Lorsque deux sales caractères se rencontrent... [Octavia]

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Trop de bruits. Trop de gens. Trop d'animation.

Kaleya n'était décidément plus habituée à la civilisation. Pour dire vrai, elle devait admettre qu'elle ne l'avait jamais vraiment été. Mais à présent... elle ne supportait plus du tout ce tourbillon qui l'entourait. Elle en venait à se demander pourquoi elle était descendue du navire. Après tout, elle n'avait qu'à attendre patiemment qu'ils repartent... Alors ? Curiosité morbide ? Avait-elle voulu savoir si on l'avait oubliée ou non ? Avait-elle voulu se confronter au lieu où elle avait passé la majeure partie de sa vie ? Ou bien était-ce le désir de retrouver pour un instant la vie citadine après avoir passé tant de temps sur une île isolée ? Elle l'ignorait. Et cela ne l'empêchait pas de regretter son choix.

Oh, bien sûr, les avis de recherches la concernant semblaient avoir disparu. Après tant de mois, ce n'était pas étonnant. Théoriquement, elle ne risquait pas grand chose à déambuler en plein jour dans les rues d'une ville qu'elle n'avait autrefois parcourues que de nuit. Pourtant... même après avoir passé tant de mois loin de tous, oubliée de ses ennemis, bien qu'elle elle en soit venue à oublier son statut de proie... elle se sentait en danger. Exposée au regard de tous, exposée... et si seule, soudain. Une cible parfaite.

Il n'y avait pourtant que peu de monde. Une fraîcheur inhabituelle pour la saison s'était glissée dans le vent printanier et les passants avaient autre chose à faire que de faire attention à elle, à savoir s'abriter au chaud le plus vite possible. Elle aurait tellement aimé pouvoir se détendre, ordonner à ses mains de s'éloigner des manches de ses armes dissimulées... Pouvoir s'amuser de la précipitation silencieuse de ceux qui l'entouraient, pouvoir observer la lumière chaleureuse qui s'échappait des maison et se laisser aller à la mélancolie. Mais il lui était impossible d'émousser ses sens et sa vigilance.

Prudemment, elle s'accorda le temps de réfléchir aux derniers jours. Kaplen leur avait exposé son projet... détestable projet... Elle avait protesté, essayé de convaincre ses compagnons de s'opposer à sa décision. En vain. La rage avait alors remplacé la sérénité. Elle s'était plongée dans un isolement silencieux des plus discordants. Elle s'en foutait : ils n'avaient qu'à la laisser tranquille. Pour éviter d'être remise à sa place, une fois de plus, elle s'était retenue d'envoyer balader ses compagnons. Effort louable...

Voilà la vraie raison de sa sortie. Le besoin de sortir du cadre dans lequel elle serait enfermée pour les semaines à venir. Un instant, elle caressa l'idée de suivre sa propre route, comme elle l'avait toujours fait...

Elle n'eut pas l'occasion d'analyser plus longtemps cette pensée. Une sensation étrange, légère mais violente, s'accrocha brutalement à son esprit. Danger. Danger mortel. En un réflexe absolument détaché de toutes pensées censées, ses mains se précipitèrent pour saisir ses armes. Ce ne fut que de justesse qu'elle parvint à retenir son geste. Poursuivant sa marche comme si rien ne s'était passé, elle jeta un regard acéré autour d'elle. Il lui semblait impossible qu'on ait pu ne pas voir sa réaction.

Un bref instant, ses yeux se posèrent sur un gamin qui la regardait, probablement effrayé par les marques qu'elle portait sur le visage. Mais elle sut que ce n'était pas lui, le danger. Elle poursuivit son balayage méthodique de la rue pour finalement croiser le regard d'une jeune femme. Furtif, il s'était voulu invisible mais dans le bref échange qui lia un instant les deux femmes, Kaleya sut qu'elles s'étaient repérées, l'une et l'autre.

La seconde qui s'écoulait dans le grand sablier du temps s'immobilisa avec légèreté. Le temps de détailler l'inconnue, le temps de comprendre si le danger venait bel et bien d'elle. Malgré la brièveté de l'instant, Kaleya distingua au fond des iris de la femme une violence sourde mais brûlante, une violence vengeresse que la jeune neko connaissait si bien... Mais il s'y trouvait quelque chose d'autre, d'infime, d'indéfinissable, qui parvint à enfoncer une pointe de peur dans l'esprit de la jeune femme. Dans une panique brumeuse qu'elle ne comprit pas, elle souhaita de tout coeur ne pas être la cible de l'inconnue.

Agacée par ses propres émotions, sans marquer d'arrêt prononcé pour l'observer plus longtemps, elle s'accrocha à un détail purement matériel : ses armes. Elle arborait ostensiblement deux longues lames courbes. Redoutables.

Avec un haussement d'épaule infime, Kaleya poursuivit sa marche avec une feinte indifférence. Jusque là, elle avait toujours eu pour principe d'éliminer tous dangers auxquels elle aurait à faire face. Mais elle ne pouvait pas se permettre d'attaquer une personne au milieu d'une rue sous prétexte qu'elle l'avait regardée. ça aurait manqué de... civilité ? Mais après tout, elle n'avait jamais été civilisée... Elle ne put s'empêcher de sourire à cette remarque silencieuse.

Instinctivement, tous ses muscles s'étaient tendus, prêts à entrer en action. Avec soudaineté, l'absurdité de la situation lui sauta au visage et le lacéra sauvagement. Avait-elle donc tellement pris goût à la bataille, pour être prête à en découdre avec la première personne qui lui donnait une mauvaise impression ? Sa dernière aventure aurait pourtant dû la calmer. Elle portait encore les marques de sa trop grande assurance.

Elle poursuivit son chemin. Image étrange d'une innocence perdue depuis longtemps. Elle savait où elle allait. Du moins, dans l'immédiat. Au premier croisement, elle tourna. Sans se précipiter. Laisser le temps à l'inconnue de la suivre, si elle le jugeait nécessaire. À mesure qu'elle avançait, les passants se faisaient de plus en plus rares. Elle connaissait si bien la ville. Elle savait où elle allait.

Elle se figea après une dizaine de minutes. Elle écoutait. Elle n'entendit rien, pourtant, même ici, le silence n'était pas absolu... Le silence absolu n'existait pas. Sauf dans la mort, peut-être. Mais ce n'était pas le moment d'avoir des pensées pareilles...

Peut-être s'était-elle faîte des idées. Elle fut surprise de la déception qu'elle en ressentit. Sur un soupir, en un élan irrésistible, elle prit appui sur le mur d'une maison et crocheta le haut de la première fenêtre. En quelques gestes précis, elle se hissa au premier étage, résolument décidée à atteindre le toit.

Soudain, un son infime lui parvint. Sans réfléchir, en équilibre précaire, elle s'interrompit dans son mouvement, et attendit. Elle ne pouvait pas tenir longtemps, elle le savait, mais la curiosité était plus forte que la peur de la chute : l'inconnue l'avait-elle donc bien suivie ? Pour quelle raison ?

Elle sentit que la gravité reprenait ses droits et se prépara à bondir sur le sol avant que celle-ci ne se décide à la faire tomber.

Les rumeurs d'une attaque de lycanthropes s'étaient ébruitées aux alentours de Reilor. Une absurdité, selon Octavia. Elle savait que les montres étaient assoiffés de sang, mais de là à faire preuve d'assez de stupidité pour s'attaquer à un village proche de la capitale de Lan Rei... M'ouais. La jeune femme n'y croyait qu'à moitié. Mais il n'y avait jamais, oh non, jamais de fumée sans feu. Et le Faucon se devait de vérifier. Il y avait toujours une chance, une chance infime...

Octavia crut entendre la voix trainante et mielleuse de Cheh-dahn rire doucement de sa hargne et de son désespoir. Elle marmonna une vague injure au démon tandis qu'elle arrivait dans la capitale pour y acheter le nécessaire : provisions, carreaux d'arbalète, modifiés plus tard pour être lestés de filets et permettre à l'Assassin Rouge d'éliminer le monstre d'une balle d'argent nette et précise dans le crâne. Encore que ses cimeterres, soigneusement enchantés par Cheh-dahn, décapitaient promptement les lycanthropes. Mais Octavia n'était pas assez idiote pour s'approcher d'un de ces monstres sans l'avoir auparavant affaibli.

C'est ainsi que la jeune femme se retrouva à déambuler dans les rues. Elle n'avait jamais été très à l'aise dans les villes. Trop de maisons, serrées les unes contre les autres. Trop de misère. Trop de vol. Et surtout, cette odeur infecte. Elle fronça le nez de dégoût. Une chance que la majorité de ses traques se trouvent à l'extérieur. Les villes étaient de vrais labyrinthes. La jeune femme n'osait imaginer ce que donnerait une chasse prolongée dans une ville de la taille de Reilor.

Elle acheta rapidement ce dont elle avait besoin. Les rares contrats d'assassinat "basiques" se trouvaient dans des villes, et elle en savait suffisamment pour savoir où se trouvait le quartier marchand. Ce n'était pas qu'elle n'aimait pas les villes. Elle les détestait. Pour leur bruit, leur odeur, leur monde. Ce n'était pas qu'elle aimait les villes. Elle les adorait. Pour la facilité que l'on avait d'assassiner une cible, pour les multiples recoins qu'elles offraient, pour ce qu'on y trouvait. Au moins, personne ne contestait le fait que la jeune femme était quelqu'un de particulièrement ambigu.

L'odeur, douce amère, de la ville faillit lui faire rater une autre, animale, bestiale. Un loup. Un loup était là.

Ses sens avaient été développés avec l'échange de sang avec Cheh-dahn. De plus, l'œil lui permettait d'identifier rapidement qui était un loup sous forme humaine et qui ne l'était pas. Elle chercha, donc, ses yeux plus sombres qu'une nappe de pétrole fouillant la foule à la recherche d'une cible, d'un loup dans lequel elle pourrait plonger sa petite dague d'argent dans le cœur.

La chasseresse trouverait sa proie. Un sourire de prédateur se dessina lentement sur ses lèvres. Trouvée. Bonjour, petite proie. Ton odeur m'est familière, tu sais ? Ton odeur est attirante. Ton odeur est proprement dégueulasse, petite proie. Tu empestes. Tu portes la souillure. C'est pour cela que je vais te tuer.

Par mesure de précaution, Octavia utilisa l'œil de Cheh-dahn pour vérifier. Sa prunelle gauche rougit, se fendit, elle ausculta avec un l'intérêt et la précision d'un maniaque sa proie. Elle manqua de s'étrangler de stupeur. Foutredieu ! Ce n'était pas possible ! Une Neko des plus normales ! Bon, elle ne l'était pas complètement, et il y avait de grandes anomalies... mais ce n'était pas une louve ! Merde !

L'œil reprit sa teinte originelle et elle détourna les yeux. Octavia l'avait bien vu, sa proie l'avait sentie. La jeune femme ne chercha pas à savoir comment. Les faits étaient là. Elle avait été repérée. La proie avait posé ses mains sur ses armes et scrutait la foule. Cheh-dahn l'aurait fouettée jusqu'au sang avant de lui faire pire pour s'être laissée aller à ce point là. Cependant, la curiosité prit le pas sur la prudence et la força à relever la tête. Qui était-ce ? La question lui brûlait désormais les lèvres. Qui était-ce pour tromper ses sens qui jamais, jamais n'étaient été floués ?

Leur regard se croisèrent. L'instant ne dura qu'une seconde, mais elles se reconnurent. Le Destin s'était penché sur toutes deux d'une manière semblable. Octavia reconnu l'autre comme on remarquait les similitudes entre deux œuvres de maître. La jeune femme resta un instant fascinée par les iris d'un vert presque surnaturel de la Neko... et puis elle détourna le regard et s'éloigna mine de rien de l'autre.

Elle vérifia rapidement son équipement... ses deux cimeterres étaient bien là, jumeaux parfaits, calmes, rassurants, et surtout parfaitement effilés et capable de trancher bien des choses. Une longue dague de type oriental, en argent, fixée sur le côté gauche son dos à l'aide d'un baudrier, la lame de poing prête à jaillir, l'arbalète dans son dos, le pistolet aux balles d'argent à sa ceinture... Certains auraient pu rire d'un tel arsenal, mais quand on combattait des lycanthropes, mieux valait avoir trop de lames que pas assez.

Octavia rabattit le capuchon de sa cape sur ses cheveux, remonta son foulard sur le bas de son visage. Ses yeux d'onyx étaient fixés sur sa proie qui partait. Il fallait qu'elle sache. Dieux ! C'était trop étrange. Il fallait qu'elle sache. Les rumeurs pourraient bien attendre un jour ou deux.

La jeune femme utilisa ce que lui avait appris Cheh-dahn et suivit silencieusement la neko. Suivre quelqu'un en étant habillé de rouge n'était peut être pas forcément des plus discrets, mais elle n'avait pas le loisir de changer de vêtements. Et le temps jouait contre elle. Suivre cette femme étrange lui coûterait sans doute une journée de voyage. Et dans une attaque de loups, un jour pouvait être fatal. Mais qu'importe. Malgré sa haine, elle songea que ce ne serait pas la première fois qu'elle raterait le passage des lycanthropes.

Elle se raidit un instant en voyant que la neko n'avançait pas des plus vite. Savait-elle qu'elle était suivie ? Cherchait-elle à être suivie ?... Octavia rejeta ces questions d'un plissement de paupière. Baste !

Elle suivit l'autre dans des recoins de plus en plus reculés. Tant mieux. S'il y avait échauffourée, mieux valait qu'il n'y ait pas trop de témoins.

Un instant, Octavia la perdit des yeux. Elle leva la tête. Retint un juron qui aurait sans doute fait rire Cheh-dahn. D'un geste véloce, elle passa la main dans son dos pour attraper l'arbalète. Ses doigts se refermèrent sur la crosse en bois et en fer, polie par l'usage. Elle l'arma rapidement et visa la Neko, prête à lâcher le carreau qui clouerait l'autre au sol. Octavia ne souhaitait pas la tuer, mais du moins la blesser pour pouvoir l'interroger. Il y avait trop de questions, trop d'interrogations sans réponses qui attendaient, et elles étaient liées à l'étrange Neko.

- Reviens au sol et ne bouge pas si tu ne veux pas que je te troue la peau.

Le ton était froid, implacable, teinté de cette colère perpétuelle qui animait la jeune femme. Étrangement, on pouvait y repérer aussi une sorte d'urgence, une interrogation. Vi ne s'en soucia pas. Les seuls mots qui avaient forme dans son esprit étaient ces cinq là :

Il fallait qu'elle sache.

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Elle entendit sa voix avant de la voir, avec une satisfaction des plus incompréhensibles : depuis quand aimait-elle rencontrer de nouveaux ennemis ?

Même lorsque le sens exact de ses paroles lui parvint, la joie étrange qu'elle ressentait ne s'effaça pas. Mais elle s'accompagna d'une délicieuse inquiétude et de la vigilance acérée qui précédait un combat. Elle lança un regard à l'étrange jeune femme qui avait dissimulé le bas de son visage derrière un foulard. Un feulement sourd s'échappa de sa gorge. Qui était-elle donc pour l'attaquer ? Un énième assassin envoyé pour supprimer l'une des dernières traces de leur "erreur scientifique" ? Non. Il y avait sur son visage une singulière expression, comme si elle était... intriguée. Intriguer ses adversaires était-il une bonne stratégie ? En ce qui concernait la survie, peut-être, mais par rapport au confort d'une situation, rien n'était moins sûr. D'autant plus lorsque cet adversaire braque une arbalète sur vous. Cela lui rappela brièvement qu'elle avait déjà affronté des arbalétriers. Et que les carreaux, lorsqu'ils atteignaient leur cible, à savoir elle, étaient tout ce qu'il y avait de plus désagréables. Elle grimaça légèrement. Souffrir devenait lassant.

Après réflexion, Kaleya se rendit compte qu'elle avait manqué de prudence. Encore une fois, elle s'était trop fiée à ses sens, et pas assez à son intuition. Elle aurait dû demeurer sur ses gardes.

