Mes poignets me font mal. Mon dos me fait mal. Mon crâne me fait mal. Y-a-t-il une seule partie de mon corps qui n'est pas frappée par cette douleur mystérieuse? Apparemment pas... Où suis-je? En clignant des yeux, je vois qu'autour de moi, il n'y a que des miroirs. Ils se reflètent entre eux, ils créent un infini qui donne envie de plonger dedans. Et puis, au milieu, il y a moi. En observant un peu mieux, je remarque que seul un des multiples mur n'est pas recouvert de miroirs. Sur sa peinture rouge, il est tapissé de photo, des photo de moi. Jeune, vieille... Il y en a également dans lesquelles je suis sous cette forme maudite de louve en furie. Je me demande qui a bien pu les prendre, et quand? Qu'importe, apparemment on m'a amené ici pour que je me rendre compte que mon apparence physique n'est pas des plus à plaindre. Sur les photos, et sur les murs, la première chose que l'on vois, ce sont mes yeux caramel. Ils sont profond, un puits de miel, et il fixe l'horizon. Je peux presque lire en eux ma seule et unique lubie : Aïklando. En regardant les miroirs, je vois mon corps aux jolies forme, recouvert de la tunique que je ne quitte jamais. Comprenez, c'est bien pratique quand je me transforme de ne pas avoir des vêtements qui se déchirent trop facilement. Je me relève, et comme une force dans ma tête m'oblige à m'admirer moi-même. Mes cheveux bruns, auxquels on a retiré mon élastique, tombent gracieusement sur mes épaules. Ma peau pâle fait contraste avec la couleur puissante de mes cheveux. Ma tunique a été ouverte, de sorte que n'importe quel pervers peux parfaitement se rincer l’œil en louchant sur ma poitrine. J'avoue que je les comprend un peu, mes seins sont fermes et ont une taille qui n'est pas à plaindre. Ma silhouette, elle aussi, me donne l'air désirable. Je suis fine, particulièrement bien dessinée. Il faut dire que je n'ai jamais vraiment pris le temps de m'admirer de la sorte, aveuglée par l'Île que tous, y compris moi, veulent absolument rejoindre. Il faut admettre que je suis ''bien foutue'', comme certain s'amusent à me le faire remarquer. C'est d'ailleurs amusant de penser que ceux qui me font cette remarque ne m'ont jamais vu sous forme de louve. En tout cas. Je suis belle, c'est une certitude. Soudainement, je perçois un son, très léger d'abord, puis qui envahis mes tympans à l'ouïe fine. Je m'évanouis, ivre de ce son mystérieux qui recouvre mes yeux d'un voile noire.

~~~

Je me réveille, encore sonnée par cette espèce d'ultrason. Cette fois, j'ouvre les yeux, mais je ne vois rien. Je ne sais pas si j'ose me lever, alors je reste couchée sur le sol, de peur que de mauvaises surprises m'attendent. Soudain, je commence à percevoir comme des pas, très léger, puis qui s'intensifient. J'ai le sentiment que non pas une, mais plusieurs personnes se tiennent à côté de moi en ce moment. Plongées dans leur manteaux d'ombres, les voix se mettent à parler toutes en même temps, confirmant qu'elles sont plusieurs. Elles parlent fort et de manière audible, mais elles sont tellement mêlées dans le brouhaha de leurs sœurs que je ne parviens qu'à percevoir des bribes de ce qu'elles me racontent. J'entend d'abord une voix féminine qui me crache au visage quelque-chose qui me ronge depuis trop longtemps :
''Tu as laissé tomber ton propre frère alors que vous vous étiez entrain de vous enfuir de forbans, juste parce-que tu pensais que seule tu réussirais mieux à rejoindre l'Île!''
C'était il y a quelques années, nous nous étions échappés de notre foyer maternel pour pouvoir réaliser le Rêve. Nos parents nous l'avaient fortement interdit, mais nous avions désobéis, aveuglés par nos désirs. Nous étions malheureusement tombés sur une bande de brigands qui en voulaient à nos biens pour pouvoir s'acheter un bateau afin de, eux aussi, rejoindre l'île. Mon frère avait trébuché, et je n'avais même pas pris la peine de l'aider, parce-que j'estimais que seule, je réussirai mieux à réaliser mon Rêve. J'avais toujours été égoïste, et là mon défaut avait pris le dessus sur mon semblant de bonne volonté et je l'avais laissé aux mains de ces voleurs, sans jamais savoir ce qui lui était arrivé depuis...
''Tu as tué deux enfants sous ta forme louve, en étant consciente, juste pour avoir leur carte!''
