[HRP : moi aussi très contente. J'ai lue ta présentation et je vois que j'ai en face de moi une bonne rpgiste ^^ Heureusement par contre que tu as préféré la troisième personne à la première, c'est plus facile pour jouer. Je te présente donc Balsa... ]

L'homme sortait enfin du bar en titubant. Il manqua de s'entraver et se retint au mur pour ne pas tomber. Il parvint finalement à trouver et ouvrir la porte. Balsa posa trois pièces sur sa table, attrapa sa lance et quitta l'établissement promptement. Elle rattrapa l'homme et lui envoya un coup de poing violent dans le ventre. L'attrapant par le haut de sa veste, elle le tira dans une impasse. Là, elle l'envoya voler contre des poubelles, retira la capuchon qui protégeait sa lame et plaça celle-ci à quelques millimètres de la jugulaire de l'homme qui s'était assis dos au mur.
- Où est-il ?
L'ivrogne était en sueur. L'adrénaline avait envahit son corps et dissipait les effets de l'alcool dont il s'était abreuvé toute la soirée. Il tremblait, recroquevillé sur lui-même, le visage saisit de terreur.
- Qui êtes-vous ?... Que voulez-vous ?...
- Le bourreau dont tu as vanté les crimes, le docteur Hanssel.
- Je... je ne sais pas... pitié ne me tuez pas !
Il était pathétique. Quelques minutes avant, il hurlait à qui voulait l'entendre qu'il avait travaillé avec l'éminent chercheur en génétique militaire. A présent, il courbait l'échine devant la créature qu'il avait devant les yeux. Balsa avait laissée sortir sa queue, qu'elle balançait nerveusement. Ses yeux brillaient d'une lueur vengeresse. Elle s'approcha, effleurant de bout se sa lance la peau si fragile de l'humain.
- Tu penses vraiment pouvoir me mentir ?
- Il... il vient voir sa famille dans l'est... il... il doit être avec eux...
- Où ?
- …
- Tu sais -elle s'approcha encore et se pencha au-dessus de lui, prenant un ton de confidence- j'aurais ce que je veux au final, alors tu devrais parler maintenant, tant que je daigne encore de laisser la vie sauve.
- Il... il habite une maison ancienne dans le quartier des orfèvres. C'est... c'est une jolie baraque... quatre étages... vers le palais de justice... Mais ne crois pas qu'il se laissera avoir... il sait se protéger des monstres comme toi.
C'en était suffisant. La chimère plongea ses yeux dans ceux de l'homme. Elle n'y vit aucune loyauté, aucun courage... juste de la peur et de la haine. Et il avait travaillé dans un centre de recherche avec cet homme... Ses mains devaient être couvertes de sang... Balsa leva sa lance et la planta dans la poitrine de l'homme qui vomit du sang et s'étouffa dans un râle lugubre.

Elle sentait en elle la colère et la haine qu'elle avait voulu museler. Elle n'avait pas hésité à mentir, à prendre une vie. Et si elle trouvait Hanssel, elle mettrait probablement fin à ses jours. Elle avait entendu ce nom maintes fois de la bouche de Tuker, son créateur. Elle savait que l'homme avait participé aux expériences menées sur elle dans le laboratoire où elle était née. Ils lui avaient donné la vie ? Non ! Ils avaient simplement étudié une nouvelle arme. Ils avaient voulu qu'elle soit performante ? Elle allait leurs montrer jusqu'à quel point...
Balsa courrait sur les toits dans cette nuit sombre. Les rues étroites du centre ville lui permettaient de sauter d'un bloc de maisons à l'autre. Elle restait en hauteur par rapport aux rares individus qu'elle croisait. Invisible à leurs yeux, elle les surveillaient. Le quartier des orfèvres se trouvait au nord de la vieille ville. Elle contourna une place pour ne pas avoir à descendre au sol, puis longea la rue qui menait au palais de justice. Elle ralentit l'allure et étouffa ses pas, panthère à l'affut. Si l'homme disait vrai, elle ne devrait pas tarder à rencontrer sa « garde rapprochée ».
Justement, une silhouette solitaire se dessina derrières les enseignes des bijoutiers. Balsa s'accroupit et huma l'air. Une femme... Que faisait-elle ici si tard ? Les pupilles de la chimère se rétractèrent et les détails lui apparurent plus précis. Celle qui se tenait en bas avait un couteau dans la main... La chimère se savait repérée. Elle se laissa tomber depuis le toit de tuiles et atterrit en souplesse, féline, amortissant son poids de toutes ses articulations. Elle tenait sa lance braquée en direction de l'inconnue. Elle ne voulait pas frapper la première et l'attendait, en position de défense. Ses yeux fixaient l'inconnue, ses muscles étaient tendus et sa queue décrivait un demi-cercle dans le halo des lampadaires.

Spoiler:

Le temps se figea. Et Kaleya eut tout le loisir d'admirer la façon dont les secondes pouvaient s'étirer pour devenir éternité. La lumière diffuse qui luttait pour ne pas être effacée par les ténèbres glissa lentement sur l'acier acérée de la lance que la nouvelle arrivante braquait sur elle, découpa brièvement ses traits acérées, étincela au contact de la colère qui habitait ses yeux.

Kaleya sentit son visage se durcir. On ne la menaçait pas sans en payer le prix. Elle fouilla quelques instants dans sa mémoire : non, à sa connaissance, personne n'avait jamais survécu après l'avoir menacée d'une arme. Un sourire sauvage vint lentement à ses lèvres... se figea. La longue queue tacheté de son assaillante venait d'apparaître dans son champ de vision, transperçant la brume de rage qui précédait la mise à mort.

Ebranlée, elle recula d'un pas, sans pour autant desserrer sa prise sur ses lames.
Déjà, ses yeux l'informaient de nouveaux détails qui, au fur et à mesure que ceux-ci s'accumulaient, la jetaient dans un trouble sans précédent.
La jeune femme qui lui faisait face, la violence qui habitait tout son corps et son être, le chagrin, la rage et le regret dans son regard... tout en elle était trop semblable à la jeune fugitive...
Sur son visage, les mêmes traces noirs qui couvraient le sien, les mêmes yeux noyés des ombres du passé... Qui était-elle... ?

Peur... qui manqua faire commettre à Kaleya l'irréparable : se jeter sur elle, frapper, encore et encore, jusqu'à ce que les souvenirs et l'intense solitude que l'inconnue éveillait en elle disparaissent, jusqu'à ce qu'elle reprenne ses esprits et fuit ses propres actes, comme elle le faisait à chaque fois. À chaque fois...

Mais la raison, après une lutte intense, finit par prendre le dessus.
Si elle venait à tuer la mystérieuse jeune femme, elle était persuadée qu'elle ne parviendrait jamais à effacer les questions qui, pareilles à des mauvaises herbes, se multipliaient de plus en plus vite en son esprit.
Et elle était certaine que ce meurtre hanterait longtemps ses cauchemars, or elle tenait à la tranquillité de ses sommeils.
Enfin, il fallait avouer que la prudence lui murmurait qu'elle risquait, elle, de mourir quelque peu prématurément si elle faisait un geste de trop, or mourir ne faisait pas parti de ses projets immédiats.

Les secondes étaient-elles déjà devenues minutes ? Depuis combien de temps se tenaient-elles l'une en face de l'autre ? Kaleya songea une nouvelle fois aux étoiles : si c'étaient bel et bien elles qui rêvaient leur vie, elles avaient de drôle d'idées.

Mais en dépit de toute sa méfiance, de toutes ses idées qui voletaient dans la nuit profonde et se posaient sur les deux jeunes femmes, cet être si semblable à ce qu'elle était éveillait un écho que la jeune neko croyait éteint depuis longtemps : le désir de ne plus être seule, le désir de pouvoir à nouveau accorder sa confiance à quelqu'un. Evidemment, elle savait que jamais elle ne s'autoriserait cette inconscience.

Ce fut donc d'une voix sourde, un grondement plus qu'une véritable phrase, qu'elle demanda :

" Qui est-tu... ? "

Spoiler:

Spoiler:

La femme se retourna pour faire face à la chimère. Balsa fut surprise de voir sur son visage des rayures semblables aux siennes. Des tatouages ? Ou alors... elle était elle-même une créature artificielle. Les pupilles de la chimère s'élargirent un peu, les flammes tremblaient encore dans les luminaires de cette rue pavée chic, malgré l'heure avancée de la nuit. Leurs reflets dansaient sur les lames intactes et immobiles.

Balsa lisait dans le regard de celle qui lui faisait face une hésitation... la peur ? Son regard avait perdu en haine, son sourire bestial s'était effacé. Elle se savait en désavantage. Pourtant, elle tenait toujours fermement ses lames. La chimère s'approcha par la droite. S'approcher pour saisir l'ennemi en cas de fuite, garder sa défense stable en contournant le danger.... Ses instincts animaux étaient à leur apogée dans des situations de chasse. Et de meurtre. Ce soir, elle s'était soumis à eux. Ils la guidait sur la route d'un monde plus juste, libéré de la folie des hommes.
L'inconnue semblait peser le pour et le contre de l'affrontement. Un silence pesant s'était installé. Si c'était cela les gardes du corps de Hansel, il serait facile de l'atteindre.
La chimère n'entendait plus que le battement de son cœur qui frappait à tout rompre sa poitrine. Le sang bouillonnait dans ses veines libérant des substances dopantes qui gonflaient ses muscles. En combat de force, son patrimoine génétique lycan lui permettaient d'atteindre les performances de ces loups de la nuit, leur puissance, leurs réflexes, leur résistance à la douleur... Et les hormones libérées focalisaient toute son attention sur la proie... Cette dernière ne choisis ni la fuite ni l'attaque. Sa voix résonna et fit trembler la réalité d'un nouvel éclat.

- Qui es-tu ? [et non pas "qui est-tu ?" :p ]
- Khssss...

De quel droit se permettait-elle de la tutoyer ? Les poils de Balsa se hérissèrent, imperceptiblement. Elle n'aimait pas les familiarités, surtout quand elle venaient d'une personne qui avait sortit ses couteaux alors qu'elle ne l'avait qu'entendu. Une personne si sur la défensive, si prompt à dégainer, pouvait-elle avoir des intentions pacifiques ? Et pourtant, sa question sonnait comme un appel à l'apaisement...
Ou un piège. Car il aurait été plus judicieux pour elle qu'elle range ses couteaux et qu'elle passe son chemin si elle comptait s'en sortir. Et puis, quelle impolitesse ! On décline son identité avant d'interroger l'autre, non ? Et quelle naïveté... ne voyait-elle pas la tigresse assoiffée de meurtre et de vengeance devant elle ?

- Tendre une arme en direction de quelqu'un, c'est être prêt à mourir... j'espère tu l'es !

Balsa avait choisis de ne pas répondre à l'impertinence de la jeune femme. Son corps tout entier lui intimait de se jeter en avant, de la désarmé, de lui faire regretté sa conduite et de la remettre à sa place. On ne menaçait pas la chimère sans en payer les conséquences. Qui que l'on soit... Elle bondit d'un saut souple et félin, lance braquée en avant. Elle atterrirait à distance suffisante pour ne pas être frappé des lames courtes de l'inconnue, mais assez près pour que sa lance s'abatte sur son épaule... à moins qu'elle n'ait le temps de reculer.

Spoiler:

Le sifflement que laissa échapper la jeune femme comme seule réponse à sa question était des plus inquiétants. Et confirma ce qu'elle pensait : l'inconnue était dangereuse... presque autant que la jeune neko elle-même.

Les cendres de son habituelle combativité rougeoyèrent à nouveau devant cette constatation, elle inspira profondément. Si affrontement il y avait, son adversaire n'était certainement pas à sous-estimer : sa façon de se déplacer, de tenir sa lance, de la jauger, évoquait irrésistiblement un fauve et il était de notoriété publique qu'un fauve était un sérieux combattant.

" Tendre une arme en direction de quelqu'un, c'est être prêt à mourir... j'espère que tu l'es ! " gronda l'inconnue.

Non. Elle ne l'était pas. Elle avait encore trop de choses à faire avant cela, à commencer par chercher qui avait voulu les retrouver, elle et ses parents, et pourquoi. Une légère grimace : en plus de sept ans, elle n'avait toujours rien trouvé, que des hommes morts trop rapidement pour lui donner la moindre information.
En revanche, elle était prête à tuer pour survivre, information qu'elle ne daigna pas donner à son interlocutrice. Mais son regard noir parla pour elle, ainsi que le rictus qui découvrit ses crocs.

À quoi bon discuter davantage avec quelqu'un qui lui reprochait un comportement et une méfiance qui étaient aussi les siens ? Il arrive un moment où les mots ne servent plus à rien, qu'à retarder l'inévitable... L'inévitable. La mort était-elle inévitable, ce soir-là ?

Elle n'eut pas le loisir de s'appesantir plus longtemps sur cette question, déjà la jeune femme bondissait, lance en avant... et le temps, qui pour quelques instants avait suspendu son cours, accéléra brutalement.

Kaleya était extrêmement rapide et agile, elle s'attendait à l'assaut, mais son adversaire la surprit par une efficacité meurtrière qui avait du coûter la vie à nombre de ses ennemis. La jeune neko se ramassa sur elle-même, esquivant de justesse le tranchant de l'arme qui ouvrit néanmoins une longue estafilade sans gravité sur son épaule.

Son épaule... Ainsi avait-elle voulu lui laisser une chance ? Pourquoi ? Pour la tester ?
Ces trois questions fusèrent dans son esprit, pas assez rapides néanmoins pour l'empêcher de riposter : se glissant sous l'arme de la jeune femme, elle frappa par deux fois... ou du moins essaya. La hampe de la lance balaya son attaque d'un simple revers qui obligea la jeune neko à battre en retraite.

Cette fois, elle obligea son esprit à dominer sa soif de combat et ne réitéra pas sa charge.

Comme elle l'avait vu au premier abord, cette bataille était dangereuse à mener. Si elle avait l'avantage de la rapidité, son adversaire disposait d'un rayon de frappe bien plus grand que le sien et elle doutait d'en réchapper sans égratignure, ne serait-ce parce qu'elle sentait déjà le sang imbiber ses vêtements là où la mystérieuse jeune femme l'avait atteinte.

Mais contre-attaquer comme elle l'avait fait avait sérieusement compromis tout espoir de régler le différend par la diplomatie.
Toujours sur ses gardes, persuadée que la jeune femme attaquerait à nouveau, surtout avec ce qu'elle s'apprêtait à dire, elle murmura :

" Je n'ai ni l'envie de mourir ce soir, ni l'envie de te tuer... du moins pas avant de savoir qui tu es, ce que tu fous là et où tu vas... "

Avec une sourde ironie, elle ajouta :

" Et il me semble que dégainer ses armes est une attitude assez peu étonnante lorsque quelqu'un s'approche aussi silencieusement que tu l'as fait et que ce quelqu'un ne semble pas animé des meilleures intentions du monde. C'est une question de survie. "

Cette dernière phrase, jetée avec une nonchalante moquerie, demeura suspendu dans l'air, remplissant peu à peu celui-ci de l'insolence de la jeune neko

Kaleya avait compris qu'il ne servait à rien de se laisser envahir par la rage aveugle du combat.Si besoin était, elle frapperait, oui, mais seulement quand le moment serait venu. La précipitation était inutile. Et si ses paroles n'étaient pas des plus pacifiques, elles pouvaient tourner la situation à son avantage si l'inconnue se mettait en colère. La colère altérait toujours le jugement... Enfin il fallait avouer que l'identité de la jeune femme l'intriguait réellement.

Spoiler:

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La lame fendit l'air... La femme se recroquevilla dans un réflexe de défense, mais son épaule s'ouvrit au passage de l'acier tranchant. Un filet de sang gicla. Balsa s'était attendue à ce que l'esquive soit plus efficace. Elle n'avait pourtant mis aucune subtilité dans son attaque frontale, si ce n'était sa marge de manœuvre. L'autre semblait trop lente... La chimère eut un léger sourire, le combat était gagné d'avance. Il aurait suffit qu'elle vise à peine plus bas pour la frapper de plein fouet.
Quoi ?... Déjà la femme s'élançait, glissant sous le manche de la lance. Balsa recula son arme et brassa l'air devant elle d'un mouvement circulaire horizontal. Elle atteint l'un des couteaux qui finit sa course trop tôt pour la toucher. Mais le second parvient à la surprendre. Un mouvement de la queue, ses jambes s'étirèrent vers l'arrière. La lame, trop courte, ne parvint qu'à déchirer le pan de tissu du haut de la chimère, qui suivait avec un léger décalage son mouvement. Balsa fit le mouvement inverse et la lance passa à nouveau devant les yeux de l'inconnue qui prit du recul.
Plus rapide que ce qu'elle avait laissé voir... Cette fille n'était pas humaine. Elle avait dans ses mouvements quelque chose d'animal. Une chimère ?... Balsa trouvait étrange qu'un scientifique emploie des chimères à sa protection... quoique... Ou alors elle n'avait rien à voir avec Hanssel. Mauvais endroit, mauvais moment ?
Balsa recula un peu. Elle avait montré sa volonté d'en découdre mais à présent, elle ne savait plus si elle devait ou non poursuivre. Prendre des vies innocentes... elle s'était juré de ne plus le faire. La femme semblait aussi en proie à des interrogations intenses.