Mais il était trop tard pour regretter. Toutes ses réflexions, si elles n'avaient mis qu'une fraction de seconde à la traverser, ne pouvaient empêcher l'inéluctable : elle était en train de tomber. Et il lui fallait trouver une solution avant que la seconde ne s'écoule complètement. Décidément, dans ce monde, tout se joue sur le rasoir du temps qui file...

Et en guise de solutions, elle n'avait pas grand chose en main. Il était hors de question de poursuivre son escalade, elle serait abattue sans peine. Il ne lui restait donc qu'une direction à suivre, quoiqu'il arrive. C'était déjà ça.

Elle ne ressentait pas de rage ni de haine à l'égard de son assaillante, aussi parvenait-elle à réfléchir sans se laisser aveugler par le désir de tuer. Elle parvint ainsi clairement à séparer les deux possibilités qu'il lui restait : soit elle obéissait bien calmement et espérait que tout se finirait bien, attitude qu'elle abhorrait plus que tout. Après tout, il était rare de s'en sortir à bon compte lorsqu'on était menacé d'une arme. Soit elle se battait, risquant une énième blessure. Cette perspective ne l'effrayait pas tant mais elle était consciente que dans ce cas là, il lui faudrait mettre fin à l'affrontement très vite au risque de perdre la maîtrise de la situation à mesure qu'elle s'affaiblirait. Elle avait beau avoir un talent incroyable pour repousser ses limites, elle devait avoir un minimum de prudent.

Mais elle n'avait pas peur. Aurait-elle dû ?

Alors que le vide la happait, cette question s'effaça et ne demeura bientôt qu'une seule pensée dans son esprit. À situation d'apparence désespérée, action d'apparence désespérée. Tout ce qui comptait était de surprendre l'adversaire. Quoiqu'il puisse en coûter. Seule comptait la survie.

Son corps traça dans l'air une courbe des plus disgracieuses. Déséquilibre. Elle n'avait pas bondi, non, elle tombait. Sans la moindre élégance.

À mi-chemin de sa chute, elle effectua le second geste le plus illogique qui soit : avec une vivacité inhumaine, elle dégaina l'une de ses lames et la jeta violemment sur son adversaire, visant approximativement. On ne se débarrasse jamais de ses armes durant un affrontement. Jamais... mais Kaleya n'aimait pas les règles et dans ce cas précis, celles-ci la dérangeaient plus qu'autre chose.

Le claquement sec du carreau qui tranchait l'air en réponse à son assaut vint résonner à ses oreilles. Douleur. Aiguë, mais supportable. Elle ne prit pas la peine de localiser la blessure. Plus tard... Avec une maîtrise qui contrastait étrangement avec sa chute précédente, elle roula au sol, un rugissement de douleur et de rage s'échappant de sa gorge. Dans la continuité de son mouvement, elle se redressa, sa deuxième lame serrée dans sa main droite et se jeta sur la jeune femme, priant pour que son effet de surprise ait fonctionné, sans quoi elle était morte, une bonne fois pour toute.

Mais si elle survivait... si elle survivait, il lui faudrait trouver un moyen de mettre hors d'état de nuire son adversaire sans la tuer. Perspective délicate mais amusante...
Elle aussi était curieuse, après tout...

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Octavia la vit tomber. Seconde après seconde. Ce n'était pas là le saut gracieux de quelqu'un qui lâche prise. La neko tombait vraiment. Sur le coup, la jeune femme ne comprit pas. Elle s'approcha pour rattraper l'autre, quand la neko, d'un autre geste complètement illogique, lui envoya une dague. Octavia recula d'un geste brusque, mais la dague l'atteignit au front, déchira un sourcil et faillit transpercer l'œil. Elle poussa un grondement de douleur et tout en portant une main à sa blessure, son doigt appuya avec hargne sur la détente de l'arbalète, visant l'épaule droite.

*Salope ! Salope !*

A moitié aveuglée par le sang, elle fut étonnée d'avoir visé juste. Elle s'était attendue à ce que le carreau passe au dessus de son adversaire. Il se planta un peu plus bas de ce qu'elle avait prévu, mais qu'importe. Il handicapait la neko, et cela lui suffisait. Vu la rapidité de la jeune femme, Octavia allait avoir besoin de tout son art. Et un œil gauche aveuglé par un liquide poisseux, au goût métallique, n'allait pas l'aider.

Elle ne put retenir un rire hystérique. Elle aurait eu l'air fine, tiens, si son œil gauche - l'œil de Cheh-dahn - avait été crevé !

L'instant suivant, la neko fonça sur elle. En à peine une seconde, Octavia tira ses cimeterres et para le coup. Elle se recula, en même temps que son adversaire. Les deux femmes se jaugeaient, tournant pour percevoir le moindre point faible. Pour la neko, c'était son bras droit. Pour Octavia, sa visibilité réduite.

La jeune femme lécha distraitement le sang qui avait coulé près de sa bouche, sans quitter la neko des yeux. Ah ! La garce ! Elle ne comptait pas répondre gentiment à ses questions -de simples questions, merde !- ? Très bien. Le Faucon n'allait pas faire dans la dentelle non plus.

Un instant, elle songea qu'il valait mieux arrêter le combat, essayer de calmer le jeu. Elle n'avait que des questions à poser, rien d'autre. Mais la soif de sang, l'envie d'en découdre avec cette neko qui avait failli lui crever l'oeil la submergea. Tant pis. S'il fallait la frapper et la ligoter pour la faire parler, Octavia le ferait. Ce n'était pas la première fois qu'elle torturait les gens.

Ce fut cette même soif de sang qui la força à attaquer la première. Elle ne se faisait pas d'illusion. Son adversaire était plus rapide. Mais ça n'allait que rendre le combat plus... amusant. Un sourire dément étira ses lèvres quand effectivement, la neko esquiva d'un pas leste.

Dieux ! Qu'est ce qu'elle adorait ça !

D'une torsion du buste qui témoignait de sa souplesse, Vi se retourna et asséna un coup vif. Un sifflement étrangement vipérin et jubilatoire sortit de sa gorge lorsqu'elle sentit l'arme s'enfoncer dans la chair. Mais l'instant d'après, un violent coup de pied l'atteignit au plexus et l'envoya contre un mur.

Avec un grognement de douleur, elle tenta de se relever, mais le choc avait été trop rude. Des étoiles noires dansaient devant ses yeux, sa tête était lourde. Cependant, cesser de bouger c'était mourir. Cette certitude avait été profondément ancrée dans le crâne de Vi. Elle se jeta sur le côté au moment même où une courte lame allait la priver de l'usage du cimeterre gauche. Un vertige la saisit et elle prit le temps de palper son crâne. Elle gémit quand l'éclair blanc de la douleur la vrilla. Merde ! Au mieux, elle aurait une sacrée bosse. Au pis... bah.

La jeune femme se releva, fixant de ses yeux sombres la neko. Puis, implacablement, se remit en garde.

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Une seconde avant de fondre sur son adversaire, Kaleya parvint à appréhender la situation. Elle n'avait rien de brillante, non, mais elle portait l'éclat sanglant et exaltant de ces batailles dont l'issue était si incertaine. Et elle ne parvenait décidément pas à s'en inquiéter, malgré le rire sinistre de la jeune femme qui résonna un instant dans la ruelle.

Tout ce qui comptait réellement, c'était que son petit effet de surprise avait mieux fonctionné encore que prévu et qu'elle n'était à présent plus sous la menace de l'arbalète. Plus étonnant encore, son jet maladroit avait atteint sa cible, déchirant le visage de son assaillante et y faisant allègrement couler le sang...

La jeune femme n'eut que le temps de distinguer l'éclat des deux cimeterres jaillissant de leur fourreaux avant le choc de leur rencontre. Son assaut, d'autant plus affaibli par la blessure qui ornait son bras armé, fut balayé sans peine. Sans laisser le temps à l'inconnue de la submerger, elle bondit en arrière, imitant involontairement le geste de son ennemie. La rapidité extrême de l'action précédente contrasta alors étrangement avec la soudaine lenteur de leurs mouvements. Doucement, elles se tournaient autour, se transperçant du regard avec une intensité rare que la neko ne put s'empêcher de savourer.

Le sang qui maculait le visage de la combattante y dessinait une sauvagerie implacable, rageuse. Innocemment, Kaleya fit passer son arme de la main droite à la main gauche et laissa un instant un sourire insolent naître sur ses lèvres, une fraction de seconde avant que l'inconnue ne porte un nouvel assaut. Avec une ombre moqueuse, la jeune neko esquiva sans peine l'attaque. Après tout, son adversaire n'était qu'une simple humaine. Douée, peut-être, mais qui ne parviendrait jamais à égaliser sa vitesse...

Elle perçut la manoeuvre de son ennemie une fraction de seconde trop tard. Un feulement rageur s'échappa de sa gorge lorsqu'elle sentie l'acier mordre son dos. Ne jamais sous-estimer un adversaire ! Combien de fois s'était-elle répétée cette règle ? Elle ne laissa pas la lame lui infliger une blessure trop profonde : pivotant sur elle-même avec une souplesse inhumaine, elle décocha un coup de pied puissant qui projeta son ennemie contre le mur.

Kaleya n'avait jamais appliqué aucune des règles d'honneur consistant en laisser son adversaire se relever s'il était à terre et autres inepties de ce genre. Lame pointée en avant, elle bondit sur l'humaine qui parvint à éviter l'attaque avec une facilité étonnante. Comme à son habitude, la neko ne tenta pas le diable : elle se retira hors de portée des armes de son ennemie pour la regarder se relever. Elle distingua dans ses gestes un léger déséquilibre à exploiter au plus vite, sans lui laisser le temps de se remettre... mais elle-même avait mal. Elle parvenait sans peine à le dissimuler aux yeux de son ennemie, elle en avait l'habitude, mais la douleur irradiait dans tout son bras droit, rendant ses mouvements moins lestes qu'elle l'aurait voulu. Elle lança un regard bref sur la blessure et constata que le carreau était toujours fiché dans sa chair. Elle sentait également le sang imbiber rapidement ses vêtement dans son dos, preuve sinistre que la plaie était plus large que prévu. Elle haussa légèrement les épaules : il serait toujours temps plus tard d'y faire attention. Pour le moment, il lui fallait isoler la simple idée de souffrance dans un coin de son esprit pour se concentrer sur l'affrontement.

Elle reporta son attention sur son adversaire, figée en une garde parfaite, le regard noir braqué sur elle. Elle sut que la jeune femme était allée trop loin pour revenir en arrière : il se lisait sur son visage un désir violent de se battre, reflet de ce que la neko ressentait elle-même.

Kaleya sourit doucement, avec une nuance étrangement... amical. Leur combat était à ses yeux un pur jeu. Un jeu dangereux, certes, mais ô combien amusant. Et elle voyait que malgré la colère qu'avait ressentie l'humaine auparavant, elle considérait leur affrontement de la même manière.

Sans prévenir, elle se jeta en avant, esquissa une frappe à gauche, entraînant aussitôt les lames adverses à se mettre en mouvement. Elle se baissa de justesse, évitant le tranchant d'un des cimeterres tandis que l'autre bloquait son attaque. En riant, elle battit une nouvelle fois en retraite et alors que l'humaine la suivait, ses armes pointées en avant, elle se jeta sur le côté droit et tenta une nouvelle attaque qui fut balayée sans peine, encore une fois. Dans la continuité de son mouvement, elle parvint dans le dos de son ennemie. Celle-ci se retourna avec vivacité mais pas assez vite pour empêcher la lame de tracer une fine estafilade sur son corps. Oeil pour oeil, dent pour dent ? Même pas. Elle ne faisait que jouer. Tester les réactions de l'humaine. Observer ses défenses et y chercher une faille. Il y en avait mais trop infimes pour être utilisables. C'était sans importance. Kaleya souriait toujours, faisant face avec insolence à une adversaire indéfectible.

Elle demeura plusieurs secondes immobiles, attendant que son ennemie porte un nouveau coup. En vain. Elle semblait s'être fait plus prudente.

Alors elle se détendit, ostensiblement. Son sourire se fit plus large, dévoilant ses canines un peu plus pointues que la normale. Elle avait aperçu, à quelques pas d'elle, l'arme qu'elle avait jetée. Ses yeux lancèrent une brève étincelle de défi alors qu'elle se baissait pour ramasser la lame. Lentement, si lentement. Exposant son dos à son ennemie avec une audace dangereuse. En même-temps, d'une voix légère, comme si elle ne faisait que reprendre une conversation, elle demanda :

" Et en fait, qu'est-ce que tu me voulais ? "

Ses doigts se refermèrent sur le pommeau de l'arme. Tous les sens à l'affût, les muscles tendus à l'extrême, elle attendait une réponse aussi bien qu'une attaque. Manoeuvre dangereuse...

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La jeune femme remarqua le sourire amusé de son adversaire, et elle ne put s'empêcher d'y répondre. Cet affrontement... n'était plus qu'une joute amicale. En premier lieu, Vi n'avait pas voulu blesser trop gravement la Neko, juste pour pouvoir l'interroger. Après ces sourires échangés, le but lui-même était modifié. Il s'agissait d'un jeu. Certes, à la fin, il lui faudrait tout de même parler à la Neko.

Mais là, ce n'était que la beauté du jeu. Deux lames de maîtres qui s'affrontaient, sans pouvoir déterminer qui était la meilleure. Un frisson parcourut l'épine dorsale d'Octavia, électrisant ses membres. Son sourire s'élargit.

Son adversaire se remit en mouvement. Avec une joie délectable, la jeune femme para, attaqua, ses cimeterres se déplaçant dans une danse non pas létale mais juste martiale. Si au départ, la rage l'avait envahie, elle s'était retirée comme la basse marée. Octavia prenait plaisir à l'affrontement. Et, si elle ne se trompait pas, la Neko partageait son sentiment.

Son adversaire réussit à arriver dans son dos. Vi poussa un juron quand elle sentit la lame mordre légèrement son dos.

*Ha, Ha, Ha... Tu me rends la pareille, hein...?*

Elle se mit rapidement hors de portée de la Neko. Attentive aux moindres mouvements de l'autre. Prête à bondir dans sa garde et l'envoyer à terre d'un coup de pied bien placé. Mais il ne se passa rien. Lorsqu'elle vit son adversaire se détendre, l'inverse se produit chez Octavia. Aussitôt, son esprit se mit à fourmiller d'hypothèses diverses. Avait-elle un allié qu'elle n'avait pas vu ? Possédait-elle un atout (en ce qui la concernait, elle en possédait au moins un) ? Avait-elle piégé l'endroit ?

Mine de rien, la jeune femme regarda par dessus son épaule. Personne. Elle reporta son regard sur la Neko. Elle lui tournait le dos, le temps de ramasser l'arme qu'elle lui avait lancé au début de l'affrontement.

- Et en fait, qu'est-ce que tu me voulais ?

Octavia ne répondit pas tout de suite. Elle se déporta sur le côté, au cas où l'autre aurait décidé de lui envoyer une fois de plus l'arme à la figure. Elle attendit un instant, essayant de voir si la Neko avait décidé de reprendre les passes d'armes. Rien. Vi se détendit à peine. Cela pouvait cacher quelque chose. Lorsque Cheh-dahn prenait la peine de se battre avec elle pour l'entrainer, elle se faisait prendre à chaque fois par cette technique.

- ... Je voulais t'interroger. Il y a... une anomalie. Je t'ai prise pour autre chose. Et crois-moi, je ne me trompe habituellement jamais.

Un instant, une seconde...

- Mais je crois qu'avant de pouvoir te poser mes questions, il serait bon de... te soigner, non ? Je ne pensais pas que j'avais blessé profondément ton dos. Après tout ça, ce serait franchement con que tu me crèves entre les pattes...

*Vi, une tentative d'humour ? Très drôle. On a bien ri, hein ? Bon aller, fais autre chose parce que parler et faire ami-ami avec tes adversaires, c'est pas ton truc.*

Elle attendit. Elle ne souhaitait plus se battre. A l'heure qu'il était, elle devait déjà être partie.

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Un long silence résonna contre les murs de la ruelle. Kaleya essayait de décrypter son sens, cherchait à y distinguer une attaque imminente ou bien une simple réflexion avant la réponse. Prête à toute éventualité, elle se redressa doucement et lança un regard vers son adversaire. Celle-ci semblait indécise, presque inquiète par le soudain changement de comportement de la neko.

