveau. Pleurer n’était pas vraiment une possibilité. Il devait se cacher pour le moment, et seulement une fois Balsa loin de lui, pourrait-il réfléchir en paix.

-Un corps humain est très fragile… Tellement facile à détruire.

Ne pas y penser…

Il soupira puis mit ses mains dans les poches. Il devait réfléchir à sa prochaine question, et son esprit ne tournait pas à l’endroit depuis un certain moment. Créer une question logique et intelligente lui était dur. Ses doigts touchèrent des petits objets solides. Il en prit un dans sa paume. Rond et métallique. C’était des pièces. Il y en avait quatre dans la poche… Mais Shiya en avait quatre sur lui avant. Et si Balsa disait la vérité en début de soirée, elle avait peu ou pas d’argent sur elle. Il sortit la pièce et l’observa. Il y avait un peu de boue sur une extrémité de la pièce, elle semblait très vieille et même abimée. Une pièce presque identique que celle qu’il avait gagnée la veille, contre un ivrogne dans une taverne non loin de là. Ces pièces étaient bien à lui !

-Dit moi Balsa, tu m’as volé le peu d’argent que j’avais ? Ou est ce que tu gardais mes pièces au chaud pour me les rendre plus tard dans la soirée ?

Il regarda la chimère et attendit sa réponse, observant sa réaction, puis il remit la pièce dans sa poche et continua de marcher. Il ne pouvait rien y faire pour le moment de toute façon. Les seules poches qu’il avait étaient celles de la cape.

Que voulait-il donc savoir sur Balsa la chimère ? À part tout, bien entendu. Shiya était peut être un elfe alcoolique sans charme ou réputation, mais il avait de bonnes manières quand il n’avait pas la bouche pleine d’élixir de dragon, son hydromel préféré. Il ne voulait pas vexer la chimère, même s’il doutait que c’était possible.

-Je suis très curieux d’en savoir plus sur toi, en tant que personne, et comment tu en es arrivé à la. Est-ce que la vie est dure au point de devenir… comme toi pour pouvoir survivre ? Et bien sûr ta race m’intrigue beaucoup. Je ne connais rien sur les chimères, et chaque information que tu pourras m’apporter serait d’une grande aide. Bien sûr, je comprends si tu ne veux pas parler de toi, je ne veux pas te mettre mal à l’aise.

J’espère qu’elle ne va pas se retenir pour autant…

Ils ne s’arrêtèrent jamais de marcher, tournant à presque chaque intersection, se perdant dans le labyrinthe de la ville. Ils arrivèrent au bout de la ruelle et prirent l’intersection, mais une fois engagés ils virent deux personnes portant des torches approcher d’eux. Des gardes peut-être ? Si c’était le cas, faire demi-tour semblerait suspect et ils essaieraient de les rattraper. Balsa pensait sûrement déjà à les tuer, et c’était hors de question. Il avait vu bien assez de sang. Ils s’approchaient encore, et le style vestimentaire de l’elfe ainsi que la queue de la chimère pouvaient éveiller la curiosité des gardes. Prit d’un mouvement de panique il prit Balsa par la taille, veillant soigneusement à éviter sa peau, la fit vriller puis la colla contre la porte à sa droite. Il se serra un peu plus contre elle, essayant de cacher sa queue avec son corps le mieux possible. Son visage s’approchant du sien, ils pouvaient passer pour un couple du point de vue d’un passant inconnu. Et les gens ont moins tendance à embêter les couples… Normalement. Il pouvait sentir son souffle sur sa peau tant ils étaient proches. Il espérait seulement qu’elle ne voulait pas lui envoyer une décharge d’électricité. Un baiser mortel serait le terme exact. Une fois les gardes – Oui ils étaient bien des gardes – assez proches, l’elfe mit une main dans la poche et fit semblant de fouiller dans ses pièces.

-Attends je cherche mes clés.

Il sentit le regard des gardes posé sur lui quand ils étaient à moins d’un mètre du faux couple. L’elfe se crispa et arrêta de respirer. Mauvais réflexe surement, mais il continua tout de même de chercher dans sa poche. Deux mètres, trois mètres, puis les gardes arrivèrent au bout de la rue et disparurent dans la nuit. Expiration.