Il n'y a pas très longtemps, et je n'en suis pas si fière. Je me promenais en louve, profitant d'une des rares fois où j'était consciente, et j'avais vu deux enfants jouer aux aventuriers avec une carte du monde. Très détaillées, elle indiquait la position d'Aïklando, d'après eux. Alors, aveuglée par mon seul et unique Rêve, j'ai bondi sur eux et je les ait massacrés. Puis, j'ai pris la carte. Je suis vraiment déterminée à me rendre jusqu'à l'île et à réaliser mon Rêve. Je suis obstinée, déterminée... un peu cruelle peut-être.
''Tu ne t'ouvre jamais aux richesses des autres personnes!''
Qu'est-ce qu'ils peuvent m'apporter? Ce sont tous des gens inutiles, puérils, bon à manger. Si je prend quelqu'un avec moi, c'est seulement si il a quelque-chose que je n'ai pas et qui peux faciliter mon trajet jusqu'à Aïklando. Quand il a fait ce qu'il a à faire, je le mange, je le tue ou alors je me débarrasse de lui. Les autres ne sont pas importants pour moi, si il ne tenait qu'à moi je les aurait tous tués, ramassés tous leur bien et je serais déjà à l'Île à l'heure qu'il est...
Ces voix incessantes jacassaient encore, me reprochant tels et tels événements de mon passés et traits de mon caractère. J'en avait marre d'eux, ils me donnaient mal à la tête. Si seulement je les voyais, je pourrais les étrangler, mais... Mon seul espoir semble être la parole, alors j'essaie de prendre ma voix la plus autoritaire avant de lancer :
''Mais vous n'allez pas vous taire?''
Aussitôt, le même ultrason me revient en tête, et je m'évanoui encore, ne sachant pas si ce qui m'attend est le monde ou encore une de ces salles bizarres...

~~~

Cette fois, je n'ai même pas besoins d'ouvrir les yeux pour savoir que cet endroit est lumineux. Les murs sont blancs, et une onde pure coule paisiblement, en entrant par un pan de mur et en sortant par l'autre. Comme j'ai soif, je m'approche de l'eau pour me désaltérer. Quand je me penche, au lieu de voir mon reflet, je commence à voir défiler des passages de ma vie dont je me souvient plus ou moins bien. Intriguée, je m'assois plus confortablement et je regarde de plus près.
Une petite fille naît. Elle pleure beaucoup, elle gigote dans sa couverture blanche. De petites mèches brunes recouvrent déjà son crâne. Sa mère la prend dans ses bras, émue de voir enfin sa petite fille. Un petit garçon au bas âge, que je devine être mon frère aîné, sautille à côté du lit en criant ''J'veux voir! J'veux voir!''. Quand à moi, j'ouvre les yeux pour la première fois, et mes parents sont impressionnés par la teinte miel qu'ils ont. Apparemment, si mes souvenirs sont bons, ma mère me disait souvent que mon regard était désarmant, et que je pouvais m'en servir pour me défendre... ou pour séduire.
Quelques années plus tard, sûrement, parce-que le bébé est devenu une jeune fille de six ou sept ans qui se réveille, effrayée, en plein milieu de la nuit. C'est la première fois que j'ai fait le Rêve, et je m'en souviens encore. Sur l'île, il y a avait de l'or, des maisons paradisiaques... Tout ce dont je pouvais rêver. Mais de l'autre côté, comme si les berges étaient toutes proches de ma maison, je voyais ma famille. Sans yeux, leurs orbites étaient vide. Au dessus de moi, un démon flottait, et me susurrai à l'oreille : ''Tu les as tués parce-que tu voulais arriver jusqu'à l'île...''. Depuis, j'y pensais constamment, et le destin avait fait son travail : comme tous les habitants de l'archipel, j'était désormais obsédée par l'île d'Aïklando.
Une jeune fille qui cours dans les bois, qui se fuit elle même. Elle tient sa tête, elle tombe à genoux au sol. Elle crie, son cris déchire la nuit et fend la lune. Puis, elle se transforme, la lycanthropie se manifestant pour la première fois de sa vie. Après une douloureuse transformation, elle est devenue une louve, majestueuse mais effrayante. Son poil gris aux reflets roux sur le visage, ses crocs acérés près à mordre sa proie... Mais surtout ses yeux. Sur son corps de jeune fille, ils avaient un côté charmeur, mystérieux... Mais dans les orbites de cette louve, ils dévoilaient une haine sans limite et un non-contrôle de sois-même horrifiant. Il disaient ''Fuyez moi, tant que vous pouvez...''.
Étais-ce douloureux de me rappeler ces épisodes de ma vie? Un peu, mais pas aussi douloureux que le mal de tête dû à l’ultrason qui était revenu. Pour une ultime fois, je m'évanoui, mais me réveillait dans le monde que je connaissais déjà, prête à continuer ma quête pour arriver jusqu'à l'Île.