Mais elle n'avait pas profité de la position volontaire de faiblesse prise par la jeune femme pour l'attaquer. Et c'était une bonne nouvelle. Kaleya demeura immobile, silencieuse, fixant de se yeux amusés le visage de celle qui devenait une interlocutrice. L'idée que sa manoeuvre ait pu la faire douter était des plus réjouissante.

Finalement, d'un ton quelque peu hésitant, l'inconnue répondit :

" ... Je voulais t'interroger. Il y a... une anomalie. Je t'ai prise pour autre chose. Et crois-moi, je ne me trompe habituellement jamais. "

Kaleya haussa un sourcil moqueur. Une anomalie. C'était certainement l'un des mots qui lui correspondait le plus. Etait-ce donc si visible que cela ?

Mais c'était surtout la curiosité de son assaillante face à ce qu'elle avait perçue chez elle qui troublait la neko. Qu'y avait-il donc chez elle qui puisse attirer l'attention, en dehors de sa façon de se mouvoir et des marques couvrant son visage ?

" Mais je crois qu'avant de pouvoir te poser mes questions, il serait bon de... te soigner, non ? Je ne pensais pas que j'avais blessé profondément ton dos. Après tout ça, ce serait franchement con que tu me crèves entre les pattes... "

Cette fois-ci, Kaleya laissa échapper un bref éclat de rire. Si elle savait à quel point cette blessure était mineure à ses yeux... Avec un haussement d'épaule négligent, elle lâcha d'un ton rieur :

" J'ai connu pire. ça me laisse un peu de marge avant de mourir. Et être soignée par son adversaire n'est pas la meilleure idée qui soit... "

Si elle laissait apparaître une attitude calme et posée, elle demeurait sur ses gardes. Ne faire confiance à personne... C'était l'une des règles les plus sûres qui soit. Et après tout, si elle ne voulait que lui poser des questions, pourquoi commencer par la menacer ? Avec ironie, elle s'empressa de faire cette remarque à voix haute :

" Je ne sais pas ce que tu voulais me demander, mais si tu veux en conseil, braquer une arbalète n'est pas le meilleur moyen pour obtenir des informations tout en douceur... "

Avec un léger sourire, dans le seul but d'intriguer son interlocutrice, elle finit par dire :

" Mais tu n'as pas tort. Je suis une anomalie. "

À cet instant, comme si le silence pesant qui se posaient entre elles après chacune de leur phrases ne supportait plus sa propre existence, le claquement sec de chaussures lourdes frappant le pavée se fit entendre, pas très loin de la rue qu'elles occupaient.

Kaleya se crispa brusquement. Elle connaissait très bien ce bruit : après tout, en tant que fugitive professionnelle, elle se devait de savoir quand les gardes de la ville approchaient. Lançant un regard qui était brutalement redevenu acéré à la jeune femme, elle lâcha d'un ton sec :

" Si ça ne t'embête pas, les questions se feront en route. "

Sans attendre de réponse, elle commença à s'éloigner d'un pas vif. Elle était certaine d'une chose : si les nouveaux arrivants - car elle venait de se rendre compte qu'ils étaient trois - voyaient son visage, malgré les mois qu'elle avait passés loin de la ville, ils la reconnaîtraient.

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" J'ai connu pire. ça me laisse un peu de marge avant de mourir. Et être soignée par son adversaire n'est pas la meilleure idée qui soit... "

Vi grimaça. Effectivement.

" Je ne sais pas ce que tu voulais me demander, mais si tu veux en conseil, braquer une arbalète n'est pas le meilleur moyen pour obtenir des informations tout en douceur... Mais tu n'as pas tort. Je suis une anomalie. "

La jeune femme allait répondre, mais referma la bouche. Hésitante, elle se demandait comment présenter sa réponse à la Neko. Un bruit de pas, le claquement de bottes lourdes. Vi en connaissait assez pour reconnaitre le pas légèrement cadencé des militaires. Donc des gardes. Ils avaient sans doute été avertis par un témoin du combat, ou par le chant de l'acier. Mais ce qui était important, c'était qu'ils arrivaient. Et Vi n'avait aucune envie de se retrouver nez à nez avec eux. Elle ne tuait pas les innocents, mais ne se laisserait pas capturer pour autant. Un bref coup d'oeil à la Neko confirma ce qu'elle songeait. L'autre non plus ne souhaitait pas être vue par les gardes.

" Si ça ne t'embête pas, les questions se feront en route. "

La jeune femme hocha la tête, suivant le pas rapide de la Neko. Elle se fichait de savoir pourquoi elle voulait leur échapper. Vi avait ses raisons, la Neko en avait d'autres, mais le but était le même, et c'était tout ce qui importait. En chemin, la jeune femme continua la conversation, à voix basse.

- Je sais que te viser avec l'arbalète n'était pas des plus... avisés. Mais tu savais que je te suivais, non ? Je n'avais pas l'intention de te blesser, mais j'ai pensé que tu pourrais t'enfuir... Et ça il ne le fallait pas. Pas avant que tu m'aies répondu. Après, nous savons toutes les deux ce qu'il s'est passé.

Elle haussa les épaules. Les cris des gardes indiquèrent qu'ils avaient trouvé les traces de combat et le sang. Elle jeta un coup d'oeil en arrière. Jura quand elle se rendit compte que le sang que toutes deux laissaient échapper maculait le sol, en gouttes, sinon en traces, régulières.

- On saigne. Tu connais la ville mieux que moi. Amène nous dans une impasse et je me charge de brouiller la piste, ou bien tu nous trouves un endroit où grimper sur les toits facilement. Je n'ai pas ton agilité.

Montrer son don hérité du pacte avec Cheh-dahn ne l'enchantait pas tant que cela, mais il fallait fuir, et vite. Et garder la Neko en vie. Les gardes marchaient d'un pas vif. Inconsciemment, elle augmenta la foulée.

- Si tu ne veux pas que je soigne, libre à toi, mais il va falloir nous trouver un médicastre. Je te l'ai dit, je n'ai aucune envie que tu t'évanouisses ou ce genre de chose. Qui plus est, je tue les souillés. Pas les innocents sur lesquels je n'ai pas de contrat.

Après une petite pause, elle reprit :

- C'est d'ailleurs ce pour quoi je voulais t'interroger. Tu en portes l'odeur, mais tu ne l'es pas.

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Kaleya constata avec soulagement que la jeune femme partageait sa volonté d'éviter les gardes. Elle s'efforça de conserver une bonne allure tout en plaçant dans sa démarche la nuance nonchalante d'une simple passante. Cette manoeuvre ne servirait pas à grand chose une fois que les hommes découvriraient le lieu de leur affrontement mais en attendant, cela pouvait toujours leur accorder quelques secondes d'avance. Et elle était bien placée pour savoir à quel point la plus infime portion de temps avait son importance.

" Je sais que te viser avec l'arbalète n'était pas des plus... avisés. Mais tu savais que je te suivais, non ? Je n'avais pas l'intention de te blesser, mais j'ai pensé que tu pourrais t'enfuir... Et ça il ne le fallait pas. Pas avant que tu m'aies répondu. Après, nous savons toutes les deux ce qu'il s'est passé.
- Ouais... acquiesça-t-elle en souriant. J'ai mes raisons de ne pas apprécier qu'on me menace... On perd difficilement ses vieilles habitudes et ses réflexes. Je suppose que tu peux comprendre... "

Il y avait une légère ironie dans sa voix à ses derniers mots. Selon elle, quelqu'un d'aussi lourdement armé ne devait pas avoir une vie bien tranquille et devait parfaitement connaître l'instinct de survie qui l'animait.

À cet instant, l'exclamation de surprise de leurs poursuivants se fit entendre. Elles étaient à une centaine de mètres des trois hommes et Kaleya ne doutait pas une seconde qu'elles les distanceraient sans mal.
Mais le juron qui retentit à sa droite troubla sa certitude.

" On saigne. Tu connais la ville mieux que moi. Amène nous dans une impasse et je me charge de brouiller la piste, ou bien tu nous trouves un endroit où grimper sur les toits facilement. Je n'ai pas ton agilité.
- Et je n'ai plus mon entière agilité non plus... " rappela-t-elle en désignant son bras.

Elle fixa un bref instant la jeune femme. Elle ne savait même plus comment elle était censée la considérer : adversaire ou alliée ? Ni l'un ni l'autre, probablement.
Comment comptait-elle brouiller les pistes ? Disposait-elle de moyens spéciaux qu'elle n'avait pas encore montrés ?

Désireuse d'éclaircir ce point, elle décida d'abandonner l'idée d'une balade sur les toits, bien qu'elle soit la plus simple et qu'elle soit une fervente promeneuse de ces rues aériennes. Elle entraîna sa compagne temporaire de fuite dans la ruelle suivante au moment même où les soldats les interpellaient. Il fallait aller vite, à présent.

Alors qu'elle essayait de retrouver l'itinéraire le plus simple qui la mènerait à une impasse quelconque, la voix de l'inconnue la sortit de cette réflexion.

" Si tu ne veux pas que je soigne, libre à toi, mais il va falloir nous trouver un médicastre. Je te l'ai dit, je n'ai aucune envie que tu t'évanouisses ou ce genre de chose. "

Kaleya haussa les épaules une nouvelle fois et parvint à masquer une grimace de douleur. Il ne fallait surtout pas qu'elle pense à ça dans l'immédiat sous peine de se laisser submerger par la souffrance et d'être incapable de réfléchir et d'agir correctement. Elle se connaissait trop bien pour savoir qu'il était hors de question de laisser la folie habituelle s'emparer de son esprit.

Car oui, elle avait mal. La blessure de son dos, en dehors de l'importante quantité de sang qu'elle laissait échapper, n'était que mineure. Mais son bras l'élançait affreusement. Elle n'était pas certaine de pouvoir s'en servir si elle aurait à se battre à nouveau.

Un grondement sourd au fond de la gorge, elle balaya ses ressentis, juste à temps pour écouter la suite de ce que lui disait la jeune femme :

" Qui plus est, je tue les souillés. Pas les innocents sur lesquels je n'ai pas de contrat. C'est d'ailleurs ce pour quoi je voulais t'interroger. Tu en portes l'odeur, mais tu ne l'es pas. "

Kaleya demeurait silencieuse. Elle passa sur le terme "innocent" qui lui semblait tellement déplacé par rapport à ce qu'elle avait pu faire. Non la seule question d'importance était : mais de quoi parlait-elle donc ? Les souillés... ? Elle en portait l'odeur... ? Il n'y avait pas beaucoup de personnes à qui cette dénomination pouvait correspondre à part... les loups-garous ? Oui, à bien y réfléchir, elle avait déjà entendu cette expression haineuse pour qualifier les lycanthropes.

Cette intuition se confirma peu à peu alors qu'elle réfléchissait aux membres de son entourage. Etait-il donc possible que l'étrange jeune feme perçoive l'odeur d'Unded ? Elle ne l'avait pourtant pas spécialement approché... mais ils avaient navigué pendant des jours et des jours sur le même navire.

Cela signifiait donc qu'elle était davantage que ce qu'elle voulait bien laisser paraître. Elle n'était pas qu'une simple humaine un peu trop belliqueuse, non... Il y avait quelque chose d'autre. L'impression fugace de malaise que la jeune neko avait ressenti en croisant son regard, quelques instant auparavant, revint doucement. Elle considéra d'un oeil neuf l'arsenal que portait l'inconnue.

Avec un léger frisson, elle se souvint brutalement qu'elle avait été mordue par un lycanthrope. Etait-ce possible qu'elle le sente également, même si les effets n'avaient toujours été que très limités ? Et pourquoi donc cherchait-elle les loups-garous ? Certainement pas pour les serrer dans ses bras...

Elle chassa l'ensemble de ses interrogations dans un léger soupir. Elle verrait bien si ses intuitions seraient confirmées ou non par les questions que lui poserait la jeune femme. En attendant, elle entendait les pas précipités des gardes derrière elle. Il était temps de fuir.

Malgré le danger nouveau qu'elle percevait chez l'inconnue, juste pour le plaisir de la faire douter, elle lâcha d'un ton ironique :

" Je ne le suis pas... tu en es sûre ? "

Et comme si de rien n'était, elle ajouta :

" Ah oui et au fait... je m'appelle Kaleya Lhil. "

Puis d'une foulée souple et rapide, elle commença à courir.
Dans ce quartier, toutes les rues se ressemblaient : obscures, sordides, peuplées par des ombres. Il était courant de trouver des traces sanglantes de règlements de compte sur le sol et les murs des maisons. Elle-même en avait répandu ici une quantité non négligeable lorsqu'elle cherchait encore des réponses à ses questions.

L'impasse qu'elle cherchait était d'ailleurs inscrite dans sa mémoire pour cette raison. Elle y avait coincé un homme qui, ivre mort, prétendait avoir participé à la chasse aux nekos. Il était rare d'entendre des propos aussi clairs à ce sujet. Elle avait espéré obtenir enfin les informations nécessaires à sa vengeance mais il s'était avéré que l'homme n'était qu'une grande gueule... qui en avait payé le prix.

Encore une fois, elle repoussa le souvenir. Elle n'aimait pas à se rappeler de ses victimes. Et elle essayait toujours de se persuader qu'elle avait changé. En elle-même, elle savait pertinemment que ce n'était pas le cas.

Elle s'immobilisa enfin face à la façade imposante d'un bâtiment qui leur bloquait le passage. Le lieu n'avait pas changé.

Elle lança un regard de défi à la jeune femme et lança :

" À toi de jouer : brouille donc les pistes... "

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Mues du même sentiment pressant - du fait que les gardes venaient de leur crier de s'arrêter - elles marchaient d'un pas leste et rapide. Vi suivait la Neko du mieux qu'elle le pouvait dans le dédale des rues. Il y eut un temps de silence après sa dernière phrase, mais la jeune femme le mit sur le compte de l'urgence.

Elle jeta un rapide coup d'œil à sa compagne et perçut un changement dans la manière dont elle la jaugeait. Vi se tendit un peu. En avait-elle trop dit ? Avait-elle eu, en fin de compte, raison ? L'œil de Cheh-dahn aurait pu se tromper... Même si c'était rare, un démon aussi pouvait se fourvoyer.

- Je ne le suis pas... tu en es sûre ?

La Neko se moquait-elle d'elle ? Bah... si elle était vraiment une souillée, elle était à présent sur ses gardes. Si elle ne l'était pas, ce n'était là que pure ironie. Dans le doute, et pour rassurer l'autre en vue d'une attaque surprise, si jamais elle s'avérait être une souillée, Octavia hocha la tête.

- Certaine.

- Ah oui et au fait... je m'appelle Kaleya Lhil.

[i]Ces mots furent ajoutés rapidement, comme s'ils n'avaient aucune importance. Vi, en se mettant à courir à son tour, murmura.

- Octavia Sterenn.

Et puis elle se contenta de suivre Kaleya. Elle goûta la sonorité sur sa langue. Kaleya Lhil... elle eut un sourire en chuchotant ce nom et ce prénom. Sourire qui se figea quand elle se rendit compte qu'elle agissait comme Cheh-dahn, quand il prononçait son nom. Elle susurrait les syllabes comme si elles avaient pu être caressées, comme si Vi avait pu atteindre la Neko à travers elles. Elle eut un frisson. L'essence démoniaque prenait parfois le dessus quand elle utilisait son don ou quand elle prenait particulièrement plaisir au combat. Comme elle n'avait utilisé l'un que très peu de temps, elle mit ceci sur le compte du combat.

Sa bonne humeur se fana d'un seul coup quand elle songea que lorsqu'elle aurait enfin tué le lycanthrope responsable de sa mutation, l'essence démoniaque de l'œil aurait tout le champ libre pour agir et modifier son corps à sa guise. Comme le souhaitait Cheh-dahn. Une perspective qui était loin d'être réjouissante. Surtout que les actes des démons étaient proprement... répugnants.

Sa rêverie s'interrompit quand les deux jeunes femmes arrivèrent. Kaleya lui lança un regard légèrement narquois.

- À toi de jouer : brouille donc les pistes...