L’elfe attendit quelques secondes, ou quelques minutes, heures, qui compte ? Il aurait voulut rester plus longtemps comme ça, mais il fallait l’avouer, il avait peur d’elle. Il se retira rapidement et s’éloigna de quelques pas les mains levées en l’air.

-Ne me tape pas ! Je pensais seulement que c’était la meilleure solution ! Ca a bien marché non ? S’il te plait !


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MessageSujet: Re: Merci le vin   Merci le vin - Page 2 EmptyVen 09 Mar 2012, 02:45

- Un corps humain est très fragile… Tellement facile à détruire.

Ce que Shiya retenait de ce meurtre et qu’il partageait. C’était très vrai bien sur. La vie ne tenait qu’à un fil chez les êtres d’os et de sang. Il ne fallait ni une grande force ni une grande intelligence pour la briser. Chaque mort était pourtant lourde de sens et irréversible. Une grande tragédie que Balsa aimait à vivre, avec l’art et la manière. C’était parfois impensable de prendre certaines vies, humaines ou animales, lorsque l’acte était dénué de logique et de pertinence. Mais si un être devait mourir, elle le tuait sans remord. Elle observa l’elfe quelques secondes : il était plongé dans ses réflexions. Sagement, il choisissait ses mots pour interroger la chimère. Ses mains glissèrent dans la poche de la cape et un tintement indiqua à la chimère que les doigts avaient trouvé les pièces. Elle regarda devant elle, choisit de prendre à gauche et entendit Shiya lui demander :

- Dis moi Balsa, tu m’as volé le peu d’argent que j’avais ? Ou est ce que tu gardais mes pièces au chaud pour me les rendre plus tard dans la soirée ?

- C’est important ? C’est ça ta question murement réfléchie ? Elle eut un petit sourire. Tu l’as perdu cet argent, j’aurais pu le garder… Mais je n’en ai pas besoin et je dirais que toi oui.

Non, elle n’avait pas besoin de ferraille. La ferraille était ce que les peuples humains échangeaient pour des denrées qu’elle savait se procurer autrement, chassant ou volant, se contentant du minimum. Si elle avait besoin de monnaie, c’était pour ce qu’elle ne pouvait pas voler et cela se payait en or. Pas en métal vulgaire.

Se perdant à nouveau dans ses pensées l’elfe retrouva le silence. Ils remontaient une plus grande rue, en direction des terres. Alors Shiya vida son sac. Et il voulait en savoir des choses. A commencer par ce grand « comment tu en es arrivée là ». C’était bien trop vaste comme question, ça ne le regardait pas et surtout quel intérêt ? Sa curiosité envers les chimères était beaucoup plus compréhensible, mais il allait être déçu… Il força sa politesse, il était elfe après tout, et attendit une réponse.

- Tu te trompes sur un point : ce que je peux te dire sur moi ne te sera d’aucune utilité. Ya pas de race ou de peuple chimère. C’est juste un mot pour désigner ce que nous sommes. Et quand je dis nous… Ah oui, ça te servira à rien aussi parce que tu risques pas d’en croiser beaucoup d’autres. A ma connaissance nous ne sommes que deux - trois ? Et nous sommes totalement différentes.

Expliquer en quoi revenait à dévoiler les secrets d’Iburo et Mataro. Et ça, Balsa se le refusait. Alors, laisser l’elfe dans un tel flou ? Elle aurait pu. Après tout, le meurtre qu’il avait commis n’était pas à la hauteur de beaucoup plus. Ils quittèrent la rue sur indication de la chimère, pour une plus étroite aux pavés recouverts de boue. Les grands axes, il valait mieux les éviter. Et elle connaissait les chemins qui les mèneraient hors de la ville sans risque de croiser personne. Ils se glissaient entre les maisons, derrières les magasins et serpentaient autour de petites places. Ces endroits le jour étaient assez animés, car c’était là que les gens vivaient. Mais la nuit, pas âme qui vive, le silence régnait. Ils étaient tranquilles et ne devraient croiser personne. Peut-être de bonne humeur grâce à la vue du sang versé et à la naissance de ce nouveau meurtrier, elle décida d’en livrer d’avantage à Shiya.