- Je n'ai ni l'envie de mourir ce soir, ni l'envie de te tuer... du moins pas avant de savoir qui tu es, ce que tu fous là et où tu vas...
Elle pensait la tuer après interrogation ?... la chimère rit intérieurement. La vitesse de la femme lui permettrait sans doute de l'atteindre. Mais en se rapprochant si près, elle risquait de se laisser empaler sur la lance qui se placerait dans l'axe alors qu'elle serait dans les airs.
- Et il me semble que dégainer ses armes est une attitude assez peu étonnante lorsque quelqu'un s'approche aussi silencieusement que tu l'as fait et que ce quelqu'un ne semble pas animé des meilleures intentions du monde. C'est une question de survie.
Elle avait insisté sur le dernier mot, pourquoi ?... si elle avait eu peur, et elle aurait du, elle ne se serait pas permis cette pointe piquante envers Balsa. Cette dernière décortiqua les paroles de l'inconnue, analysa le rythme de ses phrases et en conclut qu'il ne pouvait s'agir d'un mercenaire ou d'un garde du corps engagé par Hanssel. Son attitude même tendait à éviter le combat... pour l'instant du moins. La lance tendue en avant de Balsa se releva à peine.

- Je crois que nous n'étions pas amenées à nous rencontrer.
Toujours extrêmement sur ses gardes, la chimère jaugea d'un regard dominateur la jeune femme, puis fit mine de continuer son chemin. Contournant cette fois l'inconnue par la gauche, lance dans la main droite, elle s'arrêta à son niveau.
- Tu es une chimère n'est-ce pas ? Le nom du docteur Hanssel te dit peut-être quelque chose... Je t'ai prise pour l'un de ses pions, excuses mon erreur. Si tu ne me gènes pas sur la voie que j'ai choisie, je n'ai aucune raison de te vouloir du mal.

Elle voulait entendre la réponse de l'inconnue. Elle jugerais alors si elle pouvait l'épargner et disparaître sur les toits jusqu'au palais de justice. Et qui sait, peut-être lui accorderait-elle un minimum de confiance. Mais elle ne se présenterait pas avant d'en savoir plus sur cette femme errant dans Reilor en pleine nuit, armée et assez vive pour en tuer plus d'un.

Spoiler:

À l'étonnement de la jeune femme, la lueur meurtrière qui habitait le regard de l'inconnue s'assombrit lentement, jusqu'à s'effacer, et elle se détendit imperceptiblement. Mais Kaleya s'interdit d'en être soulagée tant que la lance se tenait entre elles-deux et elle ne cilla pas, pas même lorsque la mystérieuse guerrière prit la parole :

" Je crois que nous n'étions pas amenées à nous rencontré. "

Son expression légèrement supérieur eut le don d'exaspérer la jeune neko. Elle caressa un instant l'idée d'effacer cette assurance à grand renfort de coups de poignard. Avant de songer que cela manquerait cruellement de subtilité et ne serait qu'une preuve de sa bêtise.

Elle repoussa donc son agacement dans un coin de son esprit, attentive à ce qu'allait dire l'inconnue.

" Tu es une chimère n'est-ce pas ? Le nom du docteur Hanssel te dit peut-être quelque chose... Je t'ai prise pour l'un de ses pions, excuses mon erreur. Si tu ne me gènes pas sur la voie que j'ai choisie, je n'ai aucune raison de te vouloir du mal. "

Une chimère. Voilà ce qu'était la jeune femme. Voilà d'où venait la ressemblance qu'elle entretenait avec la neko.

Ce mystère élucidé n'ouvrait cependant que de nouvelles interrogations. Le docteur Hanssel ? Oui, ce nom lui disait quelque chose, mais elle ne savait pas grand chose de lui.

Pourtant un frisson la parcourut lorsque la chimère prononça ce nom. Quelque chose de tranchant dans la voix de son interlocutrice lui disait que le docteur risquait bien de ne pas voir le soleil se lever. Mais ce n'était pas cela qui la hérissait. C'était quelque chose de plus diffus, d'indéfinissable, lié à la question que lui avait posé la jeune femme. Etait-elle une chimère ? Non, elle était née de l'union de son père humain, et d'une neko. Mais... les nekos étaient-ils des êtres naturels ?

Elle avait la réponse à cette dernière question et même si celle-ci ne lui plaisait guère, elle dut admettre que non. Les étranges caractéristiques félines qui étaient les siennes ne pouvait pas n'être que pur hasard.

Une sourde colère gronda en elle : personne n'avait le droit de jouer ainsi avec la vie de qui que ce soit, que ce soit pour le simple amour de la science, ou pour celui du progrès. Durant un bref instant, ses propres sentiments furent un écho de ceux qui animaient l'inconnue, amplifié par l'impression que les scientifiques pouvaient avoir un rapport avec ce qu'il s'était passé huit ans plus tôt.

Frisson, à nouveau. Qui portait en lui autant de souvenir que de rage. La perspective d'enfin obtenir des réponses exaltait sa soif de compréhension ... et de sang.

" Je suis une neko... " déclara-t-elle simplement.

Saisie d'une subite impulsion, elle ajouta :

" Je m'appelle Kaleya Lhil. "

Elle planta profondément son regard dans celui de son interlocutrice. Il était possible qu'elle connaisse son nom. En effet, il était au bas de bon nombre d'avis de recherche et la jeune neko n'avait jamais su si ceux-ci étaient nés suite aux meurtres qu'elle avait commis ou bien par ceux qui cherchaient à se débarrasser d'elle comme ils l'avaient fait avec ses parents.

C'était un test, autant qu'un défi. Est-ce qu'une hors-la-loi ferait peur à la chimère ? Kaleya pensait que non, mais sa réaction l'intriguait. Et avec un peu de chance, elle obtiendrait le nom de cette étrange jeune femme.

" Je ne connais pas vraiment le docteur Hanssel, poursuivit-elle. Je sais simplement qu'il existe. Qui est-il selon toi ? "

Il fallait qu'elle en apprenne plus. Il le fallait absolument. Cette rencontre n'était peut-être pas destinée à se terminer sur une mort ou sur l'oubli, peut-être avait-elle enfin l'occasion de comprendre ce qu'il s'était passé et pourquoi.

Spoiler:

L'inconnue laissa parler Balsa alors que la tension montait. Elle fut parcourue d'un étrange frisson dont la chimère ignorait l'origine. Le fait qu'elle fut une créature artificielle ? Le nom du scientifique ?... Auraient-elles la même aversion envers les hommes de cette nature ?
Une goutte de sang perla de la pointe de la lance et s'écrasa au sol, entachant le pavé d'un cercle rouge sombre. Les créatures se mesuraient du regard, chacune tentant de lire dans les pensées de l'autre. Et peu à peu, leur humanité l'emportait sur leur bestialité. Les lampadaires faisaient briller leur traits communs et dans l'obscurité de la ville, ils éclairait le drame qui allait se dérouler d'une lueur d'espoir. Espoir de ne pas combattre, espoir de vivre...

Elle rompit le silence. Une neko ?... Balsa ignorait que ces êtres puissent avoir des traits si humains. Ses oreilles n'avaient rien de félin, pas de queue non plus... au-delà de ses marques au visage, seul son regard indiquait à celui qui savait observer l'animalité en elle. La chimère était attentive au moindre mot. Et le fait qu'elle se présente comme une neko, avant même de donner son nom, montrait son attachement à l'appartenance à cette race. Une fierté que Balsa connaissait... et poussait à l'extrême en méprisant les humains.
Kaleya Lhil ?... Elle donnait un nom complet. Preuve de son authenticité ? Preuve de confiance ?... Balsa chercha dans sa mémoire mais se ne rappelait pas avoir croisé la route d'un quelconque Lhil. Elle scrutait le regard de la neko et semblait y lire une peur qui en avait pourtant disparue. Les yeux de Kaleya s'embuèrent, floutant la pupille et l'expression qui s'y cachait. La chimère aurait-du connaître ce nom ?... Une assassine de grande renommée ? Ou une traîtretresse ? Avait-elle une prime sur sa tête ?... Balsa chassa cette pensée de son esprit. Elle ne jouait le messager de la mort que lorsque les cibles étaient humaines. Peu importe à quel prix s'élevait la prime, la chimère ne supprimerait pas ses semblables, ceux qui avaient connus les mêmes souffrances. Et depuis sa rencontre avec Aymas, elle savait que les neko étaient issus de chimères qui avaient été crées en nombre quelques générations auparavant. Les gènes félins devaient être restés dans la liste de leurs ingrédients, comme parmi les plus performants en matière d'arme humanoïde.

- Je ne connais pas vraiment le docteur Hanssel, poursuivit-elle. Je sais simplement qu'il existe. Qui est-il selon toi ?

Selon elle ?... Étrange tournure pour une telle question. Hanssel était, et pas uniquement selon la chimère, un des protagoniste de l'expérimentation sur des êtres créés de toutes pièces par la science. Un homme qui jouait à Dieu. Et si... Kaleya aurait peut-être des raisons d'en vouloir à un tel homme. Balsa ne voulut d'abord pas l'inviter à la suivre dans le flot rouge qu'elle s'apprêtait à traverser. Mais à la lumière de leurs points communs, elle fut prise d'un sentiment d'empathie. Sa lance s'abaissa doucement et le reflet des flammes qui dansaient dans les lampadaires glissa le long des corps félins. La queue de la chimère se balança et elle tourna la tête, rompant le lien visuel avec l'étrangère. Ses pupilles se dilatèrent quand elle dirigea son regard au bout de la rue sombre. Là-bas... encore quelques maisons et Balsa pourrait assouvir son instinct meurtrier...

- Hanssel est un expérimentateur en génétique militaire qui travail dans les laboratoires de l'ouest. Il est en vacances en famille à Reilor, tchh, pour quelques jours apparemment...

Hésitation... A la place de Kaleya, elle aurait déjà l'envie de faire couler le sang. Apprendre si fortuitement qu'un de ses ennemis est si proche... à portée de lame. L'adrénaline fusait dans ses artères, accélérant son rythme cardiaque. Ses muscles tendus ne demandaient qu'à la propulser en avant, vers cette vengeance froide. Pouvait-elle partager un tel moment ? Si elle le pouvait, ce n'était qu'avec un être qui portait autant de haine qu'elle à la victime. Balsa fit le choix de la franchise, laissant son libre arbitre à la neko :

- Mais à l'aube il ne sera plus.

Elle serra le poing autour de sa lance, et jeta un regard interrogateur en direction de Kaleya. Une seconde tout au plus. Puis elle bondit en avant et commença à courir. Elle regarda dans son dos si la neko la suivait, si elle hésitait, si elle faisait demi-tour...

Spoiler:

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Kaleya constata avec une certaine satisfaction qu’elle avait réussi à surprendre la chimère, ou du moins à l’intriguer. Elle perçut les questions que se posa la jeune femme, ses réflexions, mais bien évidemment, elle n’en saisissait pas le sens. Néanmoins, celles-ci semblèrent rassurer l’inconnue et la tension de ses muscles se relâcha quelque peu.

Les ténèbres qui jouaient avec la lumière, comme un chat joue avec une souris, avec cette cruauté enfantine, soulignait l’étrangeté de leur rencontre, effaçant doucement les différences, apaisant l’éclat de l’acier. Celui-ci s’éveillerait probablement assez vite, abreuvé de sang, mais la jeune neko commençait à être certaine que ce ne serait pas le sien ni celui de son interlocutrice.

Il y avait quelque chose de fascinant dans le regard qui les unissait, une forme de reconnaissance, et la méfiance s’était quelque peu endormie dans son coeur. Du moins le temps que dura l’échange, que rompit doucement la chimère.

Immédiatement, Kaleya se souvint qu’il fallait toujours être sur le qui-vive, prête à tout... Mais curieusement, en dépit de la lance que tenait l’inconnue, en dépit de leur bref affrontement, elle ne parvenait pas à fixer son excès de méfiance sur elle.

Kaleya aperçut le regard empli d’une sourde et sanglante attente que lança la chimère en direction de la rue obscure qu'elle s'apprêtait à emprunter avant de la rencontrer.

« Hanssel est un expérimentateur en génétique militaire qui travail dans les laboratoires de l'ouest. Il est en vacances en famille à Reilor, tchh, pour quelques jours apparemment... »

Sa voix était parfaitement calme mais Kaleya ne se faisait pas d’illusion : elle haïssait cet homme.

Une autre chose accrocha son attention : il était en famille. Sans qu’elle s’en rende vraiment compte, la jeune neko consignait soigneusement dans son esprit tous les éléments qui pouvaient lui servir, or une famille était l’un des meilleurs moyen de pression qui soit. Si elle voulait des réponses, il était probable qu’elle ait à en faire usage.

Expérimentateur en génétique militaire... Cette expression aussi avait son importance. Au cours de ses recherches, ceux qu’elle avait interrogé lui avait parlé de génétique. D’expériences ratées. Mais le secret qui entourait la science l’avait empêchée d’en apprendre plus à ce sujet.

Frapper à la source était sans aucun doute le meilleur moyen d’en finir avec ses interrogations. Cela la lancerait sans aucun doute dans une nouvelle chasse, mais que lui importait ? Elle n'avait aucun autre but dan sa vie.

« Mais à l'aube il ne sera plus », acheva la chimère d'un ton définitif, la tirant de ses pensées.

La jeune neko prit conscience que sans réfléchir, elle était déjà en train d’organiser un plan d’attaque. Et elle songeait que partir ainsi sans rien savoir de l’endroit où elle se rendait était une folie. Une pure folie... un sourire illumina son visage d’une lueur sauvage.

L’étrange jeune femme se redressa, lui lança un regard, bref, brûlant. Une invitation à la suivre ? Kaleya ne se posa la question que durant une fraction de secondes, avant de songer qu’après tout, c’était sans importance. Elle devait la suivre.

Sans plus d’hésitation, elle s’élança à la poursuite de la chimère. Parvenue à sa hauteur, sans cesser de courir, elle murmura, sans chercher à justifier le fait qu'elle l'accompagne :

« J’aurais des questions à lui poser... si tu me le permets. »

Elle tenait à accorder la direction des opérations à l’inconnue mais en elle même, elle savait pertinemment qu’arrivée en face du fameux docteur, elle ferait ce qu’elle voudrait. Et s’il s’avérait qu’il était bel et bien responsable de ce qu’il s’était passé, ou du moins l’un des responsables... il en paierait le prix.

Spoiler:

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Des rats se disputaient les dernières miettes de brioche qu'ils avaient trouvés dans cette poubelle renversée. Le plus gros allait l'emporter et confirmer la loi du plus fort quand ils entendirent résonner des bruits de pas. Le silence de la nuit était traversé de cet écho, quelque chose approchait... Ils restèrent pétrifiés, tous sens en alerte, pendant un instant. Le plus malin fuit le premier, entraînant à sa suite le petit groupe dans la fissure au bas du mur du palais de justice.

Kaleya était tout d'abord restée immobile. Elle analysa rapidement la situation, laissant son instinct la guider vers le bon choix à faire. Mais elle n'était pas une de ces créatures parasites qui fuient par peur de l'affrontement. Elle emboita finalement le pas à la chimère et parvint rapidement à sa hauteur.
Elle était donc prête à tuer ?... Prendre la vie d'un homme peut paraître chose aisée, Balsa savait cependant qu'il fallait un courage et une détermination à toutes épreuves. Elle commençait à apprécier cette jeune neko. Et une sorte de confiance s'installa en elle. Elle n'était pas seule sur le chemin de la vengeance apparemment. Il restait une chance pourtant que Kaleya ne la suive que dans le but de l'arrêter...

- J’aurais des questions à lui poser... si tu me le permets.

Balsa chassa cette pensée de sa tête. Non, ce n'était pas un piège, la neko avait des choses à apprendre de cet homme. La chimère avait l'habitude des interrogatoires forcés... ne venait-elle pas de s'en prendre à un ivrogne juste pour s'informer ? Mais il fallait rester prudent. La famille du scientifique, que Balsa comptait épargner dans le meilleur des cas, pouvait poser problème si les assassines restaient trop longtemps sur place. Il fallait emmener l'homme loin pour prendre le temps d'en tirer des informations valables ?
Elles arrivèrent au pied du palais de justice. De hautes colonnes entouraient une porte en bois massif de la blancheur de leur roche. Au premier étage, des colonnes plus petites supportait le poids des trois niveaux au-dessus. Taillées dans la même montagne, tout comme l'ensemble des pierres du bâtiment, elle donnait l'impression que la palais brillait en s'étirant vers le ciel. Son toit était triangulaire avec une rangée de pointes au sommet, et recouvert de tuiles grises.
Balsa s'arrêta net. Elle leva les yeux et lut l'inscription d'or gravée dans la lourde porte. Son regard parcourut ensuite le haut du bâtiment. Il serait facile pour elle d'y bondir en se servant des toits alentours, plus bas, comme appuis. Elle banda ses muscles et allait sauter quand elle repris conscience qu'elle n'était plus seule...