Vi se sentait presque malade à l'idée d'utiliser l'un de ses dons majeurs devant une inconnue. Surtout que l'essence démoniaque venait de se rappeler à sa présence, et semblait lui chuchoter avec un plaisir manifeste qu'elle n'était qu'une pauvre humaine et qu'elle se soumettrait bientôt à ses sombres désirs. La jeune femme balaya ce semblant de folie. Les gardes se rapprochaient.

Elle se tourna vers la Neko.

- Je ne te demande pas de me faire confiance, mais de te laisser aller, d'accord ? Ne te débats pas. Il ne manquerait plus que tu restes coincée dans ce mur.

Avec un sourire qui pouvait passer pour complètement déraisonné, elle ouvrit les bras, comme pour câliner la Neko.

- Dans mes bras, dame Lhil ! Vous allez vous sentir un peu étrange pendant un instant, mais juste le temps du voyage.

Son ton était des plus sarcastiques. Tandis qu'elle avançait pour prendre la Neko dans ses bras, tout son corps commença à devenir intangible. Ses vêtements et ses cheveux se soulevèrent, comme agités par un vent qui n'existait pas, puis entreprirent se s'effilocher, pour devenir brume, fumée. L'œil gauche de Vi prit la teinte sanglante de ceux de Cheh-dahn. Les gardes arrivaient dans leur dos. Tout ce qu'ils voyaient, c'était une vague forme humaine, oscillant entre brun et rouge. La jeune femme entendit les pistolets qu'on armait. Elle agrippa Kaleya tandis que les balles les traversaient.

Octavia eut un sourire mauvais en entendant les exclamations des gardes. Et puis elle passa à travers le mur.

Les deux femmes se retrouvèrent dans la salle à manger d'une famille, qui les regardait, les yeux ronds. Vi quitta son manteau de brume et elles redevinrent tangibles. La jeune femme eut une inclinaison du buste devant leurs hôtes involontaires, et tandis qu'elle entrainait à sa suite Kaleya pour sortir de l'habitation, elle jeta une pièce d'or sur la table.

- J'ose espérer que vous n'avez rien vu ?

Trop abasourdis pour répondre vocalement, les parents hochèrent la tête.

Une fois dans la rue, Octavia se tourna vers la Neko.

- Pas trop secouée ? Il nous faut trouver un médecin, maintenant. On continuera de s'expliquer en chemin.

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Les réactions de la jeune femme étaient pour le moins étranges. Attendant que la dénommée Octavia Sterenn daigne accepter sa demande, Kaleya avait tout le loisir de réfléchir à son comportement. Durant toute leur course, elle avait semblé bien lointaine et la jeune neko avait successivement vu passer sur son visage une forme d'étrange exaltation qui s'était curieusement assombrie. Décidément, elle avait quelque chose d'inquiétant...

Ce sentiment s'intensifia lorsqu'elle prit la parole :

" Je ne te demande pas de me faire confiance, mais de te laisser aller, d'accord ? Ne te débats pas. Il ne manquerait plus que tu restes coincée dans ce mur. "

Coincée dans le mur ? Etait-elle donc capable de les traverser ? Un léger frisson parcourut l'échine de la neko. Et elle était censée se laisser aller ?! Avec un rire nerveux, elle sut qu'elle n'y parviendrait pas... Sans confiance, c'était impossible, même si Octavia ne semblait pas se rendre compte d'à quel point celle-ci état nécessaire.

La scène prit alors une allure franchement irréaliste. Ouvrant en grand les bras, avec un sourire des plus étranges, la jeune femme s'avança vers elle :

" Dans mes bras, dame Lhil ! Vous allez vous sentir un peu étrange pendant un instant, mais juste le temps du voyage. "

Il était rare que Kaleya ait peur. Qu'elle ait vraiment peur, du moins, au point d'en devenir irrationnelle. Elle avait affronté un nombre incalculable de dangers, avait fait face à des situations particulièrement étranges... et pourtant, lorsque la silhouette de celle qu'elle avait prise pour une simple humaine se brouilla, lorsque l'éclat rouge de son oeil apparut, elle ne parvint pas à maintenir le barrage habituelle qu'elle dressait dans son esprit face à la panique.

Avec un feulement rageur, elle bondit en arrière et laissa le plein contrôle à son instinct de survie faussé par la peur. Ses lames fendirent l'air, pour aller frapper de plein fouet l'étrange inconnue. L'acier ne rencontra aucune résistance. Alors qu'elle donnait un nouveau coup, empli de toute sa sauvagerie, les bras d'Octavia se refermèrent sur elle.

La jeune neko ne se rendit pas immédiatement compte que par ce geste, la femme lui avait sauvé la vie. Trop occupée à se débattre et à trancher le vent avec une énergie désespérée, elle ne vit les balles qui les avaient traversées qu'une fois celles-ci enfoncées dans le mur derrière elles. Cela brisa un instant son élan belliqueux, laissant ainsi à Octavia l'occasion de l'entraîner vers la paroi... qu'elles traversèrent sans le moindre problème.

Le contraste brutal entre la rue et la salle à manger dans laquelle elles venaient de pénétrer parvint curieusement à calmer la peur irraisonnée de la jeune neko pour faire place à une confusion teintée de folie. Ignorant complètement la famille dont elle venaient de briser la quiétude, le regard empli d'une colère orageuse, Kaleya fixait Octavia en s'efforçant de contrôler les pulsions meurtrières qui courraient dans ses veines. Elle lui en voulait terriblement de la terreur à laquelle elle l'avait rabaissée. Elle se sentait humiliée et ceux qui l'humiliaient se devaient de mourir... à cet instant précis, elle était même persuadée que tout être à la naissance aurait dû avoir connaissance de cette règle élémentaire de survie. Sans se soucier de la curieuse image qu'elles devaient donner à leurs spectateurs involontaires, au moment où Octavia reprit consistance, la jeune neko manqua de peu lui enfoncer ses deux lames dans l'abdomen et des les y faire tourner allègrement jusqu'à ce qu'elle en meurt.

" J'ose espérer que vous n'avez rien vu ? "

Sa rage s'éclaircit légèrement lorsqu'elle entendit ses mots. Assassiner la jeune femme devant autant de témoins n'était pas judicieux du tout. Il suffisait d'attendre un peu...

Sur un dernier sourire, Octavia l'entraîna hors du bâtiment et sans pleinement prendre conscience de l'état dans lequel se noyait son interlocutrice silencieuse, elle demanda :

" Pas trop secouée ? Il nous faut trouver un médecin, maintenant. On continuera de s'expliquer en chemin. "

Les poings serrés autour de ses lames, le visage prenant soudain une apparence sauvage des plus inhumaines, Kaleya poussa un rugissement rageur et s'élança aveuglement, esquissant un premier coup de poing tranchant au visage tandis que sa main droite comme mue d'elle-même, se décida à déchirer celle qui avait fait une telle frayeur à sa propriétaire. Octavia parvint de justesse à éviter ses deux premiers assauts. Malgré toute sa vivacité, elle aurait cependant été sévèrement atteinte si elle n'avait à nouveau fait usage de son pouvoir.

Kaleya se défoula encore un instant à frapper dans le vide, jusqu'à ce que la futilité de son propre comportement lui apparaisse. Sans transition, elle rengaina ses armes d'un geste sec. Le regard noir, d'un ton incisif, elle lança :

" Si je ne suis pas trop secouée ? Oh mais non, pas le moins du monde ! C'est parfaitement normal de traverser les murs dans les bras d'une inconnue prétendument humaine ! "

Le souffle court, elle reprit :

" Et je suis censée aller me faire gentiment soigner chez un médecin en attendant que tu m'interroges ? Mais c'est que j'ai des questions à te poser, moi aussi ! Putain mais tu pouvais pas prévenir un peu plus explicitement que tu étais un monstre ? "

Imperceptiblement, il lui sembla que le visage de la jeune femme s'assombrissait. Elle n'y fit pas attention.
Elle aurait voulu l'insulter, jurer, crier pour évacuer la peur abjecte qu'elle avait ressentie. Mais la douleur la foudroya, impitoyable, manquant la jeter à genoux. Traverser les murs n'était pas conseillé quand on était blessée. Vacillante, elle serra les mâchoires.

" Fait chier... " lâcha-t-elle entre ses dents, s'adressant davantage à elle-même qu'à Octavia.

Titubante, elle commença à marcher sans savoir ni où elle était, ni où elle allait. Un médecin. Finalement, elle n'avait pas le choix. Si elle recouvrait son calme, elle pourrait encore tenir un moment et se concentrer sur sa destination.

" En fait, lorsque tu parlais des souillés... tu parlais de toi-même... " lança-t-elle par-dessus son épaule, atone.

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Octavia venait à peine de terminer sa phrase quand elle se fit attaquer par sa compagne. Sans prendre la peine de réfléchir, elle évoqua son don et se recula précipitamment, par pur instinct. Elle se faisait suffisamment confiance pour se reculer et esquiver à temps quand il le fallait, et bien lui en pris. Si elle n'avait pas utilisé son manteau de brume à temps, elle aurait été sévèrement blessée.

Malgré tout, elle n'en voulait pas à Kaleya de ce brusque accès de rage. Traverser un mur était une expérience extrêmement déstabilisante, et peu de personne y arrivait la première fois sans avoir une réaction à la limite de la crise de nerf. Bref, Vi considérait la réaction de la Neko comme normale. Et puis tant qu'elle n'avait pas été blessée... Elle redevint tangible au moment même où Kaleya rengainait ses armes.

" Si je ne suis pas trop secouée ? Oh mais non, pas le moins du monde ! C'est parfaitement normal de traverser les murs dans les bras d'une inconnue prétendument humaine ! "

Octavia haussa un sourcil - provoquant par là un léger tiraillement qui réouvrit sa blessure - mais ne répondit rien. Elle ne s'était jamais présentée comme humaine, à ce qu'elle sache.

Et je suis censée aller me faire gentiment soigner chez un médecin en attendant que tu m'interroges ? Mais c'est que j'ai des questions à te poser, moi aussi ! Putain mais tu pouvais pas prévenir un peu plus explicitement que tu étais un monstre ? "

[i]Un monstre...? Elle...? Ses yeux furent traversés par des ombres. Les monstres étaient les lycans. Les monstres étaient les démons. Les monstres étaient des vampires. Les monstres étaient des humanoïdes qui provoquaient des horreurs et s'en gorgeaient, en jouissaient d'un plaisir malsain. Techniquement, puisqu'elle en tuait, elle n'était pas un monstre. Mais il était vrai que si elle se considérait - pour le moment - humaine, elle ne l'était plus totalement. Et quand son objectif serait atteint... Elle ne le serait plus. En tant qu'ersatz de démon, elle aurait définitivement abandonné son humanité pour devenir le jouet de son créateur. Elle frissonna. Kaleya avait raison, en un sens. Elle avait accepté de devenir un monstre pour se venger. Elle deviendrait un monstre. Octavia pinça les lèvres. Si elle le deviendrait, elle ne l'était pas pour le moment. De cela elle était certaine. La jeune femme trouvait que Kaleya agissait de manière injuste. Elle aussi avait dû survivre, ne pouvait-elle comprendre également du premier coup d'oeil, comme elle l'avait fait il y avait quelques minutes en disant qu'il était difficile de perdre ses réflexes et ses habitudes, qu'Octavia n'avait agi ainsi que pour survivre...?

L'instant suivant, la bêtise de son raisonnement la saisit. C'étaient les stupidités boudeuses d'une petite fille. Kaleya pouvait certes comprendre, mais elle ignorait son histoire. Rien de surprenant donc à ce qu'elle réagisse ainsi et la traite de monstre. La Neko marmonna un juron entre ses dents tout en vacillant. Vi se demanda un instant si elle devait la soutenir, mais jugea qu'il était encore trop tôt pour que la Neko prenne cela bien. Et si elle devinait juste, Kaleya avait sa fierté et n'accepterait pas la main tendue. L'Assassin Rouge se contenta donc de suivre la Neko en silence. Plus que de la colère, c'était de l'amertume qui l'emplissait, de l'amertume et une sorte de mélancolie. Pourtant, elle aurait dû se soucier comme d'une guigne de ce que pensait Kaleya. Regardant un instant le ciel, elle soupira. Fréquenter des gens n'était jamais bon. Comme le disait Cheh-dahn, tout ce qu'elle avait à faire était de tuer. Pas de faire ami-ami avec les autres. Ce n'était que source de douleur.

" En fait, lorsque tu parlais des souillés... tu parlais de toi-même... "

La phrase, lâchée indolemment par dessus l'épaule, ramena Octavia dans la réalité et l'arracha à sa mélancolie passagère. Après un temps d'arrêt, n'étant pas certaine de ce qu'elle avait entendu, une vague de fureur pure l'envahit brusquement. Un voile rouge tomba devant ses yeux, obscurcissant son esprit.

- Ne me mets pas dans le même sac qu'eux. Nous n'avons rien en commun. J'ai lutté, moi. Eux se sont laissés faire, sans se battre, sans essayer de trouver un moyen de redevenir normal. Moi je l'ai fait. Moi, je suis restée humaine, quoi que tu dises, articula-t-elle en serrant les dents.

Sur le coup, elle ne se soucia pas d'en dire trop ou pas assez. Quelques instants plus tard, la rage dévorante reflua, laissant place cette fois à une colère froide.

- Quant à tes questions... J'y répondrai, si tu réponds aux miennes. Mais sache que la définition de monstre varie. Suis-je un monstre, suis-je une souillée pour la simple raison que je prends la vie des lycanthropes ? Les hommes que je sauve m'en sont généralement reconnaissants. Je ne considère pas que tuer les souillés est un meurtre, mais une purification. Je mets fin à une vie de bestialité aveugle, de cruauté inhumaine et sanglante. De plus, en les tuant, il y a des chances de purifier et de guérir ceux qu'ils ont mordus. Tu considères que je suis un monstre parce que j'ai simplement des dons qui sortent de la norme ? Alors que devrai-je te dire ? N'es-tu pas également un monstre dans ce cas ? Sache simplement que j'ai fait des choix, et que ce que je suis devenue, je l'ai choisi. Les pouvoirs que j'ai retiré de ce choix me permettent d'accomplir ma vengeance et de purifier les souillés. Je ne regrette pas ce que j'ai fait. Un monstre s'attaque sans différencier qui est qui, comme les lycanthropes. Je choisis mes victimes, je les observe. Je sais différencier qui est l'ami de qui est l'ennemi. Ils tuent sans savoir qui est qui. Ils tuent leurs épouses, leurs enfants, leurs parents, leurs frères et sœurs. Imagine le poids de cette culpabilité. Voilà de quoi je les libère. Voilà en quoi je ne suis PAS un monstre.

Elle inspira profondément et reprit, plus calme.

- Voilà pourquoi je t'interdis de me traiter de souillée... ou de monstre. Il existe des hommes plus cruels, plus sanguinaires que moi. Le monstre n'est pas forcément celui qui a... changé pour accomplir sa destinée. De plus, malgré mes dons, je reste humaine. Tu pourras me traiter de monstre quand... ma quête sera terminée. Quelle qu'en soit l'issue. Mais pas avant car ce que j'accomplis est juste. Après...

Sa voix s'éteignit dans un murmure. Penser à ce qu'il adviendrait, d'accord. Le formuler à voix haute, pas question. Cela lui donnait trop de consistance. Elle ferma les paupières un instant, avant de les rouvrir. Ses yeux étaient douloureux. Elle s'ébroua. Peut-être, quand elles parviendraient chez le médecin, pourrait-elle lui acheter quelques drogues anti-douleur...

Elle se remit en marche, suivant la Neko.

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Le silence plana un bref instant entre elles suite à la dernière insulte que Kaleya avait proféré. La jeune femme avait toujours aimé chercher le sens qui se cachait derrière une absence de mots, et cette fois-ci, elle y perçut une colère absolue, inquiétante. Elle poursuivit néanmoins sa route comme si de rien n'était. Sa propre rage se mourait doucement pour faire place à un curieux sentiment de malaise. Elle se surprit à regretter ses paroles. Elle eut un soupir exaspéré : regretter ne menait jamais à rien. Seul comptait le chemin qui restait à parcourir...

Ce fut cependant avec un étrange soulagement qu'elle reçut la réponse d'Octavia, comme si elle souhaitait que celle-ci proteste, qu'elle affronte la dureté de ses paroles... Ainsi, elle n'aurait aucune raison de regretter ce qu'elle avait pu dire. Elle préférait toujours blesser physiquement que par les mots.