- Nous ne sommes pas des êtres naturels. Nous avons été créées par les hommes de l’Ouest. Je sais pas ce que tu connais de ce pays, mais certains scientistes sont capable de ça. Je suis née en laboratoire sur tu veux tout savoir.

Sa gorge se serra presque imperceptiblement et elle redevint muette, concentrant toute son énergie à marcher et se focalisant sur la meilleure route à suivre. Tout se déroulait à merveille. En avançant, Balsa cherchait du regard une corde à linge sur laquelle des vêtements encore humides auraient été laissés. Par des gens stupides bien sur, puisqu’ils allaient perdre de quoi vêtir l’elfe nu sous sa cape. Elle n’en avait toujours pas aperçu quand elle constata la présence de deux silhouettes devant eux. Qui venaient dans leur direction. Ils n’étaient pas seuls, son itinéraire n’était pas infaillible. D’instinct sa queue vint se glisser sous les pans de sa robe et disparut en s’enroulant sur son genou. Elle pestait contre leur infortune et espérait qu’en gardant une allure sereine Shiya et elle n’auraient pas d’ennuis. Pas qu’elle ait eu peur, mais elle avait bu son sang de la nuit. Et tuer deux hommes pour de simples soupçons aurait été une perte de temps et des problèmes en plus. Ce n’étaient que des gardes, chiens obéissants au service de la Loi humaine. Ils n’avaient rien fait, ne s’étaient mêlés de rien et marchaient seulement. Innocents. Du moins pour l’instant. Leurs vies à eux aussi ne tenaient qu’à un fil. Et il leur suffisait d’’importuner un instant la chimère et l’elfe pour qu’il se rompe. Ils furent vite à trente pieds, vingts-cing, vingt…

Sur sa taille Balsa sentit une main la saisir. L’adrénaline pulsa dans ses veines. Puis elle fut transportée, avec une facilité déconcertante, jusqu’à ce que le mur vienne appuyer sur son dos et sur ses reins. Alors elle réalisa ce qu’il s’était passé. Silencieux tous les deux, ainsi, ils pouvaient passer pour s’embrasser. Ce qui aurait bien été la pire chose qui puisse arriver. Shiya n’avait cependant pas oublié la décharge subie et il se gardait bien de la toucher. Les doigts de la chimère glissèrent sur la cape, l’enlaçant ostensiblement, et elle plongea ses yeux dans les siens. Mais n’approche pas. A quelques centimètres de lui, elle respirait son odeur dans tous ces parfums et croyait entendre battre son cœur. A ses oreilles la respiration de l’elfe soufflait mais les bruits de pas approchaient aussi. Alors Shiya s’écarta légèrement, faisant mine de chercher ses clés. Les gardes eurent un coup d’œil pour eux mais ne ralentirent pas et passèrent, leur tournèrent le dos, puis disparurent à l’angle de la rue. Une seconde suspendue dans la nuit et l’elfe fit quelques pas en arrière.

- Ne me tape pas ! Je pensais seulement que c’était la meilleure solution ! Ca a bien marché non ? S’il te plait !

Un sourcil de Balsa se leva. Etait-il sérieux ? Il ne l’avait pas été beaucoup quand il a avait exécuté son interprétation de la chimère. Elle était alors restée sans voix, stupéfaite de le voir étaler un humour pareil dans une telle situation. Elle aurait pu le réprimer, il avait dit son nom haut et fort sans aucune gêne et elle n’appréciait guère cette indiscrétion. Mais elle était restée muette, bras ballants et bouche bée devant cette exubérance. Si Balsa avait de l’humour, celui-ci n’était pas bien développé. Et ce ne fut qu’un maigre sourire nerveux qui leva le coin de ses lèvres - se moquait-il d’elle ? - avant qu’elle ne soupire et se mette en route. Etre drôle était une qualité à ses yeux, mais il y avait un temps pour tout. Et ni alors ni en cet instant l’humour n’était attendu.