- Hanssel habite dans le quartier. On pourras trouver sa maison en prenant de la hauteur.

Elle détendit ses membres et posa son regard sur Kaleya. La neko n'avait peut-être pas les mêmes capités qu'elle... Après tout, les nekos n'étaient qu'une version précédente des chimères. Mais elle saurait utiliser son agilité et son intelligence félines pour trouver un passage. Ne serait-ce qu'en montant sur les étalages des bijoutiers, ou en escaladant les fenêtres...

- Au fait, mon nom est Balsa. Tu peux me suivre, on ne sera jamais trop à leur poursuite...

La chimère pensait aux scientifiques... Une haine partagée. Elle avait connu ce sentiment lors de sa rencontre avec Iburo, et surtout Mataro, quelques jours auparavant. Elle n'était pas seule à les haïr. Combien étaient-ils dans son cas ? Tous réunis, feraient-ils le poids face aux armées de l'ouest ?...

- Il habite dans une maison dans le coin. Plutôt ancienne, quatre étages.

Ses muscles s'activèrent, ses longues jambes se déroulèrent. Sa queue battit l'air de bas en haut, précisant la direction du saut. Les cheveux noirs en arrière, Balsa sentait la vitesse sur son visage. Sensation toujours enivrante. Elle atterrit deux étages plus haut, sur un toit pas très stable qui manqua la faire trébucher. Retrouvant l'équilibre de sa queue féline, elle se ressaisit. Elle jeta un rapide coup d'œil à Kaleya, qui se débrouillait bien mieux qu'elle ne l'aurait imaginé. Elle se retourna vers un toit un étage plus haut. De là, elle pourrait atteindre celui du palais...
Un bruit se fit entendre au-dessus d'elle. Ses pupilles se rétractèrent sur l'obscurité ambiante des toits. Des silhouettes se dessinèrent... Balsa sourit en se disant intérieurement qu'elle avait peut-être eu de la chance de croiser Kaleya...

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Kaleya suivait la chimère, sans hésitation. Quelque chose lui disait qu'elle n'avait pas à craindre une quelconque trahison de la part de la jeune femme... et pour une fois, elle avait décidé de faire confiance à ses propres sentiments et à se fier à l'inconnue.

D'ailleurs, l'était-elle tant que ça, à présent, une inconnue ? Peut-être pas. Kaleya n'aurait su le dire...

La jeune femme courait avec une aisance animale dans l'obscurité de la ville, mais la jeune neko ne peinait pas à tenir son rythme : tant de temps passé à fuir et à se lutter, cela formait autant le corps que l'esprit.

Finalement, son guide s'immobilisa au pied d'un haut bâtiment, imposant d'élégance et d'un éclat faste presque intimidant. Kaleya suivit le regard calculateur de la chimère, observa durant quelques secondes le trajet que traçait ses yeux de toits en toits... Oui, c'était faisable. Pas aisé, mais faisable.

" Hanssel habite dans le quartier. On pourras trouver sa maison en prenant de la hauteur. " expliqua soudain la jeune femme.

Kaleya perçut dans sa voix une infime trace qui lui indiqua que durant un instant elle avait oublié sa présence. Elle ne parvenait pas à s'en sentir offusquée, après tout elle faisait tout pour que sa compagnie soit la plus légère possible pour celle qui l'avait acceptée sans poser plus de questions.

Elle acquiesça avec une fermeté qui indiquait qu'elle était prête.

" Au fait, mon nom est Balsa. Tu peux me suivre, on ne sera jamais trop à leur poursuite... "

Une ombre de sourire flotta sur le visage de la jeune neko. Balsa... pouvoir enfin apposer un nom sur cette étrange jeune femme, si semblable à elle, l'emplissait d'une douce satisfaction. Depuis combien de temps quelqu'un s'était-il présenté à elle sans être menacé d'une arme ? Difficile à dire...
Etait-ce une preuve de confiance ? Confiance... quel étrange mot que celui-là !

" Enchantée... " murmura-t-elle en inclinant légèrement la tête.

Mais la dénommée Balsa reprenait déjà :

" Il habite dans une maison dans le coin. Plutôt ancienne, quatre étages. "

Puis, sans attendre, elle bondit, d'une impulsion phénoménale. Aucun doute, la chimère disposait de capacités physiques hors du commun.
La jeune neko n'avait certainement pas la même force, mais elle possédait un sens de l'équilibre hors norme, ainsi qu'une agilité et une souplesse extraordinaire. Prenant appui sur l'arrête d'une pierre qui dépassait de la façade, elle s'élança à son tour, crocheta le rebord d'une fenêtre sur lequel elle se hissa en une souple impulsion. Son épaule se rappela brièvement à sa mémoire en une légère brûlure qu'elle ignora avec détermination.

À force de bonds mêlés d'une dangereuse escalade, elle parvenait à suivre Balsa sans trop ralentir celle-ci et elle ne put empêcher une certaine fierté l'envahir. Elle détestait l'idée de n'être qu'un poids inutile qui, pareil à un parasite, s'accrochait aux plus forts. Rien que pour cela, elle aurait pu passer sa vie seule.

Alors qu'elle atteignait enfin le toit où se tenait la chimère, avec soulagement, son ouïe aiguisée perçut un son, étouffé. Un feulement sourd s'échappa de sa gorge, ses lames étincelant déjà aux creux de ses mains.

Des ombres se tenaient quelques mètres seulement au-dessus d'elles... Trois. Ennemis ? La façon dont ils se tenaient indiquait en tout cas une sérieuse habitude du combat, et quelque chose soufflait à la jeune neko que les gens qui se baladaient sur les toits ne devaient pas être très courants... Des gardes ? Etrange... Elle ne distinguait pas leurs traits, mais deux d'entre eux semblaient de constitution solide et devaient être des hommes. Le troisième pouvait bien être une femme, fine...

Chacune de ses informations se gravèrent rapidement dans ce que la jeune neko appelait son esprit de bataille, celui qu'elle laissa prendre le dessus dans des situations telles que celle-ci. Et ce que ses yeux hurlèrent soudain firent bondir toutes les fibres de son être...

Archère ! La femme tenait un arc, et seul le manque de discrétion des silhouettes les avait épargnées de ses traits. Mais la lumière se reflétait déjà sur le premier d'entre eux, et un sifflement inaudible pour des oreilles humaines fusa dans l'air. La jeune neko n'eut que le temps de s'aplatir sur le sol. Il fallait la neutraliser, immédiatement.

Sans se préoccuper des deux autres combattants qui, eux, n'avaient pas encore bougé, Kaleya prenait son élan puis, utilisant ses lames qu'elle planta dans les interstices qui béaient sur le mur du bâtiment, en quelques bond, elle atteignit le toit où se tenait l'archère.

Dans son esprit dansait une foule d'information. La première d'entre elle étant que la femme devait être douée d'une certaine vision nocturne pour les apercevoir et que, par conséquent, il valait mieux ne pas trop espérer qu'elle ne soit qu'une simple humaine.

Un rictus sauvage dévoilant ses crocs, elle se jeta lames en avant sur son ennemie. Celle-ci balaya son premier assaut d'un mouvement circulaire avec son arc, avant de tirer une courte épée.

Parfait, songea la jeune neko. Balsa pourrait à présent combattre sans être incommodée par les flèches. Mais elle se devait de lui faire confiance et ne plus s'occuper que de son adversaire. Elle para sans difficulté le premier assaut, repoussant l'arme sur le côté, dévoilant ainsi une ouverture... qu'elle s'empressa d'emprunter.

Comme elle s'y attendait, ce n'était qu'un piège : la jeune femme esquiva son attaque et, de la main gauche, saisit une flèche qu'elle tenta fort peu aimablement d'enfoncer dans la poitrine de la neko.

Aucun doute, elle savait se battre, mais le talent, la force et l'agilité n'étaient pas seuls facteurs de la victoire. Non, celle-ci pouvait en grande partie être remportée grâce à la capacité à surprendre son adversaire. Or, si la tentative de l'archère était destiné à cet effet, Kaleya avait déjà trop souvent combattu pour ne pas connaître cette ruse. D'une torsion du poignet, elle dirigea son arme sur le poignet de son ennemie qui poussa un cri étouffé lorsque la lame déchira sa peau.

Durant une fraction de seconde, la jeune neko plongea son regard dans celui de son adversaire. Elle n'y lu que l'exaltation du combat qui s'obscurcissait doucement sous la douleur et la peur. Ses traits étaient fins, emplis de vitalité... l'archère était jeune... très jeune...

Cela ne changeait rien.

Avant de porter l'assaut qui serait probablement le dernier, Kaleya balaya rapidement les lieux du regard. Il y avait un grand nombre de façons de mourir, mais l'une des plus stupides était certainement le fait d'oublier qu'il pouvait y avoir d'autres combattants. Et elle ne tenait pas à être défaite pour avoir omis de surveiller ses arrières...

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Leurs traits se précisèrent… Ils étaient trois. Une flèche fendit l’air, tirée par la femme qui se tenait à la droite de deux hommes. Ces derniers étaient larges et musclés, armés de longs sabres recourbés à l’acier brillant. Balsa bondit sur le côté pour éviter le projectile. Elle remarqua qu’il ne lui était pourtant pas destiné.
Kaleya qui s’était plaquée au sol réagit au quart de tour. La chimère apprécia ses réflexes et la vitesse avec laquelle elle se dirigeait vers l’affrontement. Elle montait au corps à corps, ce qui était le mieux à faire face à un archer.
Abandonnant sa réflexion à ses instincts, Balsa fit jouer ses muscles et se projeta sur le toit entre les deux hommes qui s’écartèrent machinalement. Elle tenait fermement sa lance, à environ la moitié de sa longueur, dans sa main droite. Sa lame était tournée vers l’homme qui se trouvait à présent entre elle et la neko. La chimère pouvait ainsi surveiller qu’il n’attaqua pas Kaleya de dos… Mais il ne fallait pas oublier qu’elle tournait elle-même le dos à l’ennemi…

Il n’y eut pas un mot d’échangé. Chacun savait pourquoi l’autre était là. Et tous se battaient irrémédiablement à mort. Un bruit de pas dans son dos... la chimère sentait l’homme approcher. Il était à trois mètres et pensait sans doute encore pouvoir reculer à temps, il courait vers sa cible, levant peu à peu sa lame vers le haut. La queue que la chimère tenait sur sa droite décrivit un arc de cercle vers la gauche et accéléra le mouvement de rotation qu'elle s’était donné. Au bout de son bras tendu, sa main glissa le long du manche de la lance, étendant la portée de sa lame. Elle ressaisit l’arme fermement en arrivant à quelques centimètres de l’extrémité et lui fit prendre de la hauteur.
L’angle, la puissance, la direction… l’animal en Balsa avait tout calculé. Le choc fut terrible. Des éclats d’acier incandescent étincelèrent dans la nuit. La force des muscles lycans de la chimère, augmentée par la force centrifuge, fit voler le sabre des mains de l’homme. Il se retrouva désarmé et l'onde de choc le fit trébucher en arrière. Effet escompté…
La logique voulait que le second épéiste frappe maintenant, alors que le monstre lui offrait une ouverture évidente. Mais Balsa anticipa le mouvement. Elle tira sa lance tendue devant elle vers l’arrière, faisant à nouveau glisser le manche dans sa main droite. Le bout rond jaillit à côté de son dos. Il allait frapper le ventre de l’homme…
Mais il n’y avait pas eu de bruit de pas. Balsa referma la main à mi-hauteur de sa lance. Il avait réfléchi plus vite qu’elle et attaquait Kaleya ? La chimère se retourna plus vivement encore que la première fois. Étrange réflexe… Elle s’inquiétait pour la vie d’une parfaite inconnue ? Son regard aurait du se poser en premier lieux sur son ennemi, sur le danger imminent. Pourtant, ce fut la neko que Balsa chercha d’abord des yeux. Elle portait à la femme un coup au poignet qui lui arracha un cri de douleur. C’était parfait, il n’y avait pas lieu de s’inquiéter pour elle.

Puis les pupilles de la chimère se tournèrent vers l’homme encore armé. Un sourire bestial et moqueur se dessina sur ses lèvres. De grosses gouttes perlaient du large front de l’individu devant elle. Il ravala sa salive, espérant peut-être atténuer le tremblement de ses bras. Il n’avait pas pensé piéger Balsa en attaquant sa partenaire, il n’avait pas pensé non plus à frapper alors qu’il avait une si belle ouverture… Il était pétrifié par la peur. Ses yeux fixaient tour à tour le regard sadique et la queue de la chimère.

- Tsch...

Rire moqueur, à peine audible, qui glissa entre les lèvres de Balsa. Il le devina plus qu’il ne l’entendit et sembla retrouver ses esprits. Il ne tremblait plus. Il faisait face, même si son visage était effrayé. Les humains avaient en eux cette force, celle de ne jamais renoncer. C’est ce courage et cette détermination qui avaient élevé ce peuple parmi les plus puissants.

La chimère se mit en garde, membres fléchis, sa lance à distance sur sa droite, pointée vers lui, attendant qu’il frappe. Il pensait pouvoir la maîtriser ? Qu’il vienne ! Un éclair de folie, d’inconscience, et il se lança. Sa raison l’avait quitté. Et ses instincts n’étaient pas comparables à ceux de la chimère. Il choisit ce qui lui sembla le plus évident comme cible : le bras droit du monstre.
De son oreille tendue, Balsa vérifia qu’aucun bruit ne venait par derrière. Puis elle donna un léger mouvement vers le haut à son arme et la lâcha dans les airs. La lance monta un peu… Puis elle replia son bras contre sa poitrine. Le sabre fendit l’air juste à côté d’elle et vint frapper le toit. La lance redescendait doucement… Balsa tendit le bras et l’attrapa au vol, juste en dessous de la pointe. L’homme relevait son arme pour reculer quand il fut saisit d’une violente douleur à la poitrine.
Le sang dégoulina le long de la lame. Balsa tenait son poing serré sur le manche, le faisant pivoter pour qu’il pénètre plus profondément le tissu et les chairs. L’homme lâcha son sabre, bouche béante, un filet de bave et de sang au coin des lèvres. La chimère se retira et se retourna vers le premier homme… qui avait disparut. C’était sans doute sa meilleure chance de survie. Balsa huma l’air, ses odeurs s’étaient bien dissipées.

Elle se retourna alors vers le carnage. Un homme à terre, les mains rouges de sang portées sur son cœur, le visage déformé par la peur de la mort. Une femme étendue au sol. Et une neko se tenant au-dessus de ce champ de bataille.

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Kaleya eut un léger sourire en constatant le talent avec lequel se battait la chimère. Elle s'était doutée qu'elle était une adversaire formidable, mais le voir de ses yeux la rassurait quelque peu quand à l'issue de l'affrontement. Leurs ennemis n'avaient aucune chance.

Son adversaire dut croire que ce manque d'attention était une faille, un doute. Elle n'avait plus rien à perdre : elle se jeta en avant, un cri de rage aux lèvres, son épée levée...

Kaleya s'effaça d'un mouvement souple des épaules, laissant la jeune fille s'emporter dans son élan. Et dans la continuité de son esquive, le dos de son ennemie étant ridiculement exposé, la jeune neko frappa.

La lame se ficha juste au-dessous de l'omoplate et la malheureuse poussa un cri déchirant. Sous le coup de la souffrance, elle lâcha son arme et tomba à genoux. Kaleya l'accompagna dans sa chute, s'accroupit derrière elle.

" Chut... murmura-t-elle, d'une voix qui aurait pu presque être consolatrice. C'est presque terminé... "

Sa victime poussa un gémissement dont la jeune neko ne se préoccupa pas et, d'un ton nettement plus sec, elle demanda :

" Pourquoi nous avez-vous attaqué... ? "

Elle ne pensait pas que ces gens étaient des hommes du docteur Hanssel, à moins qu'elles soient proches de sa maison. Les auraient-ils entendues, un peu plus tôt ? Peu probable. Ils les auraient attaqué avant. Non, ils devaient être de simples gardes que leur escalade avait intrigué. Mais elle se devait de vérifier ces suppositions... d'autant plus que leur attitude et la façon dont ils s'étaient pris à elles, osant même les suivre sur les toits, était peu courante pour des hommes ordinaires.