À la tension qu'elle percevait dans la voix de l'étrange jeune femme, elle s'estima cependant heureuse que la joute demeure verbale. Elle n'aurait pas pu faire face à un assaut physique. Elle avait tout intérêt à ne pas provoquer davantage son interlocutrice. Celle-ci sembla peu à peu trouver un certain calme et se lança dans une longue tirade que Kaleya écouta sans un mot, sans un sourire, sans ralentir ni accélérer sa marche. Purifiant son propre esprit de tout jugement, elle se contentait d'apprécier le talent d'oratrice d'Octavia. Car elle parlait bien, c'était indéniable, bien qu'elle révèle trop de choses à travers son argumentation. Et finalement, Kaleya ne pouvait que comprendre ce que celle-ci expliquait, même s'il lui manquait des informations pour avoir une idée de la situation générale. La vengeance. Dévorante. Elle-même connaissait si bien ce besoin... Ce qu'elle avait fini par comprendre et dont elle restait consciente, c'était que cela menait invariablement à une cruauté... monstrueuse, justement. On avait beau demeurer humain, on avait beau savoir ce que l'on faisait, le plaisir pris à assouvir sa rage demeurait toujours, quelques puissent être les regrets qui suivaient. La vengeance faisait de ceux qu'elle hantait une forme de monstre.

Elle se retint cependant de confirmer l'accusation de la jeune femme et de réaffirmer ses propres paroles. Après tout, dans l'ensemble, elle la comprenait et les mots avaient effacé sa colère. Elle n'avait aucune raison de s'en prendre davantage à elle. Son excès rageur avait d'ailleurs eu quelque chose de profondément enfantin.

Mais au-delà de sa défense, Kaleya avait vu se confirmer ses suppositions : Octavia chassait bel et bien les loups-garous. Ce qu'elle avait fait pour obtenir les dons dont elle parlait, la neko l'ignorait, mais il lui avait semblé que cela aurait des conséquences définitives que la femme aurait préféré éviter. Elle pourrait se pencher sur cette question plus tard. À présent, il lui fallait simplement être prudente dans ses réponses.

Elle demeura silencieuse un long moment. Que pouvait-elle donc répondre à tout cela ? Elle ne parvenait pas à trouver de mots, ni d'excuses. La douleur l'empêchait de se concentrer sur une quelconque réponse. Déjà qu'elle peinait à se souvenir de sa destination...

" Je comprends... "murmura-t-elle finalement sans laisser paraître son ironie habituelle.

Elle rit doucement. Face à l'assaut verbale qu'avait lancé Octavia, ces deux mots semblaient bien pitoyables.

" Excuse ma réaction " lâcha-t-elle en souriant.

Elle s'immobilisa un instant, laissant ainsi la jeune femme la rejoindre, avant de reprendre sa route d'une démarche toujours légèrement vacillante.

" Et merci pour ton aide : ils nous auraient attrapé sans toi. "

Il n'y avait rien de plus à ajouter à son goût. Il était suffisamment rare qu'elle s'excuse et qu'elle remercie quelqu'un pour y ajouter un effort supplémentaire. D'autant plus que la douleur lancinante qui s'amusait à la parcourir la dissuadait de parler davantage.

Dans une ambiance étrange où demeurait une certaine tension teintée de lassitude, elles poursuivirent donc leurs recherches d'un médecin. Kaleya avait été blessée plus d'une fois à l'époque où elle parcourait les rues de Reilor. La plupart du temps, elle essayait de se débrouiller seule mais parfois, la gravité de son état l'avait forcée à trouver un médecin, ce qui n'était pas évident lorsqu'on était recherchée. Elle était finalement parvenue à dénicher un homme dont les finances étaient en si mauvais état qu'un client de plus ne pouvait se refuser. Il n'avait rien d'un grand médecin mais connaissait les bases nécessaires pour soigner diverses blessures. En temps normal, elle serait simplement retournée sur le navire où elle aurait été aidé par Niüna, mais il était hors de question de mener la chasseuse jusqu'à une nouvelle cible. Unded ne méritait pas ça... Elle devait donc retrouver cet homme et faire en sorte qu'il ait suffisamment peur pour ne rien dire à son sujet.

Les rues défilaient, l'une après l'autre, et Kaleya commençait à douter sérieusement de son sens de l'orientation. Les contours des immeubles semblaient se faire un malin plaisir à se brouiller sous ses yeux. Elle manqua un instant les insulter, avant de se sortir du début de délire qui la prenait. Elle pouvait tenir en respect la folie encore un moment. Après tout, la souffrance restait supportable...

Finalement, les lieux commencèrent à lui être familiers. Une petite foule de mauvais souvenirs lui revinrent immédiatement. Combien de fois avait-elle traversé cette rue, titubante, à moitié inconsciente, couverte de sang... le sien et celui de ses ennemis. Elle se raccrocha à ces réminiscences pour se convaincre que les quelques pas qui la séparaient de celui qui la guérirait n'avaient rien d'insurmontables.

Face à la porte, elle s'interrogea un instant sur l'importance du risque qu'elle prenait. Être traquée à nouveau ne l'arrangeait pas, dans l'immédiat, et représentait un risque pour l'ensemble de ses compagnons. Mais elle n'avait pas beaucoup d'autres alternatives. Résignée, elle frappa à la porte.

Un raclement se fit entendre derrière le battant. Attente. Si celle-ci ne durait que quelques secondes, elle était de celle que Kaleya ne supportait pas. Finalement, la porte s'ouvrit pour laisser apparaître dans son embrasure un homme de petite taille à l'air nerveux. Il écarquilla les yeux en apercevant le visage de sa visiteuse.

" Vous... vous êtes revenue ?
- Il faut croire... répondit-elle d'un ton froid en faisant un pas en avant de façon à lui faire comprendre qu'elle entrerait qu'il le veuille ou non.
- Mais euh... je croyais que vous étiez partie ou morte... balbutia-t-il en reculant.
- Mais c'est le cas... officiellement, je suis partie. "

Sa façon quelque peu conquérante d'avancer avait forcé le petit homme à la laisser entrer. Elle comprenait son manque d'enthousiasme : elle n'avait jamais été très correcte envers lui. La politesse était une perte de temps selon elle, à cette époque. Et sur le moment, c'était toujours le cas.

" Nous n'allons pas vous déranger longtemps, reprit-elle. Une simple flèche à retirer, un bandage... rien de bien extraordinaire. "

Le médecin la regardait avec défiance. Habituellement, elle ne venait que lorsque son état était particulièrement grave. Dans ces cas-là, il aurait souvent pu profiter de la faiblesse de sa cliente pour la livrer à ses poursuivants. Mais la peur et l'argent le tenait tranquille. Elle espérait que cela serait toujours le cas.

" Très bien... soupira-t-il. Venez. "

Les deux femmes obtempérèrent et suivirent l'homme jusqu'à une pièce quelque peu désordonnée mais qui pouvait passer pour une salle plus professionnelle. S'il n'était pas des plus talentueux, il essayait tout de même de ne pas tuer ses patients. C'était déjà ça.

" Asseyez-vous " dit-il d'un air soudainement beaucoup plus concentré, considérant avec une petite grimace la blessure de la jeune femme.

Il farfouilla un instant dans ses outils pour en sortir une petite lame effilée avec laquelle il entreprit de déchirer et de dégager le tissu autour de la blessure. Une arbalète a souvent une puissance bien plus grande qu'un arc et le carreau avait tout simplement traversé le bras, sa pointe rougit de sang apparaissant fièrement de l'autre côté.

" ça ne sera pas très agréable... commenta le médecin. Mais bon, vous êtes habituée..."

Et sans tergiverser davantage, maintenant le bras fermement contre le plateau de la table, il brisa la flèche en deux, libérant ainsi la pointe qu'il lâcha négligemment sur le sol. Un éclat douloureux traversa la jeune femme mais dents serrées, poings crispés, elle jugula sans peine son gémissement. Il retira d'un geste sec la deuxième partie du projectile, laissant jaillir un flot de sang de la plaie.

" Bien... murmura-t-il. Au moins, la blessure est propre. "

Il se saisit d'un flacon à l'aspect douteux et sans prévenir, en versa une généreuse portion sur la plaie. La jeune neko sentit immédiatement la brûlure insoutenable de l'alcool dont il se servait comme désinfectant et tout son corps se tendit. Un léger gémissement s'échappa de sa gorge malgré elle sous le regard inexpressif du médecin.

" Oui, je sais, ça fait mal... Bon, je suis désolé mais il va falloir que vous vous déshabillez. "

Et il n'attendit pas que la douleur se soit apaisée pour l'y aider, ne la laissant qu'en sous-vêtements tachés de sang. S'emparant d'une longue bande de tissu, il entreprit alors de l'enrouler autour de son bras en serrant vigoureusement. Lorsqu'il eut achevé son travail, il se recula d'un air satisfait, ignorant le regard sombre de sa patiente.

" Voilà ! s'exclama-t-il fièrement avant d'aviser le sang qui s'échappait de son dos. Oh mais vous avez une autre blessure ! "

Avant que la jeune neko ait le temps de dire quoique ce soit, il avait déjà empoigné son flacon et en avait déversé la moitié sur la blessure, arrachant une espèce d'étrange rugissement à sa patiente qui se leva d'un bond.

" Mais je ne vous ai rien demandé, pour mon dos ! s'exclama-t-elle, le regard noir.
- Ah... eh bien excusez-moi. Mais bon, maintenant que j'ai commencé, je vais au moins finir le bandage..."

Avec un soupir exaspéré, Kaleya se rassit et laissa l'homme entourer son torse d'une bande de tissu.

" Voilà ! " répéta-t-il.

Sans un mot, la jeune neko fouilla un instant dans une de ses poches, lui tendit une grosse poignée de pièces d'or avant de remettre son haut taché de sang et déchiré. C'était tellement discret...

" Vous ne m'avez pas vu... comme d'habitude " lâcha-t-elle d'un ton glacé.

D'un pas vif, elle sortit de la pièce et s'éloigna en direction de la sortie. Elle n'avait jamais aimé venir ici, encore moins s'y éterniser.
À quelques pas de la rue, elle se retourna vers la chasseuse :

" Bon, et tes fameuses questions alors ? Maintenant que je ne vais pas m'effondrer à tout moment... "

Du moins l'espérait-elle... La pièce avait une façon désagréable de tourner et elle avait toujours mal. Mais elle connaissait assez bien ses propres limites pour savoir que cela finirait par passer et qu'elle pouvait donc attendre encore un peu.

Spoiler:

Rien n’est vrai. Tout est permis.

Perchée sur un toit de la ville, Balsa se pencha au-dessus d’une ruelle. Trois personnes s’y trouvaient. Un vieillard assis sur un banc, devant chez lui très probablement, regardait fixement le mur d’en face. Il semblait avoir passé si longtemps ici qu’on l’eut cru figé. A quelques mètres, une femme passait le balai, poussant dans le caniveau les feuilles portées par le vent frais. Du bout de la rue, enfin, un jeune homme venait en leur direction, les bras chargés d’une caisse en bois apparemment lourde.
Aucun ne lèverait la tête. Leur monde n’était pas là-haut, dans le bleu clair d’un ciel d’hiver. La chimère s’élança et franchit d’un bond silencieux les quelques mètres qui la séparait du toit d’ne face. Elle jeta un dernier coup d’œil dans le passage et laissa son esprit divaguer, s’interroger et supposer quand aux existences insignifiantes qui se déroulaient plus bas.
Puis elle repartit d’un pas léger, restant au centre des toits pour ne pas être vu par les plus curieux de ces humains. Car certains levaient les yeux ; ils étaient parfois curieux, ou malins. Au-dessus d’eux, Balsa avalait la distance sans avoir à les croiser. Elle changea de direction quant elle se trouva devant une large route qu’elle choisit de longer. Elle descendit dans une impasse vide et passa directement sa capuche sur sa tête. En hiver, c’était une façon de se dissimuler et de garder l’anonymat même au cœur de la foule.

Sous sa longue cape grisâtre, personne ne la remarquait, personne ne semblait même poser les yeux sur elle. Son visage dans l’ombre affichait un sourire satisfait. Son regard se promenait tout autour, jusqu’à trouver l’armurerie qu’elle cherchait. Elle s’approcha et entra. Elle connaissait les vendeurs, peu curieux et très discrets tant que l’argent entrait. Et avec Balsa, ils seraient largement payés.
Elle acheta une ceinture en cuir, une boucle métallique et paya de deux pièces d’argent. Pas une seule parole ne fut prononcée. Les vendeurs avaient fait une bonne affaire, elle n’avait pas eu besoin de montrer distinctement son visage, ses marques. Ils ne connaissaient pas le son de sa voix et n’auraient jamais deviné la longue queue féline enroulée autour du mollet de leur cliente. Qu’ils prenaient même, avec de la chance, pour un client.
Prochain arrêt, l’apothicaire. Lui aussi, discret de réputation. Mais beaucoup moins silencieux que les armuriers. Il en faisait bien trop et s’inquiétait ouvertement de voir la chimère – qu’il pensait humaine – acheter ses remèdes sans jamais accepter de se faire examiner. Seul l’argent le faisait lâcher prise, avec un soupir.

Balsa rassembla tout le courage dont elle aurait besoin pour supporter ce passage obligé. Elle prit une grande inspiration et poussa la porte. Quelque chose alors frémit en elle. Une odeur frappa ses centres nerveux et un souvenir remonta doucement. C’est à ce moment précis qu’elle posa les yeux sur elle. Kaleya Lhil.

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Kaleya s'apprêtait à poser la main sur la poignée de la porte lorsque celle-ci s'ouvrit en se ruant sauvagement sur elle, du moins fut-ce son impression en voyant le battant de bois s'approcher dangereusement de son visage. Elle bondit en arrière juste assez rapidement pour éviter ce que son esprit légèrement engourdi par les soins qu'elle avait subis prenait pour une attaque, laissant ainsi entrer le nouvel arrivant.

Malgré sa première réaction, la jeune neko parvint à effacer de son visage l'expression courroucée et étrangement proche de celle d'un chat en colère pour se composer une attitude neutre : il était hors de question d'attirer davantage l'attention sur elle, surtout pour une bête histoire de porte...

Cette pensée ne mit qu'une fraction de seconde pour traverser son esprit. La suivante se figea à mi-chemin de son accomplissement. Si le visage de l'inconnu était parfaitement dissimulé par une capuche, s'il n'avait pas encore parlé... un sentiment étrange de familiarité venait d'effleurer l'esprit de la jeune femme. Surprise par la soudaineté de la sensation, Kaleya recula d'un pas, sourcils froncés. Elle avait cette impression désagréable que l'on peut ressentir au réveil lorsque l'on cherche à se saisir du dernier filament de rêve mais que celui-ci s'éloigne de plus en plus à mesure que l'on essaie. Un souvenir... qu'elle était déterminée à ne pas laisser filer.

Le nouvel arrivant semblait également aux aguets, comme si lui aussi l'avait reconnue... La jeune neko parcourut rapidement sa silhouette du regard, et peu à peu, les éléments se mirent en place. Elle revit brièvement les contours découpés par la faible lueur de la Lune, qu'elle avait aperçus des mois auparavant dans la même ville. Elle se souvint de la folie de cette nuit-là... la rencontre... les affrontements... les révélations...

Un léger sourire se dessina doucement sur ses lèvres, remonta le long de son visage jusqu'à son regard qui se remplit d'une joie chaleureuse.

" Balsa... ? " chuchota-t-elle d'une voix légèrement incertaine, alors qu'en elle-même, elle était sûre de ne pas s'être trompée.

Le temps avait filé si vite depuis leur rencontre et il s'était passé tant de choses... pourtant, elle ressentait à nouveau ce lien étrange qui les avait unies dans la bataille puis dans une forme... d'amitié ? Elle ignorait si c'était ainsi que pouvait se qualifier leur relation. Leur alliance avait été si éphémère... et pourtant, elle avait participé à changer le cours de la vie de la neko. Cela ne s'oubliait pas.