S’il ne plaisantait pas, ce que suggérait son regard, alors il avait vraiment peur d’elle. Elle le prit comme un compliment, mais fut un peu déçue. Pouvait-il croire qu’elle l’assassinerait pour ça ? Pourquoi pouvait-elle lui en vouloir ? Il n’avait rien fait de mal et, effectivement, son idée était bonne. Originale, la chimère n’y aurait jamais songé. Elle se demanda ce qu’il devait s’imaginer sur elle pour en arriver à la craindre ainsi. Il l’avait vu tuer, certes, mais il l’avait vu lui sauver la vie surtout. Deux fois ce soir, si ses calculs étaient bons.

- Je vais pas te taper maintenant…

Elle appuya sa tête contre le mur et leva les yeux vers le ciel sombre. Non, elle ne ressentait aucune animosité envers cet elfe. Ses familiarités étaient acceptables, maintenant qu’il avait rougit ses mains de sang. Il s’était rangé de son côté et avait même eu, sans doute, l’intention de la sauver des gardes. Et puis, après le sang versé, après qu’un lien de complicité criminelle se soit noué, elle se sentait libérée, sereine. Elle ferma les yeux et les rouvrit en se décollant du mur, se lançant dans la suite de leur marche. Alors elle reprit la parole.

- Tu voulais savoir comment j’en étais arrivé là… Je vois pas bien de quoi tu parles, mais du meurtre je suppose. Ca serait bien long à t’expliquer et sans grand intérêt crois-moi. Oui bon… je t’ai dis que tu aurais droit à ton histoire… Je vais la faire courte alors.

Elle changea une nouvelle fois de direction, posant le pied sur un chemin de terre battue qui desservait les derniers quartiers de la ville. Elle marchait d’un bon pas et économisait son souffle, laissant le silence planer un moment. Elle ralentit pour se trouver à la hauteur de l’elfe et parla plus doucement.

- Je ne tue pas pour « survivre » comme tu le dis. Je fuirai si je ne voulais que survivre. Je tue par vengeance, pour me sortir des merdiers dans lesquelles je me mets ou… - elle hésita un instant - pour me distraire. Mais je garde une éthique, je choisi mes victimes. Toi, tu n’en fais pas partie. Je te tuerai s’il le fallait, sans hésitation, mais pas sans raison.

Venait-elle de l’effrayer un peu plus ? Elle était pourtant partie pour le rassurer. Mais ce qu’il retiendrait de la rencontre n’avait guère d’importance. Ce qu’elle en retiendrait, elle, elle le savait déjà. Un être surprenant ce Shiya, plus déterminé et courageux qu’elle l’avait pensé. Il avait peur d’elle mais ne lui voulait aucun mal. Et il voulait la connaître, simplement pour sa personne. La chimère n’avait pas le souvenir qu’un inconnu - parce qu’au final elle venait de le rencontrer - se soit déjà autant intéressé à elle. Surtout qu’elle s’était présenté sous son jour le plus mauvais, mentant d’entrée de jeu et poussant le vice jusqu’à lui demander de tuer pour elle. L’avait-elle manipulé ? Avait-il agit à sa guise ? Non, Shiya avait tué pour lui, selon ses propres codes. Il aurait pu refuser après tout. Elle serait partie, déçue, mais ne lui aurait pas fait de mal. Il avait volontairement prit une vie humaine, volé les derniers instants d’un vivant, soufflé la dernière bougie d’une âme. Il recommencerait, il pouvait le faire. Elle sourit. Cette soirée avait été agréable. L’ennui avait été tué et des souvenirs s’étaient forgés. Shiya. Elle s’en souviendrait.

- Merde !

Balsa s’était arrêtée tout à coup, jurant à haute voix. Elle fit un tour sur elle-même, examinant le décor autour d’eux. Elle ne trouva pas ce qu’elle cherchait et reprit sa marche.

- Faut penser à te trouver des vêtements aussi. Avant de sortir de la ville ça serait mieux.

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