La jeune fille se débattit faiblement, tentant en vain d'échapper à sa poigne et à la douleur. Impitoyablement, Kaleya exerça une légère torsion sur la lame toujours planté dans la chair de l'archère qui s'immobilisa aussitôt, rappelée à l'ordre par la brûlure intense qui suivit ce geste. La jeune neko savait comme cela était douloureux, elle en avait déjà fait l'expérience, aussi essayait-elle de réduire au maximum la souffrance causée. Elle ne tenait pas à devenir un bourreau, même si elle avait besoin de ses informations.

" Pourquoi ? " répéta-t-elle.

Le souffle court, sa prisonnière répondit :

" Nous vous... avons vu... escalader et... vous ne pouviez qu'être des voleuses... "

Peu convaincant. Mais en contrebas, Balsa lui adressait un signe qui devait signifier qu'il leur fallait se dépêcher. En effet, le vacarme causé par leur lutte risquait d'attirer d'autres gardes et elles n'avaient pas de temps à perdre en combats inutiles.

Le dernier service qu'elle pouvait rendre à la jeune fille était de lui accorder une mort rapide. D'un geste sec, elle dégagea son arme puis avec une nonchalance terrifiante, fit glisser le fil de sa lame sur la gorge de la malheureuse. Un flot de sang jaillit, la jeune archère poussa un dernier cri étranglé et s'effondra.

Kaleya s'était déjà redressée et rejoignait la chimère d'un bond souple. Son regard passa un instant sur l'homme agonisant, une plaie béante dans la poitrine et elle eut un infime froncement de sourcil.

" L'autre s'est enfui... " confirma Balsa, arrachant dune grimace à la jeune neko.

Il fallait espérer que celui-ci n'aurait pas le temps de chercher du renfort... et encore moins de prévenir le docteur que deux folles furieuses avaient massacré leurs compagnons.

Sans se concerter, sans prononcer un mot de plus, d'un même mouvement, les deux jeunes femmes entreprirent d'achever leur ascension. Sans un regard pour leur deux victimes.

Bientôt, elles atteignirent le sommet du bâtiment. Kaleya étira ses muscles endoloris par l'escalada, rejeta la tête en arrière, inspirant profondément l'air nocturne, admirant la Lune qui nimbait les rues d'un éclat argenté. Elle soutint un instant cet oeil du ciel, avant de reporter son attention sur leur objectif. Une maison de quatre étages ne devait pas être très difficile à trouver, d'autant plus que celle-ci devait être d'apparence faste.

Ce fut Balsa qui la repéra en premier. Dressée innocemment entre deux autres immeubles bien entretenus, à quelques centaines de mètres seulement de l'endroit où elles se tenaient. Les yeux exercés de la jeune neko lui indiquèrent le mouvement qui l'entourait. Des gardes. Nombreux, indéniablement. Trop nombreux ?

Quoiqu'il en soit, l'hypothèse selon laquelle ceux qui les avaient attaqués un peu plus tôt étaient sous les ordres de Hanssel devenait de plus en plus envisageable. Et si les hommes qui le protégeaient venaient à être au courant de leur présence, leur escapade était sérieusement compromise.

Pourtant, ni elle ni Balsa ne ressentaient le moindre doute. Elle réussiraient. Il le fallait.

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L’archère se releva… Kaleya n’avait pas été aussi radicale et rapide que la chimère. Chat jouant avec sa souris, la neko laissa l’humaine charger vers elle dans une ultime rage. Esquivant pour mieux surprendre son adversaire, elle planta sa lame dans la dos de la femme qui s’écroula.

- Chut... C'est presque terminé...
Elle était si sadique ?... Son ton condescendant, cette phrase murmurée à l’oreille…
- Pourquoi nous avez-vous attaqué... ?

Balsa fut surprise que Kaleya cherche à comprendre. Elle était beaucoup moins bavarde que la neko, ne s’attardant pas sur les détails sans importance. Elle était aussi beaucoup plus sûre d’elle et ne doutait pas un instant que les trois guerriers étaient les gardes d’Hanssel. Un homme aussi riche et qui détenait ce pouvoir de la science savait se protéger. Si l’ivrogne du coin était au courant qu’il était là, pas de doute que toute la ville fut au courant. Y compris les créatures inhumaines, qui devaient toutes avoir leur lot de haine envers ce genre de personnage.
Torturant de la pointe de son couteau le corps qui tentait désespérément de s’extraire, Kaleya insistait. L’humaine finit par balbutier des inepties dans un dernier souffle de mensonge. C’était inutile ! Une perte de temps, alors qu’un fugitif était sans doute en train de prévenir Hanssel… et peut-être d’autres gardes. Balsa fixa la neko d’un regard pressant. Il ne fallait pas s’attarder, le temps était compté à présent, et elles n’avaient même pas repéré la maison du scientifique.
Kaleya réagit vite, engorgeant d’un coup sec sa victime. Elle avait décidément des méthodes bien barbares. Elle rejoignit rapidement Balsa, ne jetant qu’un bref coup d’œil à l’autre garde proche de la mort. Elle avait remarqué que quelque chose clochait… La chimère expliqua, presque sur le ton de l’excuse :

- L'autre s'est enfui...

Puis, comme tout était dit, elle se concentra à nouveau sur ce qu’elle devait faire. Elle se tourna vers le toit du palais, deux étages plus haut… Impulsion, extension, ses jambes la projetèrent sur les tuiles grises. Elle s'accroupit naturellement, la panthère se faisait discrète une fois repérée…
Balsa balaya du regard les alentours. Comme une provocation, la maison lui apparut soudain, dessinant sur l’horizon le contour de ses prétentieux quatre étages. Les pupilles du félin se dilatèrent. Les poutres étaient apparentes, d’un bois sombre qui tranchait avec la peinture blanche des murs. Le toit ressemblait à celui du palais de justice, mais ses tuiles étaient vert foncé. Hanssel était là, sous ses yeux, à quelques rues à l’ouest seulement.

La chimère se tourna vers Kaleya et allait l’informer de sa découverte, quand elle remarqua que le regard de la neko était concentré sur autre chose. Ils arrivaient, nombreux, armés et rapides. Ils devaient être une douzaine, peut-être plus. Une jolie garde rapprochée…
La situation se compliquait. De nouvelles inconnues s’ajoutaient à l’équation du meurtre. Des données manquaient. Combien étaient-ils en tout ? Avaient-ils déjà avertit Hanssel ? Etait-il en train de fuir ou de se terrer chez lui ? N’avait-il pas une « arme secrète » dissimulée parmi ses soldats ? Il était apparemment assez prévoyant, alors il pouvait avoir anticipé une attaque. Malgré toutes ces incertitudes, il fallait prendre une décision et vite.

- Kaleya… On peut pas prendre le risque qu’il nous file entre les doigts… Tu as vu où était sa maison ? elle laissa la neko répondre. On se retrouve là-bas. Et ne t’inquiètes pas, je t’attends pour l’interroger…

Elles avaient plus de chance en se dispersant. Elles étaient plus rapides que leurs adversaires et si elles voulaient se dépêcher, elles n’avaient pas besoin de les affronter ici. Balsa se jeta en avant et se laissa tomber sur le toit d’une habitation à trois étages. Elle allait droit en direction de la demeure de Hanssel. Alors que le vide de la rue s’ouvrait devant elle, elle bondit en une courbe féline. Sa force lycanne l’envoya jusqu’au toit en face, sur lequel elle atterrit sans encombre pour reprendre sa course sans s’arrêter.
Elle s’en voulut un peu de laisser Kaleya seule, mais elle sentait que la neko n’aurait aucun mal à avancer. Alors qu’elle aurait pu esquiver le gros des troupes en glissant sur les toits, elle décida de les héler :

- Vous cherchez quelque chose ?

Les hommes qui couraient en direction du palais se figèrent. Le chef hurla ses ordres : les archers firent feu. La chimère se baissa, puis afficha un air provocateur. L’homme rageait : archers ! feu ! et vous là, trouvez l’autre ! Les hommes se séparèrent. Certains restèrent immobiles, arc bandés en direction de la chimère, attendant qu’elle se relève. Les autres se dispersèrent.
Un bond sur le côté… Les flèches fusèrent. La chimère était déjà plusieurs mètres devant quand les projectiles frappèrent le toit. Les hommes se mirent à sa poursuite, courant dans la rue. Eux au moins avaient reçu l’ordre de surveiller Balsa. Cela allégeait le poids des éventuels combats de la neko. La chimère dansait sur les toits le long de la rue, se rapprochant inévitablement du lieu du crime.
Elle traversa une nouvelle rue d’un toit à l’autre, et les gardes déjà bien à la traîne se retrouvèrent face à un mur, perdant leur cible de vue. Ils allaient devoir faire le tour…

Plus vite, toujours plus vite ! Le sang bouillonnant de la chimère portait en lui l’adrénaline qui faisait battre son cœur à tout rompre. Encore un saut, les muscles de ses jambes brûlaient. Pourtant, ce n’était pas une douleur mais plutôt une ivresse qu’apportait cette sensation de chasse. Le prédateur jouait tout en très peu de temps. Il fallait qu’il réunisse l’ensemble de sa force pour atteindre sa proie.

Spoiler:

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Kaleya grimaça : les réponses qu'elle avait espérées obtenir en interrogeant l'archère étaient là, sous ses yeux. Elle adressa une brève excuse silencieuse à la malheureuse, allant jusqu'à lui souhaiter une bonne route, où qu'elle aille. Qu'importait les actes que celle-ci avait commis, à présent elle n'était plus là...

Elle échangea un regard interrogateur à la chimère, qui déclara d'une voix calme :

" Kaleya… On peut pas prendre le risque qu’il nous file entre les doigts… Tu as vu où était sa maison ?
- Oui, bien sûr, répondit la jeune femme, gravant encore une fois l'emplacement du bâtiment dans sa mémoire.
- On se retrouve là-bas. Et ne t’inquiètes pas, je t’attends pour l’interroger… "

La jeune neko acquiesça, avec un léger sourire. Elle appréciait l'étrange jeune femme, sa détermination sans faille et l'absence de jugement qu'elle lui portait... Quoiqu'elle ne lisait pas dans ses pensées...

" Très bien, à tout à l'heure... " dit-elle sans montrer ni ressentir la moindre peur.

Elle était plus rapide que les gardes, elles pourraient peut-être même les contourner sans les affronter. Elle attendit que la silhouette de Balsa se fonde dans la nuit pour s'éloigner à son tour. Bondissant à la suite de la chimère, elle emprunta cependant une route différente qui ne demanderait qu'un bref détour pour rejoindre son objectif.

Profitant de l'abri relatif que lui offraient les toits, la jeune neko suivit sa route durant plusieurs minutes sans rencontrer d'obstacles, les muscles de plus en plus douloureux à chaque nouveau saut, à chaque fois que ses mains accrochaient une nouvelle prise. Mais peu importait ce désagrément, le vent qui soufflait doucement dans les ténèbres et l'accompagnait depuis si longtemps sur le chemin de sa vie la portait, elle et son coeur. L'exaltation de la nuit et du combat, éveillait en elle un sentiment ancestrale et sauvage, une plénitude que rarement elle avait ressenti.

Cette sensation se dissipa cependant dès l'instant où elle perçut les sons d'une poursuite. Dans le silence des heures nocturnes, les bruits portaient loin. S'immobilisant, elle tendit l'oreille. Des cris, des appels, des ordres. Apparemment, la chimère n'avait pas encore engagé le combat. Kaleya ressentit une brève pointe d'inquiétude, avant de songer que Balsa serait tout à fait capable de se défendre. Et une bribe de phrase venait d'accrocher son attention :

" ... l'autre...! "

L'autre... ça ne pouvait être qu'elle. L'appréhension ne la mènerait à rien et elle ne servirait à rien si elle venait à mourir. Secouant donc ses craintes, le bruit de poursuite se rapprochant dangereusement, elle bondit une nouvelle fois. Il lui fallait regagner le sol, sa silhouette se découpant sur le ciel d'un magnifique bleu foncé étant bien trop facilement repérable. À contrecoeur, elle se laissa tomber sur les pavés froids de la rue où elle se ramassa souplement, à l'affût du moins bruit. Rien. Du moins pour le moment. Et les gardes pouvaient ne pas être que des humains. Croiser une chimère pouvait être fatale.

Sans prendre la peine de paraître innocente, dans ces cas là les hommes de main ne se souciaient que rarement de qui étaient coupables ou non, elle poursuivit son chemin. Elle espérait ne pas couper la route à Balsa et empêcher sa fuite.

À mesure qu'elle s'approchait de la maison du docteur, l'air lui semblait de plus en plus lourd, sa vigilance ne fit que s'aiguiser davantage. Elle se méfiait tout particulièrement des archers et s'attendait à chaque seconde à entendre le sifflement d'une flèche qui aurait la volonté farouche de lui arracher la vie.

Finalement, jugeant que la lenteur devenait plus dangereuse que la vitesse, elle commença à courir.

Cela faillit lui être fatal : une silhouette sombre se jeta devant elle et elle ne dut qu'à ses prodigieux réflexes de ne pas finir empalée sur les lames de son adversaires. Des... lames ? Alors qu'elle tirait les sienne, elle constatait avec inquiétude que les armes de l'ombre étaient des griffes.

La jeune neko recula d'un pas, de façon à mieux appréhender la situation, qui ressemblait furieusement à sa rencontre avec Balsa... mais qui ne se finirait certainement pas aussi bien. Elle aurait aimé que la créature qui le faisait face ne soit finalement comme elles, mais ce n'était qu'un rêve futile. Elle se mit en garde, lentement, de façon à ne pas précipiter l'assaut ennemi.

Les ombres découpaient un corps puissant, plus animal qu'humain. Des bras et des jambes qui ressemblaient davantage à des pattes, un éclat jaune des plus inquiétants dans les yeux, des cheveux semblables à une crinière... et ces griffes, immenses. Un adversaire formidable. Une machine à tuer. Et elle craignait bien que les ordres qui avaient été gravés dans son esprit dès sa naissance soient trop profonds pour qu'elle puisse le raisonner.

Comme pour confirmer cette pensée, il poussa un rugissement rageur et se jeta sur elle. Ce ne fut que d'extrêmes justesse qu'elle parvint à esquiver son attaque, et cela se joua à moins d'un millimètre que les griffes acérées ne la transperce. Il tourna un visage féroce dans sa direction, bondit à nouveau.

Emplie d'un mauvais pressentiment quant à l'issue de l'affrontement, Kaleya sentit la pointe effleurer son visage, arrachant une goutte de sang qui vola dans l'air.

" Attends ! " cria-t-elle, sans espérer le tromper, simplement lui parler.

Nouvelle attaque. Douleur. La jeune neko poussa un cri lorsque les griffes vinrent parfaire la coupure que lui avait infligé Balsa un peu plus tôt. Le sang jaillit en même temps que la brûlure, impitoyable...

" Je suis comme toi ! hurla-t-elle. Tu n'es pas seul, il y a d'autres êtres comme toi ! "

Le bras s'immobilisa brièvement, laissant le temps à la jeune neko de se jeter à terre pour échapper au coup fatal.

" Arrête ! "

Une nouvelle fois, la créature hésita. Kaleya n'était plus ni espoir ni désespoir, seulement concentrée sur ses paroles et chacun des gestes de la chimère. Qui se recula un instant, les yeux encore emplis du désir de tuer. La jeune femme ne se faisait pas d'illusions, il ne la laisserait pas fuir.

" S'il te plaît... murmura-t-elle encore une fois. Je ne te veux aucun mal. Je veux aider ceux qui sont comme nous. La meute..."

Cette dernière expression lui semblait appropriée. Peut-être pourrait-elle comprendre ? La lueur qui s'alluma soudain dans les yeux du monstre éveilla un infime espoir au coeur de la jeune neko.

" S'il te plaît... continua-t-elle, d'une vois apaisante. Je suis de ta meute. "

À cet instant, elle sut que si elle le voulait, en se déplaçant avec suffisamment de rapidité, elle pouvait tuer la créature. Mais si le bon sens lui dictait de l'abattre au plus vite, les mots qu'elle avait prononcé auparavant l'enchaînaient, telle une promesse... elle ne lui ferait pas de mal. Et la solitude absolue qu'elle avait lu au fond des yeux de l'homme-bête l'avait touchée... stupidement touchée... Une solitude si grande que même les ordres qui le contrôlaient ne parvenaient pas à l'effacer, si grande que la simple compréhension qu'il avait entendu dans sa voix l'avait empêché d'accomplir son devoir.

Non. Elle ne le tuerait pas. Et les ordres qui devaient faire de lui une simple machine, implantés par des hommes finalement bien plus monstrueux que l'être qui se tenait face à elle, pouvaient tourner à son avantage : en effet, ceux-ci devaient certainement lui dicter de massacrer tout inconnu qui s'approchait de la maison. Et il ne pouvait certainement pas s'éloigner sans qu'il soit rappelé à l'ordre par son propre cerveau. Aussi souffla-t-elle encore une fois :

" Tu n'es pas seul... Je suis comme toi... Je suis de ta meute... "

Et, avec une lenteur calculée, elle avança d'un pas, puis d'un autre, sans rompre le lien qu'elle avait créé avec l'être.