Elle fut tirée de ses pensées par les pas d'Octavia derrière elle et le présent se rappela à son bon souvenir. La situation était terriblement instable : elle n'avait pas de réponses valables à proposer à la chasseuse de loups-garous qui ne mettraient Unded en danger, et si un semblant d'entente semblait s'être construit, Kaleya ne doutait pas que la femme était prête à tout pour obtenir une information quand elle la voulait. Mais l'arrivée de Balsa bouleversait tout, inversait les rapports de force... D'instable, la situation devenait absolument imprévisible... Kaleya sentit son sourire s'élargir à cette idée.

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Après les excuses de Kaleya, Octavia ne répondit pas. Les mots, sincères ou non, se suffisaient à eux mêmes. Malgré tout, et sans doute pour un long moment, ils avaient éveillés une amertume intense dans le cœur de la jeune femme. Que valaient des excuses faites à un monstre...? Pour la première fois de sa sanglante existence, Vi se penchait un peu plus sur elle même. Et ce qu'elle y voyait ne lui plaisait pas. Sa quête, les tueries incessantes, les boucheries... tout cela lui paraissait soudainement... vain. Et dans ce tourbillon infernal du massacre, Octavia ne voyait plus la moindre lumière. Seules les Ténèbres l'entouraient. Avides. Dévorantes. Impérieuses. La jeune femme frissonna, en proie à un malaise sans nom, et à une mélancolie qu'elle n'aurait su expliquer.

*Merci bien, Kaleya Lhil ! Je vais déprimer pendant la semaine !*

La stérilité de ses actes commencèrent à la tourmenter une fois de plus. C'est alors qu'elle sentit un souffle, à son oreille. Vi pâlit. Cheh-dahn. Le démon avait perçu le désarroi de la jeune femme, et venait aux nouvelles.

Le lien qui les unissait était plus qu'un partage de chair et de sang, mais mental, aussi. En se concentrant sur l'un, l'autre pouvait partager ses émotions, ressentir ce qu'il ressentait. Octavia répondit à son mentor et bourreau par un sentiment d'apaisement, teintée d'agacement. Qu'il se rassure ! Arrêter la traque n'était pas dans ses options, ce n'était qu'un moment d'égarement. Passager.

Oh ! Octavia en était certaine, ce n'était pas vraiment pour elle que Cheh-dahn s'inquiétait. Le démon se repaissait du sang, du malheur qu'elle entrainait dans son sillage, et il entrerait sans doute dans une colère noire si elle décidait d'arrêter. Comme elle le haïssait, ce sybarite ! Mais elle l'enviait tout autant. Lui au moins, affichait sa laideur, tant physique que mentale, sans aucun complexe. Personne ne s'insurgerait qu'un démon fasse le mal par pur plaisir. Elle le détestait pour ses soupirs languissants, ses mots enrobés de ce miel venimeux qui la faisait frissonner malgré elle, de ses moindres gestes lascifs, de cette possession qu'il avait d'elle. Elle l'enviait pour le fait qu'il soit pleinement ce qu'il était. Elle l'enviait pour le fait qu'il était du bon côté du fouet.

Un rire charnel caressa son oreille, et Cheh-dahn, amusé de la réaction de sa protégée, la laissa. Vi serra les dents pour contrôler sa mauvaise humeur. Mine de rien, le démon avait ravivé sa tension, en plus de ce qu'elle devait vivre avec Kaleya. Magnifique, vraiment !

*Journée de merde !*

Les deux femmes arrivèrent à l'officine. Octavia laissa Kaleya s'occuper de l'homme. Au moins, ce qu'il y avait de bien avec le don de devenir immatériel, c'était qu'elle n'avait pas besoin de recoudre ses vêtements déchirés ; lorsqu'ils redevenaient solides, le tissu recouvrait sa forme. Le problème, c'était que l'opération était trop compliquée sur une matière vivante.

Tandis que l'homme opérait sur la Neko, Vi se soigna d'elle même. Ce n'étaient que des blessures superficielles. Elle acheta dans le même temps certains remèdes, dont ceux qu'elle avait utilisés. L'instant d'après, elle appela le médecin et lui montra ses blessures, lui demandant si elles allaient laisser des marques.

" Je... Oui, ma dame. Il n'y a rien pour cela."

Octavia jura. La prochaine fois qu'elle verrait Cheh-dahn, il allait être sérieusement en rogne. Il n'aimait pas que d'autres que lui la "marque". C'était un comble que chacune des cicatrices qu'il lui infligeait se résorbait et laissait la peau telle qu'elle était avant. Avec détachement, la jeune femme se demanda si Kaleya n'était pas en danger. A coup sûr, son démon de maître allait vouloir passer ses nerfs. Sur elle, ou sur la personne qui avait osé marquer son jouet favori.

Et même si Kaleya était forte, elle ne pourrait rien contre Cheh-dahn. Perdue dans ses pensées, tentant d'imaginer le sort de la Neko si elle tombait entre les griffes du démon, elle n'entendit pas sur le coup que ladite jeune femme lui parlait. Plus par automatisme, comptant lui demander de répéter plus tard, Vi lui emboita le pas.

C'est alors que la porte s'ouvrit brusquement. Alors, Vi observa des réactions intéressantes chez la Neko. Inconsciemment, elle repérait chaque expression de visage, et dû faire un violent contrôle sur elle même pour ne pas sourire de jouissance. Ka-le-ya. Ka-le-ya Lhi-l. Et Balsa. Bal-sa. Elle arrondit la langue comme elle aurait pu le faire en goûtant un vin délicieux. Elle jura. Encore cette saloperie d'essence démoniaque.

- "Balsa", hein ? Vu votre air, vous vous connaissez, je suppose. Octavia Sterenn, enchantée.

Spoiler:

- Balsa ?...

Balsa ne put retenir un « shhh » en entendant son nom prononcé à haute voix. Le visage de la neko, s’il s’était d’abord exprimé dans la violence des traits d’un fauve, esquissait à présent un sourire. Qui s’élargit jusqu’à ressemblait à ceux qu’elle avait arborés lors de leur première rencontre…
Nuit sanglante dans cette même ville de Reilor. Elles avaient toutes deux fuit, chacune de son côté. Leurs impératifs étaient les mêmes, éviter à tout prix ce lieu où elles avaient fait couler le liquide rouge. Et elles se retrouvaient ici, à quelques rues seulement…

- « Balsa », hein ? Vu votre air, vous vous connaissez, je suppose. Octavia Sterenn, enchantée.

La chimère n’aimait pas le ton de l’humaine. Et encore moins la façon dont elle avait relevé son nom. Même si celui-ci n’était écrit dans aucun registre, Balsa n’aimait pas à ce qu’on pose un nom sur son visage. Même dissimulé il n’était pas suffisamment inconnu à son gout. Surtout ici.

Elle est « enchantée » en plus ?... je me suis même pas présentée à elle…

Une décharge électrique tiqua dans son poignet droit. Elle sentait la colère monter. Elle devait éviter l’affrontement à tout prix… Elle choisit de reporter son attention sur Kal et posa sur elle un regard interrogateur « elle est avec toi ?... ».
Soudain la chimère se rappela le pourquoi de sa visite ici. Elle inclina légèrement la tête devant l’humaine, inscrivant dans sa mémoire son visage et son nom. Puis elle dit en regardant Kaleya :

- J’en ai pour un instant, attends-moi, on trouvera un endroit plus… tranquille pour parler. Je suis contente de te revoir, vraiment.

Un instant elle souhaita la prendre dans ses bras. Et ce ne fut pas la pudeur mais la peur de blesser qui la retint. Elle sourit et se glissa un dernier regard vers l’humaine qui restait là. Ses yeux noirs brillaient d'une lueur malsaine. Pourquoi ce regard, pourquoi ce ton si familier. Remuant ses interrogations, la chimère arriva devant le médecin. Ce dernier avait entendu ses pas venir, mais il fut surprit de la voir apparaître.

- Oh, c’est vous…
- J’ai besoin d’antidotes, trois doses, et d’un pot d’onguent.

Le médecin répondit « bien ». Sans retenir un soupir, il fouilla le buffet de bois derrière lui. Balsa n’avait pas retiré sa capuche. L’homme l’avait déjà vu ainsi. Il avait tenté de savoir son nom la première fois qu’elle était venue. Deux pièces d’or achetèrent son silence.
Mais cette femme qui attendait certainement avec Kaleya dans le couloir… Elle savait. Et elle se délectait de savoir. C’était mauvais, Balsa sentait la situation lui échapper et le danger poindre à l’horizon.

- Il me faudrait aussi deux doses de mercure.
- Pardon ?

Le médecin s’était retourné, ses marchandises dans les mains. Il semblait inquiet, pas sûr d’avoir saisit la demande de l’inconnue.

- Du mercure liquide, deux doses.
- Vous savez, c’est un produit dangereux et… rare.
- Vous voulez dire cher ? Votre prix sera le mien.
- Et bien… disons que je n’en ai que très peu et… disons 30 pour les deux.
- 15 chacune ? A ce prix vous pouvez m’offrir les antidotes.
- Et bien… disons 40 pour le tout.

Balsa passa sa main sous sa cape claire. Elle dénoua une petite bourse de toile de sa ceinture. Elle en défit le lacet et en retira 10 pièces d’or.

- Voila.

Le médecin ne trouva rien à répondre et alla chercher le poison dans une petite pièce à côté. Il donna le tout à balsa qui glissa le précieux matériel dans les larges poches intérieures de sa cape. L’homme prit le petit sac d’or et le glissa dans le tiroir de son bureau sans recompter. Il ignorait peut-être tout de cette femme mais il savait qu’elle était honnête.

La chimère tourna le dos et revint sur ses pas. Kaleya l’avait-elle attendue ? Allait-elles pouvoir partager des souvenirs communs ? Qu’étais devenue Kaleya ? Et cette humaine, Octavia, serait-elle toujours là ? Il s’avéra que oui. Alors Balsa consentit enfin à lui parler, s’adressant en premier à elle :

- Octavia Sterenn, oui je connais Kaleya, je suppose que vous êtes avec elle...

Elle s’adressa ensuite à Kaleya avec un regard complice.

- Sortons d’ici. Je connais un endroit près de la rivière, peu fréquenté, parfait pour la tranquillité… qu’en dis-tu ?

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À l'étrange sifflement qui s'échappa de la gorge de Balsa lorsqu'elle prononça son nom, Kaleya reconnut sans peine celle qu’elle avait rencontré des mois auparavant. Un instant, elle se demanda si le temps qui avait filé, insaisissable, l'avait transformée autant qu'il l’avait fait avec elle-même... Elle avait tellement de joie à la revoir, tellement de choses à lui demander... pourtant, elle ne pouvait laisser libre cours à l’enthousiasme enfantin qu’elle sentait vibrer en elle : parler allègrement de leur vie respective devant une femme aux pouvoirs étranges et qui pouvait à tout moment se retourner contre elles ne lui semblait curieusement pas être une bonne idée.

Car à peine s’étaient-elles reconnues l’une et l’autre qu’Octavia apparaissait derrière la jeune neko. Un éclat singulier habitait son regard, similaire à celui que Kaleya avait aperçu auparavant. Une lueur malsaine, inquiétante. Une nouvelle fois, la jeune femme sentit un frisson courir le long de son échine. Mais qui était-elle donc, pour être capable de traverser les murs ? Qui était-elle donc pour avoir senti l’odeur d’un loup-garou sur elle ? Etait-elle humaine ? Un bref instant, elle en regretta presque d’avoir tant attiré son attention. Puis elle balaya ses craintes dans un soupir excédé.

" "Balsa", hein ? Vu votre air, vous vous connaissez, je suppose. Octavia Sterenn, enchantée. "

Kaleya retint à grand peine un sourire amusé lorsqu’elle perçut la colère de Balsa devant le salut d’Octavia. Elle ne parvenait pas à ressentir la moindre crainte à l’idée d’un potentiel affrontement, en dépit de la dangerosité manifeste des deux adversaires. Comme lors de leur combat face à la petite armée censée protéger le docteur Hanssel, et qui malheureusment pour lui avait complètement échoué, une exaltation aveugle mûrissait en son coeur, moins sanglante et rageuse, peut-être, mais intense. Mais à contrecoeur, elle brida l’énergie sauvage qui rugissait en elle.

De toute évidence, Balsa faisait de même. Au lieu de bondir sur la jeune femme, elle l’ignora avec une froide superbe, jetant un simple regard à Kaleya. À sa question silencieuse, la jeune neko se contenta de répondre par un léger sourire appuyé par un infime hochement de tête. Elle se voulait rassurante mais se doutait que l’état de ses vêtements, déchirés et tachés de sang, n’échappait pas à Balsa.

" J’en ai pour un instant, attends-moi, on trouvera un endroit plus… tranquille pour parler. Je suis contente de te revoir, vraiment,finit par déclarer la chimère.
- Moi aussi... répondit tout simplement Kaleya.

Elle la laissa passer et posa un regard neutre sur Octavia, cherchant à anticiper sa réaction face à l’indifférence mordante de Balsa à son égard. Comment se comporterait-elle, en comprenant que l’alliance des deux jeunes femmes représentait un danger certain pour elle ? Elle fixa la jeune femme longtemps d'un air quelque peu impérieux, écoutant distraitement l’échange entre Balsa et le médecin. Elle fut surprise de l’entendre marchander pour du mercure liquide mais lorsqu’elle revint, elle ne laissa rien paraître de sa curiosité.

" Octavia Sterenn, oui je connais Kaleya, je suppose que vous êtes avec elle... daigna enfin répondre Balsa, avant de se tourner à nouveau vers la neko. Sortons d’ici. Je connais un endroit près de la rivière, peu fréquenté, parfait pour la tranquillité… qu’en dis-tu ?

La rivière... Les souvenirs affluèrent à nouveau, cette fois-ci emprunts d’une étrange sérénité. Les fils de leur amitié avaient réellement commencé à se tisser à cet endroit, avant que chacune reprenne le cours de sa vie.

"J’en dis que c’est une très bonne idée..." répondit-elle en souriant.

Elle emboîta le pas à la chimère et malgré la douleur sourde qui courait dans ses veines, parvint à tenir le rythme. Du coin de l’oeil, elle surveillait Octavia, vérifiant que celle-ci les suivait et surtout qu’elle ne préparait pas un mauvais coup quelconque. Malgré elle, après sa petite démonstration à travers le mur, la méfiance avait pris le dessus sur le respect premier qu’elle avait ressenti envers la combattante.

Elles n’eurent pas à marcher bien longtemps : très vite, le chant paisible du cours d’eau parvint à leurs oreilles. Quelques pas encore et les brins de soleil se réfléchissant sur la surface de la rivière apparurent. L’endroit n’avait pas changé et même s’il faisait jour, il se dégageait toujours du lieu quelque chose de paisible, qui invitait à s’asseoir et à oublier un instant le temps qui passait. Il suffisait de ne pas regarder la ville, derrière, en ignorer la rumeur... et se reposer.

Mais alors qu’elles s’avançaient, Kaleya se rendit très vite compte que derrière l’apparente paix qui régnait se dessinait une atmosphère désagréable de méfiance, de questions en suspension, de violence immobilisée. Elle pouvait bien faire comme si de rien n’était, le silence qui s’épaississait de secondes en secondes ne pouvait être ignoré.

Elle jeta un regard navré à Balsa : elle aurait tellement aimé pouvoir lui parler...
Mais c’était hors de question d’échanger des informations devant Octavia. Elle était certaine que la chimère était d’accord avec elle, aussi se tourna-t-elle vers la chasseuse de loups-garous d’un mouvement brusque, emprunt d’une certaine sécheresse.

" Bien. Maintenant que je suis à peu près en forme, avant que tu ne me tires dessus, il me semble que tu avais des questions à me poser... "

Elle était certaine que les réponses qu’elle fournirait ne conviendrait pas à la jeune femme et si la situation venait à mal tourner, la présence de Balsa était un avantage indéniable dont elle comptait bien profiter. Et elle tenait à informer la chimère que ses blessures lui avaient été infligées par Octavia.

