Chiko, enfant de sang

Invité

D'une main si blanche, que même avec le peu de lumière qui pouvait se faufiler entre les failles de son lit, ses yeux pouvaient voir luire, Chiko fit basculer, avec cette douceur glaciale propre aux vampires, la porte de son cercueil, son havre de repos. S'accommodant à la lumière, elle fit battre ses cils féminins. Elle leva ensuite la partie supérieure de son corps ~~-ça fait travailler les abdos-~~ et prit position assise sur le sol de bois. Cette pièce n'était pas la sienne, manifestement. Elle tourna lentement la tête vers où se trouve normalement, à son réveil, le cercueil de sa sœur jumelle Sakki. Il n'y avait rien.

Chiko s'agita, prenant conscience de la situation. Où était-elle ? Elle se leva et enjamba son cercueil. Où se trouvait Sakki ? L'ambiance était étrange, mais aussi agréable. La vampire à l'apparence de jeune fille ressentait chaque surface de sa peau pâle. Et surtout, les murs de cette pièce étaient encombrés de tellement de choses, principalement de photos qu'elle survola de long en large d'un regard neutre, sur chacun des quatre murs. Des photos d'elle. De toutes les étapes de sa vie. Bien qu'elle se soit toujours trouvé en compagnie de sa sœur jumelle, souvent la photo coupait la scène de façon à n'avoir qu'elle. Mais derrière les photos, sur le mur, il y avait autre chose, coulant, agréable, baignant la salle dans le rouge. Il y avait du sang.

Chiko sembla alors se laisser aller à ce jeu, souriant comme une enfant. Elle s'approcha d'un coin de mur non recouvert, à côté d'un miroir qu'elle ignora comme celui-ci semblait l'ignorer, et posa tous ses frêles cinq petits doigts de sa main droite en même temps, à plat. Puis elle retira lentement sa main, pour sucer de façon quasi sensuelle son index. Elle aimait le sang. En plus d'être l'aliment de base de la vampire, son environnement pouvait formidablement l'enchanter : sa vue, par les yeux rouges flamboyants pervertis de la vampire, son goût, son odeur, sa présence, sa douceur sur ses fines lèvres, le bruit du suçon ou du sang d'un innocent qui gicle...

Tandis qu'elle finissait de laver ses doigts de cette liqueur, Chiko regarda plus attentivement les photos. Elle vit notamment comment ses cheveux avaient poussé jusqu'à devenir aussi longs que la dentelle de sa robe. En effet à présent ils lui arrivaient jusqu'aux genoux, et immortels comme elle, ils ne s'étaient jamais abîmés, restant d'une blancheur éclatante et soyeux comme au premier jour. Laissant une frange recouvrir son front, elle les séparait en deux, chaque partie étant attachée par un épais ruban noir surmonté d'une rose rouge ; cela faisait également ressortir son côté gamin, un peu immature, qui avait toujours été comparé à la sagesse et au comportement posé de sa sœur, bien que chacune ait de base hérité du raffinement et de la fierté gracieuse des vampires.

Son visage avait également, de toutes les soixante-neuf années de sa vie, été ainsi, jeune, fin, avec un menton légèrement pointu. Sur cette photo-là, Chiko avait environ dix ans. Sa croissance allait bientôt fortement ralentir, et les deux sœurs jumelles décidaient alors de revêtir à tout jamais cette robe noire aux manches courtes et un ras-de-cou orné de la même rose que celles accrochées dans leurs cheveux. Une autre photo laissa cette fois échapper son sourire, bien qu'une lueur de joie restât toujours dans ses yeux, comme une lueur de nostalgie pouvait rester dans ceux de sa sœur. Elle se voyait là dans une aventure sexuelle avec une autre vampire, sa première aventure. Son corps nu était aussi agréable que son visage, bien qu'encore trop immature.

Ah non, pas encore un!

Vampire, n.m: Mon pire cauchemar.

Quoi de plus frustrant pour moi, que ces êtres que je ne peux même pas refleter?! Il se pavane devant moi, il me nargue, intouchable, sans même le savoir. Quel snob! Pourtant, Je ne peux la quitter des yeux, envieux, jaloux. C'est un caprice, mais je la veux! JE LA VEUX! On désire toujours ce que l'on ne peut avoir, c'est bien connu...

A défaut de voler son apparence, je l'observe sous tous les angles. Je note chaque detail, les desirant mieux. Accroché au cadre de mon miroir, j'essaie de le secouer de mes mains invisibles, de l'ébranler. Je voudrais tant briser cette barrière qui m'éloigne d'elle... Mais mes attaques sont pareilles à des caresses.

Elle s'approche! Elle est tout près, ahhh, JE LA VEUX! Ses iris rouges m'gnorent, et soudain, comme un éclair, à l'endroit même où son regard aurait du se refleter, apparait le mieux, prunelles de vieux reptile sans paupière. Au même moment, mes assauts parviennent enfin à malmener le miroir. Il se brise enfin, et mon bras ténébreux, vague volute de fumée noire, s'empresse dans l'ouverture, l'agrippant pour mieux l'entrainer de l'autre côté du miroir, dans le pays des ombres.

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