" Tu n'es pas seul... "

Puis, aussi vivement qu'elle le put, priant pour que l'hésitation de la créature dure assez longtemps, elle commença à courir. Sans se retourner, virevoltant d'ombre en ténèbres, s'attendant à tout instant à être foudroyée par la souffrance qui pulsait dans son épaule.

Puis, songeant qu'il devait certainement être moins habile qu'elle en escalade, d'un saut parfaitement calculé mais qui arracha un flot de sang à sa blessure, elle atteignit le toit d'une petit maison, puis d'une deuxième. L'étrange créature la poursuivait-elle déjà ?

Sans cesser de courir, les pensées et la rage tournoyaient dans son esprit, rongeantes. Elle comprenait à présent encore plus clairement la haine de Balsa, et la partageait. Ce que faisait cet homme était... innommable. Il avait arraché à l'être sauvage qu'elle avait croisé l'intelligence et l'humanité auxquels il aurait eu droit, pour n'en fait qu'un parfait chien de garde.

Cette colère était décuplée par la douleur, ses souvenirs aussi et... Elle s'immobilisa soudain. Là, en contrebas, un homme. L'homme. Hanssel. Elle voyait à peine les deux hommes armés qui l'encadraient, toute son attention concentrée sur ce monstre.

Le brasier naissant dans son coeur s'éleva haut, haut, jusqu'à son âme. Un feulement sourd lui échappa, elle montra les crocs... s'apprêta à bondir.

Un nouveau bond au-dessus d’une rue, et Balsa put plonger son regard vers l’entrée de la maison de Hanssel. Il était là, encadré par deux… lanciers ? La chimère afficha un sourire satisfait. Elle allait pouvoir mesurer son art à celui de deux humains. La victoire semblait l’issue la plus probable, mais elle devait se méfier de ceux qui connaissaient sans doute les mouvements que l’on peut donner à la lame d’une lance.
Pathétique… Il regardait alentours, scrutant la rue de son regard effrayé. La chimère se plaqua sur le toit pour que sa silhouette sombre ne tranche pas avec l’éclat de la lune qui brillait dans son dos. Un battement de cœur plus fort que les autres poussa l’adrénaline dans chaque muscle du corps chimérique.

Chose intéressante, la famille du docteur n’était pas avec lui. Il les avait mis à l’abri ? Il les avait fait fuir par un autre chemin pour s’assurer de leur sécurité ?... Un homme si cruel et insensible pouvait donc agir par altruisme, quand il s’agissait de ceux qui lui étaient proches. Les lanciers pressaient l’homme, l’entraînant le long de la rue pavée de ce quartier chic.
Balsa bandait ses muscles quand elle entendit un feulement traverser la nuit… Kaleya. Bon timing, sa présence tombait à point. Elle ne la chercha pas du regard, sachant intuitivement qu’elle pouvait compter sur elle. Elle bondit du haut du troisième étage sur les épaules d’un garde. Le vent siffla, mais des oreilles simplement humaines ne pouvaient entendre ce frémissement. Tombant de tout son poids sur l’homme qui s’écroula, elle se retrouva sur le flanc de Hanssel. Si proche… le gout de sang montait dans sa bouche, ses nerfs étaient plus que jamais tendus.
Elle profita de l’effet de surprise. Pivotant sur elle-même, et entraînant sa lance à l’horizontal, elle assena un coup de manche violent dans les rotules de l’humain. Les os craquèrent, Hanssel arracha un cri de douleur et tomba, incapable de se tenir sur ses jambes désormais.

Le lancier encore debout avait réagit avec plus de vitesse que ne l’aurait imaginé Balsa. Sa lame atteint le bas ventre de la chimère alors que celle-ci se propulsait vers l’arrière. La chimère porta sa main gauche sur la plaie. L’hémorragie n’était pas négligeable, le combat ne pourrait pas durer éternellement, elle devait s’en sortir avant que trop de sang ait quitté son corps. Le premier garde s’était relevé et voila que deux lances étaient pointées en sa direction. Nouveau sifflement dans la nuit. Balsa sourit. Kaleya atterrit juste à ses côtés. Machinalement, les deux créatures se placèrent dos à dos, couvrant chacune les arrières de l’autre.
C’était la première fois que la chimère se battait de la sorte. Un vent frais souleva leurs cheveux et unit leurs forces et leurs pensées dans un désir de vengeance, de sang versé, de mort humaine. La fatigue commençait à se faire ressentir… Si tous les gardes arrivaient en même temps, il leur serait difficile de les repousser efficacement. Mais si elles s’emparaient de Hanssel pour l’interroger plus loin, elles n’auraient de cesse d’être poursuivies et ne serait jamais sereines.
Les lanciers étaient des hommes courageux. Ils n’affichaient aucune expression de peur sur leurs visages et leurs yeux brillaient d’une lueur malsaine. Ils chargèrent ensemble, une seconde à peine après que Kaleya soit apparut. A partir de ce moment, Balsa se concentra uniquement sur celui qui lui faisait face, effaçant de son esprit la douleur lancinante qui lui brûlait le ventre.

Il arriva, lance en avant, utilisant le maximum de sa portée. La chimère attendit qu’il soit assez près pour repousser sa lame de la sienne. Le choc fit résonner un bruit métallique dans les rues alentours. L’homme revint à l’attaque, mais cette fois elle utilisa l’esquive. Reprenant le mouvement qu’elle avait observé chez la neko quelques minutes auparavant, elle se dégagea en utilisant un simple pas sur le côté. Les yeux du garde la suivirent, ces bras ne parvinrent cependant pas à placer sa lance en position de défense à temps… Déjà Balsa avait prit appui sur ses membres postérieurs et projetait sa lance au travers de la poitrine de l’homme. La lame traversa presque de part en part, un flot rouge jaillit et répandit sa couleur sur le visage de deux adversaires, avant d’atteindre les pavés. Dans le regard du lancier, il n’y avait que l’incompréhension… Sans doute n’avait-il jamais combattu adversaire aussi rapide. Ses mouvements entraînés à la perfection ne pouvaient rivaliser avec ceux du monstre. Un instant, il envia la chimère. Puis ses yeux se ternirent et il s’écroula.
Balsa se retourna vers Hanssel. Le pauvre homme sans défense se traînait péniblement, tentant de fuir alors qu’il n’avançait que de quelques mètres. Il croisa le regard de Balsa. Il y lut la haine, la violence, la soif de vengeance… Une lueur alluma ses yeux apeurés, il entrouvrit la bouche :

- T…Toi…
- Tscch !...

La chimère le frappa d’un regard des plus dédaigneux, avant de lui sourire étrangement. Elle allait s’occuper de lui, ce misérable petit humain qui croyait pouvoir jouer avec la vie et la mort sans en payer jamais le prix. Mais pas pour l’instant… Des bruits de pas se rapprochaient. Les autres gardes étaient là. Ils étaient venus vite, ils devaient être épuisés par leur course… La chimère se tenait membres fléchis, tenant fermement sa lance en direction des échos de plus en plus forts. Elle passa sa langue sur ses lèvres, goutant au sang humain qui recouvrait son visage ainsi qu’une bonne moitié de son haut.

Spoiler:

La rage aveugle de Kaleya devint plus claire lorsqu'elle aperçut furtivement l'ombre de Balsa fendre l'air et s'abattre sur l'un des gardes. Avec une violence terrible, elle brisa les jambes du docteur qui s'effondra avec un cri de douleur.

Mais en dépit de toute sa vivacité, la chimère ne put éviter le coup que lui porta le garde encore debout et Kaleya vit clairement le sang s'échapper de la blessure.

Cela ne fit que raviver la colère de la jeune neko. Les chats avaient beau être des créatures solitaires, la jeune femme se sentait liée à cette étrange être qu'était Balsa, un lien semblable à ceux qui unissaient les membres d'une même meute. Comme quoi, les mots qu'elle avait prononcés pour calmer la chimère qui l'avait attaquée n'étaient pas que des paroles... Elle se rendait peu à peu compte que ce sentiment étrange s'approchait le plus de ce que la société appelait "confiance".

Sans s'appesantir plus longtemps sur la notion de confiance, une notion bien lointaine pour elle à présent, Kaleya bondit à son tour, atterrissant aux côtés de Balsa, défiant les gardes d'un regard noir. Par réflexe plus que par réelle réflexion, elle se plaça derrière la jeune femme, une lame rabattue le long de son bras gauche, l'autre pointée en direction de l'un des gardes. Esquiver les attaque adverses pouvaient cependant s'avérer dangereux pour Balsa, qui se tenait dans son dos, et Kaleya devrait se reposer sur la vivacité de ses réflexes et la maîtrise de son arme pour échapper à la lance ennemie.

Cela ne changeait rien, elle allait vaincre. Les réponses étaient si proches, le doute n'était plus permis. Elle allait vaincre.

La lance fendit l'air, droit vers son coeur. La jeune neko fis un simple pas de côté, déviant la trajectoire de la pointe du plat de son arme. Simultanément, elle esquissa un coup de poing en direction de l'abdomen de son adversaire. Celui-ci, sans se préoccuper suffisamment d'une simple attaque telle que celle-ci, se contenta de faire un pas en arrière, un pas qui aurait amplement suffit si Kaleya n'avait tenu serrée dans sa main sa deuxième lame. Celle-ci jaillit soudain, et avant que l'homme ait le temps de comprendre quoique ce soit, vingt centimètres d'acier se fichait dans son corps.

Il eut un hoquet de surprise, déjà sa main droite fusait, ouvrant une plaie béante dans la gorge du malheureux. Son cri s'acheva en un ignoble gargouillement, il s'effondra, ses yeux sombrant dans l'obscurité de la mort encore remplis d'incompréhension.

La jeune neko ne se préoccupait déjà plus de lui. Balsa avait elle aussi achevé le malheureux combattant qui avait fait l'erreur de s'opposer à elle. Et la pointe ensanglantée de sa lance étincelait sinistrement sous la lune, avide de détruire encore davantage de vies... des vies qui d'ailleurs s'approchaient inconsciemment des deux jeune femmes. Les combats n'étaient pas terminés.

Kaleya tourna brièvement un regard intrigué vers le docteur qui semblait absolument terrifié. Si elle le comprenait, elle ne parvenait pas à ressentir de pitié pour lui, et un sourire apparut même sur ses lèvres.

Il croisa brièvement son regard et durant un instant, la jeune neko se vit telle qu'il devait la voir : le visage maculé du sang échappé de la coupure qui barrait sa joue, ses habits déchirés et imbibés eux aussi de l'eau de son corps, le visage habité de rage et d'une joie sauvage... elle devait être une image des plus effrayantes.

" Qui... es-tu... ? " souffla-t-il.

Elle planta le vert de ses yeux dans ceux, pitoyables, du docteur, et murmura :

" Kaleya Lhil. "

Etait-ce une lueur de compréhension qui venait de traverser son regard ? Et était-ce une illusion ou bien avait-il pâli encore davantage sous la lueur blafarde de la Lune ? Avait-il donc quelque chose à se reprocher pour avoir aussi peur ?

Il aurait été stupide qu'il meurt de peur, et pourtant Kaleya ne put s'empêcher de remplir ses yeux d'une haine moqueuse.

Ce fut emplie d'une énergie phénoménale qu'elle retourna son attention sur les gardes qui approchaient. En attendant qu'elle puisse interroger Hanssel, ils seraient les premiers à subir sa soif de meurtre. Une soif néanmoins quelque peu réfrénée par l'éventualité que la chimère qui avait failli lui ôter la vie puisse elle aussi arriver.

" Balsa... Ils ont peut-être une chimère avec eux... "

D'un simple signe de la tête, elle désigna son épaule déchirée qui la lançait douloureusement.

" ... et il est vraiment redoutable. Il faudrait un temps énorme pour le raisonner. Pour dire vrai, je crois qu'ils lui ont enlevé toute capacité de réflexions qui aillent au-delà de la destruction des ennemis de notre cher docteur. "

Les gardes apparaissaient déjà. Et si Kaleya ne ressentait aucune crainte vis-à-vis d'eux, elle doutait de pouvoir tous les vaincre s'ils étaient accompagnés du monstre. Mais il était trop tard.

De façon à ne pas laisser le temps aux hommes de les encercler, Kaleya chargea, sans voir ce que faisait Balsa.

Les malheureux était épuisés par la poursuite qu'ils avaient menés, et ce fut avec effarement qu'ils virent la jeune neko leur foncer dessus.

Le temps qu'ils comprennent, elle avait déjà bondi, la lame d'une immense épée manquant de peu son cou, celle d'un sabre effleurant son dos sans atteindre sa peau. Elle, cependant, atteignit ses cible : le fil de l'acier transperça un coeur, trancha un tendon, se ficha dans une gorge...

Puis, aussi vive qu'un feu follet, elle battit en retrait, fit face à ses adversaires, ombre de mort.

Spoiler:

Kaleya s’était rapidement chargée du second lancier, sans que Balsa n’ait pu voir leur combat. Dommage. La neko jeta sur l’homme un regard mauvais. Hanssel balbutia, il voulait savoir qui était cette créature qui s’était alliée à la chimère ?... La réponse de Kaleya imprima dans son regard une nouvelle crainte. Intéressant, son nom ne lui était pas inconnu.

- Balsa... Ils ont peut-être une chimère avec eux...

Comment ?... La chimère eut du mal à intégrer l’information. Pourquoi une chimère s’allierait-elle aux humains ? L’hypothèse selon laquelle la créature avait été privée de ses capacités cognitives tenait la route… Les scientifiques étaient donc parvenus à créer une arme parfaite, alliant une génétique efficace au lavage de cerveau qui leur assurait son obéissance.
Pourvu que la créature n’arrive pas maintenant… Les gardes étaient là, à bout de souffle, mais toujours prêts à en découdre. Il fallait qu’ils tombent au plus vite, que Balsa et Kaleya ne soient pas prises de court si la chimère décervelée se présentait.

Le sang de la chimère coagulait rapidement, il ne coulait presque plus de sa plaie au ventre. Sa vision et son esprit étaient encore clairs. Ses muscles répondaient bien aux sollicitations de son cerveau… Elle vit Kaleya se jeter aux milieux des gardes et fit de même.
Quelque part en elle, un fil invisible se rompit. Son humanité et ses sentiments disparurent derrière un masque animal luttant pour sa survie. Sa lame fendit l’air. Ses mouvements étaient d’une précision fatale. Elle lacéra en diagonale la poitrine du garde le plus proche. Sans même attendre de le voir s’écrouler, elle se rua vers le second. L’acier de la lance glissa sur sa jugulaire qui s’ouvrit en un râle noyé dans le sang. Un pas en arrière. Les gardes hésitaient… Balsa se jeta entre deux d’entre eux, tenant à l'horizontal sa lance qui balaya les hommes. Elle planta la lame dans le ventre du premier…
Un autre venait vers elle, hurlant, profitant de l’instant où elle semblait concentrée sur ce qui était devenu un cadavre. Son visage d’où perlaient de grosses gouttes se déforma, alors qu’une lance le traverser de part en part… Il n’avait rien vu venir, il était mort avant de s’en rendre compte. D’un geste sec, la chimère retira sa lame, puis la plongea dans le corps du garde qu’elle avait fait tombé et qui tentait péniblement de se relever.
Un coup d’œil sur la neko… Où était la chimère dont elle parlait ? La nuit porta la réponse aux oreilles de Balsa, un grondement sourd résonna dans le vacarme de la lutte. Deux des trois gardes qui restaient tournèrent un visage plein d’espoir vers le fond de la rue… Demi-seconde d’inattention fatale. Un geste souple de la panthère, la griffe au bout de sa lance, d’un mouvement circulaire puissant, entailla leurs poitrines. Le troisième, Kaleya s’en chargeait déjà…

Il fallait penser vite… L’arme vivante de Hanssel était là tout près. Balsa regardait tout autour d’elle, les sens en alertes, guettant le moment fatidique où elle allait enfin l’apercevoir. Son semblable, qu’elle allait devoir mettre à mort… L’animal en elle chassa cette pensée trop humaine de son esprit, et la recentra sur le combat.
La logique auraient voulut qu’elles fuient et emporte Hanssel au loin… Mais elles risquaient de se faire rattraper, elles étaient blessées et devaient transporter un homme. Les yeux de la chimère se posèrent sur lui, pleins de haine. Puis sur la neko :

- On peut s’en sortir.