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Octavia ne prêta pas attention le moins du monde à ce qu'aurait pu dire Balsa. Ni même Kaleya, malgré son impatience croissante d'avoir enfin ses réponses et de se remettre en route. Malgré la sorte d'excitation perfide qui la prenait à chaque fois qu'elle posait les yeux sur la Neko - sa part démoniaque qui la pressait d'utiliser Kaleya, de la briser, qui goûtait ses paroles, son être comme on le faisait d'un met délicieux avant de le savourer jusqu'à la dernière miette, ne laissant que des restes inutiles. Non, non. Quelque chose venait de l'atteindre, à travers tous les évènements qui s'enchainaient trop vite pour être bien captés.

Une odeur. Quelque chose de particulier. Quelque chose qui lui hérissait les petits cheveux de la nuque. Quelque chose qui la faisait vibrer de haine. Balsa était liée à...

"Octavia Sterenn, oui je connais Kaleya, je suppose que vous êtes avec elle..." lui répondit au final Balsa, avant de se tourner vers la neko. "Sortons d’ici. Je connais un endroit près de la rivière, peu fréquenté, parfait pour la tranquillité… qu’en dis-tu ?"
"J’en dis que c’est une très bonne idée..."

L'échange avait perturbé, pour un moment du moins, les pensées enfiellées et violentes de l'humaine. Malgré sa haine, qui hurlait pour devenir Vengeance, ce n'était pas le moment. pas maintenant. Les réponses de Kaleya, ensuite celles de Balsa, qui aurait à répondre de la souillure que Vi sentait sur elle. Et si les deux femmes lui apparaissaient dangereuses, ou trop souillées... Les cimeterres chanteraient une fois de plus l'aria sombre et venimeux de la vendetta d'Octavia.

L'humaine les suivit sans un mot, son regard de poix fixé sur le dos de Balsa. Ce serait si facile de lui enfoncer sa dague d'argent dans les omoplates... Elle n'aurait ensuite qu'à vaincre Kaleya, dont elle connaissait légèrement la technique. A moins qu'elle ne doive commencer par Kaleya ? Au moins, Balsa ignorait qu'elle pouvait se rendre intangible.

C'est avec difficulté qu'Octavia se déroba à ses songeries. Pas maintenant, pas maintenant. Il lui fallait des réponses. Ces bizarreries se devaient d'être expliquées. Abominations à éliminer ou bien mutations inoffensives ?

Le clapotis de l'eau lui permit de se focaliser dessus. Une rivière. C'était parfait, une rivière. C'était calme et joli, une rivière. C'était apaisant, une rivière. C'était surtout rouge, une rivière. C'était comme le fleuve. Rouge comme le sang qui s'écoulait. C'était la version miniature de ce fleuve... Le fleuve rouge du sang versé.

Octavia serra les dents et se retourna vers ses deux compagnes. Le silence qui s'était installé pendant qu'elle contemplait la rivière - qui n'était pas rouge, mais c'était encore une de ces hallucinations qui la prenaient de temps en temps - aurait pu se découper au couteau. Un silence étouffant. Mais beaucoup moins que ce qu'elle avait pu connaitre.

" Bien. Maintenant que je suis à peu près en forme, avant que tu ne me tires dessus, il me semble que tu avais des questions à me poser... "

Huh... Eh bien, on cherche à communiquer des informations à sa charmante copine...? Bah... au fond, Vi s'en fichait. Que Kaleya fasse ce qu'elle voulait. Elle n'était pas certaine de pouvoir battre les deux de front, mais du moins pouvait-elle les éliminer une par une, par ces frappes sournoises... On attaquait et on se retirait, et on recommençait jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de personnes à éliminer.

- De fait, tu les connais plus ou moins. Dis moi ce que tu es. Pas une Neko, cela je l'avais remarqué. Mais plus loin. Tu ne l'es pas totalement. Ou du moins tu le n'es plus. Dis moi qui tu es. Pas Kaleya Lhil, mais autre chose. Tu es la première à pouvoir me... flouer, dirons-nous. L'anomalie, tu te souviens ? Dis moi, et je serais satisfaite. Réponds moi, et je répondrais à tes propres questions...

Un instant, une seconde...

- A ce propos, Balsa, j'en aurais aussi pour toi.

Pour quelqu'un d'extérieur, cette question aurait été ajoutée bien innocemment. Mais chacune des femmes assises ici le sentaient. C'était loin, bien loin d'être innocent. L'Assassin Rouge se préparait, mine de rien, à se mettre en chasse s'il y avait proie.

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Pas un seul mot ne fut échangé durant la marche qui menait le petit groupe disparate au bord de la rivière. Kaleya et Balsa marchaient plus ou moins au même niveau, tandis que l’humaine préférait rester un peu en arrière. La chimère n’était pus dupe et elle savait très bien ce que cela signifiait. Octavia les surveillait, les jaugeait et devait sans doute se poser une foule de question quand à l’origine de leur lien ou simplement la nature de la chimère.

Elles restaient toutes les trois muettes mais ce silence ne pesait en aucun cas sur Balsa. Et puis, le bruit de la ville bourdonnait dans leurs oreilles, couvrant le bruit de leurs pas. Les pigeons voletaient de ci de là, les passants parlaient haut et fort, de choses que personne ne prit la peine de comprendre. Elles arrivèrent rapidement à destination. La chimère ne put retenir un sourire quand ses yeux balayèrent le décor où elle s’était retrouvée avec la neko, une petite année auparavant. Mais elle effaça cette expression de son visage bien vite.

Balsa releva le regard navré de Kaleya. Et lui répondit par un autre regard tout aussi parlant. Car oui, elle était heureuse et enthousiaste de l’avoir retrouvée. Mais non, il était hors de question qu’elle parle librement de tout ce qu’elle avait fait, tout ce qu’elle avait vécu depuis leur séparation. C’était rageant quelque part, car il y avait tant à dire. Et tant à demander aussi, que la curiosité de la chimère grognait en son ventre telle une bête que l’on n’avait pas nourrie depuis trop longtemps.

Mais il y avait cette femme, cette Octavia Sterenn. Déjà qu’elle n’était pas avenante et possédait un regard des plus inhumains, elle était en ce moment une gêne à la complicité des deux hybrides. Elle lui avait parlé d’un ton hautain et avait employé des mots bien trop familiers à son égard. Toutes ces raisons et d’autres moins explicables, tenant plus d’une mauvaise impression et d’une haine raciale, faisait que d’entrée de jeu Balsa ne portait pas cette étrange femme dans son cœur. Cependant elle et la neko semblaient avoir des choses à se dire, alors la chimère les laissa discuter, restant un peu à l’écart par bienséance, même si son ouïe guettait chaque parole qui serait prononcée.

- Bien. Maintenant que je suis à peu près en forme, avant que tu ne me tires dessus, il me semble que tu avais des questions à me poser...

Balsa regarda d’un air interrogateur, sourcils froncés, l’expression de Kaleya. Avait-elle bien entendu ? Cette Octavia avait-elle osé blesser son amie ? La chimère détourna le regard, laissant l’humaine répondre. Pendant ce temps, elle fustigeait et peinait à retenir le courant de colère qui semblait traverser chaque parcelle de son être.

- De fait, tu les connais plus ou moins. Dis moi ce que tu es. Pas une Neko, cela je l'avais remarqué. Mais plus loin. Tu ne l'es pas totalement. Ou du moins tu le n'es plus. Dis moi qui tu es. Pas Kaleya Lhil, mais autre chose. Tu es la première à pouvoir me... flouer, dirons-nous. L'anomalie, tu te souviens ? Dis moi, et je serais satisfaite. Réponds moi, et je répondrais à tes propres questions...

Cela faisait beaucoup de questions, trop même. Mais cela en soulevait surtout tout autant dans l’esprit de la chimère. Pas tout à fait une neko ? Une « anomalie » ? De quoi pouvait-elle bien parler ?... Mais le pire était à venir, dans l’innocence apparente de l’affirmation qui suivit.

- A ce propos, Balsa, j'en aurais aussi pour toi.

Une secousse électrique tiqua dans la nuque de Balsa. Alors là, c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase, voila que l’humaine se mettait à la tutoyer. Déjà que c’était à peine supportable de l’entendre investiguer sur Kaleya, cette promesse d’interrogations qui lui seraient destinées finit d’énerver totalement la chimère.

Elle avait beau tenter de se contenir, elle ne pouvait dissimuler cette colère qui éclatait, vrombissait et n’attendait que de pouvoir sortir en un éclair foudroyant. Mais par respect pour Kaleya, qui semblait accepter de parler avec l’humaine, Balsa gardait le silence. Elle resta là, mordant l'intérieur de sa joue, immobile en dehors de ses poings qui s’ouvraient et se fermaient sans qu’elle n’y fasse vraiment attention. Elle laissa la neko répondre sans perdre une miette de ce qui se dirait.

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Kaleya eut un sourire infime lorsqu'elle constata que Balsa avait bien saisi le message : Octavia était dangereuse, il ne fallait pas s'y fier. Elle perçut également la colère sourde qui grandissait chez son amie mais ne s'en inquiéta pas le moins du monde. Il y avait déjà suffisamment à craindre de l'humaine dont le regard avait reprit cette obscurité anormale, malsaine... Une nouvelle fois, la jeune neko ne put s'empêcher de ressentir ce curieux mélange entre peur et rage qui faisait souffler une tempête de violence sur son esprit. Elle en oubliait presque sa faiblesse physique et le risque que représentait l'affrontement...

Elle effaça ce désir irrationnel d'achever la conversation dans le sang en une profonde inspiration. Qu'est-ce qu'il lui arrivait ? Depuis sa rencontre avec la jeune femme, elle ne cessait de se laisser emporter par la peur, et comme tout problème qu'elle rencontrait, elle avait le réflexe de vouloir s'en débarrasser au fil de ses lames. Mais pour le moment, elle se devait de chercher une autre solution...

Le ton détestablement impérieux d'Octavia lorsqu'elle prit la parole l'aida à se raccrocher à son agacement plutôt que de se laisser aller à ses perceptions qui diffusaient une sourde panique dans ses veines. Et elle n'était visiblement pas la seule à être sensible à l'autorité que voulait leur imposer la jeune femme : Balsa semblait presque... vibrer d'indignation. L'impression d'énergie pure qui se dégageait d'elle était quelque peu effrayante, mais surtout intrigante. Depuis quand la colère se percevait-elle avec une telle intensité ?
Quoiqu'il en soit, Kaleya comprenait doucement que la situation avait atteint son point de rupture. Il suffisait simplement de souffler dans un sens ou dans l'autre pour briser l'équilibre...

Elle inspira une nouvelle fois pour empêcher ses réponses de se précipiter à sa bouche et d'ébranler la fragile et temporaire entente. Elle ne pouvait cependant se permettre de trahir Unded. Il lui fallait occulter cet aspect des choses en mettant l'accent sur l'infime partie lycanne dont elle avait hérité par sa morsure... et ne surtout pas se laisser déconcentrer par la surprise de Balsa...

" L'anomalie. Oui, bien sûr. Eh bien c'est une histoire un peu compliquée. Comme tu l'as si bien remarqué, je suis une neko. Mais je suis issue de l'union d'une neko et d'un humain. On peut donc dire que mon métabolisme est quelque peu particulier... "

Elle tentait de dissimuler sa nervosité derrière une légère ironie qui manquait cruellement de piquant. Et comment savoir si les yeux noirs de la jeune femme ne perçaient pas à jour ses émotions, ses pensées... et ce qu'elle dissimulait ? Comment savoir quelles autres capacités cachait l'étrange jeune femme ?

" Il y a quelques temps, reprit-elle en dépit de ses doutes, un... accident est arrivé. J'ai été mordue par un animal sauvage lors d'une chasse dans une forêt. Je n'ai pas réalisé immédiatement qu'il s'agissait d'un loup-garou. "

Elle laissa un instant planer cette déclaration durant quelques secondes, analysant la réaction
de son interlocutrice, étrangement soulagée d'en avoir fini avec ses explications.

" De par mes origines, cela ne m'a cependant pas affectée, et je pense que c'est cette odeur que tu as du percevoir sur moi... " acheva-t-elle.

Là, brutalement, le cours de ses pensées se figea. Elle venait de faire une erreur. Une ombre passa un instant sur son visage lorsqu'elle le réalisa. Pour une personne inattentive, parler d'odeur alors que cela n'avait été mentionné à aucun moment était sans réelle importance. Mais Octavia n'était pas inattentive, loin de là, et elle avait certainement saisit au vol l'expression désappointée de la neko.

Le sentiment de danger devint affreusement acéré et malgré elle, ses mains s'étaient déjà crispées dans l'expectative du combat.

" Rah, merde... jamais été douée pour parler, moi... *

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Vi sentit bien l'indignation de Balsa. Elle suintait de tous les pores de sa peau, et sublimait cette odeur... une odeur de souillé. Balsa y était du moins plus liée que Kaleya... Cependant, elle rejeta l'abomination de son esprit, se focalisant uniquement sur la Neko, la fixant, la perçant de ses yeux d'obsidienne, cherchant les signes du mensonge... Les yeux fuyants, la langue qui passait sur les lèvres, les mains qui se tordaient, la moindre posture, si elle croisait les bras ou non... Et Octavia en conclut ceci :

Kaleya était douée. Mais sa nervosité transparaissait un peu trop. Et, bien que Vi sache qu'elle pouvait parfois paraitre intimidante, cette nervosité était celle de quelqu'un qui disait partiellement la vérité. En dire la moitié de vrai, mentir de l'autre était généralement le meilleur moyen de rendre une histoire crédible... Sauf que la jeune femme avait passé sa vie à le faire. Elle n'était pas très douée quand elle laissait ses émotions prendre le dessus, elle le savait, mais si elle restait calme, maîtresse d'elle même, il n'y avait personne pour savoir si elle mentait ou non. Pas même Cheh-dahn. Vi savait donc reconnaitre ses propres techniques de dissimulation - elle ne les maitrisait pas toutes, cependant, loin de là, sinon elle aurait pu mettre à jour immédiatement son démon de maître.

Et là, quel ne fut pas son triomphe quand elle entendit Kaleya fourcher. Ses yeux sombres se mirent à briller, et un lent sourire étira ses lèvres minces... Cette sorte de sourire qu'à le chat devant le bol de crème, ou, oh plus alléchant des délices, le canari. Elle se repositionna donc, s'asseyant non plus en tailleur, mais adoptant la position que certains appelaient kiza. Toujours souriante, de ce sourire félin, presque cruel, elle baissa comme modestement les yeux, et quand elle les releva, elle pencha presque délicatement la tête sur le côté.

- Vraiment...? Alors pourquoi, puisque les gènes n'ont pas... "adhéré" à ton organisme, en portes-tu l'odeur...? murmura-t-elle, d'un ton particulièrement doux, lent, qui paraitrait compréhensif et quasiment maternel pour une autre. Mais voilà, chez Octavia, il n'y avait que cette impression sourde de malaise qui vous collait à la peau comme du miel par une chaude journée d'été.

Les yeux d'onyx aux longs cils bruns ne cillèrent pas, se contentant de fixer Kaleya, implacables. Balsa revenait à présent dans son esprit, mais comme une menace. Si Kaleya réagissait négativement, Balsa aussi, et inversement. Plus son odorat hyperdéveloppé humait le parfum de Balsa, plus l'anomalie lui apparaissait. Mais là, Vi était plus catégorique. Cette femme possédait des gènes. Ce n'était pas comme Kaleya qui avait juste l'odeur.

Sa décision était prise. Quand elle saurait si Balsa pouvait transmettre sa souillure infecte, elle aviserait. Si tel était le cas, elle tuerait Balsa, puis Kaleya, et avec cette odeur sur ses vêtements, se mettrait sur la piste du lycanthrope qu'elle côtoyait. Si non, elle ne les tueraient pas, mais partirait tout de même en chasse de ce lycanthrope, de passage à Reilor...

Sans attendre une réponse de Kaleya, Vi tourna la tête, un peu comme l'oiseau de proie qui lui avait valu son surnom, vers Balsa. Le sourire de chat - Octavia possédait un lien assez fort avec le monde animal... - s'élargit légèrement, vacillant vers le rictus presque dénaturé qu'elle arborait quand elle traquait ses proies.

- Et toi, Balsa ?fit-elle, toujours sans élever la voixJe... ne te poserai pas autant de question, mais juste une... juste une seule. Une petite... Rien d'important... Peux-tu transmettre ?

