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Kaleya courait, courait et courait encore sans plus se préoccuper de ce qui l’entourait. Sa décision était déjà prise. Pourtant, au croisement, son regard ne pouvait que se poser sur le chantier imposant qui s’y dressait.
Elle ralentit progressivement l’allure pour finalement s’avancer d’un pas tranquille, aux côtés de Balsa, vers le chantier. Après avoir erré un instant, ses yeux tombèrent sur un tas de bois aux formes et à la taille diverse.

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Le tas de bois s’avéra être un tas de vieux outils inutilisables... du moins, en ce qui concernait la construction. Avec un sourire, elle imita Balsa et s’empara d’une pelle dont le bout était brisé, mais au manche solide.

Elles obéirent bien vite à l’ordre de l’homme qui avait crié et Kaleya éclata de rire devant l’image qu’elles devaient montrer : deux folles qui couraient à une vitesse anormale, une pelle à la main.

Kaleya eut soudain la surprise de voir Balsa accélérer jusqu’à la distancer doucement. Etait-elle donc si pressée d’arriver ? Elle haussa les épaules et allongea ses foulées pour rejoindre la chimère... qui ne semblait décidément pas désireuse d’être rattrapée...

Lentement, elle comprit que si elle avançait aussi vite, c’était parce qu’elle souhaitait... gagner ? Une course... ah oui, c’était le mot que Balsa avait employé.

Elle parvint à se placer juste derrière elle et s’y maintint.

Balsa faiblirait-elle ? Tôt ou tard, la fatigue finirait bien par s’emparer d’elles. Peut-être rongeait-elle déjà la chimère ? Celle-ci n’avait pas accéléré malgré son approche.

Elle ne tenta pas de la dépasser... Autant profiter de l’aspiration de Balsa, la laisser s’épuiser contre le vent. Pour sa part, il lui restait bien assez d’énergie pour continuer : elle n’avait plus eu l’occasion de se dépenser depuis longtemps.

Oui, Balsa faiblissait. C’était... surprenant. Mais après tout, elle venait seulement de revenir du lac Olia. Elle avait de quoi être fatiguée.
Ou bien était-ce un test ?
Kaleya se surprit à sourire. Elle réfléchissait trop.
Elle ne profita cependant pas de l’occasion pour prendre de l’avance. Plus tard. Sa course interminable sur Rosyel lui avait appris à économiser ses forces. Elle prit donc l’allure de Balsa et lui décocha un sourire malicieux.

Kaleya était soulagée d’être sortie de la ville. Elle s’était rendue compte qu’elles attiraient bien trop l’attention, encore une fois.

La deuxième raison, c’était qu’elles approchaient de leur but. Et qu’elle n’avait plus à rester en arrière : il était temps de tout miser.

Elle inspira profondément une dernière fois et commença progressivement à accélérer. Elle passa à côté de Balsa. La dépassa doucement. Restait à voir si elle parviendrait à maintenir une distance raisonnable.

Balsa l’imitait-elle, à présent ? Elle restait derrière elle... Inconsciemment, par réflexe, elle tenta de mettre davantage de distance en elles. Elle s’en rendit compte juste à temps pour ne pas brûler toute son énergie. Elle en aurait besoin pour leur entraînement.

Au loin, il lui semblait apercevoir l’écurie qu’elles cherchaient à atteindre. C’était la dernière ligne droite. Il fallait maintenir le rythme, simplement maintenir le rythme. Balsa la talonnait de très près.

Dans l’angoisse des derniers mètres, Kaleya fit l’erreur de se retourner. Ce simple geste brisa son élan et Balsa avala les derniers pas qui les séparaient. La neko braqua son regard sur son objectif et accéléra encore légèrement, sans parvenir à reprendre de l’avance.

Au coude à coude, elles s’approchaient donc très vite de l’arrivée. Avec un petit sourire, elle se demanda si elles n’allaient pas finir ainsi, sans perdante. Cela ne la dérangeait pas.

Un pas encore, un autre... Le premier poteau de l’écurie était dépassé. Elles étaient arrivées, ensemble. Emportée dans son élan, elle parcourut encore quelques mètres dans un éclat de rire douloureux avant de se plier en deux, le coeur battant, cherchant son souffle. Une douleur diffuse courait dans ses veines, mais elle se sentait bien. Elle s’assit par terre, souriante, le regard fixé sur Balsa qui reprenait des forces.

« Belle course...» dit-elle simplement.

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Le rire embrasa l’air, et la jeune femme se sentit rapidement gagnée par cette curieuse euphorie. Bientôt, elles étaient secouées par un fou rire irrépressible, de ces rires qui font mal aux côtes et aux joues mais que l’on ne regrette pas.

Puis la tempête passa. Un sourire rayonnant dans les yeux, Kaleya se contenta de reposer ses jambes engourdies par la course, en regardant les nuages défiler au loin, sa pelle à côté d’elle.

Kaleya haussa les épaules.

« Non. Je ne me suis jamais réellement entraînée face à quelqu’un qui ne soit pas un ennemi. Tout ce que j’ai appris... c’est contre ceux qui me traquaient. Il étaient assez nombreux pour que j'apprenne vite...»

Un bref instant, son sourire sembla plus acéré, plus... sauvage. Puis il gagna son regard et retrouva de sa chaleur. Entreprenant de retirer le bout métallique de l’outil, elle demanda :

« Et toi ? Comment as-tu appris ? »

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L’embout de la pelle céda d’un coup, mais elle n’avait pas envie de rire. Elle avait relevé l’emploi du passé et perçu la tristesse de Balsa. Elle ne dit rien, parce qu’elle considérait qu’aucun de ses mots n’avait sa place. Elle acquiesça cependant doucement, attendant qu’elle veuille continuer.

Pensivement, elle soupesait sa nouvelle arme. Elle n’y avait pas encore réfléchi, mais la technique que demanderait son maniement serait tout autre que celle qu’elle utilisait habituellement.

« Je n’y ai pas réfléchi, sur le coup...» répondit-elle avec une grimace.

Elle se redressa à son tour avec un haussement d’épaule.

« ça me donnera l’occasion de perfectionner ma technique avec des armes plus longues. Je le casserai en deux plus tard. »

Elle observa un instant les mouvements fluides de Balsa avant d’acquiescer, impatiente d’en découdre avec son amie.

« On y va ! » confirma-t-elle en souriant et en se dirigeant vers la côte.