Balsa avait une autre raison de vouloir rester ici. Quitte à risquer qu’elles soient repérées… quelle idée ! Elles étaient repérées ! Les cris de rage, les hurlements de douleur, le bruit des lames qui s’entrechoquent, tranchent, déchiquètent… Les habitants du quartier, terrés dans leurs appartements, les observaient sans soute entre leurs volets, tremblants de tout leur corps. Il ne faisait aucun doute qu’à partir de demain, il leur faudrait faire profil bas, très bas, peut-être même quitter la ville. Le temps d’embarquer vers une autre île était venu. Mais pour partir, il fallait de l’argent…

Spoiler:

Spoiler:

Violence. Dans chacun de ses gestes, dans le sang qui couvraient ses lames, dans tout son esprit. Il n'y avait de place pour rien d'autre.

Avec une efficacité terrible, les lames dansaient, fauchant la vie sans remords ni hésitation. Kaleya eut l'impression étrange que quelqu'un hurlait à côté d'elle, un hurlement de sauvagerie pur. Avant de se rendre compte que c'était elle.

Cela la sortit de sa folie meurtrière, le cri se figea dans les airs, plana encore quelques instants sur les corps ensanglantés des gardes, effleura le malheureux docteur, horrifié, avant de s'envoler jusqu'à la Lune qui les regardait de son oeil impassible.

Hébétée, elle posa un regard hésitant sur les hommes morts sans avoir eu le temps de réagir réellement. Puis, ses yeux se tournèrent vers Balsa qui elle-même semblait n'être plus qu'une messagère de la mort.

Le silence s'était abattu aussi brutalement que les lames l'avaient déchirés quelques instants auparavant, et le grondement sourd de la chimère parvint sans peine jusqu'à leurs oreilles à l'affût.

" On peut s’en sortir. " déclara soudain Balsa.

Un léger sourire apparut sur le visage de la jeune neko. Non. Elles ne pouvaient pas s'en sortir...

" On va s'en sortir... " corrigea doucement la jeune femme.

Nouveau regard, nouveau sourire.
Au fond de la rue, une imposante silhouette apparaissait. Un rugissement ébranla un instant le sérénité sanglante de la nuit. Et le monstre se planta en face d'elles, dans toute sa monstrueuse et magnifique puissance.

Ses yeux de fauve se posèrent sur les deux jeunes femmes. Et Kaleya sentit son coeur se serrer lorsqu'elle constata qu'il ne la reconnaissait même pas alors qu'il avait failli la tuer moins d'une heure auparavant.

Peut-être finalement lui offrir la mort était-il le plus beau cadeau que jamais il lui serait fait dans sa vie misérable. Elle lui avait dit qu'elle ne lui voulait aucun mal... mais en y réfléchissant bien, ce n'était pas un mensonge.

Elle percevait en Balsa le même chagrin enterré sous une détermination sans faille à survivre. Survivre. Elles n'avaient pas le choix.

L'agilité de la jeune neko ne lui était pas d'une grande utilité si elle attaquait de front, et la lance de Balsa serait certainement plus à même de parer les coups portés par les griffes monstrueuses de la chimère. Aussi, d'un pas souple et qu'elle espérait suffisamment discret, Kaleya entreprit de contourner leur adversaire.

Alors qu'elle était à mi-chemin, l'être formidable fit pivoter sa tête massive avec un brusquerie terrible dans sa direction et lui fonça dessus.

Un flot de juron à l'esprit, la jeune femme parvint à s'écarter de la trajectoire du monstre qui l'envoya néanmoins bouler au sol. Le choc lui coupa le souffle, enflammant la souffrance dans son épaule, mais en dépit des éclairs blancs qui traversèrent sa vision, sans savoir d'où viendrait le coup, elle se redressa en un mouvement souple qui la sauva du coup adverse.

À cet instant, Balsa apparut dans le champ de vision de la jeune neko, mais le monstre semblait finalement se rappeler de Kaleya comme étant celle qui lui avait échappé et ne l'aurait pas dû et il ne détourna pas son attention d'elle.

Kaleya comprit qu'elle ne pourrait pas jouer ainsi avec la mort et la douleur très longtemps. Il lui fallait agir.

Aussi, lorsque les griffes fendirent une nouvelle fois l'air, elle bondit à leur rencontre. Passa à quelques millimètres de leur tranchant. Et d'une impulsion formidable, s'accrocha au torse massif de la créature, enfonçant l'un des ses lames dans l'épaule adverse.

Le monstre sembla quelque peu abasourdi et se secoua violemment sans que la jeune neko ne lâche prise.
Sans savoir à qui elle parlait, aux étoiles peut-être qui rêvaient là-haut, ou encore à elle-même, elle priait pour que quelqu'un, n'importe qui, tienne encore quelques instants la mort à distance.

Rageusement, elle raffermit sa prise en plantant son deuxième poignard dans la chair de son ennemi qui ne semblait pas tellement incommodé de ses simple piqûres... il n'en semblait que plus enragé. Avec une force redoutable, d'une poigne ferme, ses griffes s'enfonçant légèrement dans son dos, il l'arracha à lui et la tint quelques instants devant lui, griffes pointées sur sa poitrine, prêtes à s'abattre.

Kaleya avait plus d'une fois eu l'occasion de constater les pensées absurdes qui pouvaient venir à l'esprit quand on s'apprête à mourir. Sauf qu'à chaque fois, elle avait finit par survivre... ce ne serait pas le cas aujourd'hui.

C'est ainsi qu'elle songea que des griffes comme celles-ci, ça devait être bien pratique et qu'elle espérait pouvoir en avoir aussi un jour.
Puis elle se demanda si, en volant, il était possible d'atteindre la Lune.
Puis elle pensa que le temps était une invention stupide qu'elle aurait volontiers détruit.
Puis, la douleur circulant dans ses veines autant que le faisait son sang, elle se demanda s'il était possible de vivre avec uniquement de la souffrance comme liquide vitale. Enfin, elle songea qu'au moins, c'était une belle nuit pour mourir.

Les griffes tremblaient du désir de la tuer. Elle les attendait, sans peur ni impatience aucune.

Elles ne vinrent pas. Le monstre poussa un rugissement de douleur et la jeta comme si elle était devenue une braise ardente.

Une nouvelle fois, elle s'envola et, toujours plongée dans ses pensé pré-mortuaires, elle se demanda si la chimère était capable de la lancer suffisamment haut pour qu'elle rejoigne les étoiles. Elle alla jusqu'à se dire qu'elle devrait le lui demander, peut-être...

Sa rêverie s'interrompit brutalement lorsqu'elle s'écrasa au sol. Sonnée. Voir assommée. Empli d'une totale confusion... mais en vie. En vie ? Comme c'était étrange...

Durant un bref instant elle flotta à la limite qui séparait la vie de l'inconscience. Puis un nom résonna dans son esprit, un appel, une alarme... Balsa !

Elle l'avait laissée seule en face de la créature ! Cette pensée fit fuser une décharge d'énergie dans tout son corps et sans savoir comme elle y parvint, elle se redressa.

Durant un moment extrêmement fugace, elle fut presque reconnaissante à ceux qui avaient créé la race des neko et leur avait donné cette capacité étrange à aller au-delà des limites de leur corps... avant de songer que c'était ces mêmes personnes qui étaient responsables des situations dans lesquelles elle s'était trouvée.

Ce fut donc plongée dans une profonde confusion où surnageait à peine l'idée qu'elle devait aider Balsa qu'elle se dirigea vers le monstre.

Alors que ses idées s'éclaircissaient, elle ne put s'empêcher de sourire devant sa ridicule obstination. Mais elle n'abandonnait pas les rares personnes qui l'avaient acceptée...
Finalement, elle se trouvait à l'endroit qu'elle avait espéré atteindre au début de l'affrontement : le dos de la créature. Le chemin avait, certes, été long, mais elle y était.

Avec un rire un peu fou, voir complètement, elle bondit.

Spoiler:

Spoiler:

La créature apparut enfin… Balsa ne lut aucune émotion dans ses yeux, seulement la soif de sang. Ses longs cheveux tombaient sur ses épaules, telle la crinière d’un lion dans la force de l’âge. Son rugissement vint ajouter à l’impression de bestialité. Ses muscles épais luisaient de sueur, ses veines gonflées dessinaient des lignes saillantes sur ses bras, dans son cou, même sur son front. Son regard identifiait les deux assassines comme ses futures proies. Il n’y avait aucune chance qu’elles le raisonnent.

Dans la rue auparavant si tranquille s’étendaient les cadavres humains. Le liquide vital s’étalait sur les pavés en flaques et en éclaboussures. Une odeur de chair et d’entrailles montait aux narines de créatures encore debout. Le carnage touchait à sa fin… Les prochaines secondes allaient déterminer si l’entreprise de deux complices avait été pure folie ou non.
Kaleya fut la première à bouger, se glissant furtivement sur le côté de la chimère léonine. Balsa la surveillait du coin de l’œil, tout en gardant son esprit rivé sur celui qui leur faisait face. Elle tenait fermement sa lance, attendant le moment propice. Elle n’avait pas droit à l’erreur, elle sentait que le monstre l’égalait largement, voir la surpassait, en vitesse et en puissance. Il fallait jouer sur ce qui était sa faiblesse : l’intelligence. Un être programmé pour combattre ne pouvait ressentir les émotions de ces victimes, et devait avoir du mal à envisager une alliance quelconque.
L’arme vivante plongea sur Kaleya alors qu’elle arrivait à son niveau. La neko esquiva et s’évita sans doute un coup mortel. Mais la patte de la chimère l’avait quand même touchée et envoyée valser à quelques mètres. Maintenant !
Balsa fondit sur lui, lance en avant, d’un bond souple et silencieux. Il écarta la lance d’un simple geste de la main, sa chair s’ouvrant à peine au contact de la lame. Impossible ! Son corps était si solidement constitué ?... Les scientifiques devaient le voir comme un véritable chef d’œuvre. La jeune chimère était quelque peu désemparée. Elle voyait mal comment elles pourraient venir à bout du monstre.

Il reporta son attention sur Kaleya et comme si son esprit connaissait le sentiment de rancœur, il lacéra l’air devant lui de ses longues griffes recourbées. La neko avait encore de la ressource : elle s’était relevée, avait foncé au contact, et se retrouvait maintenant avec une lame, puis deux, plantées dans la poitrine du monstre. Il ne sembla pas souffrir, mais il se secoua nerveusement, mécontent que sa proie soit arrivée à l’atteindre.
Balsa profita de ce nouvel instant où l’esprit de la créature était confus. Elle arriva à son niveau alors qu’il soulevait Kaleya de ses griffes plantées dans le dos de la neko. Lance au ras du sol, lame en avant, elle glissa sous le monstre et trancha d’un geste précis les tendons à l’arrière de ses chevilles. Attaque stratégique : si sa lame ne pouvait s’enfoncer profondément, il fallait frapper là où les points sensibles étaient à fleur de peau. Ressentait-il la douleur ?... Il gronda terriblement et envoya Kaleya à plusieurs mètres dans les airs.

Le monstre tituba. Ses réflexes myostatiques étaient endommagés, son équilibre perturbé… sa fureur décuplée. Il sembla oublier Kaleya, ou alors il estimait qu’elle devait être morte. Il se laissa tomber, saisissant au passage la queue de Balsa de ses griffes animales.
Sensation désagréable, cette partie de son corps était celle qu’elle considérait la plus intime. Surement parce qu’elle la dissimulait le plus souvent au regard des autres. Peut-être aussi parce qu’elle était la marque la plus visible de sa différence.
Le monstre qui se tenait à genoux ne semblait pas éprouver le moindre gène suite à sa blessure. Il ne pouvait se tenir correctement debout ? Qu’importe, il pouvait vaincre quelque soit son état. Il tira sur la queue de Balsa qui se débattait nerveusement, balayant de sa lame les avant bras de son ennemi. D'un mouvement sec de la main, il projeta Balsa contre le mur de la maison de Hanssel.
Le dos de la chimère vint se fracasser contre la pierre froide, sa tête recevant un choc violent. Son esprit se brouilla. Sa main droite qui tenait sa lance se relâcha un peu et le manche glissa doucement entre ses mains.
C’en était finit ? Si pathétiquement, elle allait quitter ce monde ? Tuée par l’un de ses semblables ?... La jeune chimère trouvait l’idée de mourir au combat honorable… Sa vision se brouillait : la créature approchait, se traînant la bave aux lèvres, jouissant de cet instant où elle allait pouvoir ôter la vie… Où était Kaleya ?... Les pupilles de la jeune chimère n’arrivaient plus à faire la mise au point. Seule une silhouette floue se relevait péniblement dans le dos du monstre. Elle était encore en vie ?...

L’esprit de Balsa se perdait dans un tourbillon blanc et brumeux. Elle allait mourir. Elle allait enfin connaître la réponse à la plus grande question qu’il soit : y avait-il quelque chose après ? et quoi ? Elle se surprit à s’imaginer arriver sur l’île d’Aïklando… les montagnes verdoyantes étaient recouvertes de forêts épaisses, des rivières chantaient en serpentant depuis les sommets jusqu’à l’océan. Dans les plaines immenses, de grands troupeaux broutaient paisiblement. Des oisillons piaillaient, manifestant leur faim grandissante à leurs parents en chasse. Le ciel était d’un bleu éclatant et le soleil diffusait une douce chaleur.

Une douleur lui traversa la cuisse. Le monstre s’était rapproché, rampant et s’aidant de ses bras pour avancer. La main droite de Balsa se ferma machinalement sur sa lance. De sa main gauche, elle saisit la patte armée de griffes qui s’était plantée dans sa jambe. Ses doigts exercèrent une telle pression qu’ils s’enfoncèrent dans la chair. Non ! elle n'allait pas mourir ici, pas si facilement ! Le monstre leva son autre patte dans l’intention d’ouvrir le ventre de Balsa sur toute sa longueur… Lame vers le bas, la lance fendit l’air une ultime fois. Traversant la main du monstre, elle vint se figer entre deux pavés du trottoir.
Il était immobilisé… c’était tout ce dont était capable la jeune chimère vu son état. Dans le dos du monstre, Kaleya s’était glissée furtivement. Seul le bruit des gouttes de sang qui tombaient à sa suite aurait pu trahir sa présence… Mais le monstre était trop énervé par son incapacité à frapper et à se déplacer. La neko se jeta sur ses épaules, et fit glisser sa lame de part en part du cou de la bête.

C’en était fini… Balsa laissa glisser son dos le long du mur, tombant au sol au même rythme que la créature dont la gorge et la poitrine se noyaient dans un flot rouge et fumant. Le combat s’achevait, l’animal disparut. La jeune chimère ferma les paupières, tentant de retrouver son souffle et ses esprits.
Lui vint alors une question qu’elle s’était souvent posée : mais au fait, qu’est-ce que je fais ici ? Maculée de sang, son haut et sa jupe déchirés, elle s’était assise face à une étendue de cadavres baignant dans le rouge. Hanssel… Cet homme avait donc déclenché toute cette haine en elle. Elle avait laissé ses pulsions prendre le dessus et avait ôté plusieurs vies sans en éprouver le moindre remord. Elle rouvrit les yeux pour les poser sur l’homme qui rampait à quelques mètres. Puis elle regarda Kaleya et un léger sourire leva le coin de ses lèvres. La neko était elle aussi dans un sale état…

- Bien joué…

Elle prit une grande inspiration, emplissant ses poumons d’une bouffée d’oxygène qui réveilla ses sens. Ainsi que ses douleurs… Sa jambe entaillée profondément lui interdirait la course pendant un moment, sa plaie au bas-ventre tiraillait au moindre mouvement, et l’ensemble de son dos couvert de contusions était hypersensible.
La chimère fit jouer sa lance qui se détacha du sol. Elle s’en servit d’appui pour se relever. Chaque geste, même infime, apportait son lot de souffrances. Finalement debout, elle contempla le décor… Il ne fallait pas rester ici trop longtemps. Balsa ignorait si des forces armées faisaient respecter l’ordre à Reilor, mais l’inverse l’aurait bien étonné. Elle s’adressa à Kaleya :

- Si tu veux l’interroger je t’en prie. Mais je tiens à prendre moi-même cette vie.

Spoiler:

Spoiler:

La bataille s'acheva aussi brutalement qu'elle avait commencé. Le rire de la jeune neko fendit l'air aussi sûrement que sa lame trancha la chair du monstre. La gorge ouverte laissant s'échapper un flot de sang, sur un dernier râle, le monstre s'effondra et la jeune femme, accrochée à son dos, glissa elle aussi à terre. Durant un instant, elle vit le mur comme la chose la plus confortable du monde et hésita à le rejoindre, mais son corps harassé ne voulait plus lui obéir.

C'était fini. Enfin. Cette constatation vida complètement les réserves d'énergie de la jeune femme et avec un sourd gémissement, Kaleya ferma les yeux pour chasser la nuit étincelante d'une lumière tout droit sortie de son propre esprit. Son souffle, les battements de son coeur résonnaient à ses oreilles d'une façon irrégulière...
Et la souffrance dans son dos, son épaule, tout son être brisé, rugissait sauvagement avec dans la voix une fierté terrible de voir l'être qu'elle envahissait s'effondrer peu à peu.