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Kaleya, par sagesse ou raison, répondit aux questions de l’humaine. Si elle évoqua sa généalogie sans problèmes, elle resta assez vague sur l’ « accident » que Balsa découvrait en même temps que Octavia. Ainsi donc la neko avait été mordue par un loup-garou, mais cela ne l’avait pas transformée. Dommage pour elle, ne put s’empêcher de penser la chimère. Elle avait toujours eut cette sorte d’admiration pour les lycanthropes. Même si elle n’avait jamais vraiment ressentit la proximité génétique qui la reliait à eux, elle aurait aimé pouvoir connaître et ressentir les effets de la transformation. Devenir un animal sauvage, aux instincts bestiaux et à l’anatomie canine parfaite, ces idées faisaient rêver la chimère.

Alors qu’elle se perdait à imaginer ce que l’on pouvait ressentir quand le corps changeait pour se faire si proche de la nature, elle retrouvait un peu de son calme. La tension qui parcourait ses veines baissait, car son attention n’était plus tout à fait à ce qu’il se passait autour d’elle. Mais un dernier mot de Kaleya bourdonnait dans son esprit comme un détail important qu’elle n’avait pas encore analysé, et cela la tira de ses songes éveillés. Quel était ce détail qui avait marqué son inconscient et tirait maintenant sur la sonnette d’alarme ? Balsa fit un effort de remémoration intense. La morsure ne l’avait « pas affectée » mais… l’odeur ! Elle avait parlé d’une odeur. La morsure était donc si récente ? Elle avait pourtant dit « il y a quelques temps », non ? Quelque chose clochait. Quelque chose que Octavia ne pouvait qu’avoir relevé, car elle devait être bien plus attentive que la chimère.

La réponse de l’humaine confirma les craintes de Balsa. Elle avait noté le mensonge par omission de la neko. Mais quel était donc cet acharnement ? Qu’est-ce que cela pouvait bien lui faire de savoir qui était Kaleya et quelles odeurs elle portait sur sa peau ? Que cherchait-elle au juste ? Cela intriguait, inquiétait, mais surtout énervait à nouveau la chimère qui sentit le courant revenir en elle aussi vite qu’il s’était dissipé à l’évocation des loups-garous. Octavia n’attendit cependant pas la réponse de la neko pour se tourner vers Balsa et poursuivre son investigation impunément. C’était rassurant sur un point car elle cessait d’embêter Kaleya, mais le ton et les mots qu’elle choisit à l’attention de la chimère lui dépurent fortement. Elle restait un brin hésitante ce qui signifiait soit qu’elle avait quelque part peur d’elle, soit qu’elle feignait cette peur pour l’amadouer.

- Moi ? Je ne suis pas le genre de personne que l’on tutoie innocemment. Et c’est tout ce qu’il y a à savoir pour quelqu’un de votre espèce.

Non, Balsa ne comptait absolument pas dire la moindre chose personnelle à cette femme bien trop curieuse. D’autant que sa colère l’empêchait de réfléchir correctement et qu’elle n’avait pour l’instant aucune idée de ce que Octavia pouvait bien entendre par « transmettre ». L’agacement était à son comble et si l’humaine insistait encore elle s’exposerait à des représailles bien plus violentes que de simples mots.

La chimère n’avait pourtant pas l’intention d’en arriver là. Tout ce qu’elle voulait, c’était pouvoir retrouver Kaleya, cette semi-neko dont elle était si proche de caractère. Après avoir fixé avec des yeux flamboyants de colère sur celle qui lui avait parlé si familièrement, elle posa un regard plus doux sur l’autre. Mais son expression restait ferme et déterminée.

- Tu comptes encore lâcher des informations à cette humaine Kaleya ? Parce que moi non. On ferait mieux d'aller se trouver une vraie tranquillité un peu plus loin.

Alors la chimère, dont le bras droit tiquait sous des impulsions électriques incontrôlées, fit mine de partir. Elle avança de quelques pas le long de la berge et se retourna vers les deux autres. Son regard était des plus mauvais, trahissant son raz-le-bol de la situation, ainsi que la limite qu’elles venaient d’atteindre, au-delà de laquelle il ne restait plus que l’affrontement physique direct.

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Kaleya détestait lorsqu'une situation partait en vrille et qu'elle en perdait totalement le contrôle. Généralement cela menait à un crash monumentale dont personne ne sortait indemne. Et là, à cet instant, tout semblait tournoyer à la limite extrême du décrochage. Elle le sentait dans tout son corps, si crispé que l'immobilité qu'elle lui imposait le faisait presque souffrir. C'était insupportable.

La lueur de triomphe dans le regard de son interlocutrice auquel la douceur tranchante de sa voix vint s'ajouter manqua de peu tout précipiter. Après tout, le mensonge était découvert, les paroles ne servaient plus à rien... Quelques mois plus tôt, Kaleya aurait bondi sur la jeune femme pour mettre fin à cette attente si pesante qui flottaient au-dessus d'elles. Mais depuis, elle avait appris à se maîtriser un tant soi peu. Elle attendit.

Dans les yeux noirs qui la fixaient, la jeune neko croyait lire toute cette violence que chacune d'entre elles retenait. Si elle n'avait été l'une des actrices principales de la scène, Kaleya l'aurait d'ailleurs trouvée très intéressante et en aurait attendu le dénouement avec un certain enthousiasme. Mais voilà, toutes ses pensées étaient tournées vers la réponse qu'elle était supposée donner à Octavia. Pouvait-elle répondre sans trahir l'existence d'Unded ? Mais après tout, elle était certaine que la jeune femme se doutait déjà de son existence. Etait-elle capable de se servir de l'odeur qu'elle percevait pour chercher la trace du loup-garou, comme un chien ? Elle aurait bien de la peine, vu la foule d'odeurs que recelait la ville, dont certaines étaient particulièrement nauséabondes. Non, même un chien ne pourrait retrouver la trace du jeune homme, à moins de le croiser...

Malgré elle, Kaleya se sentit soulagée. Son désir de protéger le lycanthrope ne venait pas particulièrement d'une quelconque amitié, elle ne lui avait que très peu parlé. Mais par principe, elle était bien décidée à ne trahir aucun membre du groupe hétéroclite qui l'acceptait malgré ses sautes d'humeur et son passé. Et surtout, de manière totalement intéressée, elle était bien consciente que si Octavia venait à retrouver la trace du jeune homme, elle découvrirait le reste du groupe, et que cela les placerait dans une situation délicate. Eux tous, dont elle-même, et cela ne l'arrangeait pas.

Le seul moyen efficace pour la jeune femme de retrouver le loup-garou sans passer des jours et des jours à errer dans la ville dans l'espoir de le rencontrer, était donc que la jeune neko le mène à lui. Ce que bien sûr, elle ne ferait pas. Il était donc protégée.

Toutes à ses réflexions, elle n'eut pas même le temps de répondre qu'Octavia se tournait déjà vers Balsa :

" Et toi, Balsa ? Je... ne te poserai pas autant de question, mais juste une... juste une seule. Une petite... Rien d'important... Peux-tu transmettre ? "

Kaleya haussa un sourcil : mais de quoi parlait-elle donc ? Et à quoi jouait-elle, avec toutes ses hésitations qui échouaient lamentablement à lui donner un air détaché ?

La réponse de Balsa ne tarda pas à se faire entendre, claquant dans l'air comme un coup de fouet marquant le point final de la discussion. La vrille incontrôlable de l'instant se stabilisa d'un coup au ras du sol. Mais il suffisait encore d'un vent contraire pour le précipiter contre les rochers à quelques mètres de là...

D'ailleurs il semblait bien que la colère qui brûlait dans le regard de la chimère n'avait besoin que d'un souffle pour s'attiser et devenir rage. Avec un certain amusement qui dissipa la gravité de la situation dans son esprit, Kaleya se demanda soudain si Octavia lui ferait ce plaisir.

" Tu comptes encore lâcher des informations à cette humaine Kaleya ? Parce que moi non. On ferait mieux d'aller se trouver une vraie tranquillité un peu plus loin. "

La jeune neko ne ressentait curieusement pas de fureur face au comportement d'Octavia. En revanche, le désir rageur d'en finir, oui, et la proposition que lui faisait Balsa lui semblait terriblement attirante. Même si elle savait qu'il était très peu probable que cela les mène la tranquillité, elle imaginait avec un plaisir totalement puéril l'expression que ferait Octavia, au comportement si autoritaire, si elles la plantaient comme ça, au bord de la rivière.

Un léger rire lui échappa à cette dernière image. Il vola un instant dans le vent avant de s'éclater en fine poussière, résonnant entre elles de manière totalement décalée. Un sourire dans le regard, elle croisa ceux emplis de rage de Balsa qui s'était déjà éloignée de quelques pas.

Elle ne se retourna pas une seconde vers l'humaine et s'en alla rejoindre la chimère d'un pas qui se voulait nonchalant. Pourtant, derrière l'apparente insouciance qu'elle laissait apparaître, malgré le sourire qu'elle arborait, son esprit et ses sens demeuraient aiguisés. On ne tourne jamais le dos à un potentiel adversaire. Oui, mais voilà, parfois les règles doivent être enfreintes.
Elle se fiait donc à ses réflexes inhumains et son ouïe légèrement plus développé que la moyenne pour esquiver l'assaut éventuel d'Octavia. Mais elle n'oubliait pas qu'elle était blessée, la douleur sourde qui courrait dans son bras ne le lui permettait pas, et elle comptait particulièrement sur le changement d'expression de Balsa si la jeune femme venait à l'attaquer.

Elle n'avait pas droit à l'erreur...

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Les paroles de ses deux interlocutrices résonnèrent un moment. Interloquée, Octavia n'osa pas répondre. Quoi...? On ne lui répondait pas ? Pourquoi ?

L'éducation de la jeune femme était telle qu'elle n'imaginait même pas qu'on puisse lui mettre des bâtons dans les roues une fois le mensonge découvert. Habituellement, les personnes qui lui mentaient, une fois leur secret dévoilé, baissaient les yeux, se muraient dans un mutisme qui ne durait jamais longtemps, la toisaient avec hargne mais ne soutenaient pas les deux feux noirs de son propre regard. D'autres, encore, s'effondraient en larme et imploraient sa pitié. Choses qu'elle accordait avec plaisir. Bien qu'ils aient mentis, ils lui avaient donné la vérité et la suite de la piste.

Mais jamais, non, jamais, on ne lui avait tourné le dos. Et cela la mit dans une rage folle, plus que l'idée de devoir pister dans une ville emplie d'odeur celle que Kaleya portait sur elle - preuve évidente de son estime d'elle-même.

Autoritaire ? Octavia l'était. Il le fallait bien, quand elle traquait. On ne pouvait se permettre d'être lâche, d'hésiter. Hésiter une seule seconde était généralement synonyme de mort, lorsqu'on combattait les Souillés.

Arrogante, orgueilleuse ? Bien qu'elle se soit soumise à Cheh-dahn, bien qu'elle lui obéisse en tout point, bien qu'elle ait perdu une partie de ce feu qui la mettait bien souvent dans des situations impossibles, après l'attaque... Elle l'était resté. Beaucoup trop.

Et ce fut son orgueil qui en pris un sacré coup. Elle serra les dents, tandis qu'un voile rouge tombait sur ses yeux - les hallucinations recommençaient, mais Vi n'en avait cure. Elle se releva avec lenteur, les articulations blanchissantes sous la pression de ses poings, la mâchoire douloureuse. Toute entière à sa rage, elle ne se rendit pas compte que son démon de maître lui avait envoyé plusieurs émotions, lui indiquant qu'il venait aux nouvelles. Physiquement.

- Espèce de sale petite... !

Elle ne put terminer sa phrase. Ce n'était pas à cause de la rage, oh non... Mais par une terrible sensation. Un sentiment qui lui tordait les entrailles, la faisait frissonner... La peur. Cheh-dahn arrivait. Cheh-dahn était tout près.

- Oh non, non, non, non, non !

La douleur que lui procurait la trop grande proximité avec le démon lui vrilla les tempes. Son oeil gauche rougit, se fendit. Ses cheveux et ses vêtements se soulevèrent, portés par un vent que seuls les semblables de Cheh-dahn pouvaient ressentir. Ses yeux se levèrent vers Kaleya et Balsa. Elles lui avaient menti, elles avaient refusé de lui répondre, mais... Kaleya du moins était innocente.

- Non, non, non, non, non !
- Oh si, ma belle susurra une voix sifflante et onctueuse.

Vi se retourna brusquement, croisant les yeux d'un rouge brûlant de Cheh-dahn. Les siens s'écarquillèrent de terreur pure. Elle recula d'un pas. Même à moitié immatérielle, le revers du démon la projeta avec violence contre l'arbre le plus proche. Bien que son oeil restât rouge, elle reprit sa consistance. Sonnée, ne pouvant reprendre sa respiration, elle ne vit que le pas flottant du démon se rapprocher, d'une vision floue et larmoyante. La main griffue du démon la saisit à la gorge et la souleva avec cruauté.

- Ah... Jolie poupée brisée, tu as encore fait des folies, hein...? Non seulement tu songes à ne plus te venger, mais en plus tu fais ami-ami avec tes proies...?

Seul un gargouillis lui répondit. Le démon desserra sa prise, reposa la jeune femme sur le sol, mais garda sa main puissante autour de son cou. Vi toussa, cracha, les larmes aux yeux.

- P... Pas... ç...ça. articula-t-elle avec difficulté.
- Oh... Vraiment...?

Peut-être était-ce voulu, peut-être pas... Mais le ton employé par Cheh-dahn, l'intonation de sa voix de miel et de venin avait pris exactement celui d'Octavia quelques instants plus tôt. La main se resserra peu à peu.

- Vraiment...?

Octavia commençait à manquer une fois de plus d'air

- Vraiment...?
- P... Pardon !!

Un couinement de souris... Cheh-dahn eut un sourire acéré. Tournant brusquement la tête de sa "protégée" sur le côté, regardant la fine cicatrice. Son sourire s'effaça tout aussi vite qu'il était arrivé. Il projeta Vi sur le sol et se tourna vers les deux autres femmes, enfin, comme s'il remarquait finalement leur présence, comme si auparavant elles n'étaient qu'insectes.

- Laquelle t'a fait ça ?
- N... Non ! Elle... elle est innocente !
- La seule innocente à tes yeux pourrait être la Neko... Elle n'est pas vraiment innocente, Vi. Elle couvre ses arrières. L'autre ne vaut pas mieux. Mais... Tu ignores si elle peut transmettre sa souillure. Tue la. Je m'occupe de celle qui a marqué ce qui m'appartient. Ensuite nous parlerons un peu, tout les deux...
- Non ! Pas Kaleya ! Elle ne peut pas...
- Tu me brises le coeur, Octavia Messalina Caecilius Valerius de Sterenn. Aurais-tu déjà oublié qui t'a sauvée...? Obéis. Nous discuterons après de ton châtiment pour avoir échoué, pour t'être laissée berner par deux petites vermines...

La jeune femme baissa la tête. Elle remonta son masque sur le bas de son visage, rabattit sa capuche, sortit ses cimeterres de leurs fourreaux. Puis elle releva la tête, d'abord vers le démon, pour qui elle eut un mouvement d'assentiment, puis vers Kaleya et Balsa.

- Ravi de voir que tu reviens dans le droit chemin, Vi. Bien... Ainsi donc, Kaleya (il goûta le prénom comme l'avait fait avant Octavia) , tu as abimé mon bien ?

Un sourire sardonique découvra la redoutable dentition du démon. Un instant, une seconde, et il disparut, s'étant littéralement évaporé, reprenant consistance à côté de sa proie. Il lui mordilla l'oreille avant de s'éloigner.

- Je vais t'apprendre ce qu'il en coûte de toucher à ce qui ne t'appartient pas...

Spoiler:

» Octavia Sterenn
» De la sédition [PV Dante/Octavia]
» C'était par où le port déjà ?... [Octavia]
» Lorsque les rêves prennent de l'ampleur
» Quand on tombe sur quelqu'un (dans les deux sens du terme) ... [Allen]

Lorsque deux sales caractères se rencontrent... [Octavia]

Lorsque deux sales caractères se rencontrent... [Octavia]

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