- Mmmhh
Ses bras s'étiraient, comme à chaque réveil...
Réveil? Etait-ce donc un rêve?
Ses paupières s'agitèrent, faisant valser ses longs cils bruns dans l'atmosphère, dévoilant un ciel sombre et fermé. Elle voyait encore ce paysage d'une beauté insaisissable, entendait encore cette voix qu'elle avait trouvé si attirante, mais emportée dans la nébuleuse brume, elle n'avait pu voir distinctement son visage, qui était-ce donc? Ses fantaisies nocturnes avaient toujours été bien agitées, mais cet épisode avait parut si réel, qu'elle en était encore étourdie, presque amèrement déçue d'en être parti si vite. D'un bâillement, elle refoula d'absurdes pensées, tandis que dans son coeur, l'île fantôme levait déjà son étendard glorieux. Encore un caprice? Non c'était bien plus que ça... enfin, elle n'avait personne à convaincre de ce fait. Personne à qui raconter un songe encore encré dans sa tête, mais qui paraissait à présent si lointain.
Elle agita sa longue chevelure auburn pour chasser de néfastes sentiments et souleva les larges pétales de roses qu'elle avait replié sur son petit corps pour dormir en paix. Ah, voilà que la voûte céleste lui offrait de splendides rayons. Enjouée par ce temps radieux, elle agita gaiement ses fines ailes, légèrement translucides aux teintes bordeaux, et esquissa un sourire discret. Elle remercia la fleur dont la robe se confondait à la sienne, d'un rouge flamboyant, et s'envola vers le fleuve. Elle espérait ne tomber sur personne, à peine sortie du sommeil, et ses battements d'ailes la propulsèrent rapidement vers l'eau désirée. Devant le large cours d'eau, elle ralentit la cadence, perdit progressivement de l'altitude, puis les gambettes posées au sol, elle tâta l'herbe fraîche, profitant de chaque sensation que lui apportait la nature. Elle aimait la forêt, la considérait comme sa mère, sa confidente, sa seule proche en somme, qui l'accompagnait dans sa solitude millénaire. De souples pas l'emmenèrent vers l'eau, et s'étalant au sol, elle découvrit son reflet peu enchanteur. Elle souleva sa main d'un geste gracieux, et de quelques mouvement de doigts, une légère brise se leva, éclaboussa son visage de quelques gouttes, lui rafraîchissant le teint pâle. D'une écorce finement taillée toujours glissée dans son vêtement, elle peignit sa chevelure douce et lisse, puis l'attacha d'un ruban aussi pourpre que sa robe. Elle s'observa à nouveau de ses pupilles incroyablement vertes, satisfaite, admira quelque peu son propre portrait mouvant à la surface de la rivière, où ressortait ses lèvres fines mais pulpeuses, rosées naturellement. Elle n'était pas emprunte de vanité mais se complaisait à être élégante, étant toujours présentable même pour flâner.
Flâner? Oui, car Mÿstik n'aimait que ça, passer ses journées à ne rien faire, se balader ou rester allongée, repoussant quiconque tentait de l'approcher. Rien de plus facile, un souffle de vent et les nuisances étaient propulsées au loin, sans que cela ne lui coûte trop d'énergie. Elle-même ignorait pourquoi tant de paresse et de dédain, était-ce dû à ses origines? Que cela fut le cas ou non, elle ne pouvait le deviner, n'ayant que de vagues et troubles souvenirs de son passé. De mémoire claire, elle avait toujours habité dans la forêt de Yelli, sur l'île Rosyel, mais avait des doutes quant au lieu de sa naissance. Elle se rappelait, grâce à quelques réminiscences fragmentées, d'une longue traversée au raz de l'eau, portée par un être ailé, alors que la nuit plongeait le ciel dans un immense néant sans fin. Elle ne se souvenait que de quelques paroles, sans doute était-ce celles qui dirigeaient sa vie :
- ... il faut que cet enfant vive, il faut qu'elle soit en sécurité !
- Mais l'abandonner...
- Suffit !
Puis s'adressant à la jeune fée :
- Ecoute Mÿstik, nous t'aimons, tu es un enfant bien aimée, merveilleuse. Mais tu ne dois laisser personne t'approcher, sois prudente, reste toujours sur tes gardes, ta vie est précieuse...
Pourquoi cette bribe de conversation, seule, était restée encrée dans son esprit alors que tout autre évènement antérieur avait disparu? Elle l'ignorait, priant le destin pour que cela lui revienne, ou remerciant dame Nature si une telle connaissance ne pouvait que lui déchirer le coeur.
Allongée dans l'herbe, elle fit tournoyer des grosses gouttelettes d'eau au dessus de son visage, puis les contraignit à faire des figures dans l'air, sans jamais les faire retomber. Distraction ou entraînement nécessaire pour le développement de sa magie, peu importait, elle aimait voir les rayons solaires réfléchir dans l'eau mouvante et éclairer sa peau d'une palette de couleurs semblables à celles de l'arc-en-ciel. Elle était oisive et pourtant ne savais pas en quoi rêver, avait-elle une place en cet archipel du rêve?