À présent que la mort semblait loin, il n'y avait plus qu'un grand vide dans son esprit : ses pensées semblaient être elles-même terrassées par la douleur.

" Bien joué… "

Elle entendit à peine ses paroles, et pourtant celles-ci la tirèrent de l'obscurité dans laquelle elle s'enfonçait doucement. Elle rouvrit les yeux, les posant sur une Balsa qui ne semblait pas se sentir beaucoup mieux qu'elle et une ombre de sourire naquit sur ses lèvres.

" Toi aussi... "

Sa propre voix lui déchira la gorge. Elle n'y fit même pas attention : qu'était-ce qu'une douleur supplémentaire dans l'état où elle se trouvait ?

Elle garderait des traces de cette nuit. Physique autant que moral.
Combien d'hommes avait-elle tué ? Et que s'apprêtait-elle à faire... ? Obtenir des réponses... un bref instant, l'idée la révulsa. Mais elle se força à s'endurcir : elle ne pouvait pas se permettre de se laisser abattre par la mort qu'elle avait donné, ni par ce qu'elle allait faire : les regrets étaient inutiles... et ils attendraient bien le lendemain. Elle en sentait néanmoins déjà les piqûres sur son esprit, des piqûre qui eurent le mérite d'éveiller ses pensées.

Balsa se releva, à côté d'elle et Kaleya ne put que murmurer :

" Attends... un instant... "

Elle demeura allongée au sol durant encore quelques secondes, à tenter de stabiliser sa respiration, de reconstruire son âme qui brièvement s'était perdue dans la folie, à repousser la souffrance physique comme n'étant qu'accessoire. Elle pouvait se lever... Elle pouvait marcher...

Finalement, dents serrées, s'appuyant d'une main contre le mur, elle se redressa. Ses jambes tremblaient son son poids, et le fauve qui bondissait dans ses veines et lacérait chaque partie de son corps sembla encore plus enragé de la voir lutter contre lui.

" Si tu veux l’interroger je t’en prie. Mais je tiens à prendre moi-même cette vie.
- Oui... bien sûr... "

En regardant la chimère, la jeune neko comprit que si elle avait été seule, elle n'aurait certainement pas survécu. Silencieusement, elle en remercia Balsa. Le temps de la reconnaissance affichée pouvait attendre, elle aussi, le lendemain.

D'un pas un peu hésitant, elle se dirigea vers le docteur toujours rampant sur le sol. Il semblait désespéré, absolument et totalement désespéré. Kaleya posa sur lui un regard méprisant, se planta face à lui de façon à qu'il la voit.

" Je crois que nous n'avons pas eu l'occasion de nous saluer correctement... souffla-t-elle. Il faut dire que nous avons eu quelques obstacles à surmonter, mais je vous rassure, je crois que c'est bel et bien fini. "

Elle sourit. Il tressaillit. Les yeux du malheureux se posaient sur le sang qui la couvrait et qui était principalement le sien, et Kaleya percevait presque les regrets qu'il avait d'avoir créé des êtres aussi résistants. La voix de la jeune neko semblait cingler l'air de son ironie.

" Comme je vous l'ai dit avant d'être interrompue, je suis Kaleya Lhil. "

Nouvelle ombre sur le visage de l'homme. L'étincelle mourante de colère dans le coeur de la jeune femme se raviva, chassant un instant la douleur.

" Il y a une histoire qui se raconte sur les Lhil... reprit-elle. On prétend qu'ils ont été assassinés, mais que leur fille en a réchappé et serait ivre de vengeance... En avez-vous entendu parler ? "

Ces mots, prononcés sur le ton de la conversation, recelaient bien plus qu'ils ne le semblaient. Comme le docteur demeurait silencieux, elle répéta, haussant légèrement la voix :

" En avez-vous entendu parler... ?
- Oui...
- Naturellement... je suppose qu'un scientifique tel que vous ne peut qu'être au courant lorsqu'on se débarrasse de l'une de ses créations... "

D'une voix basse, elle ajouta :

" Ma mère était une neko. Mon père un homme. Durant toute mon enfance, nous avons fui. Et lorsqu'on nous a retrouvé... "

Serre les dents. Serre les dents et tais-toi... parler de tes souvenirs ne sert à rien...

Comme elle détestait ses souvenirs !

Finalement, elle posa la question qui l'avait poursuivie durant toutes ces années...

" Pourquoi nous cherchait-on ?
- Je... ne sais pas... balbutia le docteur.
- Vous ne savez pas ? " répéta la jeune femme d'un ton glacial.

Il leva un regard terrifié vers elle. D'un geste lent, elle tira l'un de ses poignard, fit jouer la lumière sur le le fil de la lame. Avec un peu de chance, la peur seule suffirait pour que l'homme dévoile tout ce qu'il pouvait dire. Ou peut-être que non...

" Je ne sais pas " dit-il encore une fois.

Ignorant la douleur, la jeune neko s'accroupit à côté de Hanssel, posant sur lui un regard aussi tranchant que l'était sa lame. Une lame qui se posa sur le dos du malheureux.

" Pourquoi ? "

La question flotta entre eux. Les yeux du docteur se révulsaient, il n'était plus qu'une ombre...

" Je ne sais pas. "

La lame s'enfonça. Doucement. Terriblement doucement. Avec une lenteur obsédante le sang commençait à couler...

" Pourquoi ? "

Silence. Elle ne lui faisait pas réellement très mal, mais c'est avec un sanglot dans la voix qu'il répondit une nouvelle fois qu'il l'ignorait.

Kaleya soupira. Elle avait l'intime conviction qu'il savait, mais elle haïssait la position de bourreau qu'elle devait prendre, elle haïssait ce qu'elle devait faire... Pourtant...

D'un geste sec, elle accentua la pression sur son arme, arrachant un gémissement à sa victime.

La question n'était même plus nécessaire.

" S'il te plaît... je ne sais pas... Je ne sais pas ! "

Mensonge. Kaleya le voyait clairement.
Elle l'entendait dans la voix du malheureux, peut-être parce que c'était le même mensonge qu'il y avait dans sa propre voix lorsqu'on lui avait demandé, à elle, où étaient ses parents.

Repoussant son dégoût, sa pitié naissante, elle fit glisser la lame, tranchant impitoyablement la chair du docteur. Le sang jaillit, teintant le sol d'un nouveau liquide vitale.

" Pourquoi ? "

Elle sut qu'il allait céder. Le secret professionnel avait ses limites. Et il n'était pas un homme habitué à avoir mal, le simple fait de sentir son sang lui échapper devait le terrifier. Il se mit à raconter, d'une voix rapide, trop rapide...

" Des scientifiques avaient décidé de tenter un expérience dangereuse qui consistait en créer un être auquel on n'implanterait aucune pensée, ni rien... simplement agir sur le physique de l'être créé de façon à ce qu'il soit plus souple, plu rapide... "

Kaleya fronça les sourcils, écoutant attentivement...

" L'idée était de voir comment évoluerai une créature libre de ses pensées, et si cela pouvait être un avantage... ou non. C'est ainsi qu'est née la race des neko.

Mais après plusieurs années et quelques accidents, les scientifiques ont compris que leur liberté était trop risquée... Des assassins ont été envoyés pour... eh bien s'occuper de ces nekos trop indépendants, effacer l'erreur... pour ne laisser que ceux qui ne représentaient aucun danger. "

Malgré elle, en dépit du fait qu'il était en train de lui raconter l'histoire, Kaleya enfonça davantage encore sa lame aux derniers mots que le docteur prononça. On ne traitait pas sa mère "d'erreur" !

Il tressaillit, reprit néanmoins :

" Le plan a merveilleusement bien marché, il me semble... sauf en ce qui concerne deux ou trois cas isolés. L'un d'eux a été celui de ta mère.

L'assassin qui devait l'abattre a... eh bien, il était trop jeune, incapable d'exécuter sa tâche... Il a été touchée par cette neko qu'il était censé tué... "

La surprise figea brièvement Kaleya. Se pouvait-il que cet assassin raté soit...

" Cet homme est tombé amoureux de ta mère. "

... son père.
Elle sentit un instant la terre tourner sous elle. Cette révélation avait fissuré sa détermination. Son père était un assassin ! Mais comment donc sa mère l'avait-elle accepté ?

" Les scientifiques se sont trouvés face à un gros problème. Car l'un des leurs s'était retourné contre eux, et que l'une de leur création savait tout de leurs projets. Un vote a été fait parmis les scientifiques les plus éminents pour savoir que faire. Et il a été décidé leur exécution. "

Kaleya demeura silencieuse quelques instants. Elle avait eu besoin de savoir pourquoi... à présent la grande question était : qui ?

" Je vois... se contenta-t-elle donc de dire, la voix emplie d'une indifférence bien loin de ce qu'elle ressentait. Je suppose que vous y étiez, à ce vote ? "

Elle perçut le bref soulagement que l'homme avait ressenti se dissiper aussitôt.

" Ne me mentez pas... " ajouta-t-elle avec un sourire inquiétant.

Spoiler:

- Toi aussi...

Un lien invisible reliait les deux créatures assassines dans la lumière dansante des lampadaires. La nuit semblait moins noire, bien que le rouge du sang versé commençât à se ternir. Elles avaient vaincu et s’en félicitaient mutuellement. Une prise de recul sur la situation fit sourire Balsa.
Kaleya s’accorda une pause, assise sur les pavés froids. Sa respiration se ralentit, son esprit retrouvait ses repères… Elle se releva enfin, s’appuyant contre le mur, la douleur faisait trembler ses jambes et marquait son visage tâché de sang. Puis elle se dirigea lentement vers Hanssel, une lueur malsaine dans les yeux.
La chimère ne voulait pas intervenir dans la discussion et elle ne regarda plus en direction de l’homme et de la neko. Ce qui ne l’empêchait pas de tendre l’oreille, attentive à chaque détail qui serait prononcé.
Sa tête tournait encore un peu… Elle regarda ses blessures et constata que la plaie sur sa cuisse laissait échapper un filet de liquide rouge. Elle décida de se rasseoir un moment. Si elle pouvait souffler le temps de l’interrogatoire, autant profiter pleinement de ce moment de répit. Elle s’éloigna un peu du cadavre de la chimère qui offrait sa gorge ouverte à la lune et s’assit contre un luminaire, à l’un des rares endroits où le sang n’était pas venu marquer le sol en une preuve indéniable du massacre qui avait eu lieu.

- Comme je vous l'ai dit avant d'être interrompue, je suis Kaleya Lhil.

Kaleya Lhil… un nom que Balsa n’était pas prête d’oublier. Une rencontre hasardeuse avait fait de la neko une complice sans laquelle la chimère serait peut-être morte. Seule, elle aurait agit bien différemment : elle serait devenue ombre dans la nuit, n’aurait frappé qu’une fois, rapide et silencieuse, traversant le corps de Hanssel… Mais qui pouvait dire que son plan se serait déroulé sans encombre ?
Balsa posa sa lance et glissa sa main droite sous les pans de tissus de son haut. Elle en tira son couteau de chasse, dont la lame parfaitement aiguisée contrastait avec celles qui s’étaient couvertes de sang. Elle plia sa jambe gauche, encore intacte, et fit une petite entaille dans le bas de sa jupe. Puis une deuxième et une troisième, à quelques centimètres d’intervalle. Elle tira sur le tissu, jusqu’au plus haut de son vêtement et obtint deux bandes épaisses qu’elle plaça temporairement à côté d’elle.
De sa lame courte, elle découpa ensuite son bas au niveau de la plaie qui l’inquiétait le plus, sur sa cuisse. L’artère fémorale n’avait pas été touchée, sinon elle aurait déjà perdu beaucoup plus de sang. Mais le flot qui s’en écoulait ne semblait pas vouloir s’interrompre. Une fois la coupure dégagée, elle se servit d’une des bandes pour éponger le liquide rouge. Tel un animal, elle utilisa sa salive comme antiseptique, l’appliquant délicatement de sa main gauche. Elle finit de nettoyer avec le morceau de jupe qu’elle tenait. Les griffes du monstre s’étaient plantées verticalement dans la chair, inscrivant quatre entailles plus ou moins profondes. Puis, avant que sa peau ne fût recouverte à nouveau de sang, elle saisit la deuxième bande de tissu, lui fit faire deux tours autour de sa jambe en recouvrant la plaie, et la noua fermement.

- Ma mère était une neko. Mon père un homme…

Comment ?... Balsa releva la tête, fronçant les sourcils, et la tourna vers Kaleya. Elle était… à moitié humaine ? La chimère eut presque la nausée à l’idée qu’un homme et une neko puisse avoir une relation charnelle. Et puis… cela faisait de Kaleya une semi-neko... d’où son apparence si discrète. Elle était liée au monde des hommes, ce qui faisait baisser son estime dans l’esprit de Balsa. Il était pourtant futile de s’attacher à ce genre de détails, mais la chimère avait grandit en nourrissant une haine viscérale envers la race humaine.
Alors que Hanssel s’entêtait dans son mensonge, la neko sortit les grands moyens et commença à le torturer physiquement. Enfonçant sa lame dans le dos de l’homme, la faisant jouer pour provoquer une plus grande douleur, elle se révélait être un bourreau sûre de lui et bien décidé à obtenir les réponses qu’il était venu chercher.

- S'il te plaît... je ne sais pas... Je ne sais pas !
Tout dans la voix et l’attitude de l’homme transpirait le mensonge. Kaleya ne s’y laissait pas prendre et haussa le ton :
- Pourquoi ?

Balsa détourna le regard. Bizarrement, elle n’aimait pas se trouver en position d’observatrice de ce spectacle sanglant qui se jouait à quelques mètres d’elle. Mais son ouïe était à l’affut. Et elle apprenait beaucoup des paroles de l’homme. Ainsi les nekos, et probablement pas mal d’autres chimères, avaient été créés pour tester si l’intelligence accordée à leurs armes vivantes pouvait être un avantage en leur faveur. Apparemment non…

Balsa se revit enfant, enfermée dans les couloirs et les salles d’expérience du laboratoire. Elle savait qui si elle avait été créée intelligente, cela ne pouvait être que sur l’impulsion de Tuker, qui avait tenté de ressusciter l’esprit de sa fille dans un corps artificiel.
Il l’avait élevée comme un père, à ceci près que sa folie déteignait sur l’éducation qu’il lui avait donné. Incapable d’empathie, il gardait près de lui la petite chimère qu’il nommait Nina, comme on garde un chiot abandonné. Il voulait aimer et être aimé, mais les conditions qui réunissaient l’homme et la chimère n’auraient en aucun cas pu être comparables à celles d’une famille.

Puis la chimère en apprit plus sur la famille de Kaleya, sur la rencontre de ses parents. Un homme qui avait trahit ses semblables pour s’allier à une neko ?... Cet homme lui parut soudain plus sympathique. Bien entendu les scientifiques avaient réagit en ordonnant le meurtre de la famille au complet. Mais la jeune neko avait survécu et en était arrivé là…

- Je suppose que vous y étiez, à ce vote ?... Ne me mentez pas...

Kaleya cherchait-elle une raison pour tuer l’homme ? Il n’était pas nécessaire, du point de vue de la chimère, de s’attarder sur ses futilités. Balsa se releva, sa lance fermement tenue dans sa main droite, vérifiant que son bandage de fortune tenait en place. Comme c’était le cas, elle porta son regard vers la neko :

- Kaleya, il ne faudrait pas trop s’attarder non plus… Je te laisse poser tes questions, je m’occupe de la maison. Tâches d’en avoir fini quand je reviens.

Son ton avait été un peu sec. Elle s’en voulait d’avoir parlé si fermement, mais c’était sans doute son inconscient qui avait employé ce ton face à la créature au sang mêlé. Elle préféra ne pas y penser, espérant que la neko ne relèverait pas, et se dirigea vers la porte de la grande maison de Hanssel, qu’elle enfonça.

Elle ne s’attarda pas dans le hall au carrelage d’un blanc étincelant et grimpa quatre à quatre les marches du lourd escalier de bois. Au premier étage se trouvait la cuisine. Balsa entra et se saisit du sac de toile qui contenait quelques baguettes. Elle le vida et le remplit de denrées non périssables qu’elle trouva dans les nombreux placards. Elle prit aussi quelques bouteilles d’eau, but elle-même au robinet, et fila au deuxième étage. il y avait là plusieurs salles de réception, ainsi qu’un bureau qu’elle fouilla. Elle y trouva un peu d’or, qu’elle fit glisser dans sa bourse. Il devait y avoir plus d’argent ici…
Nouvelle course dans l’escalier, et arrivée au troisième étage : les chambres. Parfait ! Balsa regarda dans les armoires et choisit deux tenues complètes qui avaient du appartenir à la femme de Hanssel. Puis sous les matelas, sous les piles de vêtements, dans les tiroirs des tables de nuit… Elle trouva finalement une lourde bourse remplie d’or derrière une grille d’aération. Elle s’en empara sans culpabilité aucune, et redescendit à toute vitesse l’escalier.

Elle se retrouva dans la rue et avança d’un pas ferme et décidé vers Hanssel et Kaleya. Elle posa le grand sac où elle avait entassé son butin, les vêtements par-dessus, et pointa sa lance vers la scientifique. Elle parlât les pupilles rivées sur l’homme dans une expression méprisante et hautaine. Mais elle s’adressait à la neko, comme si un humain ne méritait même pas qu’elle s’intéresse à lui :

- Je nous ai pris de quoi tenir un petit moment, et des fringues de rechange aussi… tu en as finis avec lui ?

Son ton était beaucoup plus amical et familier, comme si elle essayait de se faire pardonner son attitude raciste de tout à l’heure…

Spoiler:

Kaleya fixait toujours le malheureux docteur d'un regard noir, attendant sa réponses. Elle fut tirée de ses sombres et sanglantes pensés par l'intervention de Balsa, qui lança d'un ton étonnamment sec...

" Kaleya, il ne faudrait pas trop s’attarder non plus… Je te laisse poser tes questions, je m’occupe de la maison. Tâches d’en avoir fini quand je reviens. "

La jeune neko acquiesça, un froncement de sourcil intrigué plissant brièvement son visage. Mais il n'était en effet pas le moment de perdre du temps, aussi se décida-t-elle à s'interroger sur l'étrange comportement de la chimère quand sa tache serait achevée...

Elle reporta donc son attention sur sa victime.

" Oui... j'y étais... souffla-t-il, la peur de sentir à nouveau l'acier mordre sa chair le pressant à parler et le faisant ignorer l'intervention de la chimère.
- Combien étiez-vous ?
- Une... douzaine...
- Qui y avait-il ? "

Silence. Cette fois-ci, Kaleya soupira ostensiblement.

" Vous ne voudriez pas tout dire, qu'on en finisse ? De toute façon, vous finirez par parler. À quoi bon prolonger vos tourments... ? "

En elle-même, elle voulait mettre fin à l'interrogatoire le plus rapidement possible, la douleur qu'elle se voyait obligée d'infliger lui rappelant trop de mauvais souvenir et la plaçant dans un rôle qu'elle haïssait. Elle avait tué l'homme qui avait occupé ce rôle avant elle...

Finalement, sans qu'elle n'ait besoin de lui rappeler qu'elle le tenait à la merci de sa lame, d'une voix basse, il dit :

" Il y avait Dertian... Carel... Caladian... "

S'ensuivit une liste que, en dépit de l'étrangeté de certain des noms qu'elle comportait, Kaleya grava dans son esprit... Une question méritait cependant d'être posée, elle aussi...

" Combien ont voté l'exécution ? "

Le silence qui suivit fut encore plus lourd qu'auparavant. Finalement, d'une petite voix, l'homme murmura :

" Tous sauf deux d'entre nous... "

Un sourire qui ressemblait davantage à un rictus découvrit les crocs de la jeune femme...

" Je suppose que vous ne faîtes pas parti de ceux qui ont décidé d'être... cléments, disons ? "

Brièvement, Kaleya songea qu'il était étonnant de voir à quel point quelque chose d'aussi immatériel que l'absence de son pouvait devenir solide.

" Je te jure, je n'ai pas... " s'exclama soudain le docteur.

La neko eut un rire froid, posant un regard méprisant et rempli d'une rage grandissante sur l'homme. Il venait de se trahir... D'un geste brusque, elle retira sa lame du corps ensanglanté.

Elle fit mine de se relever, jouant avec le soulagement du malheureux.
Mais alors que les muscles de celui-ci se détendaient imperceptiblement, avec une force terrifiante animée par une rancoeur vieille de plusieurs années, elle abattit la pointe de son arme au creux du dos d'Hanssel, droit sur la colonne vertébral qui émit un craquement des plus inquiétants auquel fit écho le hurlement du malheureux.

Incapable de prononcer un mot tant la colère et le désir de vengeance noyait toute raison en elle, s'efforçant néanmoins de contrôler la violence qui bouillait en elle, elle se redressa. S'éloigna de quelques pas, inspira profondément l'air nocturne.

Puis elle se força à affronter l'image que donnait Hanssel, pleurant, gémissant, se tordant de douleur sur le sol couvert de son sang. Même ça ne parvint pas à calmer sa colère, et elle ne trouva aucun remords au fond de son coeur.

Finalement, alors que l'esprit de la jeune femme menaçait de plus en plus de sombrer définitivement dans une folie meurtrière, Balsa réapparut.

" Je nous ai pris de quoi tenir un petit moment, et des fringues de rechange aussi… tu en as finis avec lui ?
- Oui... " murmura-t-elle d'une voix sourde.

Elle ne se donna pas la peine de féliciter la chimère, elle en aurait tout le temps après... du moins l'espérait-elle.

Spoiler:

Hanssel était dans un état lamentable. Les genoux brisés, il se tenait péniblement sur ses mains pour ne pas ramper devant les créatures assassines. Son dos largement ouvert saignait abondamment. Son visage déformé par la peur était empreint d’une haine envers ses tortionnaires. Il se savait condamné à mort et n’espérait aucune clémence de la part des monstres dont il connaissait la recette. Peut-être son destin était-il de finir ainsi…

- Tsch !...

Balsa plongea ses yeux dans ceux de l’homme. Elle y vit, au travers de son propre reflet, une âme sombre et froide. Elle leva sa lance… Aucun sourire sur son visage, à peine une expression de soulagement. La bête sadique qui avait tué avec tant de plaisir chacun des gardes s’était évaporée. Ne restait que l’enfant cobaye, qui avait grandit, gagné en force et en caractère. Le meurtre, qui lui était inconcevable quand elle vivait dans le laboratoire, lui paraissait maintenant tellement évident. Son épaule roula, son bras se tendit, sa lance fila droit. La lame se planta entre deux côtes et perfora le cœur. Une tâche rouge se forma et s’étendit autour de la déchirure dans la chemise de l’humain. Ce dernier n’avait même pas cherché à se défendre. Il cracha du sang en même temps que ses dernières paroles :

- B’vous le regb’rettrez…

Mais la chimère n’écoutait pas. Elle avait déjà tourné le dos au corps maintenant secoué de tremblements. Puis plus rien ne bougea… La rue avait retrouvé son calme et son silence. Balsa ferma un instant les yeux, profitant du moment. Quand elle les rouvrit, ce fut pour les poser sur la jeune neko. Elle parlait à présent à voix basse, comme si elle ne voulait pas troubler la quiétude si reposante des lieux.

- Partons d’ici.

Elle retourna vers le sac de toile où elle avait entassé denrées et or, le prit par la poignée, et le jeta sur son épaule gauche. Elle s’appuyait un peu sur le manche de son arme pour avancer, chaque pas lui arrachant une nouvelle douleur au ventre. Sa cuisse la lançait aussi vivement dès qu’elle posait trop lourdement son pied droit au sol.
Elle commença à marcher, d'une allure respectable, vers le nord. Elle savait où elle allait, mais n’oser prononcer à voix haute le lieu de sa destination. Parce qu’elle n’en voyait pas l’utilité, ou parce qu’elle craignait être entendu par quelque voisin qui aurait pu reporter ses dires aux forces de l’ordre. Car la chimère était bien consciente que même dans un monde humain désorganisé, des meurtrières de la nuit telles qu’elles n’auraient plus droit à aucun faux pas à présent.
Elle regarda Kaleya qui marchait à côté d’elle et lui désigna le sac du menton :

- On partagera ça quand on sera à l’abri. Fais-moi confiance, je sais où on sera tranquilles.

Elle avait tellement à dire, à apprendre de cette créature mi-femme mi-neko… Elle ne savait par où commencer et cherchait un moyen de présenter ses interrogations sans paraître impolie ou trop curieuse, quand une évidence lui apparut à l’esprit.

- Excuses-moi au fait pour la griffe à l'épaule tout à l'heure... Et merci… Pour l’aide, et aussi pour m’avoir rappelée que je ne suis pas seule sur la route de la vengeance contre ces hommes…

Elle avait reporté son regard sur la rue dans laquelle elles avançaient à grandes enjambées.

- … Jusqu’où comptes-tu aller ?

Balsa ne parlait bien évidemment pas géographie. Par une voix détournée, elle tentait de savoir comment se positionnait Kaleya par rapport au monde des hommes auquel elle était liée par le sang. La semi-neko était née naturellement – Balsa avait d’ailleurs appris ce jour-même que les races humaine et neko pouvaient se croiser, restait à savoir si le produit de leur union était stérile ou fertile. Mais jamais elle n’oserait poser cette question…
Concernant son propre cas, elle se savait très bien infertile. Sa naissance n’était pas le fruit de l’union entre deux êtres, mais le résultat d’une fusion de fragments d’ADN, de protéines, de fibres, de lipides, de glucides… Un mélange qui, juste équilibré, donnait un être vivant. Mais la chimère n’était qu’un homoncule, sans âme. Juste un corps et une conscience.
Balsa sentait que si elle voulait bâtir une amitié solide avec cette Kaleya, et c’est ce qu’elle souhaitait au fond, malgré sa semi-humanité, elle devait être franche dès à présent.

- Je t’aime bien Kaleya, je sens que tu es une personne de confiance. Et tu es combative, ce qui est pour moi une grande qualité. Alors je vais te le dire honnêtement : je suis en froid avec le genre humain. Mes victimes de cette race sont nombreuses… Et j’ai beaucoup de mal à imaginer nouer des liens d’amitié, ou même de simple entente avec eux.

Leur pas leur avaient fait quitté le quartier de orfèvres, traversé un quartier de marchands et d’habitations modeste, et les menaient vers les rues les plus pauvres de la ville.

- Il y a une rivière qui traverse la ville. On pourrait s’y laver un minimum. Et dans les quartiers pauvres, on aura une nuit plus sombre, des témoins éventuels plus silencieux et moins de chance de croiser les gardiens de la « paix »…

Kaleya s'éloigna de quelques pas, le temps que la chimère accomplisse ce qu'elle avait à accomplir. Non pas par pudeur mais par respect. Elle devinait que Balsa avait attendu cette vengeance et tenait à ne pas s'imposer lors de ce moment.

Les sons, cependant, ne se soucient que peu du soucis des êtres vivants et de leur désir de discrétion. Elle entendit ainsi clairement la lance qui fendait l'air, les derniers mots d'Hanssel. Imperceptiblement, les épaules de la jeune neko se détendirent : c'était terminé. Elles avaient accompli leur mission.

Echo à cette pensée, la voix de la chimère effleura le silence :

" Partons d’ici. "

Kaleya se contenta d'acquiescer. Elle ne parvenait pas à concentrer ses pensées sur le moment présent, celles-ci semblant tenir de façon absolument agaçante à filer sur les routes ensanglantée de son avenir, galopant sur les pavées sonores des révélations qui lui avaient été faîtes. Et la douleur qui pulsait dans chaque fibre de son corps ne l'encourageait pas à s'accrocher aux événements qui l'entouraient.

Ce fut donc avec ce détachement de plus en plus absolu que la jeune femme marcha aux côtés de Balsa, laissant son corps décider de la marche à suivre pour pouvoir voler loin de la souffrance et de l'obscurité de la nuit.

Elle se vit cependant forcée d'atterrir lorsque la chimère lui indiqua le sac qu'elle portait :

" On partagera ça quand on sera à l’abri. Fais-moi confiance, je sais où on sera tranquilles.
- Oui... merci... " répondit simplement la jeune neko, bien loin de cet aspect matériel des choses.

Un instant - comme elle aimait l'instant ! - Kaleya savoura ce silence qui n'était cette fois-ci qu'un compagnon de plus, presque rassurant. Et avant même que Balsa ne prenne la parole, elle sut que celui-ci ne durerait pas : rien ne durait jamais.

" Excuses-moi au fait pour la griffe à l'épaule tout à l'heure... Et merci… Pour l’aide, et aussi pour m’avoir rappelée que je ne suis pas seule sur la route de la vengeance contre ces hommes… "

Kaleya tourna un regard surpris vers la jeune chimère. Quelque chose lui disait que ce n'était pas courant que celle-ci s'excusait, soit parce que ceux à qui elle aurait voulu le faire était déjà morts... Elle sut donc apprécier ces mots à leur juste valeur, même si vu son état physique relativement lamentable, une malheureuse griffure n'était pas grand chose.

Forçant ses pensées à demeurer à leur place, elle répondit d'une voix encore légèrement assourdie :

" Merci à toi de m'avoir permis de te suivre sur cette route. Et de m'avoir permis de me souvenir que la solitude n'est pas inéluctable. "

Solitude. La relation qu'elle entretenait avec cette compagne de toujours était des plus étranges, mêlée d'un amour profond né de sa sauvagerie, à une haine parfois aussi grande que celle qu'elle portait envers ses souvenirs.

Balsa ne dit rien pendant quelques secondes, puis murmura :

" … Jusqu’où comptes-tu aller ? "

La question dissimulait bien plus qu'elle ne le semblait, Kaleya le comprit clairement à la subtile intonation qu'il y avait dans la voix de la jeune femme.
Pour la millième fois, elle se posa la question, se forçant à affronter le grand vide qui s'ensuivait invariablement. Où allait-elle ?

Les révélations d'Hanssel avaient, d'une certaine manière, déjà tracé le chemin de son avenir. Mais... était-il possible qu'il existât une autre voie ? Car si la vengeance permettait que des horreurs cessent d'être commises, il y aurait toujours d'autres monstres pour remplacer ceux qui mourraient. Il n'empêchait pas que c'était la seule solution qui lui soit accessible.

" Jusqu'au jour où la mort cessera d'être clémente avec moi... finit-elle donc par répondre, une pointe d'ironie dans la voix. Jusqu'à ce que les monstres qui d'une certaine manière, m'ont offert la vie, n'existent plus ailleurs que dans les mémoires.
Et que les mémoires elles-mêmes n'oublient jamais qui ils étaient, et qui sont ceux qui suivront leur voie... "

Après un temps, elle ajouta, un sourire sauvage flottant brièvement sur ses paroles :

" ... et à quoi ils sont condamnés s'ils persistent à continuer. "

Il lui sembla percevoir l'infime amusement de son interlocutrice. Mais il fallait croire qu'elle n'avait pas la réponse qu'elle attendait, car elle reprit, d'un ton nettement moins vague :

" Je t’aime bien Kaleya, je sens que tu es une personne de confiance. Et tu es combative, ce qui est pour moi une grande qualité. Alors je vais te le dire honnêtement : je suis en froid avec le genre humain. Mes victimes de cette race sont nombreuses… Et j’ai beaucoup de mal à imaginer nouer des liens d’amitié, ou même de simple entente avec eux.


Là, Kaleya ralentit. Planta son regard dans celui de son interlocutrice. Elle aussi devait admettre qu'elle appréciait la jeune chimère mais c'était justement pour cela qu'elle se devait de la contredire...

" Le genre humain ? "

Kaleya réfléchit quelques secondes, rageant de ne pas trouver ses mots. Puis, lentement, légèrement hésitante :

" Ce n'est pas le sang qui coule dans nos veines qui fait d'un être vivant ce qu'il est, c'est sa vie, les principes qui lui sont inculqués, les souffrances, les chagrins, toutes les personnes qu'il rencontre. Qu'il soit un humain ou une chimère... Un homme tel que Hanssel n'était pas un monstre parce qu'il était humain, simplement parce qu'il était... eh bien, ce qu'il était... Fondamentalement l'homme n'est pas mauvais... ni vraiment bon faut dire... "

Elle haussa les épaules, ajouta :

" Je pense que tu gaspille ta haine en la généralisant à une race entière, uniquement pour ce que seule une poignée d'entre eux t'a fait. Tu sais, ce que font les scientifiques est généralement qualifié d'inhumain par les hommes eux-même. "

Avec un sourire triste, elle murmura :

" Je suppose que tu as entendu l'histoire de mes parents. Mon père était prêt à tout pour nous protéger et c'est grâce à lui que j'ai pu m'échapper le jour... enfin, ce jour-là. C'est la meilleure preuve que le genre humain, comme tu dis, n'est pas simplement fait de bassesse et ne mérite pas ta haine. "

Enfin, avec un sourire, elle précisa :

" Et si les humains sont des monstres, étant donné que c'est l'humanité en nous qui nous évite de n'être que des bêtes assoiffées de sang, alors nous sommes encore pires encore qu'eux.

Maintenant, si tu te demandes où va ma loyauté, sache que je ne la donne qu'à ceux qui, selon moi, le méritent, qu'ils soient hommes, nekos ou... chimères. "

Son sourire se fit plus franc. Elle si méfiante habituellement, ne parvenait pas à accrocher sa défiance à la chimère, peut-être à cause du combat qui les avait uni ce soir-là.